Dossier : Ethos et Pathos


«Je say que chacun le dit:
mais s’il est vray, j’en doute»

Le naturel éthique de Louise Labé

Danière Duport

Université de Caen Basse-Normandie

danieleduport@club-internet.fr

Louise Labé choisit de toujours substituer au discours sur l’amour et au lyrisme conventionnel une parole vraie : ainsi réactivé, l’ethos imprime sa marque sur les ressorts du pathos. La fureur poétique, issue du corps et de l’émotion, dirigée par Folie qui préside au désordre du monde, commande un style naturel.

Louise Labé always cooses to substitute the word from the heart to the expected discourse on love and to the conventional lyricism: thus reactivated, Ethos imprints its stamp on Pathos moving forces. The poetic Furor, born of the body and the emotions, impelled by Folie that presides over the disorder of the universe, commands a natural style.

Dans La Deffence Du Bellay appelle de ses vœux le poète «qui me fera indigner, apaiser, ejouyr, douloir, aymer, hayr, admirer, etonner, bref, qui tiendra la bride de mes affections, me tournant ça et là à son plaisir». La phrase, calquée sur L’Orateur de Cicéron, rappelle que bouleverser est bien l’objectif de La Pléiade, à condition d’y ajouter que la poésie, investie par la fureur divine, doit produire un transport si intense qu’il arrache l’âme du corps pour lui faire contempler la Beauté. Bouleverser et réjouir par la perfection esthétique, tel est le pacte du rapt poétique au fondement de la poésie amoureuse de la Renaissance.

Assurément le but du poème est bien d’«étonner» et Louise Labé a choisi de le faire autrement. L’étonnement devant les Evvres tient aussi aux interventions assumées par un locuteur au nom de la vérité. À propos du topos le plus fameux de l’Amour archer et de l’innamoramento par les yeux, Mercure ose : «Je say que chacun le dit : mais s’il est vray, j’en doute». La logique du principe de réalité se poursuit et les dieux sont conviés à «n’avoir point respect aus noms […] mais regarder à la vérité et dinité des choses». Ce mode de discours disséminé impose une persona poétique aussi provocatrice que celle de Ronsard en tête des Odes et signale aussi bien une dimension métapoétique qu’une voix «à part».

Le réinvestissement de la réalité dans le débat platonicien et néo-platonicien sur l’amour, la place de la subjectivité dans le lyrisme des cycles poétiques imposent une parole de vérité. Il paraît alors que bouleverser se charge d’un sens différent. Nous choisissons d’observer comment le sujet revient au centre de l’acte d’écrire, comment le movere ne va pas sans une volonté de bousculer qui promeut le sujet lyrique sous certains traits.

Imposer la vérité du locuteur au cœur de la tradition lyrique, ce qui relève bien sûr aussi d’une stratégie topique, soumettre à la vérité l’ethos qui imprime à son tour sa marque propre sur le système élaboré pour persuader, c’est prendre place dans la réflexion horacienne sur l’art dans ses rapports avec la nature réactivée avec Erasme, se référer à la notion très centrale du naturel.

Ethos et pathos : de l’opposition au renforcement mutuel

Face à la simplicité stylistique et à la sensualité des sonnets, soulever des questions de rhétorique pure, tels que l’ethos et que le pathos, paraît surprenant ; pourtant les Evvres développent fréquemment la dimension réflexive du texte et des prises de position théoriques tout à fait éclairantes sur la poétique.

Rappels

S’il est nécessaire de laisser de côté Aristote, dont l’imprégnation est difficilement repérable dans les années 1550, nous nous référerons à Cicéron, si imité que cette imitation jugée excessive par Erasme lui a inspiré le Ciceronianus en 1528. Nous retiendrons d’une définition plus complexe que l’ethos entre en opposition avec le pathos. Le premier se construit sur l’image que l’orateur donne de lui-même, de ses mœurs et de son tempérament. Il concerne aussi la connaissance qu’il a des valeurs morales partagées par l’auditoire. Le savoir-faire compose en outre l’ethos. Par son ethos l’orateur s’assure la bienveillance, par le pathos il émeut violemment pour entraîner la persuasion. Les caractères de l’ethos, bonté, douceur, calme, gentillesse, humanité, charme pour les auditeurs, ne suscitent que des émotions légères, sans que cela exclue tout à fait une certaine vivacité qui peut prendre des formes diverses.

Le pathos, obtenu à la fois par les lieux choisis et par les procédés d’elocutio, touche également les autres parties de la rhétorique comme la dispositio et l’actio. Mais Cicéron reconnaît à la très grande éloquence le pouvoir d’enflammer par une force particulière qui tient au savoir-faire, au génie propre, plus qu’aux ornements. Selon les causes, l’orateur appuie plus sa plaidoirie sur l’ethos que sur le pathos, même si la primeur est donnée au second.

