[•]IL FAUT ÉVITER DES EXPRESSIONS QUI MONTRENT DE L’AIGREUR SI L’ON VEUT INTÉRESSER LES TÉMOINS DE LA DISPUTE
Éclaircissement
§ 1Quand nous voyons dans l’un des contestants l’erreur accompagnée de douceur et de modestie, et dans l’autre la vérité accompagnée d’aigreur, nous penchons naturellement du côté de l’errant où nous trouvons de la douceur et de la modestie. D’où vient cela ? C’est qu’effectivement la douceur et la modestie jointes à l’erreur nous font encore plus de plaisir et attirent plus notre estime et notre inclination que la vérité jointe à l’aigreur et à la présomption.
§ 2Il semble que celui qui use d’aigreur veut insulter et faire dépit à son ennemi, au lieu que c’est pour ne pas déplaire en contredisant que celui qui prend l’erreur pour la vérité use de termes doux et modestes.
§ 3Si ceux qui sont dans des opinions contraires étaient équitables, chacun dirait de son antagoniste : « Il a entendu mes raisons, et cependant il demeure dans une opinion contraire à la mienne, il craint comme moi l’erreur, il désire comme moi la vérité ; je ne dois donc ni le mépriser, ni le haïr, ni le persécuter si je suis le plus fort, non plus que je ne voudrais pas qu’il me persécutât s’il était le plus fort ».
§ 4Si les disputants pensaient ainsi, les erreurs n’incommoderaient guère le genre humain ; car, d’un côté, nul errant ne sent son erreur tant qu’il ne s’en aperçoit point, et de l’autre, celui qui est dans la vérité et qui est équitable, tolèrerait sans peine l’erreur de celui qui ne cherche que la vérité, lors même qu’il soutient l’erreur. L’intolérance est un vice très opposé au bonheur de la société et très opposé à l’équité et à la bienfaisance.
§ 5Celui qui est dans l’erreur n’est-il pas déjà assez malheureux sans ajouter à son premier malheur l’aigreur et la persécution ?