MÉMOIRE AU SUJET DES BÉNÉFICES POSSÉDÉS PAR LES RELIGIEUX BÉNÉDICTINS DE LA CONGRÉGATION DE SAINT-MAUR
Composé par M. l’abbé de Saint-Pierre en 1704.
§ 1Il y a en France plus de quatre mille prieurés de l’ordre de Saint-Benoît, qui valent près de deux millions de rente ; la congrégation de Saint-Maur en a déjà, sous le nom de religieux particuliers, pour plus de six cent cinquante mille livres, outre tous ceux qu’elle a dans ses manses conventuelles ; elle enlèvera bientôt le reste au moyen des nouvelles dispenses, qu’elle obtient tous les jours de la cour de Rome, au préjudice des intérêts et de la discipline de l’église gallicane ; ainsi cette congrégation va incessamment ôter une subsistance nécessaire aux ecclésiastiques, qui servent l’église par leurs talents, et un soulagement considérable aux familles du royaume, qui se soutiennent par les ecclésiastiques, dont elles se trouvent déchargées.
§ 2Le mal gagne tous les jours et il est temps d’y mettre ordre. Il sera bien plus malaisé de retirer des mains de la congrégation ce qu’elle en a déjà que d’empêcher qu’elle n’en enlève davantage.
§ 3Son institution n’est ni de prêcher ni d’enseigner : ces religieux veulent vivre pour eux-mêmes dans la retraite, éloignés du commerce des hommes, uniquement occupés des observances religieuses ; leur but c’est de faire en sorte que leur vie prêche, et de persuader par leur exemple, la patience, la douceur, la charité envers tout le monde, l’estime de la pauvreté et le mépris pour les richesses : rien n’est plus édifiant que cet objet ; mais pourquoi donc le gros de la congrégation s’écarte-t-il de ce but ? Et n’est-il pas raisonnable de montrer que cet empressement à amasser prieuré sur prieuré, richesses sur richesses, fait tort à leur réputation, et cause un grand préjudice à l’Église de France et à l’État ?
§ 4Personne ne trouve à redire qu’un père de famille s’occupe du soin d’augmenter son revenu pour élever un grand nombre d’enfants et les rendre capables de servir leur patrie.
§ 5Mais voir des hommes, qui se séparent volontairement de leur famille par un esprit de piété, prêter cependant leur nom pour dépouiller un nombre infini d’autres familles d’une subsistance qui leur serait si nécessaire, c’est ce dont on a raison d’être surpris.
§ 6Il y a plusieurs religieux de la congrégation de Saint-Maur qui ont quitté des biens considérables dans le monde pour vivre saintement dans la pauvreté ; plusieurs d’entre eux ont aussi quitté des bénéfices pour vivre en communauté, libres de tout souci des richesses : par quel étrange motif ces mêmes hommes deviennent-ils si avides de bénéfices et si vifs sur leurs intérêts temporels ?
§ 7Voici le dénouement de cette espèce de contradiction, que l’on trouve si marquée dans la conduite de ces religieux.
§ 8Il est certain que dans cette congrégation il y a deux sortes d’esprits ; les uns embrasseraient encore la même vie s’ils avaient à en choisir une ; ceux-ci édifient par leur détachement et ne se mêlent de rien que des exercices du cloître ; ils n’aiment pas à se distraire par les emplois et servent à maintenir par leur ferveur la discipline religieuse, et à soutenir la réputation de sainteté de la congrégation ; mais par malheur ils ne sont pas le plus grand nombre, et ne sont pas les plus autorisés.
§ 9Les autres font leurs exercices à peu près comme ces bons religieux, mais non pas avec le même goût, et ne choisiraient pas ce genre de vie s’ils avaient encore à choisir ; ceux-ci, soit dit en passant, ne sont ni les moins habiles ni les moins éclairés ni le moindre nombre.
§ 10Quand la chaleur de l’imagination est passée avec la jeunesse, l’ardeur qu’ils avaient pour la perfection religieuse diminue leur ferveur, s’évanouit insensiblement ; l’uniformité de vie dans les mêmes exercices leur devient peu à peu insipide ; ils ne sentent plus que ce qu’il y a de pénible dans le cloître et ils tombent bientôt dans cette maladie qu’on appelle ennui, langueur, dégoût ; nés actifs, ils n’ont pas l’avantage d’un tempérament paresseux ; ils ont beau se reprocher à eux-mêmes la différence qu’il y a de la situation d’esprit où ils étaient dans les premières années de leur profession et de celle où ils se trouvent ; ils ont beau se ranimer par intervalle et appeler à leurs secours leur premier motif, la nature reprend toujours le dessus et ils retombent dans un ennui d’autant plus triste qu’ils ne voient pas de route pour en sortir. Les supérieurs qui connaissent cette maladie pour en avoir été attaqués ont soin de ne pas laisser ces esprits vifs et agissant dans l’oisiveté ; ils les font entrer dans les emplois de procureur, de prieur, de professeur, afin, d’un côté de les distraire de leurs ennuis par des occupations nouvelles et toujours réjouissantes, et de l’autre d’employer utilement leur activité au service de la congrégation. L’on voit que plusieurs de ces religieux, indépendamment de la destination de leurs supérieurs, se destinent même à ces emplois, et en tâchant de se distinguer dans ceux où ils sont, par leurs travaux et par leurs manières honnêtes, ils cherchent à parvenir aux emplois les plus élevés et à s’acquérir ainsi de la considération et de la réputation, et parmi eux, et dans le monde.