À côté de l’oratio publique existent les formes du sermo, de la conversation privée,et de la disputatio, du dialogue, présentées par Quintilien, que caractérise une certaine familiarité sans art, qui se retrouve dans le colloque érasmien. À l’opposé de Cicéron et de Quintilien, pour qui le pathos prime dans l’éloquence d’apparat, Erasme, dans Ciceronianus,préconise une rhétorique tournée vers une éloquence plus naturelle, qui ferait dépendre la persuasion de l’ethos, qui serait adaptée au tempérament de l’orateur et au sujet dont il parle, «centrée sur le bien et sur le vrai plutôt que sur le beau». «Son sublime consistera dans l’emploi singulier et inimitable de la langue de tous».

Ethos contre pathos

Dans les Evvres de Louise Labé, l’opposition entre les deux pôles est très franchement formulée. D’abord l’épître précise les contours d’une persona en quête de reconnaissance, le je féminin s’inclut dans le nous des dames lyonnaises, s’avance derrière Clémence de Bourges pour revendiquer la gloire des lettres quand la naissance ne peut lui assurer ce statut. Une persona humble, à cause de l’absence de réputation et de naissance, implique que des qualités propres lui soient reconnues, ce que les Evvres vont abondamment démontrer. Même position franche à l’égard du pathos. Folie elle-même, dans le Débat, rejette les larmes comme moyen de l’actio oratoire. La profession de foi de Mercure, en fin de son exorde, annonce une plaidoirie en marge :

Apolon, qui ha si long tems ouy les causeurs à Romme, ha bien retenu d’eux à conter tousjours à son avantage. Mais Folie, comme elle est tousjours ouverte, ne veut point que j’en dissimule rien : et ne vous en veut dire qu’un mot, sans art, sans fard, et ornement quelconque.

Vérité ou sincérité éthique vont de pair avec le rejet des artifices propres à la persuasion et avec la postulation d’une éloquence directe et efficace. La déclaration vaut pour l’ensemble des Evvres. L’éloquence d’apparat, annoncée par l’exorde du dieu de l’harmonie et de la beauté, devient plus familière chez le porte-parole de Folie : l’hypotaxe est souvent remplacée par une syntaxe coupée, la plaidoirie ressemble davantage à une conversation, les questions oratoires, fort nombreuses, prennent un tour plus simple. On se reportera à la page 84, dominée par des coordinations nombreuses, une phrase au souffle plus court, de la parataxe. L’éloquence judiciaire et encomiastique entraîne les affects par tous les moyens rhétoriques, invention des arguments, disposition et procédés ; Apollon le sait bien qui déploie ces effets dans le style élevé de son exorde, quand l’exorde opposé de Mercure préconise la simplicité et le choc d’arguments inattendus. Ce refus du sublime oratoire et d’un pathos voyant, dans la sorte de dialogue d’amour qu’est le Débat, fait place à la lyre simple dans les recueils poétiques, lyre bien étrangère au style élevé des dizains de Scève et des sonnets de Ronsard.

Les sonnets dénoncent le pathétique feint des topoï pétrarquistes, en particulier celui de l’éloge des beautés, mais aussi les constructions syntaxiques topiques comme la liste d’apostrophes, la répétition entraînant les anaphores des subordonnants et les homéoptotes qui s’ensuivent, le suspens de la phrase soutenu par une énumération, tous ces tours de Pétrarque amplifiés par les Italiens et par les Français, tout ce qui produit l’émotion poétique passe chez Louise Labé pour un pathétique affecté. «Tout le beau que l’on pourrait choisir» du sonnet XXI commente les artifices de l’encomium amoureux. Les sonnets II, XXIII blâment la rhétorique mensongère et ses effets violents sur le cœur de l’amante : «Tant de flambeaux pour ardre une femelle». C’est à grand renfort de topoï que la lyrique masculine construit une persona trompeuse. Artifices de l’art, ils sont le fait d’une posture poétique qui envoûte comme la lyre d’Orphée. Au contraire, la poétesse choisit une posture tout aussi voyante, mais le sujet s’installe dans une distance critique : Folie souhaite que ne soit pas utilisée la rhétorique féminine des larmes et confie sa défense à Mercure ; le locuteur des sonnets juge ironiquement l’arsenal pathétique de la lyrique conventionnelle. Sont opposées l’irréprochable perfection du poète pétrarquiste, qui «si parfaitement/Louas jadis et ma tresse dorée/Et mes yeux», dans le sonnet XXIII, et l’entreprise de falsification et de séduction conjointes, manifestes dans la doxa lyrique taxée de «malice». L’ethos est revalorisé au nomde la vérité de l’écriture contre les poétiques pathétiques, tant dans l’éloquence publique de Mercure que dans l’éloquence poétique. Pourtant, si nous comparons la fonction du poète selon Du Bellay au but avoué dans les élégies et dans le sonnet XXIV de produire l’empathie des lectrices, il est clair que les moyens de la persuasion ne sont pas condamnés, mais plutôt les visées qui président à l’émotion. Les unités successives composant les Evvres, malgré les différences génériques et avec persistance, posent le renforcement mutuel de l’ethos par un autre pathos.

Modalités de l’accord entre pathos et l’ethos

La nécessité de toucher fait l’objet de plusieurs réajustements.

