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1 Grande initiale également dans B : Quant Childebert ert rey de France ; mout auet ; puissance.
2 A : une euesque ; B : Vn euesque out ; mout ; sainte.
3 Li escrit ; aubert.
4 donc il.
5 A bien preuf.
6 a teul segnor.
7 amendeit.
8 maint feit qui a dex plout ; vn en iout.
9 magnifester.
10 bretagne ; griffagne.
11 Cen qui ore est mer et aregne En iceul temps forest pleine.
12 A : Mes ore il noet li poisson ; B : mainte ; Mais or inoe li peisson.
13 Donc pouet len ; Ni estoueit ia creindre mer.
14 dreit en ; quidalet.
15 Grande initiale aussi dans B : En la forest auet. I. mont ; auques ront.
16 Dous capeles auet ; Deu mont.
17 Aual eu bas ce seige bien Esteit la saint simphorien.
18 En hermitage illeuc ; Moines plusors qui deu sueuent.
19 ne truis ; Escharcement auoient.
20 ert ; li moines erent.
21 et iour et nuit ; En ce aueient lour deluit.
22 Assez megneient loign ; Meseises granz ourent.
23 Hon ne fame nes visitout Nemes. I. prestre qui les amout.
24 Dune uille astre out non ; sans nul guion.
25 Lour en voiet quan quil poet De tel substance cum il aueit.
26 Li asne ert si en sagniez ; torneit.
27 Ne forfere pas ne se peust.
28 uenet ; Ou son metre transmis lauet.
29 Einssi ala e ; Tan que a vn iour ne sey comment.
30 A : son uin ; B : Vn lous alot ; Qui len contra simist so vin.
31 Estrangle la puis le menia Quant ce out fet.
32 A : Molt se merueilleit ; B : Mout semeruellent li sers deu De lour asne quant nest au leu.
33 A icel iour comme i souleit Il nen peut mes essoigne auet.
34 Vers absent dans B.
35 A icel ior ne ineuint ; sorent.
36 Vont au moustier pour ; lour sout en uoier.
37 Que sil li plest or les secoure De lour asne qui trop demoure.
38 A oureisons serent ; Quant dex loura le lou tranmis.
39 Qui lour sonmier mengie aueit ; senblant fet de fere.
40 Tant se humilie doucement Quer bien.
41 lour asne deuorei Donc il ont dit et commandei.
42 Que mes les serue deu mestier Dont lasne les serueit lautrier.
43 lont et il feit la ; puis.
44 En la uoie se mist estres.
45 sus sey ; Que desire orent li deu home.
46 A : Li lous fut forz . et granz . et gros ; B : Li lou fu fors et grans et gros.
47 en en ala meson De cognoissance out acheson.
48 Le bons prestre ; Crerre pouez mout ses bahit.
49 pour le sac quil out ; cogneu.
50 tranmeteit.
51 feseit ; Par celle beste qui ert.
52 Ren voie len ; Sans coup de uerge donc len fiere.
53 Il i vint souuent et ala.
54 Ne par les villes quil tornast.
55 effant.
56 Ains lapeleit qui le veeit ; comme vn chien priue.
57 Si ioient o lui.
58 O eux geseit o eux aleit Mes ie ne sey cil imengiet.
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1 Childebert III (v. 683-711). Marcel Lelégard, « Saint Aubert », in Millénaire monastique du Mont Saint-Michel, t. I, p. 32, indique que la phrase de la Revelatio :monarchiam totius occidui et septentrionis necnon et meridiei partes strenue gubernante (Lectio I) « correspond parfaitement à la réunion sous son sceptre, à partir de 695, de tout l’ancien Royaume franc ».
2 Liescriz, c’est le texte latin de la Revelatio (IV, 1). L’évêque d’Avranches y est appelé urbis antistes Autbertus nomine : le digramme au (et non al) et un t devant le b, incite à supposer pour le nom Autbert l’étymon germanique Audhberht, attesté aussi sous la forme Odhberht, de aud / odh « richesse » et -berht « brillant, illustre », plutôt que le germanique Adalberht (de adal- « noble » et -berht « brillant, illustre »), étymon de la forme savante Albert. On peut supposer que celle-ci, unique dans A, et présente dans les premiers vers du texte, est le fait du copiste, qui s’est interrogé sur cette graphie et a tenté de l’interpréter, avant de l’accepter telle qu’elle était. Quant à celui de B, il a d’emblée supprimé le t, faisant ainsi de Aubert le produit d’Adalberht.