§ 11Il est inconcevable combien ce motif tout humain qu’il est, mais coloré néanmoins d’un peu de charité pour ses frères, et de zèle pour la sainte congrégation, est bien reçu dans des esprits qui, ne pouvant plus être distraits par les plaisirs et par les amusements ordinaires du monde, n’ont plus que cela pour nourriture ; aussi on les voit plus occupés à ramasser pour leur maison que les gens du monde les plus avares pour les leurs, à acquérir des amis, de la protection, de la faveur pour la congrégation quand ils peuvent, sans craindre le ridicule que les plus ambitieux n’en ont pour illustrer leur nom ; ils sont alors bien éloignés de l’ennui ; l’occupation leur donne une nouvelle vigueur d’esprit.
§ 12Dans les emplois ils ont plus de commerce avec les séculiers et ce commerce fait couler insensiblement dans les esprits le goût pour le crédit, pour la destination, pour l’augmentation du revenu, principaux efforts des mouvements des gens du monde : comme ils ne peuvent plus jouir aisément des choses sous leur propre nom, ils cherchent sans scrupule à en jouir sous le nom de la congrégation, et ils en jouissent. Car enfin, de sa puissance, de son crédit, de ses richesses, il en revient aux particuliers une portion de considération, tant au-dedans qu’au-dehors, et cela à proportion que chacun sert utilement la congrégation ; ils se prennent de zèle, et travaillent avec ardeur ; et l’amour de la patrie, ce motif qui était si puissant dans les esprits des citoyens de Sparte, d’Athènes, de Rome, est le même motif naturel qui excite ces religieux en faveur d’une congrégation qu’ils regardent comme une nouvelle patrie et, qui plus est, comme une nouvelle famille.
§ 13Il est visible que ceux qui ont part aux affaires de la congrégation sont de cette seconde espèce, et qu’ils tâchent d’élever et d’agrandir leur famille d’adoption par ces mêmes voies que les mondains élèvent et agrandissent les leurs.
§ 14Les autres sociétés qui s’élèvent leur donnent, comme aux gens du monde, de la jalousie ; et il n’est guère étonnant que, dans ces vues, ils suivent les mêmes maximes ; aussi on les voit marchander et amasser autant de bénéfices qu’ils peuvent, persuadés que les richesses donnent aux compagnies et aux communautés un grand éclat ; ainsi on peut dire qu’il y a dans la congrégation de Saint-Maur congrégation religieuse et congrégation mondaine ; aussi la différence des maximes fait naître souvent sur ses prieurs même des disputes entre eux : les vrais religieux crient qu’une pareille conduite est entièrement opposée à la pauvreté qu’ils viennent professer dans le cloître, que la congrégation ne devrait songer à briller que par des vertus religieuses, et non point par cet éclat emprunté que donnent les richesses, et par les talents et l’habileté dans les affaires dont se parent les gens du monde ; qu’on ne saurait acquérir les richesses qu’avec les mêmes défauts qu’on reproche aux mondains, que la réforme ne durera pas avec de pareilles maximes, et que c’est un relâchement visible de la discipline religieuse ; mais ces bons moines parlent à des gens d’esprit qui n’ont pas de peine à colorer leur conduite de motifs de christianisme et de raisons apparentes d’autant plus séduisantes qu’elles flattent secrètement l’amour-propre de ce qui font ces solides remontrances. Les supérieurs rapportent tout à l’honneur et à l’avantage d’une congrégation qui est si utile à l’Église ; d’ailleurs l’autorité que donnent les emplois, fait aisément taire les scrupules de ceux qui sont dans l’exacte observation de l’obéissance.
§ 15Ainsi l’avarice et la vanité (il est fâcheux de le dire) ont trouvé le moyen de dominer dans les lieux mêmes où l’on se retire comme dans un asile contre leur empire.
§ 16Il est évident que de s’emparer de plus de trois millions de rentes, c’est un objet flatteur pour ceux de cette congrégation qui visent à l’enrichir ; et l’on demeurera aisément d’accord, par ce que l’on verra ci-après, que pour y parvenir il était difficile de prendre de meilleures mesures que celles qu’ils ont prises dès le commencement.