À l’intérieur même de la convention du jeu lyrique, assumé comme tel – c’est le propre du sonnet de retourner les arguments dans ses derniers vers et de surprendre – l’argument topique est développé, puis certains sonnets introduisent à la fin une rupture brutale entre la rhétorique pathétique du début consacré, par exemple, à la beauté de l’aimé ou à une prière à Vénus, et la rhétorique éthique tournée vers le sujet dans le sonnet II notamment. Le lieu commun est alors recentré dans la conscience subjective, en général par une réactivation dialogique : l’envahissement des pronoms signale la rupture. «Je» s’adresse à «tu» dans les sonnets II et XXIII,«je» prend à témoin son cœur dans le sonnet XI. Ces clausules ramènent le «je» souffrant au cœur de l’acte d’écrire. Nous pourrions alors retenir, comme trait le plus saillant de cette esthétique éthique, en regard du conventionnel développement topique, la distance ironique autorisée par tous les prédicats porteurs de connaissance – je sais a la caution de je sens, de je vois -, ou porteurs d’une accusation, «de toy me plein» dans le sonnet II, ou d’une marque de réflexivité au sonnet XVIII, comme «penser quelque folie». L’ironie acquiert d’autant plus de relief qu’elle se confond avec la pointe. Et elle est précisément dans les sonnets la marque éthique dressée contre la doxa lyrique. La brutale dénonciation ironique à l’égard des pratiques d’écriture fait absolument dépendre le pathétique d’un seul sujet écrivant et non pas de la tradition.

Ce nouveau pathos, par sa dimension polémique, repose plus encore que sur les procédés habituels, sur une confrontation discordante des voix, sur le mélange des tonalités, lyriques et polémiques, élevées et basses, mélange propre aux voix mêlées de la satire. Est typique l’intrusion du terme exogène, «femelle», dans le sonnet II. Cependant, la dichotomie au fondement de la poétique des sonnets II et XXII, par exemple, entre elle-même en écho discordant avec les sonnets fluides et unis qui chantent le rêve d’union ou qui se désenchantent de la souffrance. Cet écho manifeste un accord étrange avec la tradition lyrique ailleurs repoussée.

La correction opérée sur le pathos par l’ethos serait encore lisible dans l’étonnante manipulation de la réception que ces effets mettent au jour. La valeur illocutoire de l’énoncé se découvre a posteriori, par exemple dans les sonnets II, XVIII ou XXII, et à mesure, mais le lecteur a été volontairement égaré dans un premier temps vers une lecture topique traditionnelle tout au long du sonnet italien et jusqu’au vers 11 du sonnet suivant. Ce programme de déstructuration de l’adhésion, autour du blason des beautés dans le sonnet II, se poursuit ensuite avec d’autres lieux communs tels la célébration de la fusion mystique et l’harmonie cosmique que l’amour reproduirait. Une telle poétique vise la valeur perlocutoire et, de surcroît, celle-ci entraîne vers les incertitudes du sens. Malgré la simplicité apparente de sa poésie, Louise Labé retrouve le pouvoir de persuasion des obscurités poétiques que multiplient les recueils contemporains.

La distribution générique des Evvres entraîne également le contrôle du pathos par l’ethos. L’éloquence judiciaire du Débat de Folie et d’Amour, qui adopte plutôt l’apparence du traité sur l’amour ou du dialogue, impose au style, dans sa dernière partie, la simplicité et la banalité tragique des choses vues par les yeux de Folie. Quoique rieuse,elle se montre tragique dans la mesure où elle introduit dans l’amour un principe destructeur qui confronte le sujet à l’échec. Quant aux élégies, elles peignent la genèse de l’écriture au cœur même de la souffrance : l’émotion qui les porte doit être domptée pour que le chant jaillisse. Le genre plus intellectuel du sonnet isole l’ethos par la nature hautement réflexive et intertextuelle du jeu poétique. Dans les trois cas, le but de toute rhétorique, persuader, se trouve entièrement soumis au relief que prend le locuteur, à travers les changements de perspective générique.

La vérité éthique

La mise à distance du pathos, et plus largement celle de l’art, promeut le sujet dans chaque unité de cette petite œuvre. La persona poétique se construit sur l’affirmation constante de la vérité éthique.