3 Avranches, Manche, chef-lieu d’arrondissement et de canton.
4 Grifain, grifaine, grif(f)aigne, le plus souvent attesté sous cette dernière forme, même au masculin, du latin d’origine grecque gryphus, « griffon », « animal fabuleux à corps de lion et tête et ailes d’aigle », signifie « redoutable, sauvage, horrible, rebutant » (FEW IV, 297 b, gryphus).
5 Pour François de Beaurepaire, « Toponymie et évolution du peuplement autour de la baie du Mont Saint-Michel », in Millénaire monastique du Mont Saint-Michel, t. II, Vie Montoise et rayonnement intellectuel, Raymonde Foreville (dir.), Paris, P. Lethielleux, 1967, p. 49-72, la forêt citée ici serait la forêt de Coglès, située dans la région qui s’étend de Fougères à Dinan. Son nom latin, Coguelesio, aurait été « accommodé avec la finale scandinave lund (« bois »), si répandue en Normandie » (p. 54).
6 Le copiste de A, comme il le fait fréquemment,
a confondu i et il. En outre, les formes de P3 noet dans A et noe dans B indiquent que les deux copistes n’ont pas analysé li poisson comme un cas sujet pluriel, mais comme une forme de sujet au singulier et ont accordé le verbe en conséquence.
7 Pour François de Beaurepaire, « Toponymie et évolution du peuplement autour de la baie du Mont Saint-Michel », p. 54 : « Le Pollet, ultérieurement Le Poulet (pagus Alet), était la région d’Alet » ; la ville se trouve dans l’Ille-et-Vilaine, du côté breton de la baie et exactement en face du Mont, en ligne droite. On pourrait aussi envisager une étymologie podium Alet « la hauteur d’Alet », un des aboutissements du latin podium, « hauteur », étant pou, élément constitutif de toponymes en Normandie. Guillaume de Saint-Pair, suivant en cela son modèle latin (Revelatio III, 2, De situ loci :opacissima claudebatur silva, longe ab oceani) suggère qu’autrefois les deux lieux se trouvaient en pleine terre. Il fait allusion à la légende de la « forêt de Scissy », qui aurait été submergée par un raz-de-marée au début du IXe siècle. Cf. Alain L’Homer, S. Courbouleix, J. Chantraine, J.-P. Deroin, Notice explicative de la feuille Baie du Mont-Saint-Michel à 1/50 000, Orléans, Presses du Val de Loire, 1999, p. 25-43 et 109-115. Cf. également l’introduction de Pierre Bouet et Olivier Desbordes à l’édition des Chroniques latines du Mont Saint-Michel (IXe-XIIe siècle), Caen – Avranches, Presses universitaires de Caen – Scriptorial d’Avranches (Fontes et paginae – Les manuscrits du Mont Saint-Michel : textes fondateurs ; 1), 2009, dans laquelle les auteurs réfutent cette légende d’une transgression marine qui se serait produite lors du voyage au Mont Gargan des envoyés d’Aubert (cf. infra, v. 491-710).
8 Graham R. Birrell (Le Roman du Mont-Saint-Michel by Guillaume de Saint-Pair, Thèse, Université d’Aberdeen, 1978 (dactyl.), p. 88) signale que ce toponyme, « bizarre malformation d’Alet », selon François de Beaurepaire (ibid.), est le nom d’une ville actuellement disparue, dans la même région et que le nom de Quidalet apparaît souvent dans le Roman d’Aquin (éd. Jouon des Longrais).
9 Planistre, substantif masculin, du latin planus, « plat », désigne un terre-plein, une esplanade, une plate-forme. Ce vers du Roman semble être sa première attestation. Le FEW IX, 239 b, planus signale qu’il figure dans de nombreux glossaires de parlers normands, avec les sens indiqués ci-dessus et surtout avec celui, plus restreint, de « place de l’église ». Cf. notre introduction, « Particularités lexicales », p. 86.