§ 17On exposa à Rome des raisons spécieuses pour obtenir les bulles nécessaires : on dit que cette congrégation était la plus austère, la mieux disciplinée, la plus désintéressée de celles qui entreprenaient la réforme ; que plus on mettrait de bénéfices entre ses mains, plus on serait sûr du bon usage qui s’en ferait ; qu’originairement ces biens étaient aux moines et qu’il était naturel de chercher toutes les voies pour leur rendre ce qui avait appartenu à leurs prédécesseurs ; qu’en cela ils étaient bien plus favorables que des séculiers qui ne pouvaient posséder ces prieurés qu’en commende et avec dispense ; qu’en fait de dispense, il était bien plus raisonnable de donner dispense à un réformé de posséder un bénéfice, lui qui n’avait d’autre intérêt que d’en faire un usage pieux, que de donner une dispense à un séculier de posséder un bénéfice régulier ; qu’enfin cette congrégation naissante était dans l’indigence, et avait besoin de secours pour s’établir dans les monastères non réformés ; que le revenu de ses prieurés était un secours absolument nécessaire pour l’établir. Enfin on se détermina à Rome, non sans beaucoup de peine, à accorder aux religieux de la congrégation de Saint-Maur la dispense de posséder en leur particulier ces prieurés.
§ 18On dit cependant que la première bulle sur laquelle les autres sont fondées est expliquée par ces religieux plus à leur avantage qu’elle ne devrait l’être et que cette dispense ne regardait pas tous les prieurés en général mais seulement les bénéfices qu’on nomme claustraux et qui sont en titre. C’est la bulle de Grégoire XV, pour l’établissement de la congrégation du 10 septembre 1621 et que [sic] la bulle de confirmation de l’établissement ou érection de la congrégation donnée par Urbain VIII le 21 janvier 1627 étend à la vérité la dispense aux autres bénéfices, mais il y avait plusieurs restrictions ; il ne s’agissait que de quelques prieurés de l’ordre de Cluny. Aliquos prioratus Cluniacenses1 , ou des bénéfices que possédaient en titre des religieux non réformés, Victa dictorum non reformatorum durante dumtaxat. Il n’y est point fait mention des prieurés que possédaient les séculiers ; enfin ce n’était que pour un temps, ad tempus ; c’était pour donner de la facilité à une congrégation naissante et très pauvre, de s’établir dans plusieurs monastères, attenta penuria Congregationis nascentis : mais tout le monde sait que cette congrégation n’est plus depuis longtemps ni naissante ni pauvre. À moins qu’on ne veuille appeler du nom de pauvres ceux qui ont une soif ardente pour les richesses et dont les besoins augmentent à mesure qu’ils deviennent plus riches ; telles sont, dit-on, les restrictions sages de ces bulles ; mais la congrégation habile, avec les secours des prieurés déjà acquis, se concilie tous les jours de nouveaux amis dans la Daterie2 pour avoir plus de facilité d’acquérir le reste des prieurés par de nouvelles grâces de Rome. Ces religieux ont, à ce qu’ils disent, le pouvoir de posséder toutes sortes de bénéfices, ci-devant possédés par les ecclésiastiques séculiers, même en donnant à ceux qui résignent3 une pension aussi forte que la totalité du revenu du bénéfice, usque ad totalitatem fructuum4 ; aussi depuis quelques années on ne voit que moines de cette congrégation marchander avec les bénéficiers leurs prieurés, examiner l’âge et la constitution des titulaires, offrir plus à ceux qui sont plus âgés ou menacés d’apoplexie, leur donner sans peine une pension, un quart et un tiers plus forte que le revenu annuel du bénéfice, argent bien venant, rendu au domicile du bénéficier ; offrir moins aux autres mais leur offrir toujours plus qu’ils ne retirent de leurs bénéfices ou prieurés.
§ 19Il est visible qu’il n’y a presque point de bénéficiers qui ne soient tentés de faire de pareils marchés, et l’on va voir en peu de temps tous ces beaux prieurés entre les mains des moines ; car, en habiles gens, ils se servent des revenus des prieurés acquis pour suppléer à l’excédent de ces pensions ; ils sèment utilement l’argent pour recueillir plus abondamment l’argent.
§ 20Ils avanceraient davantage, s’ils ne rencontraient quelque obstacle dans la congrégation même ; c’est que la bulle dispensant les titulaires de résider à la communauté, ils ont besoin de choisir pour titulaires des sujets desquels ils soient sûrs ; il faut qu’ils connaissent en eux ou un grand zèle pour la congrégation, si ce sont gens d’esprit, ou un caractère ferme ; il faut que ce zèle les retienne en communauté, chose qui est assez dangereuse, ou que ce soient des sujets imbéciles que les habiles appellent les simples, qui ont peur de tout, qui ne savent de quoi il est question, et à qui on ne demande que de signer une procuration, ou pour résigner, ou pour régir le bénéfice, sans savoir même ce qu’ils signent.
§ 21Cependant la congrégation supplée en quelque sorte à cet obstacle parce qu’elle aime mieux payer davantage à la Daterie et obtenir de nouvelles dispenses, afin qu’un même simple puisse prêter son nom, pour posséder dix ou douze prieurés en même temps. Et c’est alors une tête fort chère à la congrégation ; ainsi ils ont habilement trouvé le secret d’employer les simples à établir la réputation de la sainteté de la congrégation, et à lui acquérir des richesses immenses.
