v. 711-1132

Le retour des clercs, la dédicace du sanctuaire par Aubert ; douze chanoines au Mont Saint-Michel

 
Tant ont alei par lor jorneies
 
Que venu sunt en lor contreies [1]  :
 
La merci Deu et seint Martin,
 
El païs sunt d’Avrencheïn [2].
 715
Desus un tertre sunt poié,
 
Dont le mont veient, si sunt lié [3].
 
Avis lor est, quant l’ont veü,
 
Ke novel siecle seit venu [4].
A-f. 13r 
13rVeient les monz et les valeies,
 720
Les eves dolces et les preies [5],
 
Les bois, les viles, les chasteals,
 
Et le païs qui molt est beals [6].
 
Li jorz esteit cleirs et serains
 
E li païs ert bas et plains [7].
 725
Veient la meir et les forez,
 
Les champaignes et les deserz [8]  :
 
Bones seit lieues environ
 
La terre veient a bandon [9].
 
Veient le mont et le mostier ;
 730
Molt se prenent a mervellier [10]  :
 
Toz ert mué de tel cum fu [11]
 
A icel jor que sunt meü.
 
Hosteiz en eirt le bruihairez,
 
Les espines, le buissonneiz [12]  ;
 735
Li bois esteit trestoz hosteiz
 
Et el planistre roeleiz [13]
 
Aval el bas, el pié del mont
 
Qui de loing lor semblout roont [14].
 
En son le mont tot cleir pareit
 740
Cele igliese, que faite esteit [15]  :
 
Defors esteit tote blanchie,
 
Vers le soleil molt reflambie ;
 
Maisons i out, faites noveles,
 
Qui de loing perent estre beles [16].
 745
Quant asseiz ourent esguardei,
 
Et tuit se furent reposei [17],
 
Avant enveient ilnaument
 
Por denuncier lor venement [18].
Ils firent route, par étapes [1], et parvinrent dans leur région : par la grâce de Dieu et de saint Martin, les voici dans le pays de l’Avranchin. Du haut d’une colline qu’ils avaient gravie, ils aperçurent le mont, et furent emplis de joie [2]. Ils eurent le sentiment, en le voyant, de l’avènement d’un monde nouveau : ils voyaient les monts et les vallées, les eaux douces et les prairies, les bois, les villages, les châteaux, et le pays, d’une grande beauté. Le jour était clair et sans nuages et le pays peu élevé, tout plat. Ils voyaient la mer, les forêts, les plaines et les lieux inhabités. Sept bonnes lieues alentour, la région s’offrait à leur vue [3]. En voyant le mont et l’église, ils furent emplis d’étonnement : il était entièrement transformé par rapport à ce qu’il était le jour de leur départ. Supprimés, les taillis de bruyère, les arbustes épineux et les buissons. On avait entièrement supprimé le bois et fait rouler les arbres sur l’esplanade, en bas, au pied du mont, qui, de loin, leur paraissait rond. Au sommet du mont apparaissait bien en évidence cette église, car elle était achevée [4]  ! D’extérieur, elle était toute blanche [5], resplendissante face au soleil. Il y avait aussi des maisons, nouvellement construites, et qui, de loin, semblaient fort belles. Après avoir bien regardé et s’être tous reposés, ils envoyèrent vite quelqu’un annoncer leur arrivée.
A-f. 13v 
13vLa joie fut le jor doublee
 750
Quer au mont out grant assembleie [19]
 
De clers, d’evesques, de barons,
 
Et de Normans et de Bretons [20]
 
Que seint Autberz aveit mandeiz.
 
Li pueples eirt granz assembleiz [21]
 755
Quer dedier idonc voleit
 
Cele igliese que faite aveit [22].
 
Grant eirre i out de pelerins
 
Qui errouent par les chemins [23]  :
 
Molt veneient espeissement.
 760
Li jorz iert clers et sanz grant vent [24].
 
Les meschines et les vallez,
 
Chescuns d’els dist vers ou sonnez [25]  ;
 
Neis li viellart revunt chantant :
 
De leece funt tuit semblant [26].
 765
Qui plus ne seit, si chante Outree ,
 
Et Dels , aïe , Va susee [27].
 
Cil jugleor, la ou il vunt,
 
Tuit lor vieles traites unt [28]  :
 
Laiz et sonnez vunt vielant.
 770
Li tens est beals, la joie est grant [29].
 
Cil palefrei et cil destrier,
 
Et cil roncin et cil sommier [30],
 
Qui errouent par le chemin,
 
Que menouent cil pelerin [31],
 775
De totes parz henissant vunt
 
Por la grant joie que il unt [32].
 
Neis par les bois chantouent tuit [33]
 
Li oiselet grant et petit.
A-f. 14r 
14rLi buef, les vaches vunt muant
 780
Par les forez et repaissant [34].
 
Cors et boisines et fresteals,
 
Et fleütes et chalemeals [35]
 
Sonnoent, si que les montaignes
 
En retintoent, et les pleignes [36].
 785
Que esteit dont des plaisseïz,
 
Et des forez et des larriz [37]  ?
 
En cels par a tel sonneïz
 
Com si ce fust cers acolliz [38].
 
Entor le mont, el bois follu,
 790
Cil travetier unt tres tendu [39]  ;
 
Rues unt fait par les chemins.
 
Plentei i out de divers vins [40],
 
Pain et pastez, fruit, et poissons,
 
Oisels, oubleies, veneisons [41]  :
 795
De totes parz aveit a vendre ;
 
Assez en out qui ad que tendre [42].
La réjouissance, ce jour-là, fut double : en effet, au mont, avait lieu un grand rassemblement de clercs, d’évêques, de barons, de Normands et de Bretons, que saint Aubert avait conviés. La population était rassemblée en grand nombre car Aubert voulait ce jour-là célébrer la dédicace [6] de cette église qu’il avait édifiée. Il y avait de longues files de pèlerins qui avançaient par les chemins et arrivaient en masse. Le jour était clair et sans grand vent. Jeunes filles et jeunes gens, chacun disait vers ou chansons ; même les vieillards marchaient en chantant ; tous avaient l’air joyeux. Ceux qui n’en savaient pas plus chantaient « En avant ! », « Dieu, à l’aide », « En marche » [7]. Les ménestrels [8], tout en avançant, avaient tous sorti leurs vielles et en accompagnaient lais et sonnets. Il faisait beau, la joie était grande. Les palefrois et les destriers [9], les chevaux de trait et de somme qui avançaient sur le chemin, sous la conduite des pèlerins, arrivaient de tous côtés en hennissant, tant leur joie était grande. Les oiselets, grands et petits, chantaient aussi dans les bois. Les bœufs, les vaches poussaient des meuglements dans les forêts où ils paissaient. Les cors, les trompettes, les flûteaux, les flûtes et les chalumeaux résonnaient, si bien que les montagnes et les plaines en retentissaient. Qu’en était-il donc des parcs, des forêts et des coteaux ? En ces lieux s’élevaient des sonneries d’instruments d’une grande ampleur, comme si l’on avait forcé un cerf. Autour du mont, dans le bois feuillu, les boutiquiers avaient dressé des tentes [10], aménagé des rues par les chemins. Il y avait en abondance des vins variés, pain et pâtés, fruits et poissons, oiseaux, oublies [11], gibier, en vente de tous côtés : il y en avait bien assez pour celui qui avait de quoi payer [12]  !
 