Ethos discursif

C’est à proprement parler un ethos discursif que les Evvres élaborent tour à tour.L’épître précise clairement l’image de la femme dans la société de 1550, celle de l’énonciateur, antérieure à l’énonciation. La réputation qui précède l’orateur, telle que la conçoit la rhétorique classique, se gagne pour Louise Labé à travers l’épreuve de l’écriture qui confère «gloire» et «honneur». Combat finalement remporté, comme l’attestent les éloges de ses contemporains. L’image que l’on se fait des tâches ordinaires de la femme, appelée à être troublée par le fait de «mettre en lumière» les textes, se complique, pour son public, d’une image latente et négative de l’honnêteté féminine, puisque la femme est par avance soupçonnée de vice. Aussi l’audace d’avoir écrit et d’être publiée, audace réelle pour une cordière française, mais pas pour une Italienne, doit-elle être justifiée par la multiplication des figures honnêtes du locuteur. Folie, de mauvaise réputation, ou pire «inconnue», se livre telle qu’elle est : elle sait une vérité bafouée. Faible, elle recourt à un médiateur masculin habile et espiègle. À partir des verbes opposés, «savoir» pour Folie et «méconnaître» pour Amour, le Débat s’achemine versl’aveu d’une incapacité du langage qui voile le sens, ou mieux d’une mainmise du pouvoir sur le langage, non pas du savoir, encore moins du faire. Pourvu au début de la seule force de son savoir, un sujet émerge de ce dialogue qui convainc de la vérité d’un dire né de l’expérience, cautionné par les choses, non par les théories. La tactique du dialogue consiste à faire passer le dire sur l’amour au crible de la vérité de l’expérience subjective . Folie invite Amour à voir avant que de parler : «regarde si tu vois quelque chose de toymesme». À partir de ce «savoir», le sujet qui s’est avancé derrière Folie, qui a donné les règles de son jeu ;- voir comme mode du savoir –, se présente dans les poèmes sans personnages intermédiaires. Le «je» démontre un faire et un dire, la poésie,mais issus tous deux de sentir et de souffrir. Folie est maintenant identifiée à la «rage» d’aimer et doit à ce titre être tenue à distance pour que chanter se dégage de l’émotion afin d’advenir. Par conséquent, toute parole du sujet est désormais liée à l’expérience de l’amour et de l’écriture de l’amour qui la légitime. Plutôt que de parler d’une légitimation de sa voix de femme, il semble que le sujet conquière ce droit de la vérité qui fonde sa parole. C’est par l’isotopie récurrente du mensonge et par le déni constant àla lyrique traditionnelle d’une parole de vérité que les sonnets poursuivent la construction de la persona.

Les marques éthiques : l’inscription du sujet dans le discours

Regardons de plus près l’inscription d’une parole de vérité dans le discours, puisque «l’ethos est attaché à l’exercice de la parole» et non pas à l’individu réel. Louise Labé multiplie les scènes d’énonciation fondatrices. Toutes sont centrées sur la parole. Folie ouvre la série sous le patronage érasmien. Les élégies racontent le roman du chant, de lamenter à chanter, de languir sur sa couche à pouvoir «réciter» ou «raconter». La deuxième élégie, par le biais de l’héroïde, met face à face l’ethos vertueux, fidèle, de l’amante et l’ethos volage. Manière de signaler la double énonciation de la voix masculine, non éthique, que le sonnet II cite avant d’en dénoncer la fausseté : «de toy me plein…». Tous les sonnets citationnels, qui reprennent la doxa lyrique et/ou philosophique, dressent la vraie parole contre le faux éloge ou contre les topoï d’une lyrique qui ne serait que ludique et qu’esthétique. La tonalité de la scène d’énonciation, généralement colorée d’ironie, agit plus fortement sur la réception. Qu’une actio éthique s’y adjoigne, et la vérité du corps sert de caution à la vérité éthique.

Ces marques d’une parole vraie dans le discours passent aussi par le style simple, proche de la conversation. Il est possible d’avancer que sous le poids de la réalité à communiquer, la parole se dramatise, se densifie et acquiert cette justesse accordée à la vérité, ce qui se produit dans le débat lorsque Mercure s’emploie à décrire la folie des amants : le style simple devient alors celui de la confidence, encore que sur le mode général d’une phénoménologie de la passion. Les sonnets, souvent construits sur le rejet d’une parole étrangère, portent dans leur second mouvement les traces d’une simplification : peu de figures de pensée, peu ou pas d’hyperbates, préférence pour les verbes, les adverbes et les pronoms sur les adjectifs, à l’exception du sonnet XXII où les épithètes contiennent tout le sens anticonformiste prêté à la passion amoureuse. La subjectivité éclate dans le style bas, avec de notables ruptures de registre.

Outre ces divers embrayeurs de subjectivité, il faudrait revenir aux choix génériques déjà pris en compte comme des modalités particulières de l’inscription éthique, pour noter une double porosité. D’un côté, la dimension polémique du dialogue gagne les recueils. La deuxième élégie multiplie accusations et palinodies et les sonnets instaurent un ethos critique, ce qui a pour conséquence d’accentuer un autre trait éthique : du texte liminaire aux sonnets l’écriture est constamment soumise au discours métatextuel assumé par le locuteur qui opère le partage entre vérité et mensonge poétiques. De l’autre côté, contre toute attente, l’orateur qui plaide pour Folie semble gagné par un ethos préalable, au point que, n’étaient les marques de la généralité, le discours sur l’amour est sous-tendu par la confidence élégiaque d’un énonciateur qui aurait souffert de l’amour. Le «je» de Folie/Mercure semble désormais bien proche de celui des poèmes. Le parti pris générique, certes, s’inscrit dans le désir de promouvoir la langue française et répond au renouveau souhaité par La Pléiade, mais deux de ces genres autorisent la voix polémique, particulièrement éthique. La disposition générique ressortit d’une volonté d’affirmer une persona combative, opposée à celle de l’épître, propulsée par le postulat de départ : inverser l’idéalisme platonicien et néo-platonicien pour promouvoir un autre réalisme. Si, à la manière du dialogue platonicien, qui se résout en conciliation, l’ethos du débat fait triompher la vérité des choses, les sonnets font resurgir la polémique dans la sphère individuelle de l’amante.