§ 22Il est vrai que les habiles ont quelquefois été trompés, et sur ces prétendus zélés, et sur ces prétendus simples ; on en a vu quelques-uns quitter et aller vivre dans leur particulier sur leurs bénéfices, en disant avec raison que non seulement ils peuvent résider à leur prieuré, mais qu’ils sont obligés en conscience à cette résidence.
§ 23Tel fut un de leurs pères, sous le nom duquel ils jouissaient du prieuré de Solesmes, près de Sablé, en Anjou, qui vaut sept à huit mille livres de rente. La violence qu’ils exercèrent sur lui fit grand bruit, il y a vingt-quatre ans, et causa un grand scandale. Il reste encore des témoins de cette histoire et des actes authentiques qui en font foi et pour sûr je l’ai ouï conter cette année 1704 à plusieurs personnes et, entre autres à un homme de bien qui eut une principale part à cette affaire ; et comme elle est parfaitement du sujet, j’ai cru à propos de la rapporter tout entière5 .
§ 24Le prieur de Solesmes, religieux de la congrégation de Saint-Maur, demeurait à l’abbaye de la Couture du Mans6 ; son père, sa mère, ses frères, ses sœurs étaient fort pauvres ; il demanda à son supérieur que, sur les revenus de son prieuré, on en réservât une petite somme pour les soulager dans leur misère ; il fut refusé ; il ne se rebuta pas ; il pria le Général de l’ordonner ainsi, mais on écouta point sa prière. On crut que sa demande tirait trop à conséquence ; on lui dit que ses revenus étaient à la congrégation et qu’on ne pouvait pas les employer ailleurs qu’aux besoins de la congrégation.
§ 25La pitié qu’il avait du misérable état de ses parents lui fit naître une juste indignation contre ce procédé ; et après avoir examiné les droits que lui donnaient ses bulles et les canons, il alla s’établir à son prieuré ; cette démarche surprit et fâcha fort le Conseil de la congrégation ; on lui offrit ensuite de faire ce qu’il avait demandé ; on le pria de revenir au convent7 . Mais comme il vit bien que s’il y retournait il courait risque d’être enfermé en prison pour toute sa vie, comme il en avait vu des exemples, il s’en excusa ; et de peur de soulever tout d’un coup toute la congrégation contre lui, il donna des espérances qu’il retournerait à la communauté dès qu’il aura satisfait aux devoirs de piété envers ses parents ; cependant il demeura ainsi quelques années dans son prieuré où il vivait d’une manière très édifiante, aidant aux curés dans l’administration des sacrements, instruisant les ignorants, assistant ses pauvres parents, visitant les malades et faisant quantité d’aumônes.
§ 26Le Conseil de la congrégation vit bien qu’il n’y avait plus rien à espérer, ni qu’il résignât, ni qu’il rapportât au couvent les revenus du prieuré ; ainsi il fut résolu qu’on le punirait et qu’on en ferait un exemple : effectivement, au commencement de l’année 1680, le prieur de Solesmes, qui était sorti seul à pied de son prieuré pour aller visiter quelques pauvres malades du voisinage, disparut tout d’un coup ; les religieux de Saint-Maur, l’enlevèrent dans une litière bien fermée et le menèrent à trente lieues de là, à l’abbaye de Marmoutier, à un quart de lieue de Tours8 ; et pour ne laisser aucune trace de cet enlèvement et le pouvoir nier impunément, ils ne marchaient que la nuit et passaient le jour au milieu des bois.
§ 27Ses domestiques cependant et ses parents furent fort étonnés de l’avoir perdu ; grande rumeur dans le pays mais nulle nouvelle, nul témoin ; enfin un batelier qui tenait à ferme un bac sur le Loir, à cinq ou six lieues de là, conta dans son village qu’une telle nuit huit hommes habillés en religieux, dont les uns armés de fusils et les autres de hallebardes, étaient passés dans son bac avec une litière fermée dans laquelle il y avait un homme qui criait fort mais qui ne pouvait articuler.
§ 28Cette aventure parut étrange et comme le bruit s’en répandit jusqu’à Solesmes et qu’elle se rapportait au jour que le prieur de Solesmes avait disparu, on ne douta point qu’il n’eût été enlevé par ordre des supérieurs de la congrégation. Monsieur le marquis de Sablé9 qui était alors dans ce pays-là en entendit parler ; il connaissait ce prieur qui était fort aimé dans le canton. Ses parents vinrent le supplier de leur aider à obtenir justice ; chacun par pitié l’en pressa et il se résolut à écrire ce qu’il savait du fait à feu Mr de La Vrillière, secrétaire d’État de la province10 ; il écrivit en même temps à un commis de Mr de La Vrillière qui se trouva un peu parent du prieur pour prendre soin de cette affaire ; Mr de La Vrillière en écrivit, par ordre du Roi, à l’intendant du pays ; c’était alors Mr de Tubeuf qui demeurait à Tours11 ; il fit faire diverses perquisitions et fit réponse à Mr de La Vrillière que vraisemblablement le prieur avait été enlevé par ordre des supérieurs de la congrégation et qu’il ne serait pas aisé d’en avoir raison.