Li tref esteient junchié tuit.
 
Par tot aveit joie et deduit [43].
 
Tant ad esré li garz a pié,
 800
Que li message unt enveié [44],
 
Qu’il est venuz enz el mostier
 
Qu’en commençout a dedier [45].
 
Vait a l’evesque isnelement,
 
Contei li a delivrement [46]
 805
Quant que li ourent enchargié
 
Cil qui l’aveient enveié [47].
 
Li evesque, quant il l’oït,
 
A merveille par s’esjoït [48]  ;
A-f. 14v 
14vMais le mestier que il faiseit
 810
Ne volt leissier, quer dreiz n’esteit [49].
 
Anciés enveie isnelement
 
A cels, qu’il viengent belement [50].
Le sol de toutes les tentes était recouvert de joncs ; partout régnaient joie et plaisir. Le serviteur envoyé par les messagers avait tant marché qu’il était arrivé à l’intérieur de l’église dont la dédicace commençait. En hâte, il se dirigea vers l’évêque et lui rapporta en détail tout ce dont l’avaient chargé ceux qui l’avaient envoyé. À cette nouvelle, la joie de l’évêque fut extrême. Mais il se refusa à interrompre la cérémonie qu’il célébrait, car ce n’était pas légitime. Cependant, il envoya immédiatement un message aux autres, pour les prier de le rejoindre [13]. 

 
Ceste novele est tost seüe
 
Em plusors leus et esmeüe [51].
 815
Endementres que cil en vunt,
 
Li evesques lor mestier funt ;
 
A trait dient et belement
 
Quer del haster n’i a nient [52]  :
 
Del jor i a a grant plenté.
 820
Chantei esteit atollite [53],
 
Les oreisons, la letanie.
 
En la porte ert la croce oïe [54].
 
L’igliese ert ja avironnee
 
Set feis entor et poralee [55].
 825
Dedenz aveit seint Autbert mis
 
La croiz od tot le crucefis [56].
 
Devant l’autel, a genoillons,
 
Aveit ja feit ses oreisons [57].
 
L’eve et li vins erent mellez,
 830
Le seil, la cendre enz jetez [58].
 
Escrit i esteit l’abeiceis
 
Par le sablum qui ert tot freis [59]  :
 
D’un angle a autre, en dous langages,
 
L’aveit escrit Autbert li sages [60]
 835
Od la pointe de son baston,
 
Quer costume est, bien le savum [61].
Cette nouvelle fut vite connue et répandue en plusieurs endroits. Pendant que les messagers faisaient route, les évêques célébraient leur office ; ils s’en acquittaient posément, convenablement, car ils n’avaient pas lieu de se hâter : ils avaient une grande journée devant eux. Le Tollite était déjà chanté ainsi que les oraisons et la litanie ; on avait entendu le choc de la crosse contre la porte [14], on avait fait déjà sept fois le tour de l’église, on l’avait entièrement parcourue [15]. Saint Aubert avait mis à l’intérieur la croix, avec le crucifix ; devant l’autel, à genoux, il avait déjà fait ses oraisons. L’eau et le vin étaient mélangés, le sel et la cendre versés dedans [16], l’alphabet était écrit sur le sable fraîchement répandu : le sage Aubert l’avait tracé d’un angle à l’autre de l’église, dans deux langues, avec la pointe de son bâton : car c’est la coutume, nous le savons bien [17].
 
Emprés icen prist un bacin
 
Et de l’eive mesle od le vin [62],
A-f. 15r 
15rQue il aveit seintefiee.
 840
Einz que la cendre i fust plungie [63],
 
Li cresmes fut ouvec meslez.
 
Demaneis est o tot alez [64]
 
Au meistre autel, si l’a croiciez
 
Od son pouce que il ad molliez [65].
 845
Sus chescun corn une croiz fist
 
Od le segnacle que il dist [66],
 
Et el mileu, o la croiz vit
 
Del mestre autel, en espandit [67].
 
Emprés icen, si reprist vin,
 850
Le remanant qu’ert el bacin [68],
 
Et eve ensemble, sin ala
 
Entor l’autel, si l’arosa [69]  ;
 
Seit feis ala tot environ,
 
Tosdiz faisant s’aspersion [70].
 855
Par dedens ra avironnee
 
Treis feiz l’igliese et arousee [71]  :
 
Primes en bas et puis maien ;
 
En haut jeta au deraien [72].
 
Les croiz ennoist, qui faites erent.
Il prit ensuite un bassin, mélangea au vin de l’eau qu’il avait sanctifiée ; avant d’y plonger la cendre, on y mêla le chrême. Il se dirigea aussitôt, portant le tout, vers le maître-autel [18] et le bénit avec son pouce qu’il avait trempé dans le liquide. Sur chaque coin il fit une croix en prononçant une bénédiction et au milieu, en face de la croix du maître-autel, il en répandit. Après cela, il reprit du vin (ce qui restait dans le bassin) et en même temps de l’eau, et fit le tour de l’autel en l’aspergeant : il tourna tout autour sept fois sans cesser son aspersion. Il fit encore trois fois le tour de l’église, de l’intérieur, en l’aspergeant, d’abord en bas, puis au milieu, et en dernier lieu vers le haut [19]. Il oignit aussi les croix qui avaient été faites.
 860
Tot environ lors alumeirent [73]
 
Les chandeiles et atachierent
 
Desus les clous que il fichierent [74].
 
A l’autel va, ennoit le ra ;
 
Chandele, encens si aluma [75]
 865
Desus les croiz ; por l’ognement
 
Poressuier hastivement [76],
 
De toailles l’autel vestit.
Alors, tout autour on alluma les chandelles et on fixa dessus les clous que l’on planta [20]. Retournant à l’autel, il l’oignit à nouveau, fit brûler une chandelle et de l’encens au-dessus des croix ; pour essuyer rapidement les traces de l’onction, il revêtit en hâte l’autel de nappes [21].
 