10 Capeles présente une absence de palatalisation d’un [k]
suivi d’un a, fréquente dans les parlers du nord de la Normandie.
Le tracé de l’isoglosse du phénomène, appelée Ligne Joret a été réalisé par le dialectologue Charles Joret dans Des caractères et de l’extension du patois normand (Paris, Viehweg, 1883). Cf. notre introduction, « Variations graphiques, caractéristiques phonétiques, morphologiques et lexicales des deux manuscrits du Romandu Mont Saint-Michel », p. 58.
11 La finale Estienvre de ce prénom, du latin d’origine grecque Stĕ ́phanos présente la substitution d’un r au n dans la forme originelle Estievne, comparable à ce qui s’est produit dans pámpĭnu > pámpne > pampre ; cóphı ̆nu > cofne > coffre : ces finales étaient plus familières aux locuteurs qui les entendaient dans povre, livre, libre, marbre. Cf. infra jouvres « jeune », v. 1642.
12 Dans la construction La seint Simphoriein, la est employé avec sa valeur originelle de pronom démonstratif (issu du pronom-adjectif démonstratif latin illa) : « celle de saint Symphorien ». Au sujet de ces oratoires, cf. dom Jacques Hourlier, « Le Mont Saint-Michel avant 966 », in Millénaire monastique du Mont Saint-Michel, t. I, p. 16 ; dom Joseph Lemarié, « La vie liturgique au Mont d’après les ordinaires et le cérémonial de l’abbaye », ibid., t. I, p. 322 ; Paul Gout, Le Mont-Saint-Michel. Histoire de l’Abbaye et de la Ville. Étude archéologique et architecturale des monuments, Paris, A. Colin, 1910, t. II, p. 382.
13 À propos de la rime noit : deliet, cf. notre introduction, « Traits dialectaux normands », p. 65.
14 Astré ou Astériac, du latin tardif Asteriacus (« le domaine d’Asterius »), mentionné aussi au v. 937, est souvent assimilé à Beauvoir, canton de Pontorson, Manche, paroisse la plus proche du Mont. François de Beaurepaire (Les noms des communes et anciennes paroisses de la Manche, Paris, Picard, 1986, p. 77) considère cette identification comme une « pure hypothèse », fondée sur le passage de la Revelatio qui mentionne le prêtre en relation avec les moines en ces termes : presbytero quodam de villa quae dicitur nunc Asteriacus (Chroniques latines…, Pierre Bouet et Olivier Desbordes (éd.), Revelatio III, 2). Cf. aussi le manuscrit Avranches, BM, 212, f. 47v : Et aupres de la place une femme ancienne qui sen yssoit desvant aller apres ceulx qui les portoient [les reliques] et soudainement elle vit tout cler. Et pour ce fut nommee la parroisse beauvoir qui avoit nom austeriac.
15 Sustance, sostance : « subsistance » (cf. sostenir), à comparer avec sustance, v. 1272 : « bien, fortune » (lat. substantia).
16 Le copiste de A a écrit son uin, puis souin, et a biffé souin, probablement par erreur. Souin (= « sovin ») du latin supinus « jeté à la renverse, couché sur le dos », convient parfaitement dans le contexte du vers.
17 Li serf, analysé comme un cas sujet singulier par le copiste de A, a entraîné un accord du verbe au singulier : se merveilleit.
18 Nenalast :nen est, dans les textes médiévaux les plus anciens, la forme de l’adverbe de négation ne (du latin non) lorsqu’il se trouve devant un mot à initiale vocalique. L’auteur y a recours pour des raisons de versification. Cf. les v. 98 n’est et 88 ne peüst.
19 Cf. la légende du « Loup vert » de sainte Austreberthe dans dom Émile Bertaud, « Saint Philibert et les moniales, Pavilly et Montivilliers », in Jumièges [actes du Congrès scientifique du XIIIe centenaire, 1954], Rouen, Lecerf, 1955, t. I, p. 33-40.