Le vrai plutôt que «le beau»

Le vrai cautionne tout discours assumé par le locuteur, plutôt que le beau. Cela explique le refus des théories néo-platoniciennes sur le mouvement d’attraction exercé par la beauté, avec pour conséquence le refus de croire la poésie capable de ramener vers le divin par l’harmonie des mots et des sons. Le «beau», déployé dans les procédés d’ornementation, est improductif, dit le sonnet XXI :

Tout le beau que lon pourroit choisir
Ne me sauroit acroistre mon desir.

En quoi consiste alors le vrai ? En sentir, en souffrir, en écrire, ce qui exclut la doxa,voire l’épistémè. Il en va de même de l’ethos feint de l’autre qui use du poétique pour donner une image fictive du grand poète. Le sonnet X présente la poésie comme habile à émouvoir, à entraîner le pathos autour d’un faux ethos, à telle enseigne que le poète devient un Orphée peu vertueux et menteur. Le schéma rimique renseigne sur les pouvoirs de l’émotion feinte, sur l’opposition entre le passif «estre aymé» et «faire aymer», soit l’impossibilité d’aimer vraiment. Les rimes dénoncent le pathos lyrique d’où découle l’estime et l’impuissance à éprouver soi-même la pitié. La posture éthique de la lyrique pétrarquiste, présente dans les rimes des trois premiers participes passés, est bousculée au nom d’une concordance entre la lyre et les choses, au nom d’une transparence perdue du langage. Dans ce cas comment considérer les sonnets conventionnels,ceux qui usent des topoï sans distance critique, les sonnets qui rêvent la fusion ou ceux qui amplifient la blessure des flèches ? Il est possible d’avancer que la visée éthique étant assenée plusieurs fois, le lieu commun perd le caractère mensonger de l’argument topique, et Louise Labé reconnaît l’expressivité de ce répertoire. Toutefois sont écartés les lieux communs néo-platoniciens sur les pouvoirs de la beauté au profit d’arguments issus de la «vérité des choses», comme la douleur, l’obsession et le rêve de fusion charnelle.

Le langage lyrique voile. Lui rendre sa force en le faisant partir de la terre, du sujet lyrique aimant et écrivant, et non du ciel, toute l’entreprise de Louise Labé tient là.

L’ethos qui écrit se construit contre l’illusion lyrique de produire de la beauté que seuls les mots soutiendraient. La question de la vérité mimétique, jamais posée en ces termes dans les arts poétiques, soulève plus largement celle de la mimesis. Si Louise Labé ne reprend pas les reproches de Platon aux arts mimétiques, elle objecte aux néo-platoniciens les vertus prêtées à l’art, celle d’élever vers la Beauté, et s’accorderait avec la conception éthique de l’orateur vers laquelle tend Erasme.

Le naturel ou le style éthique

Les conséquences syntaxiques, lexicales et rhétoriques d’une poétique centrée sur l’ethos amènent la question du naturel revendiqué.

Le convenable

Quel chant est plus à l’homme convenable ?

Si le terme prend un sens par rapport au premier quatrain et concerne alors la célébration de la grandeur et de la beauté masculine par une femme, il recouvre d’autres notions rhétoriques que la strophe, entièrement tournée vers le «convenable», précise ou suggère. «Convenable» et «amiable» situent le propos dans la sphère de l’honnête. Les reprises du verbe «être» prouvent bien l’interrogation sur la convenance. Est «convenable» tout ce qui relève du «decorum», ce qui s’adapte à l’objet chanté, au caractère des personnages, par exemple dans la comédie, comme au naturel de l’orateur. Le «je» poétique postule un style à la fois personnel – «quel naturel est le plus amiable» – et au service de l’amour qui l’inspire – «Qui plus penetre en chantant sa douleur ?». Ce dernier relatif renvoie soit au type de chant – quel chant ? –, soit au poète masculin ou féminin qui assume le chant – qui, de l’homme ou de la femme, pénètre le plus en chantant sa douleur ? Cette double exigence déplace forcément les moyens du pathétique, car de manière très spectaculaire, c’est au nom de la convenance que le poète refuse de satisfaire l’attente du lectorat spécifiée dans le sonnet X, mais qu’il se tourne vers les femmes qui se laisseront toucher par ces nouvelles armes de l’émotion. D’autre part, ce souci du convenable engendre l’affleurement constant de la métatextualité, dès la prise de parole de Mercure/Folie, et se montre ouvertement dans le discours lyrique.

À travers la convenance, l’imitation servile se trouve également contestée. La construction du sonnet II et du premier quatrain du sonnet XI sur des apostrophes, celle du sonnet XXIII sur des interrogations, celle du sonnet XVIII sur des impératifs, est chaque fois remise en cause au nom d’une adaptation nécessaire à la vérité poétique, à la convenance du cœur. Dans ces exemples, les derniers vers dénoncent des isotopies convenues, pétrarquistes ou néo-platoniciennes, ou bien des constructions syntaxiqueslexicalisées et ramènent l’ethos au premier plan, par le refus du mensonge topique – sonnets II, XI et XXIII –, ou bien par la reconnaissance, dans le sonnet XVIII, du montage imitatif et de l’illusion poétique et éthique à partir de la source antique du baiser.La progression argumentative du sonnet XI en convainc. De ce point de vue, l’imitation est soumise à la variété de l’ethos et épouse même une certaine inconstance éthique volontaire.