Quant cen fut fait que vos ai dit [77]
A-f. 15v 
15vMolt i out plus de sacrement
 870
Que je ne di ici briement [78]
 
Mais nequedent, quant tot fait fu,
 
Li evesque s’en sunt iessu [79]  ;
 
Ornaverunt ont commencié ;
 
Si runt le temple aparellié [80]  :
 875
Cortines tendent el mostier,
 
Trestot entor, cil marruglier [81]  ;
 
Pailles roez mestent desus ;
 
Quant cen ont fait, si revunt jus [82]
 
Le cuer portendre et apresteir,
 880
Les cergies mestre et alumeir [83].
Quand tout ce que je vous ai décrit fut accompli – les rites de la consécration furent plus nombreux que ce que j’évoque ici brièvement –, donc, quand tout fut accompli [22], les évêques vinrent au-dehors [23]  ; ils entonnèrent l’Ornaverunt [24]. On reprit alors la préparation du temple : les marguilliers [25] garnirent le pourtour de l’église de tentures, placèrent au-dessus de riches étoffes à dessins circulaires [26]. Cela fait, ils redescendirent pour garnir de tentures tout le pourtour du chœur et l’apprêter, disposer les cierges et les allumer.
 
Endementres que il atornoauent,
 
Li evesques se raprestauent [84],
 
Et tuit li clerc et li clerzon,
 
De faire la procession [85]
 885
A aler contre les reliques.
 
Molt i out chapes et tuniques [86]  ;
 
Li evesque revestu sunt,
 
Desor lor chiés lor mitres unt [87].
 
Molt refurent bien attornei,
 890
Si cum deveient, li abei [88]  :
 
Il n’i a cel croce nen ait.
Pendant ces préparatifs, les évêques, de leur côté, s’apprêtaient, ainsi que tous les clercs et les clergeons [27], pour former la procession qui devait aller à la rencontre des reliques [28]. Il y avait quantité de chapes et de tuniques [29]. Les évêques étaient en tenue de cérémonie [30] et portaient leurs mitres sur la tête. Les abbés aussi étaient en grand apparat, comme ils se devaient de l’être : pas un d’entre eux qui n’eût sa crosse.
 
Les croiz, les textes a touz fait [89]
 
Sainz Autbert prendre et atorner.
 
Si com deveit par ordre aler [90],
 895
Li gomfanom sunt mis avant,
 
Qui d’or esteient flambeiant [91].
 
Dejoste cez li orzul vunt
 
Ou esteit l’eve, et emprés sunt [92]
A-f. 16r 
16rLi chamdelebre ou esteient
 900
Fichié li chierge qui ardeient [93].
 
Derierre chez les textes aloent,
 
D’or et d’argent, qui molt pesoent [94]  ;
 
Li encensier od tot l’encens
 
Apres erent, si com je pens [95].
 905
Tuit li clerzum, qui vestu sunt
 
De sorpeliz, emprés revunt [96],
 
Pois li grant clerc et li chanoine ;
 
Revestu sunt od cez li moine [97]  ;
 
Les persones et li abei
 910
Et li evesque sunt posei [98]
 
El derreain, pois li baron :
 
Eissi vait la procession [99].
 
Cez riches dames i aloent ;
 
Lor manteals, lor dras traïnoent [100]  ;
 915
Molt par aloent noblement.
 
Deriere vunt la pouvre gent [101].
 
Li clerc cantent a gresillon,
 
Desoz chantoent li clerzon [102].
Saint Aubert avait fait prendre et préparer toutes les croix et les textes sacrés. Selon l’ordre dans lequel ils devaient avancer [31], on plaça devant les étendards, étincelants d’or, suivis des bénitiers remplis d’eau ; à leur suite, les candélabres où étaient fixés des cierges allumés. 
Derrière eux venaient les textes sacrés, ornés d’or et d’argent, d’un poids considérable ; les encensoirs, remplis d’encens étaient après, je pense [32]. Tous les clergeons, vêtus de surplis, venaient à leur suite, puis les grands clercs et les chanoines [33], et avec eux, en habits, les moines. Les dignitaires ecclésiastiques [34], les abbés et les évêques étaient placés en dernier, suivis des barons : c’est dans cet ordre qu’avançait la procession. Les riches dames y figuraient, en manteaux, en robes à traîne, l’allure pleine de noblesse. Les petites gens marchaient derrière. Les clercs chantaient à plein gosier et les clergeons en retrait [35].
 
A Beal Veier esteient ja
 920
Les reliques ou veü a [103]
 
Vns avuegles qui ainz ne vit,
 
Par la merite, si cum cuit [104],
 
De seint Michiel que il requist
 
Que sa veüe li rendist [105].
 925
La vile out non, au mien espeir,
 
Por cest miracle, Beal Veier [106].
Les reliques étaient déjà à Beauvoir, où un aveugle qui n’avait jamais vu s’était mis à voir, grâce, je pense, au pouvoir de saint Michel, à qui il avait demandé de lui rendre la vue. C’est, je suppose, pour ce miracle, que la ville reçut le nom de Beauvoir [36].
 
La novele est tant espandue
 
Que une fame i est corue [107],
A-f. 16v 
16vQui unc ne vit des qu’el fut nee.
 930
Il erent ja en la valee [108]
 
Ou il n’a or ne meis areine,
 
Mais donc ert bois et terre pleine [109].
 
En est le pas, des qu’el vint la
 
Et les reliques atocha [110],
 935
Si vit si cleir, que de traitor
 
Ne li fut puis mestier nul jor [111].
 
Neie ert d’Astre, cen sei de fi ;
 
Dex li a fait molt grant merci [112],
 
Et seint Michiel qu’el requereit,
 940
Qui bien veit cleir la ou il deit [113].
 
Autres enfers i out assez
 
De diverses dolors sanez [114]  ;
 
Gariz i out tant des fievrous
 
Que je nel sei aconter vos [115].
La nouvelle s’était si bien répandue qu’une femme, aveugle de naissance, y était accourue. Les messagers étaient déjà dans la vallée, où il n’y a plus à présent que du sable, mais où se trouvaient alors des bois et une plaine [37]. Immédiatement, dès qu’elle y parvint et qu’elle toucha les reliques, elle y vit si clair qu’elle n’eut plus jamais, à aucun moment, besoin de guide [38]  ; elle était originaire d’Astériac [39], je le sais parfaitement. Dieu lui a accordé un très grand bienfait, ainsi que Saint-Michel, qu’elle invoquait et qui y voit bien clair quand il le faut [40]. Il y eut beaucoup d’autres malades guéris de différents maux : il y en eut tant à être guéris des fièvres que je ne puis vous en faire le décompte.
 945
Li pelerin, et li baron
 
Guerpissent la procession,
 
Tuit a bien prof, por la aler
 
Ou les enfers oent saner [116].
 