§ 29Bientôt après, sur de nouveaux ordres de la Cour, il envoya sommer le prieur de la Couture du Mans de le représenter, autrement qu’on le mènerait lui et le sous-prieur en prison ; le prieur répondit qu’il n’en avait aucune connaissance ; qu’il était vrai que par ordre de ses supérieurs on enfermait quelquefois des religieux désobéissants et dont la conduite est scandaleuse, mais que ni la Cour ni la justice ordinaire ne se mêlaient du gouvernement intérieur de leur congrégation.
§ 30Comme on eut alors quelque soupçon que le prieur de Solesmes avait été mené à l’abbaye de Marmoutier, Mr Tubeuf fit la même demande au prieur de Marmoutier qui nia effrontément mais en termes fort humbles, d’en avoir aucune connaissance ; ces religieux croyaient qu’on en demeurerait là ; mais peu de temps après le Lieutenant Général de Tours, par commission expresse du roi, alla saisir tous les revenus de la mense conventuelle de Marmoutier et de la Couture du Mans ; on les menaça même de pousser la chose encore plus loin.
§ 31Ce coup étourdit les plus sensés du Conseil de la congrégation ; ils firent mouvoir toutes sortes de machines pour se tirer de ce mauvais pas et pour n’être point obligés de représenter ce religieux ; mais Mr de La Vrillière fut inflexible : ils virent bien qu’ils ne gagneraient rien à appeler à leurs secours la cour de Rome et qu’il fallait céder à l’autorité du roi.
§ 32Cependant le prieur de Solesmes était dans un arrière-caveau très profond, très obscur et fort éloigné de l’escalier par où l’on y descendait ; car il passa beaucoup de petites portes étroites avant d’y arriver ; il trouva dans ce caveau de l’eau croupissante presque partout ; à peine avait-il assez de terrain sec pour y placer un peu de paille pour se coucher ; mais ce qui lui rendit ce séjour extrêmement affreux, c’est qu’il touchait quelquefois des crapauds, et qu’il entendait tous les jours des couleuvres frétiller sous sa paille.
§ 33Il cria les deux premiers jours, ou plutôt il hurla de toute sa force mais comme ces souterrains étaient fort longs, coupés par quantité de murs de retranchement, et qu’il était dans un des derniers cachots, il comprit qu’il criait en vain dans ces profondes prisons et que personne du dehors ne le pouvait jamais entendre.
§ 34Un religieux venait une fois à peu près en vingt-quatre heures avec une petite lumière lui apporter un peu de pain et d’eau ; il ne pouvait savoir s’il était alors jour ; on lui passait cette petite portion par un petit tour de fer pratiqué dans le mur.
§ 35Il entendait ainsi tous les jours déverrouiller comme de fort loin les premières portes, et toute sa consolation était que celui qui apportait cette subsistance se laisserait toucher à ses malheurs, qu’il en recevrait quelque soulagement et qu’on lui ôterait du moins les vilaines bêtes dont il était environné ; mais il avait beau protester qu’il se repentait sincèrement d’avoir désobéi au Général, lorsqu’on lui avait fait demander la résignation de son prieuré, et qu’il ferait ce qu’on voudrait, qu’on le changeât seulement de cachot ; il avait beau le prier de lui répondre seulement quelques paroles, ce ministre de la justice de la congrégation demeurait muet, sortait promptement et s’en retournait, verrouillant portes après portes, et laissait ainsi le pauvre prieur de Solesmes passer les vingt-quatre heures suivantes avec les couleuvres et les crapauds.
§ 36Il délibéra s’il tâcherait de tuer ces vilains reptiles, pour se tirer entièrement d’inquiétude ; mais il songea que n’y voyant goutte, il lui serait presque impossible de les tuer sans en être mordu et sans mourir de la morsure. Il avait d’ailleurs ouï dire que ces animaux ne mordaient que lorsqu’ils sont attaqués. Cela fit qu’il se détermina à vivre avec son inquiétude en leur compagnie.
§ 37Il comprit bien que les religieux pouvant envoyer à Rome et obtenir son prieuré per obitum, ils n’avaient pas besoin de lui faire signer aucune résignation ; et lorsqu’il songeait que personne n’ayant eu connaissance certaine, ni de son enlèvement, ni du lieu où il était, que n’ayant rien à espérer de la justice ordinaire qui était sans pouvoir contre la congrégation, que ses parents n’ayant point d’argent pour aller se plaindre à la Cour, et y faire quelque séjour, ils ne pourraient y aller, que quand même ils y iraient, et que les ministres donneraient des ordres pour informer, tout demeurerait là, faute de preuves, et parce que tout est difficile contre une congrégation puissante ; il ne comptait plus de sortir jamais de cet affreux séjour, et tombait en désespoir.