Signalons encore que la convenance à l’objet, à l’amour, détermine largement les procédés. L’étude comparée de la répétition dans le sonnet LXI des Amours de Ronsard est révélatrice. Au souple déploiement du polyptote sur l’ensemble des strophes, Louise Labé préfère la répétition des subordonnants, l’anaphore de la construction temporelle «tant… que» du sonnet XIV. Dans le sonnet VI, l’adverbe intensif, dans le système consécutif mis en place, joue sur l’épyzeuse, sur l’homonymie et sur l’épanalepse, le tout allant dans le sens de la sobriété et de la concision, quand la répétition a pour Ronsard une fonction ornementale indéniable.

Le variable

L’ajustement continu à la réalité du sujet et de son objet commande une forme du naturel que nous désignons par «variable», en référence à «l’erreur variable», cet amour terrestre, le seul qui soit donné à vivre à la place d’un amour qui reproduit l’analogie dela «puissante harmonie» du ciel. La variabilité est une constance du monde terrestre, elle est cette inconséquence, cette légèreté et cette folie aux formes multiples que l’humanité manifeste dès les origines et que les amants reproduiront plus gravement.

Le style éthique requiert la souplesse de la langue courante : le dialogisme envahit le Débat, selon l’esprit du dialogue platonicien, avec un glissement par la manipulation énonciative vers le monologue tragique à la fin du discours de Mercure. Les recueils poétiques se distinguent par cette marque de spontanéité fidèle à l’intériorité lyrique avec ses changements d’allocutaires. Un relevé rapide démontre l’importance des voix, à ses doubles, à l’autre, ennemi aimé, et à soi-même. Seuls les sonnets IV, VI, VIII, XX, demeurent en marge. Si dans quelques sonnets, par exemple VI, XIII, XV, le changement d’énonciation ou de type d’énoncé, ne vise que la variété dans une rêverie harmonieuse, dans les sonnets IX, XII, XIII, XV, la plupart du temps, accompagnée d’une violente enargeia, il donne du relief au déchirement. Seule la faculté de l’écriture à tirer profit de la «plaie», du «cœur séparé de soymesme»comble le manque par le plaisir ambigu qu’elle poursuit. Un dialogisme brutal installe les changements énonciatifs à des places métriques : début du sonnet par les apostrophes, début du quatrain final construit sur des rimes embrassées dans les sonnets II et V, début des tercets pour le sonnet VII, avec une situation métrique soulignée. Ce dialogisme mime une apparente facilité éthique qui paraît commander le mouvement lyrique, fait de changements de caps. Les métamorphoses énonciatives suivent de près un ethos mobile et profilent le génie mélancolique qui, dans les Evvres, trouve une figure particulière.

Une autre forme du naturel se lit certainement dans les effets de rupture où Ronsard a vu l’une des caractéristiques de la «nature variable», donc par métonymie de la poésie. Le spontané s’assortit du rompu, de la parataxe dans quelques parties du discours de Mercure, mais pas tant au plan syntaxique dans les sonnets que par le changement soudain d’isotopie ou par l’énallage de la personne et du temps. La rupture la plus provocatrice réside dans le parti pris contre des topiques pétrarquistes et néo-platoniciennes,surtout lorsqu’il est accompagné d’une puissante ironie dans les sonnets II et XXIII ou d’ironie d’abord, première rupture, puis d’amertume ensuite dans le sonnet XI.

Aux fractures dialogiques par énallages successives, par renversement des isotopies,s’ajoute une déviation à la fois ludique et douloureuse des procédés topiques et en particulier de la pointe, autre affirmation critique de l’ethos. L’apostrophe énumérative et le suspens syntaxique propres à la célébration, le suspens interrogatif du sonnet III, laissent attendre un prédicat qui apporte sa complétude au sens. Si l’attente est comblée dans ce sonnet III, l’apodose du sonnet II annule la montée exclamative du thème frappée d’ironie. La protase est assumée par un locuteur dont le chant est dénié, tandis que l’apodose introduit la voix simple, non ornée, d’un autre locuteur porteur de vérité. Ces déviations peuvent se réduire à la seule pointe par la figure de la correction qui réoriente un topos infirmé par les faits, cas des sonnets XI, XX ou XXII. La correction, cela arrive, peut paraître imperceptible comme dans le sonnet VII où le thème de l’âme enfuie dans celle de l’autre est dévié de l’idéalisme des quatrains pour se métamorphoser en rencontre plus terrestre dans les tercets.

Le fou

L’ethos radicalement autre, d’abord présenté avec le tempérament et le rôle de Folie, avec son souffle de vérité, contrôle bien le style naturel et variable. La marque la plus évidente de la différence individuelle, sans cesse répétée d’un sonnet à l’autre, emprunte l’adversatif «mais» qui contribue certainement, par le double balancement répétitif d’une unité de quatorze vers à l’autre, à l’impression de dialogue de l’une à l’autre. Et dans le mouvement inverse amorcé par le «mais», mouvement plus court, souvent de quatre vers, la parole de l’intériorité puise une intensité accrue. Là se défont tous les rêves de fusion : la séparation des sujets «je» et «tu» ; l’isolement définitif du «je» résolument distinct du «on» englobant tous les «je» lyriques. Sur la différenciation rimique qui confère au sujet ce statut marginal, le sonnet XVIII suffirait à la démonstration. Le sonnet X témoigne de l’utilisation argumentative des rimes visant au même isolement du sujet.