Tot entor cels granz genz aloent
 950
Qui les reliques aportoent [117].
 
Tant sont alei, qu’il sunt venu
 
La ou erent aresteü [118]
 
Li clerc et la procession ;
 
Dunc refunt lor estacion [119].
 955
Arestez sunt enz el chemin :
 
Grant presse i firent pelerin [120].
Les pèlerins et les barons quittèrent la procession, tous ou presque, pour se rendre là où ils avaient entendu dire que l’on guérissait les malades. Une foule importante entourait ceux qui portaient les reliques ; ceux-ci, continuant leur route, parvinrent à l’endroit où s’étaient arrêtés les clercs et la procession : ils firent alors à nouveau halte, s’arrêtant au milieu du chemin, où se pressait une foule de pèlerins.
 
Saint Autbert out idonques pris
 
Les encensiers et l’encens mis [121].
A-f. 17r 
17rLe guipellon avant porta
 960
Que en l’orzuel primes molla [122]  :
 
Les reliques ad arousees
 
Et en emprés bien encensees [123]  ;
 
Prises les unt molt liement,
 
Chantant s’en vunt molt haltement [124]
 965
Dreit al mostier. Molt se penoent
 
De bien chanteir cels qui chantoent [125]  ;
 
De joie vunt alquant plorant.
 
Molt par esteit la presse grant [126].
Alors saint Aubert, après s’être emparé des encensoirs et y avoir mis l’encens, brandit le goupillon, qu’il avait d’abord trempé dans l’aiguière. Il aspergea les reliques d’eau bénite, puis les encensa abondamment. Les porteurs s’en saisirent avec allégresse et, en chantant à haute voix, se dirigèrent vers l’église. Ceux qui chantaient avaient à cœur de bien chanter. Certains pleuraient de joie. La foule était particulièrement dense.
 
Hastez s’eirent li marruglier
 970
De l’igliese tote junchier [127]
 
Et d’atorner si cum deveient ;
 
Herbes i out qui bien oleient [128]  ;
 
Par les verrignes i entrout
 
Lors li soleil qui cleir raout [129].
 975
Li mostier ourent aorné
 
Quant li clerc sunt dedenz entré [130].
 
A l’autel vunt molt liement
 
Si mestent sus honestement [131]
 
Les reliques que il portoent ;
 980
Et li autres toz diz chantoent [132].
 
Cel jor est molt l’offrende grande,
 
Si cum tens et leu le commande [133]  ;
 
Vnques nul an puis ne falli,
 
Ainz dure encor, la Deu merci [134].
Les marguilliers s’étaient hâtés de joncher toute l’église et de la préparer comme ils le devaient ; il y avait là des herbes odorantes [41]. Par les vitraux y entraient alors les clairs rayons du soleil. Ils avaient fini de décorer l’église quand les clercs y firent leur entrée. Ceux-ci se dirigèrent vers l’autel, pleins d’allégresse, et y déposèrent solennellement les reliques qu’ils portaient tandis que les autres ne cessaient de chanter. Ce jour-là, l’offrande fut importante, comme le voulaient le moment et le lieu. Elle n’a jamais manqué une seule année depuis, et même elle continue encore actuellement, grâce à Dieu !
 985
Cimetiere firent del mont
 
Li evesque qui illuec sunt [135].
 
La messe chantent hautement ;
 
Molt orguenoent richement [136]
A-f. 17v 
17vCil chanteor qui bien chantoent ;
 990
Lor bones voiz iluec mostroent [137].
 
La kiriele fut chantee
 
Molt docement et orguenee [138],
 
Le gloire aprof et le respons
 
Et l’ auleluie es gresillons [139].
 995
La sequence par fut si bien
 
Que nul n’i sout amender rien.
 
Qui leist l’epistre aveit tunique,
 
A l’euvangele out dalmatique [140].
 
Quant il fut leiz et fut alee
 1000
Tote l’offrende et fut chantee [141],
 
Li evesque s’en sunt issu,
 
Si cum il eirent revestu [142],
 
Et si vindrent a l’eschalfaut
 
Qui de mairriens ert fait en haut [143].
 1005
Molt humlement i sunt monté,
 
Puis a un d’els bien sermonné [144].
 
Quant feni out tot son sermon,
 
Si reparole del pardon [145]
 
Que li evesque fait aveient,
 1010
Qui emsemble iluec esteient [146],
 
Par le congié de l’arcevesque
 
Soz qui esteient li evesque.
 
Trestot le pueple se taiseit,
 
Qui escoutout cen qu’il diseit [147]  :
 1015
Asis erent tot environ
 
Por escouter bien le sermon [148].
Les évêques présents instaurèrent un cimetière pour le mont [42]. Ils chantèrent une messe haute [43] assurée à la perfection par des chanteurs de qualité, qui montraient là leur grande maîtrise de l’organum [44]. Le kyrie [45] fut chanté très lentement et accompagnée d’une voix organale ; vinrent ensuite le gloria et le répons [46], et l’alléluia à pleine voix [47]. La séquence fut parfaite : nul ne put y trouver à redire. Celui qui lut l’épître portait une tunique, et pour l’évangile, une dalmatique [48]. Après ces lectures, une fois passé l’offertoire avec ses chants [49], les évêques sortirent, dans la tenue qu‘ils avaient revêtue, et se dirigèrent vers la tribune faite de planches que l’on avait dressée. Ils y montèrent bien humblement, puis l’un d’eux prononça un beau sermon. Quand il l’eut entièrement terminé, il reprit la parole pour évoquer le pardon qu’avaient octroyé les évêques réunis là, avec le consentement de l’archevêque dont ils dépendaient. La foule tout entière se taisait, prêtant attention à ses paroles ; ils étaient assis tout autour, pour bien écouter le sermon [50].
 
Quant cen fut fait, si ra mostrei
 
Seint Autbert cen qu’a enpensé [149]  :
A-f. 18r 
18r« Seignors, fait il, or m’escolteiz :
 1020
Puis que ci estes assembleiz [150],
 
Par voz conseilz dei bien esreir.
 
Je voil cest leu molt ennorer [151]  :
 
Se vos veiez que ce seit bien,
 
Rentes i voil metre del mien [152].
 1025
Doze chanoines i metrai
 
Et tant de rentes lor dorrei [153]
 
Que il auront soufeisaument
 
Trestot icen que a clers apent [154].
 
Ce iert doaire de l’igliese
 1030
Que je ne vuil que nuls i nuise [155]
 
Ne ne touge par achaisun
 
A seint Michiel cest nostre don [156].
 