§ 38Telle était la manière dont il passait sa perpétuelle nuit ; telle était la situation de son esprit, quand il entendit, le cinquante-deuxième jour de sa prison, qu’il venait à lui plusieurs personnes. Un moment après on déverrouilla sa porte même, et un religieux lui dit : « Venez, mon Père, suivez-moi, vos peines sont finies ». Le Père Prieur le mena sur le champ à Tours à monsieur l’Intendant. Le prieur de Solesmes déposa naïvement tous ces faits en présence du même prieur de Marmoutier, qui avait nié si positivement qu’il en eût la moindre connaissance.
§ 39Le prieur de Solesmes fut ramené à son prieuré ; on peut imaginer sa joie et celle de ses pauvres parents ; Mr Tubeuf envoya cependant le procès-verbal à Mr de La Vrillière ; le roi voulut l’entendre lire ; il trouva l’histoire extraordinaire ; il en conçut une grande indignation contre ceux qui gouvernaient alors, et on ne sait à quoi il tint que la congrégation entière ne s’en ressentît.
§ 40Que ceux qui gouvernent à présent ne soient pas assez malhabiles, de vouloir que le public doute de ces faits, on le sait d’original ; on sait d’ailleurs où est l’information mais il est à propos de faire quelques réflexions sur cette histoire :
§ 411°. On peut voir jusqu’où allait alors l’ardeur de la congrégation pour acquérir ces prieurés, puisqu’elle hasardait tant, pour faire un exemple qui intimidât les autres religieux titulaires de ses bénéfices ; est-il possible que l’amour des richesses soit si vif chez des gens qui font vœu de pauvreté ?
§ 422°. Qui nous assurera que le Conseil de la congrégation soit moins intéressé à présent qu’il l’était alors ? Combien se sont-ils donné de mouvements depuis pour acquérir de ces prieurés ? Combien s’en donnent-ils tous les jours et combien en ont-ils acquis depuis ce temps-là ? Si nous ne savons pas les procédés violents qu’ils ont exercés depuis envers leurs propres religieux pour se conserver ces bénéfices, c’est qu’il y a sur cela un secret inviolable chez eux, et qu’ils ont usé de plus de précautions que dans l’affaire du prieur de Solesmes, et encore ce n’est pas leur faute, et nous ne devons la connaissance de cette affaire qu’à un assemblage de hasards assez difficile à retrouver : car enfin il faut que les conducteurs soient obligés de passer un bac, où la litière soit obligée de s’arrêter un miséréré12 , que celui qu’on enlève soit aimé dans le pays, qu’il y ait alors un homme de condition qui puisse écrire au secrétaire d’État ; il faut qu’il se trouve un commis de ce secrétaire d’État intéressé à détruire les puissantes raisons d’une congrégation puissante ; ils ont pourtant gagné à cet événement de le faire servir d’exemple à leurs religieux : car, quoi qu’il ne réussît pas, qui, des titulaires, pourrait s’assurer que tant d’heureux hasards se rassembleraient en sa faveur ?
§ 433°. Quel était le crime de ce pauvre prieur de Solesmes pour être traité si cruellement ? Le pape, par ses bulles, lui permet de demeurer dans son bénéfice, et le dispense pour cela de l’exercice de communauté ; peut-il être regardé comme désobéissant à ses supérieurs quand il ne fait qu’user de la dispense du pape ? Et à quoi bon lui obtenir cette dispense, s’il ne peut pas en user en conscience ?
§ 444°. Tel est l’abus de ces sortes de dispenses : si l’intention du titulaire n’est point d’user de son bénéfice mais de laisser d’autres personnes en disposer à leur volonté, c’est une intention condamnée par les canons ; si son intention est de jouir, et qu’il en emploie les fruits à sa volonté, quelque pieux usage qu’il en puisse faire, c’est un crime de désobéissance envers ses supérieurs. Je sais bien que la congrégation prétend que les canons n’ont statué que contre celui qui prête son nom à un seul particulier, et non pas à une congrégation ou compagnie ; mais c’est une illusion ; et qu’importe qu’on prenne son nom à un homme ou à plusieurs hommes ? Il ne serait pas permis de le prêter à un saint, qui ferait sûrement un usage meilleur de ces sortes de revenus ; pourquoi sera-t-il permis de le prêter à une congrégation qui n’en fait d’autre usage que ferait une famille mondaine, qui est d’augmenter son crédit et son pouvoir ? Si l’emploi qu’en fait la congrégation n’était qu’en aumône, à l’Hôpital Général, à l’Hôtel-Dieu, il n’y aurait rien à dire ; mais son ardeur pour acquérir ne serait pas assouvie ; on ne l’eut jamais vue envoyer des religieux armés de mousquets et de hallebardes faire une pareille violence ; ce n’est point le procédé de la charité ; il n’y a que de honteux motifs.
