Elles s’appellent Kateryna, Olha et Yevheniia. Elles sont ukrainiennes et, lorsque la Russie a commencé à envahir leur pays il y a maintenant plus d’un an, comme des millions d’autres personnes elles ont dû fuir l’Ukraine et changer de vie. Elles essaient désormais de retrouver une vie normale en poursuivant leurs études à l’université de Caen Normandie.
Fuir la guerre
Au matin du 24 février, l’Ukraine est surprise. Les troupes russes ont traversé la frontière, et les principales villes du pays sont bombardées. Comme une grande partie de la population, Olha Cherniakova cherche quoi faire. Elle se hâte de rejoindre une autre partie de l’Ukraine, où elle reste jusqu’en août chez une amie de sa mère pour ne pas être piégée à Kiev face à l’avancée des troupes russes.
« Un jour, nous avons reçu un appel d’amis nous disant qu’ils avaient l’intention d’aller quelque part à l’étranger mais qu’ils ne savaient pas où. Je ne pouvais pas emmener ma famille avec moi, et une amie qui était sous l’occupation et venait de réussir à s’échapper le matin m’avait écrit que si j’avais la possibilité d’aller quelque part, je devais le faire. En quinze secondes, j’ai dû prendre une décision et quitter mon pays. »
Olha Cherniakova, étudiante à l’IAE de Caen et réfugiée ukrainienne
Originaire de Marioupol, où résidait sa famille au début de la guerre, Kateryna Bobrovska se trouve elle aussi à Kiev lorsque les bombardements commencent le 24 février. Elle réussit à quitter la capitale le 11 mars grâce à la voiture de son oncle. Après « un chemin très long de 5 jours, pour traverser la Pologne et l’Allemagne », Kateryna réussit à rejoindre la France où elle est accueillie en Normandie par des amis de sa famille, sa « deuxième famille » désormais.
Pour Yevheniia Pohribna, le parcours est différent. Lorsque la Russie attaque l’Ukraine, elle se trouve à Poltava, dans le centre de l’Ukraine, où elle fait ses études de médecine. « J’ai dû réserver un bus. On nous a conduit en Pologne où je suis restée pendant quelques semaines. Ensuite j’ai pu venir en France avec un ami ».
Reprendre des études
Après quatre années en droit international, ainsi qu’un diplôme en art et en enseignement de l’anglais, Yevheniia s’est retrouvée confrontée à la barrière de la langue. Elle ne pouvait « pas trouver de travail sans connaître le français », et a donc cherché à trouver des cours pour s’intégrer dans son pays d’accueil. N’ayant « jamais étudié » le français, elle profite des cours dispensés par le Carré international et décide en parallèle de s’inscrire à l’IAE, en master management et commerce international, un diplôme dont l’ensemble des enseignements sont dispensés en anglais. Un moyen de « pouvoir faire quelque chose en apprenant la langue » pour Yevheniia, avec des étudiants venus de nombreux pays différents d’Europe, d’Afrique ou encore d’Asie.
Diplômée de plusieurs licences, notamment en sciences politiques, sa « passion », Olha décide elle aussi d’intégrer le même master. Étant passée par la région parisienne, elle souhaitait pouvoir poursuivre des études tout en apprenant la langue française. Elle dispose de 2h de cours par semaine au Carré International pour découvrir « les bases de la langue, comme la grammaire », mais garde encore des difficultés pour s’exprimer et tenir une conversation. Une langue ne s’apprend pas en un jour.
Kateryna, quant à elle, connait bien le français, ce qui lui permet de poursuivre actuellement ses études de médecine.
« J’étais en 5ème année de médecine en Ukraine. Ce n’était pas facile d’intégrer des études de médecine en France, mais on m’a aidé et j’ai reçu l’acceptation de l’université pour confirmer mon niveau de français. Au mois de mai, j’ai appris que l’UFR santé était prête à m’accueillir en 4e année. J’ai commencé en septembre, et après mon test de français j’ai compris que mon niveau de langue n’était pas suffisant pour moi personnellement. J’ai donc fait un stage de trois mois à Alençon pour apprendre le français médical et être prête pour cette année. J’ai aussi un soutien linguistique de 2h par semaine, au Carré International, qui m’aide beaucoup. »
Kateryna Bobrovska, étudiante en médecine et réfugiée ukrainienne
Vivre à nouveau
Actuellement en stage de cardiologie au CHU de Caen Normandie, Kateryna s’intègre en France mais met la priorité sur ses études qui sont exigeantes. « Je suis heureuse de poursuivre des études ici et de pouvoir faire ce que j’aime le plus, la médecine. »
Pour Yevheniia et Olha, l’enseignement en anglais les aident à s’intégrer avec des personnes issues de cultures différentes. Dans leur master, « il y a une bonne communication avec un public international, issu de cultures différentes » d’après Olha. « C’est quelque chose que je ne pouvais pas imaginer vivre un jour ». Une forme de début de retour à la vie normale.
« Il y a une nouvelle normalité. C’est en fait fascinant la façon dont les gens peuvent normaliser la situation dans laquelle ils vivent. Vous vous habituez juste aux choses. Vous vous adaptez très rapidement à la situation. En Ukraine, il y a une sorte de culture d’économiser de l’argent pour plus tard, donc nous avons manqué beaucoup de vacances avec ma famille et maintenant nous regrettons un peu de ne pas avoir pris le temps d’y aller. Maintenant, il faut essayer de vivre différemment. »
Yevheniia Pohribna, étudiante à l’IAE de Caen et réfugiée ukrainienne
Une université socialement engagée
L’université de Caen Normandie, comme d’autres établissements en France, a une tradition d’accueil et d’aide des étudiants et chercheurs en exil. Au fur et à mesure des années, l’université a adapté ses dispositifs d’urgence en fonction des crises pour aider au mieux les étudiants exilés à poursuivre leurs études.
« Depuis le 24 février 2022, toutes les équipes de l’université de Caen Normandie se sont mobilisées pour accompagner les étudiants suite à la crise ukrainienne. La cellule de crise a ainsi pu accompagner les étudiants déjà présents sur nos campus en mettant en place des dispositifs spécifiques (cellule psychologique, aide financière d’urgence, emploi étudiant). À l’image des autres établissements d’enseignements supérieurs, nous avons également accueilli de nouveaux publics dans des formations en Français Langue Étrangère ou lors d’écoles d’été. Plus de 200 demandes étudiantes ont été traitées et pour certaines orientées en septembre 2022 vers nos composantes ou nos formations de DUEF et de DUPEX, grâce au soutien de la Région Normandie. Plusieurs chercheurs en exil ont également été accueillis au moyen du programme PAUSE. Cette mobilisation de l’ensemble de l’établissement se poursuit actuellement afin de faire face à cette situation de crise et est à souligner. »
Christophe Rochais, vice-président délégué au développement international de l’université de Caen Normandie
À ne pas rater
La seule diffusion à Caen du film ‘’Marioupol. L’espoir n’est pas perdu” réalisé par Max Lytvynov aura lieu à l’université.
À l’issue de la projection, un bilan de la situation en Ukraine un an après le début de la guerre sera dressé par Boris Czerny, professeur des universités à l’université de Caen Normandie, spécialiste du monde russe et de l’Europe de l’Est, membre de l’Institut universitaire de France. La soirée sera conclue par un échange sur le film et la guerre en Ukraine avec Oleksandr Borzenko, enseignant chercheur ukrainien accueilli en France dans le cadre du programme PAUSE, des réfugiés ukrainiens et l’équipe du film.