Escrit en ei ensemble od mei
 
De l’apostoile et puis del rei [157]  ;
 1035
Li archevesque, bonement,
 
Et nos canoines ensement [158]
 
De la lor part, sanz contençon,
 
Ont otreié bien nostre don [159]  :
 
Il le funt tuit por seint Michiel
 1040
Qui nos metra trestoz el ciel [160]
 
Et nos merra en paradis
 
Dont il est bien poesteïz [161].
 
Biens est que vos oiez les dons
 
Que nos a seint Michiel donrons [162]  :
 1045
Genez li doins et Iz ouvec
 
Et quant que lor apent d’iluec » [163].
 
O une chape en ad saisie,
 
Qui encore est en l’abeïe [164],
A-f. 18v 
18vLe jor meesme la chapele :
 1050
Petite ert, meis molt fut bele [165].
 
Quant de cest ad tot achevé,
 
Des chanoines lor ra mostré [166]  :
 
« Seignors, fait il, enpensé ai
 
Que doze clers chaiens metrai [167],
 1055
Tels qui porrunt honestement
 
Servir l’igliese saintement [168].
 
A chels d’Avrenches pers serunt,
 
Quer tel ordre cum cil tendrunt [169]
 
Voil que cil teigent ensement ;
 1060
De Deu servir ne seient lent [170]. »
Quand il fut terminé, saint Aubert leur exposa ses projets : « Messieurs, fit-il, prêtez-moi attention. Comme vous êtes réunis ici, je dois, avec vos conseils, procéder convenablement. Je veux honorer particulièrement ce lieu : si vous considérez que cela convient, je veux le doter de rentes, sur mes propres biens. J’y installerai douze chanoines et je leur donnerai tant de rentes qu’ils auront en quantité suffisante tout ce qui convient à des clercs. Ce sera le douaire de l’église, car je ne veux pas que quiconque y porte atteinte ni n’enlève, le cas échéant, à saint Michel ce don que nous faisons [51]. À ce sujet, j’ai sur moi un document écrit à la fois de la main du pape et de celle du roi. L’archevêque, avec bienveillance, et nos chanoines, pour leur part, sans discussion, ont donné volontiers leur accord à notre don. Ils le font tous pour saint Michel qui nous guidera tous dans le ciel et nous mènera au paradis où il exerce de bien grands pouvoirs. Il convient que vous entendiez quels dons nous ferons à saint Michel : je lui donne Genêts ainsi qu’Itier [52], et tout ce qui dépend de ces lieux ». Le jour même, il mit la chapelle en possession de ces biens avec la remise d’une chape qui est encore dans l’abbaye [53]. Elle était petite, mais fort belle. Quand il eut tout réglé sur ce point, il évoqua à nouveau les chanoines devant son auditoire : « Messieurs, dit-il j’ai projeté d’installer ici douze clercs qui pourront de façon convenable accomplir saintement le service de l’église. Ils seront les égaux de ceux d’Avranches [54], car je veux qu’ils observent exactement la même règle qu’eux. Ils ne devront pas manquer d’empressement au service de Dieu. »
 
Sanz demoreir les a nommez
 
Et establiz et ordenez [171]  ;
 
Enz en l’igliese les a mis
 
Ou il furent puis, ce m’est vis [172],
 1065
Que il que lor successions,
 
D’anz tel numbre cum nos trovuns [173]
 
Qui est escrit enz es milliers,
 
Dos cenz cinquante et seit entiers [174]  ;
 
Seit cenz et oit, cen retrovum,
 1070
Reirent des l’Incarnacium [175]
 
Des qu’a cel an que li clers sunt
 
Mis en l’igliese sor le mont [176].
Sans attendre, il les désigna, les établit, les investit. Il les installa dans l’église, où ils demeurèrent depuis, je pense, aussi bien eux que leurs successeurs, pendant un nombre d’années que nous trouvons écrit, jusqu’à leur suppression [55], de deux cent cinquante-sept au total. Nous trouvons aussi qu’il y avait sept cent huit ans depuis l’Incarnation jusqu’à cette année où les clercs furent installés dans l’église sur le mont [56].
 
Quant saint Autbert out fait le don
 
Dont li clerc ourent garison [177],
 1075
Les bries ad liez que out od sei,
 
De l’apostoile, et del rei [178],
 
Qui confermerent sor defens,
 
Que hom ne fust meis, en nul tens [179],
A-f. 19r 
19rQui de l’igliese ostat les rentes
 1080
Par dons, par gages ou par ventes [180].
 
Aprof ad confermé son don
 
Par grande constitucium [181].
 
Neis li evesque et li abei
 
Et tuit li clerc l’ont confermé [182]  ;
 1085
Et l’autre gent, soron lor sen,
 
En haute voiz dient amen [183].
Après avoir fait le don dont les clercs eurent le bénéfice, saint Aubert fit lecture [57] des lettres qu’il avait sur lui, celle du pape et celle du roi, qui confirmèrent que nul ne devait jamais, à aucun moment, au mépris de son interdiction [58], priver l’église des rentes, en procédant à des dons, des gages ou des ventes. Il confirma ensuite son don en l’instituant solennellement, et même les évêques, les abbés et tous les clercs le confirmèrent. 
Le reste de l’assistance, suivant son entendement, dit à haute voix : « Amen ».
 
Quant la parole fut mostree
 
Et tot li pueples l’out graee [184],
 
Si sunt ralez enz el mostier
 1090
Chanter la meisse et le mestier [185]
 
Qui a cel jor aparteneit.
 
Chascuns en fait tant cum il deit [186]  :
 
En treble chantent le sanctus ,
 
En quinte voiz dient l’ agnus [187].
 1095
Li diacres qui dist Ite
 
Le Missa est a bien finé [188]  ;
 
Molt par le dist acordantment :
 
Loez en fut de meinte gent [189].
Après ces déclarations publiques, suivies de l’approbation du peuple tout entier, on retourna dans l’église pour chanter la messe et l’office habituellement prévu pour ce jour-là. Chacun s’acquitta du rôle qui lui revenait : le Sanctus fut chanté en triplum , l’ Agnus proclamé à la quinte [59]. Le diacre qui entonna l’ Ite exécuta bien le Missa est . Il le proclama d’une façon particulièrement harmonieuse [60], qui lui valut bien des louanges.
 