§ 455°. Quelles pourraient être les maximes qui firent ainsi métamorphoser de bons religieux, de saints solitaires, en archers impitoyables ? Serait-ce l’amour de la pauvreté évangélique ? Est-ce par douceur chrétienne qu’ils jettent ainsi un de leurs frères, distingué par sa vertu, dans un cachot horrible, pour l’y laisser mourir de désespoir ? Voilà de ces procédés de la congrégation qu’on ne saurait concevoir, quand on ne veut pas distinguer la congrégation religieuse d’avec la congrégation mondaine de Saint-Maur ; sans cette distinction, on ne peut comprendre que les mêmes hommes aient des procédés durs et superbes, qu’ils cherchent à gouverner et à commander dans le temps qu’ils prêchent, et qu’ils pratiquent des maximes douces et modérées, et qu’ils ne songent qu’à se retirer dans les cloîtres pour s’y laisser gouverner, et pour y vivre dans les exercices continuels de l’obéissance.
§ 46On ne prétend pas que de pareils procédés pleins de violence et de dureté puissent être imputés à la congrégation religieuse de Saint-Maur ; la douceur, la patience, la charité chrétienne, la seule humanité, a horreur d’une action semblable à celle que le Conseil de la congrégation a tenu à l’égard du pauvre prieur de Solesmes ; mais le fait est constant, et à qui l’imputera-t-on ?
§ 47Il n’y a personne qui n’ait ouï parler des artifices dont use la congrégation pour conserver les prieurés, qui ont été une fois résignés à quelques-uns de ses membres ; on dépayse les titulaires, on les envoie tantôt dans un endroit, tantôt dans un autre ; on cache leur maladie et leur mort ; et comme on leur fait signer souvent quantité d’actes sans les leur faire lire, et cela, par une obéissance aveugle aux supérieurs, la plupart de ces titulaires ne savent pas s’ils n’ont point signé de procuration pour résigner et s’ils sont encore ou ne sont plus titulaires. Bien des gens du monde feraient difficulté de prêter ainsi leur nom pour des bénéfices mais dans la congrégation le Supérieur n’a point de honte de l’ordonner, l’inférieur n’a point de scrupules d’y souscrire ; et le tout pour l’avantage de la sainte congrégation.
§ 48Je ne dis rien présentement de ces pensions, de ces présents de la congrégation faits aux juges et à ceux qui ont du crédit chez eux ; des présents qu’elle fait aux officiers de la Daterie, des deniers qu’elle emploie à entretenir dans l’abbaye Saint-Germain13 ces habiles procureurs et avocats, sous des habits de religieux. Tous ceux qui ont affaire à la congrégation n’expérimentent que trop, par les difficultés qu’ils rencontrent à obtenir justice, que les revenus de ses prieurés ne peuvent pas être plus utilement employés pour augmenter le crédit de la congrégation, et plus pernicieusement pour les sujets du roi, qui ont le malheur d’être leurs voisins et d’avoir affaire à eux.
CONCLUSION
§ 491° il est un grand intérêt pour l’État d’arrêter promptement le cours des résignations que font tous les jours les ecclésiastiques séculiers religieux de la congrégation, et de conserver aussi aux ecclésiastiques séculiers un revenu de près de trois millions qui se répandra dans le royaume. Et d’ailleurs, n’a-t-on pas tous les jours besoin d’avoir quelques-uns de ces prieurés pour établir et agrandir ou des séminaires ou des collèges qui sont d’une bien plus grande utilité pour l’État et pour l’Église que les maisons des moines ; de ces maisons où ils emploient leurs richesses non à des distributions journalières aux pauvres des lieux, ou à soulager les hôpitaux des villes voisines, mais à des bâtiments magnifiques, ou à acquérir de nouveaux revenus ?
§ 50Saint Augustin, qui savait bien qu’on ne peut pas donner aux pauvres ce qu’on emploie à des acquisitions, ne voulait jamais rien acheter ; et ces bons religieux peuvent lire plus facilement que d’autres dans sa vie ce que Possidonius en écrit : domum vel agrum, seu villam numquam emere voluit14 . Pourquoi ces religieux tiennent tant à publier ses écrits, aiment-ils si peu à imiter sa conduite ?
§ 51Quand on dit qu’il y a en France plus de quatre mille prieurés de Saint-Benoît, on ne le dit pas sans preuve, les pouillés15 en font foi. Dans le Languedoc seul, qui n’est que la 10e partie de la France pour les richesses et surtout pour les bénéfices, il y a six cent trente-cinq prieurés qui valent, suivant la supputation de M. de Bâville16 , l’un des intendants de France le mieux informé, plus de quatre cent neuf mille livres de rente ; cela ferait plus de quatre millions de revenus pour toute la France ; je sais bien qu’il peut y avoir un quart de ces prieurés à d’autres ordres mais c’est au plus, et il restera encore plus de trois millions de rentes en prieurés de Saint-Benoît.
§ 522° il est de l’intérêt du roi de conserver aux abbayes les nominations aux prieurés ; or il est évident que, vu tous les artifices dont la congrégation s’est avisée, les abbés ne peuvent jamais avoir connaissance de la mort des titulaires ; ces artifices qui se font de concert avec la Daterie ont le même effet que s’il y avait une bulle expresse pour ôter le droit de domination des abbés et qui diminue ainsi des droits considérables que le roi est obligé de conserver ; il est visible que l’on peut toujours s’opposer à l’exécution des bulles dont l’effet est entièrement opposé aux privilèges, aux intérêts et à la discipline de l’Église gallicane et aux droits du roi.