Une autre manière de la folie, la poétique de la «saillie» dans le sonnet XXI, peut consister à sortir de sa retenue, tient aussi à la simplicité native et prosaïque recherchée pour une meilleure conformité avec l’ethos comme avec ce qui mène l’écriture, la folie de l’amour et son âpreté. Folie n’a-t-elle pas réclamé à Mercure une défense sans ornement ? La brutalité présente à tous les niveaux des sonnets, dispositio, inventio et elocutio, provient du choix avoué dans les métatextes de se marginaliser en regard des intertextes et de suivre une ligne d’écriture éthique. «Lamenter» approche «crier» , et cette voix «cassée», que la prosodie «adoucit» à peine, exige le naturel de la syntaxe etdu lexique : peu d’inversions, des coordinations souvent, la simplicité des verbes – «être» et «avoir» dans le sonnet XVI –, une elocutio très sobre où les rares métaphores en deviennent violentes. Les effets d’enargeia, assurément présents, sont communiqués par Folie et par Amour, qui toujours lui insuffle, écrit-elle dans le sonnet IV, sa «fureur divine» ou bien qui a «forcé [son] jugement» dans le sonnet XXI. Ces effets, par conséquent, obéissent à la spontanéité sans artifice du cri, à la violence des émotions, comme à une certaine espièglerie, comme à une grande ironie. Espièglerie et ironie, certes amères, marques distinctes de Folie, sont à coup sûr les preuves de l’individualité qui s’approprie les topoï .

La convenance à la variété changeante de l’ethos a pour conséquence la présence d’antithèses paradoxales qui mettent au premier plan le corps et la sensation. Une autre conséquence : les contradictions. Les sonnets illustrent la folie de l’inventio : songe permis, songe refusé ; innamoramento décidé par l’amour archer, moqué dans Débat, et assumé par la chronologie amoureuse suggérée dans les poèmes ; palinodie et rétractation dans l’Elégie II ; déni de l’elocutio pétrarquiste puis son emploi. L’écriture, qui assume la folie intérieure, inaugure la labilité de l’opinion subjective, la mobilité de l’ethos qui après s’être présenté comme une persona humble, revendique le secours d’une parole hardie.

Née de l’amour, l’écriture mimétique se manifeste dans la contradiction et dans le paradoxe. Comme l’amour elle sépare de l’autre et de soi, cependant l’acte d’écrire est une sortie hors de soi, une «folie» où s’accomplit l’accord avec soi-même quand l’union mythique dans l’amour est niée.

Si l’on a dit que la Folie de Louise Labé, comme celle d’Erasme, ne promeut pas le sage paulinien, il faut pourtant lui reconnaître cette attention constante à la justesse de l’écriture et cette volonté de coller à l’intériorité vécue dans l’acte d’écrire. L’ethos est ce sujet lyrique à qui revient de modeler le pathétique en le faisant partir du cri, non pas de l’âme ou de l’art. En déplaçant l’origine de l’amour et de la poésie dans le cœur et dans le corps du sujet, Louise Labé instaure une relation particulière à la fureur et à la Muse que l’on aura reconnue sous les traits de Folie. Le discours poétique ne paraît provenir ni d’une instance transcendante, ni reproduire une harmonie supérieure, ni même guider vers elle, il puise dans l’immanence la force de son verbe.


1

Louise Labé, Œuvres complètes, François Rigolot (ed.), Paris, Garnier-Flammarion, 2004, p. 92. Toutes les références sont données dans cette édition.

2

Joachim Du Bellay, La deffence, II, 11.

3

Cicéron, Orator, XXXVII, 131 et De oratore, I, VIII, 30; XII, 53.

4

Louise Labé, Œuvres…, p. 102.

5

Pierre de Ronsard, «Au lecteur», Œuvres complètes, Jean Céard, Daniel Ménager, Michel Simonin (ed.), Paris, Gallimard, 1993, t. 1, p. 998.

6

Cicéron, Orator, XXXVIII, 128 ; De oratore, II, XLIV.

7

Cicéron, De oratore, II, XLIII ; Quintilien, Institution oratoire, VI, 2, § 10.

8

Cicéron, De oratore, II, XLIV.

9

Pour une approche rapide de la question, Histoire de la rhétorique des grecs à nos jours, Michel Meyer (ed.), Paris, Librairie générale française, 1999, p. 111 ; Ruth Amossy, L’Argumentation dans le discours, Paris,Nathan, 2000. Pour une étude approfondie au XVIe siècle, Jean Lecointe, L’Idéal et la différence, Genève, Droz, 1993. On se reportera aussi à l’article de Francis Goyet, «Reflessioni teoriche e trattati di poetica tra Francia e Italia nel Cinquecento», Atti del Convegno Internazionale di Studio, Castello di Malcesine, 22-24 maggio 1997, E. Mosele (ed.), Fasano, Schena, 1999, p. 35-50.