Quant la messe est tote chantee
 1100
Et l’ore aprof refut finee [190],
 
Si vunt mangier communealment,
 
Et seint Autbert, molt liement [191],
 
Lor ad donné ce qu’il aveit,
 
Qui a la feste aparteneit [192].
 1105
Il sunt servi si richement
 
Que nuls n’i a quin grost nient [193],
 
Ne haut ne bas, quer dolcement
 
Furent servi a lor talent [194].
A-f. 19v 
19vQuant mangié ourent, si s’en vunt,
 1110
Et li doze clerc remeis sunt [195]
 
Qui mis esteient el mostier :
 
Des or ferunt meis lor mestier [196].
 
Depart la feste, tuit s’en vunt
 
Od molt grant joie que il funt [197]  ;
 1115
De totes parz, espeissement,
 
S’en veit li pueples liement [198].
Une fois la messe chantée entièrement et l’heure [61] qui suivait dite, ils allèrent manger tous ensemble et saint Aubert, plein d’allégresse, leur offrit ce dont il disposait et qui convenait à la fête. On servit un repas si somptueux qu’il n’y eut personne pour se plaindre, ni à voix haute ni à voix basse, car tous furent aimablement servis, selon leurs désirs. Après le repas, on se sépara ; restèrent les douze clercs affectés à l’église : ils devaient désormais accomplir leur ministère. La fête se termina, tous s’en allèrent, avec de grandes manifestations de joie. La foule joyeusement s’en alla, en rangs serrés, dans toutes les directions.
 
Or est bien dreis que vos dions
 
Le jor, le terme que trovons [199],
 
Que li mostier fut dediez :
 1120
Oittouvres ert ja bien miez [200]  ;
 
Deiz et seit jorz entiers aveit,
 
Si cum l’escrist cil quil saveit [201],
 
Tres qu’as kalendes de novembre,
 
Qui premiers jorz est, ce me membre [202].
 1125
A icel jor, chescun an funt
 
Encor grant feste cil del mont [203].
 
Icele feste est apelee
 
La Petite par la contree [204],
 
Quer devant cele une autre en funt,
 1130
Del trovement de l’autre mont [205]
 
Qui fut trové dedenz Campagne,
 
Cel que l’en dit Monte Gargaigne [206].
Il convient maintenant que nous vous disions le jour et la date, selon ce que nous trouvons, de la dédicace de l’église. Octobre était déjà bien à sa moitié, il restait dix-sept jours entiers, comme l’a noté notre auteur bien informé, jusqu’aux calendes de novembre, qui sont, si mes souvenirs sont bons, le premier jour du mois. Et ce jour-là, chaque année, les gens du mont célèbrent encore actuellement une grande fête qui, dans la région, est appelée la Petite, car ils en célèbrent auparavant une autre, en l’honneur de l’autre mont qui fut fondé en Campanie [62], celui que l’on appelle Monte Gargano [63].

~

1   A : out alei ; B : ont alei par lor iornees Que ne veuz sunt en lor contrees.

2    saint ; Au pais.

3    poiez Donc ; voient ; liez.

4    Que ; seit venu.

5    les mons et les valees ; doces.

6   A : Les bois . Les uiles . les chastelals ; B : Le bois les uilles les chateaus ; mot est beaus.

7   A : ert cleirs ; B : La (Li ?) iors esteit cler et sereins ; le pais ; pleins.

8    la mer et les fores ; L champaignes et les desers.

9    sept leues ; voient.

10    Voient ; Mout ; merueller.

11    Tout ert.

12    Ostez en ert le buharez ; li bissonnez.

13    trestot esteiz ; eu planistre.

14    eu bas au pie deu mont Qui de loign leur semblot ront.

15    tot cler ; Ce iglese qui fetes.

16    Mesons i ot fetes ; de loign ; etre.

17   Grande initiale dans B : Quant assez orent esgarde ; repose.

18    en voient isnelement ; denoncier.

19    doblee ; au mont grant assemblee (omission de out).

20    deuesques et de barons.

21    saint aubert ; mandez ; ert grant assemblez.

22    Cel iglese que fetes.

23    Grant erre iot ; Qui erreient.

24    espessement Li ior ert cler.

25    les valez ; Checun deus.

26    li vellart reuont ; De leesse font.

27    si chant utree ; dex.

28    treites ont.

29    La ou il sont vunt ; Li temps est bel.

30    Cil palefrai ; Et cil ronsin et si somier.

31    Qui erreient par le chemin Que meneient.

32    De toutes pars ; ont.

33    chanteient.

34   A : Pa les forez ; B : Les beus les vaches vunt muiant Par les fores et repassant.

35    busines et freiteaus ; chalemeaus.

36    Sonnent si que les montagnes ; les plagnes.

37    Que esteient dont des plesseiz ; desfores.

38    En ceux par a tel soneiz Con ce fust cerf acoilliz.

39    de bois foellu Cil trauetiers ont tendu.

40    Rues ont feit par le chemins Plente i ot.

41   A : fruit . et poissons Oisels . oubleies . ; B : fruiz et peissons Oesieaus oblees.

42    De totes pars ; Assez en a qui a.

43   Grande initiale également dans B : Li treif estoient ionche tuit ; auet.

44    a erre ; Que li messagier ont en voie.

45    ens eu mostier ; coumencout.

46    Vet ; conte.

47    Quan quil iorent en chargie Cil quil la uoient en voie.

48   Grande initiale absente dans B : Li euesque quant il oit.

49    Mes ; feseit ; Jen uot lesser.

50   A : quil vien ; B : Ainceis ; A ceux quil viengent.

51    lieus.

52    A dreit ; deu haster niot neent.

53    Deu ior ; Chante esteit attolite.

54    ert la rote entree.

55    Liglese ; auironee Sept foiz.

56    Dedens ; saint aubert La coiz o tot.

57    a genollons.

58    le uin ; Le sel ; ens getez.

59   A : Pa le sablum ; B : Escrite i esteit ; Par le sablon.

60    Dun autre angre ; aubert.

61    O la pointe ; le sauon.

62    Empres ice prinst ; Qui de leue meslee o vin.

63    saintefiee : Eins que ; plungee.

64    ouec ; i est tot.

65    Au mestre otel si la croizez O son pouce quila moillez.

66    Sus checun vene croiez fist O le signacle que il i dist.

67   A : la croit ; B : Et eu milleu ou la croiz vit Deu.

68    Apres ice si reprint vin Le remenant ; eu bacin

69    ensemble si ; si larousa.

70    Sept foiz ; Tot soef fesant spersion.

71    la auironee Treis foiz li glese.

72    embas et puis meien Eu haut geta au desrein.

73    en oint ; fetes ; alumerent.

74   A : le clous ; B : Les chandeles atachierent ; les clous que il ficherent.

75   A : Chandele . encens . si ; B : en oint lena Chandele ensens si.

76    hatiuement.