§ 533° il est vrai que le Roi peut, sans être excité par le clergé, se déterminer à mettre ordre à ces abus ; mais cependant il est encore plus dans la bienséance que Messieurs du Clergé fassent cette démarche auprès de Sa Majesté ; il est même de leur zèle d’empêcher que les maximes mondaines ne s’introduisent plus avant dans la congrégation et n’y détruisent enfin l’esprit de réforme. Cette congrégation a été toute sainte dans son établissement et il est fâcheux d’avoir à dire d’elle ce que saint Jérôme disait dans une occasion semblable : Potentia quidem et divitiis major, sed virtutibus minor secuta est, in vita sancti Malchi17 .
§ 544° il est d’une très grande importance pour le clergé de demander la protection du roi pour réformer l’abus qui s’est introduit jusqu’ici dans la congrégation sur ces prieurés et en empêcher le progrès à l’avenir, de supplier à sa Majesté, qu’il lui plaise déclarer, 1° que le privilège accordé aux religieux de la congrégation de Saint-Maur de pouvoir posséder quelques prieurés, suivant la bulle d’Urbain VIII et les lettres patentes qui l’ont autorisée, est expiré ; 2° que lesdits religieux de la congrégation de Saint-Maur ne pourront plus à l’avenir faire ou recevoir des résignations, collations, provisions d’aucuns autres bénéfices que des offices claustraux, dont cependant les revenus entreront à l’avenir dans les partages qui se feront entre les abbés et religieux, toutes les fois que les uns ou les autres voudront procéder à un nouveau partage ; 3° que ceux d’entre eux qui sont titulaires des autres bénéfices réguliers pourront en jouir le reste de leur vie, et les résigner en règle ou en commende, dès à présent s’ils veulent, pourvu que ce soit à d’autres religieux de ladite congrégation de Saint-Maur et sans qu’ils aient besoin à cet effet du consentement de leurs supérieurs, non pas même pour aller résider sur lesdits bénéfices, ce qui sera à leur pleine et entière liberté ou disposition ; 4° que les supérieurs des maisons de ladite congrégation seront tenus de fournir incessamment aux évêques des lieux les noms des bénéfices qui sont dans l’étendue de leur diocèse et qui sont possédés par les religieux de la même congrégation, avec les noms, âges, qualités et demeures desdits titulaires, et copie de leurs provisions et titres de possession et un état exact des revenus de chacun de ces bénéfices ; 5° que chacune abbaye ou maison de ladite congrégation sera obligée de fournir aussi incessamment aux ordinaires18 des lieux et aux juges royaux du ressort des copies en forme de titres d’union des bénéfices qu’ils prétendent être unis leur mense monacale et de justifier des originaux s’ils en sont par eux requis, comme aussi des lettres patentes qu’ils ont dû obtenir à l’effet desdites unions ; et que faute par eux de le faire dans le temps qui leur sera marqué, ou si lesdites unions se trouvent vicieuses, lesdits bénéfices seront conférés par ceux qui en ont le droit comme vacants et impétrables19 ; 6° que les supérieurs majeurs seront obligés de faire demeurer ceux de leurs religieux qui ont des bénéfices dans les convents de la congrégation les plus proches de la demeure des évêques, dans lesquels lesdits bénéfices sont situés ; 7° qu’à mesure que quelqu’un de ces religieux bénéficiers viendra à mourir, le supérieur de la maison du lieu où il sera décédé sera tenu sous peine de désobéissance d’en donner avis en même temps au collateur20 du bénéfice et à l’évêque ou archevêque du diocèse dans lequel ledit bénéfice se trouve situé et de remettre à ce dernier tous les titres concernant ledit bénéfice, pour être par lui rendus à celui qui en sera canoniquement pourvu par le collateur ordinaire ; 8° que toute résignation faite ou à faire à compter du jour qu’il plairait à sa Majesté de statuer sur cela, par des religieux de ladite congrégation de Saint-Maur en faveur d’autres religieux de la même congrégation, comme toutes collations, présentations, provisions ou autres titres faits en leur faveur, depuis ledit jour, demeureront nuls et comme non avenus, et les bénéfices vacants et impétrables.
§ 55Que ces religieux vivent très saintement dans leur cellule, occupés des exercices salutaires de la charité, de l’humilité, de la patience ; qu’ils montrent aux gens du monde un exemple de modération, sur l’augmentation de puissance et de richesses de leur famille d’adoption ; qu’ils tourmentent moins les sujets du roi, par la multitude infinie de procès où ils s’occupent ; l’État ne leur fournit-il pas de quoi vivre et beaucoup plus abondamment qu’aux autres religieux ? Leur institution n’est-elle pas d’imiter la pauvreté des apôtres et des anciens solitaires ? Et quand donc auront-ils assez amassé de richesses pour vivre dans cette pauvreté dont ils font profession par des vœux si solennels ?