10

Quintilien, Institution oratoire, III, 4.

11

Jean Lecointe, L’Idéal…, p. 387 sqq. ; Michel Meyer, Histoire de la rhétorique…, p. 114 ; Jean Lecointe, L’Idéal…, p. 383.

12

Michel Meyer, Histoire de la rhétorique…, p. 114.

13

Jean Lecointe, L’Idéal…, p. 383.

14

Fidélité, innocence, sincérité, charme, talent poétique. Pour ces deux dernières qualités voir l’élégie II.

15

Débat de Folie et d’Amour, p. 82. On reconnaît le parti pris de Socrate dans Le Banquet qui demande que cesse l’éloge hyperbolique de l’amour.

16

Les sonnets II, V et X, XI, XVI, XVII, XVIII, XX, XXII, XXIII se construisent sur une rupture. Pour d’autres, une rupture moins perceptible existe pourtant dans une légère déviation topique vers la fin, par exemple dans le sonnet VII. Quant au sonnet XXI, la rupture est immédiate.

17

Voir Marie-Madeleine Fontaine, «Politique de Louise Labé», Louise Labé, les voix du lyrisme, Saint Étienne/Paris, Publications de l’Université de Saint-Etienne, Éditions du CNRS, 1990, p. 223-241.

18

Voir Ruth Amossy, L’Argumentation…, p. 64-72.

19

Cicéron, De oratore, II, XLIV, notamment.

20

Du premier sonnet du canzoniere de Pétrarque, qui a tant inspiré ses imitateurs, Louise Labé retient l’idée d’expérience, fût-elle une expérience de l’amour dans l’écriture : «Ceux qui connaissent l’amour par expérience», Canzoniere, traduction du comte Ferdinand L. de Gramont, Paris, Gallimard (Poésie), 1983.

21

Les premiers vers de l’élégie I.

22

Dominique Maingueneau, Le Contexte de l’œuvre littéraire. Énonciation, écrivain, société, Paris, Dunod, 1993, IV, 8.

23

Elégie II, v. 9-14.

24

Sonnet V. Les Evvres font partir les émotions du corps ou ne les séparent pas des sensations. Il ne faut pas s’en étonner : chez le poète le plus épuré qu’est Maurice Scève le corps joue un rôle important en regard des héritages pétrarquistes et néo-platoniciens et marque la poésie amoureuse pour longtemps. Le livre de Thomas Hunkeler est éclairant, Le Vif du sens. Corps et poésie selon Maurice Scève, Genève, Droz, 2003.

25

P. 94-98.

26

Notion que l’on trouve chez Jean-Michel Adam, Linguistique textuelle. Des genres de discours aux textes, Paris, Nathan, 1999, ou Ruth Amossy (ed.), Images de soi dans le discours. La construction de l’ethos, Lausanne, Delachaux _ Niestlé, 1999.

27

p. 94-98.

28

Sonnet XXI.

29

Louise Labé remet en cause les théories de l’analogie qui fondent l’épistémè dans le sonnet XXII. L’amour terrestre ne reflète pas l’harmonie cosmique, ne permet pas d’accéder à la contemplation de la Beauté, mais témoigne du désordre et de l’imperfection.

30

Sonnet XIV.

31

Sonnet XXI.

32

Nous adoptons le terme général de decorum.

33

Erasme analyse les divers sens du decorum dans le Cicéronien. La traduction partielle procurée par les éditions Robert Laffont prouve l’importance pour Erasme du mensonge oratoire qu’il entend combattre par le respect du decorum : Erasme, C. Blum, A. Godin, J.-C. Margolin, D. ménager (ed.), Paris, Robert Laffont, 1992.

34

Le genre du baiser est imité par les néo-latins et par Ronsard dans les Odes.

35

P. Laumonier (ed.), t. IV, sonnet LXI (retranché en 1553).

36

Débat, p. 85.

37

Sonnet IV et Débat, p. 98.

38

Jean Lecointe, L’Idéal…, p. 441-445. Cependant Louise Labé, qui décrit la folie amoureuse de manière médicale dans Débat, ne parle pas de mélancolie, malgré les manifestations qui affectent la persona.

39

On lit chez Ronsard une opposition au platonisme dans le sonnet LX des Amours de 1552 dans P. Laumonier (ed.), t. IV, qui devient le sonnet LXV dans l’édition de 1584.

40

On dans le sonnet XXI.

41

Voir «adoucir», «fendre» et «aigrir» au début de l’élégie I, «crier» dans le sonnet V. Pétrarque emploie aussi des rimes «âpres» qu’il fait alterner avec la douceur, Canzoniere, 293, v. 7-8.

42

Sonnet XIV. Marguerite de Navarre, dans le poème liminaire des Chansons spirituelles, v. 17-24, est très proche de Louise Labé.

43

Se profile, nous semble-t-il, la signature socratique.

44

Marie-Madeleine Fontaine, «L’ordinaire de la folie», dans La Folie et le corps, Jean Céard (ed.), Paris, Presses de l’École normale Supérieure, 1985.