77    toalles ; vesteit Que cen fust feit.

78    Mot iot dit ; Que ie ne dit ici briement.

79    Mes nequedeit ; fet fu : issu.

80    commecie ; si ront le temple aparllie.

81    eu mostier ; cil marrubler.

82   A : mesteit ; B : Pailes roez metent ; ont feit si reuont ius.

83    Le ceur portendent et aprester Les cirges metre et alumer.

84    quil atorneient : se raprestoient.

85    Et tot li clerc et li clerion De fere.

86    Mot i ot.

87   Grande initiale dans B : Li evesque reuestu sunt ; desus ; lor mitre ont.

88    Molt furent cil bien atorne Si cum deuoient li abbe.

89    Il ni a cil qui croce nait ; les cirges a toz.

90   A : deueient ; B : Saint aubert ; Si con par ordre deueit.

91    Li gonfanon sont ; au vent ; estoient flambeant.

92    Li orcel vont : en pres sont.

93    Li chandelabre ou estoient Fiche li cirge.

94   A : le textes ; B : Et par empres la croiz aloient : pesoient.

95    Li ensencier otot ; Empres ierent.

96    li clerion ; reuont.

97    Puis le grant clerc ; Reuetuz sont o cez.

98    les abbez ; li euesques sont posez.

99    Eu desreein sunt ; Einsi ueit.

100    Ces riches dames ialoient Lor mantel ; trainoient.

101    aloient ; vont li poure gent.

102    Li clers chantent a gresilon ; chanteient li clerion.

103    bel veir.

104    Vns aueugles qui onc ne vit ; si com ie cuit.

105    saint michel ; Quil sa ueue.

106    ot non ; beauueir.

107   Grande initiale également dans B : La nouele est tant espandue.

108   A : Ol erent ; B : Il erent.

109    il na nemes areigne.

110    Eu melei des queu.

111    si cler ; trestor ; puis mestier ior.

112    Nee ; ce seu defi ; feit.

113    saint michel queu ; ueit la ou i.

114    i ot ; dolor chargiez.

115   A : iel nel ; B : tan de fieuros Que ie neu sei.

116    preuf ; oient.

117    ceux grans gens aloient : aportoient.

118    ale ; esteient arestu.

119    Donc lor font.

120    eu chemin ; i font li pelerin.

121   Grande initiale également dans B : Saint Aubert ot idonques prins ; ensenciers.

122    Quen lor seel.

123    a a rosees : ensencees.

124    ont mot ; Cantant sen vont.

125    au mostier ; se penent ; ses qui chantent.

126    vont auques ; Molt esteit.

127    Haste serent li marrublier De liglese tote ioncher.

128    Herbes i ot qui bon senteient.

129    Fors le solleil qui cler reout.

130    Le mostier orent aorne ; sont dedens entre.

131   A : mesteit ; B : vont isnelement Si metent.

132    il porteient : chanteient.

133    mot lor frende ; temps.

134   A : encore ; B : Onques nul puis ; Ains encor.

135   A : illuques ; B : Simitiere firent du mont ; illeuc.

136    Mot orgueneent.

137    illeuc.

138    Mot.

139    Le gloria et le respons Et laullelie a gresillons.

140    Qui leut li pistre ; Et leuuangile dolnatique.

141   A : ifut leiz ; B : Quant fut leue ; Toute lofrende.

142    iessu ; il erent.

143   A : Et uindrent a ; B : Et si vindrent ales chaufaut Qui de merreins ert feit haut.

144   A : humilement il ; B : Mot humblement i sont ; a vn deus bien sarmone.

145    Quant fine ot ; sarmon ; reparla de deu pardon.

146    feit ; assemble illeuc.

147    le peuple se teseit Qui escouteient ce quil.

148   A : bien lermon ; B : Assis erent ; Por escuter le deu sarmon.

149    ce fu feit si ra mostre Saint aubert ce que ra enpense.

150   Grande initiale également dans B : Segnors, feit il, or en pensez ; asemblez.

151    coseiz ; errer Je veul cest lieu molt henorer.

152    Se uous ; que seit bien ; i veul meitre deu.

153    imetre : donrei.

154    soufesaument ; ice.

155   A : uuls ; B : Cert doire de liglese Quer ge ne veul que nul ninuse.

156    par acheson A saint michel.

157    en ai en semble o moi De la posteile et puis du roi.

158    Li arceuesque ; Et noz chanoines.

159    otrie.

160    Ille font ; saint michel ; tretoz eu ciel.

161    donc il ; posteis.

162    Bien ; le dons ; a saint michel donons.

163    Genz li donc et iz ouec Et quan que lor apartient dileuc.

164    O une chape en asaisie.

165    meimes ; Petite esteit mes estet bele.

166   A : ad de tot acheue ; B : a tot acheue ; Grande initiale dans B : Es chanoines en a mostrei.

167    segnors fet il ; ceenz metre.

168   A : saitement ; B : Tex qui porront ; liglese saintement.

169    A cex ; seront Et tel ordre ; tendront.

170    Veul que cil tiengent.

171    Sans demorer les les anomz ; e ordenez.

172    en liglese ; ifurent.

173    Que lor suscesions J a ans teus numbre com noz trouons.

174   A : qui escrit enz ; B : Qui ē escrit enz ; Dous cenz sinquante et seit entiers.

175    Seipt cenz ; se retrouons : lincarnations.

176    li clerc ; en liglese souz le mont.

177   Grande initiale également dans B : Quant saint aubert ot fet le don Donc li clerc orent.

178    Li bris a leu que ot o sei De la posteile et puis de rei.

179    Que hons ne fut mes en nul temps.

180    Qui de liglese otast les rentes.

181   A : les rentens ; B : Apres a ; constuticion.

182    Neis euesque et li abe.

183    so lonc lor sen A haute.

184   Grande initiale également dans B : Qnt la parole fut montree Et tot le peuple lot graie.

185    Alez enz eu ; Chanter et fere le mestier.

186   A : apartenent ; B : aparteneit Checun en feit.

187    En treible orent.

188    Li diacre.

189    acordaument.

190   Grande initiale également dans B : Quant la messe fut tote chantee ; refut sonee.

191    Si uont communement E saint aubert.

192    Lor a done se quil aueit Qui a la fete.

193    Que nul nia qui grost neent.

194    docement.

195    mengie orent ; sen vont ; li doze clers ; sont.

196   A : Des ore ; B : en mostier Desor mes ferunt.

197    sen uont : que il font.

198    De totes espessement ; le peuple.

199   Grande initiale également dans B : Or est bien dreiz que uos dions.

200    li mostiers ; Octoures ert forment meiez.

201    et sept iors ; auet ; cil qui.

202    Qui primiers ert se membre.

203    checun an font : deu mont.

204    Icelle.

205    deuant celle ; font.

206    trouee dedens champaigne : gargagne.

~

1    Jorneies, « journée de marche, de voyage », désigne les étapes parcourues chaque jour par des voyageurs.

2    Cf. Edmond René Labande, « Les pèlerinages au Mont Saint-Michel pendant le Moyen Âge », in Millénaire monastique du Mont Saint-Michel, t. III, p. 242 : « À une trentaine de kilomètres du Mont, à Saint-Michel-de-Montjoie, près de Saint-Pois, non loin de la célèbre chapelle Saint-Michel de Mortain, les pèlerins venant de l’est apercevaient pour la première fois, par beau temps, la silhouette de l’église abbatiale dans le lointain. C’était le « petit Mont Saint-Michel », équivalent du Montjoie romain ou hiérosolymitain ». Mais on remarquera aussi l’allusion à saint Martin, peut-être nécessitée par la rime avec Avrenchein, mais qui pourrait faire référence à la commune de Montjoie-Saint-Martin, à une quarantaine de kilomètres à l’ouest du Mont, près de la ville de Saint-James.

3    La terre veient a bandon : a bandon a le sens d’« en toute liberté » et mettre a bandon « mettre à disposition, livrer » : le pays est livré à leurs regards, en toute liberté. Cf. Edmond René Labande, in Millénaire monastique du Mont Saint-Michel, t. III, p. 242, note 31 : « À l’extérieur le Mont apparaît de huit lieues en terre et de quinze lieues en mer… » écrit Victor Hugo (Victor Hugo, Correspondance familiale et écrits intimes, t. II, 1828-1839, Paris, Robert Laffont, 1991 ; lettre à sa femme, datée de Coutances, le 28 juin 1836, p. 292-296).

4    Cele igliese que faite esteit : Que peut être considéré comme un relatif, mis pour qui, comme l’indique Philippe Ménard (Syntaxe de l’ancien français, p. 80, § 64) : « Au lieu de la forme normale qui, on trouve parfois dans les parlers de l’Est, du Nord et de l’Ouest (y compris l’anglo-normand) la forme que comme sujet (masculin ou féminin, singulier ou pluriel). Mais les textes qui utilisent épisodiquement que continuent d’employer fréquemment qui ». Que est aussi en ancien français un connecteur à valeur causale (« car »). Le passage met en évidence l’importance des travaux de déblaiement et de construction qui rendent le Mont méconnaissable aux deux clercs partis depuis de longs mois ; nous avons donc choisi cette interprétation qui insiste sur l’enchaînement logique de leur découverte de la nouvelle construction et de leur conclusion étonnée ou admirative : « car elle était achevée ! ».

5    Cf. Paul Gout, Le Mont-Saint-Michel…, t. II, p. 396, à propos de l’église carolingienne : « tout l’édifice était enduit de chaux, tant intérieurement qu’extérieurement ».

6    Cf. Jean Favier, Dictionnaire de la France médiévale, p. 132 (s.v. bénédiction) : « À partir du XIIe siècle, on distingue la bénédiction de la consécration qui concerne les vases liturgiques, notamment le calice et la patène, et de la dédicace, qui concerne les lieux et le mobilier liturgique que l’on place sous le patronage d’un saint ». L’église, qui est dédiée à Dieu, porte le nom du saint patron qui la protège.

7    Outree, oltree, « en avant », dérivé du verbe oltrer « passer au-delà, dépasser » (de oltre, « plus loin ») et susee, dérivé de l’adverbe sus, « en haut », d’où « à cheval, en marche » : exclamations d’encouragement, fréquentes dans les chansons de pèlerins. Raymond Oursel (Les Pèlerins du Moyen Âge, Paris, Fayard, 1963, p. 47) évoque « … le vieux cantique immémorial dont le rythme si magnifiquement s’accorde au pas : E ultreia « et outre », E sus eia « et sus » ; Deus aïe nos « Dieu nous aide », ou plutôt « Dieu, aide », car aïe est l’impératif du verbe aidier ». La locution est aussi l’enseigne, le « cri de ralliement » des ducs de Normandie et signifie « Dieu, aide-(moi, nous…) ». Cf. René Lepelley, « Dex aïe, l’enseigne au Duc de Normandie », Annales de Normandie, n° 2, 37e année, mai 1987, p. 101-108. Dans Dels aïe, le l est une graphie hypercorrecte pour le u de Deus, un u pouvant graphier le résultat de la vocalisation d’un l devant consonne, comme dans els pour eus (« eux »).

8    Cil jugleor : cil est un « démonstratif de notoriété » employé au pluriel (cil et cez) « dans des descriptions traditionnelles pour désigner des êtres ou des choses conformes à un type connu » (Philippe Ménard, Syntaxe de l’ancien français, p. 32, § 13). Cf. v. 771-772 : cil palefrei et cil destrier, et cil roncin et cil sommier, et v. 790 : cil travetier.

9    Palefroi : « cheval de marche » ; destrier : « cheval de bataille ».

10    Tres, pluriel de tref (v. 790 et 797), a pour étymon le germanique trabo « tente, pavillon » (FEW XVII, 640 a) plutôt que le latin trabs « poutre » (FEW XIII, 2, 136 b) : ce sont des tentes, plutôt que des poutres, qui sont tendu(es) (v. 790) et junchié(es) (v. 797). Travetier désigne-t-il celui qui dresse les tentes (trabo), sens donné par les dictionnaires, ou bien encore des bûcherons ou des charpentiers (trabs) chargés d’installer ces constructions légères et éphémères, de traveter, « garnir de poutres », verbe attesté au XIVe siècle seulement ? Nous avons plutôt considéré travetier comme un dérivé de trabo, « tente », étroitement lié par le sens à ce substantif : « les utilisateurs de tentes », c’est-à-dire en l’occurrence les « commerçants non sédentaires » et l’avons traduit par boutiquiers.

11    Oblee, du latin oblata, participe passé de offerre « offrir », a d’abord le sens d’« hostie » (« offrande » présentée à l’eucharistie) ; il désigne aussi une pâtisserie très légère qui se préparait comme une hostie. La forme actuelle du substantif s’explique par une contamination de oblee par le verbe oblier / oublier.

12    Guillaume de Saint-Pair s’inspire des fêtes annuelles organisées en l’honneur de saint Michel. Cf. Edmond René Labande, « Les pèlerinages au Mont-Saint-Michel… », p. 242 : « Chaque année, au 29 septembre surtout et au 16 octobre, régnait autour du sanctuaire de la baie une joyeuse animation, avec particulière affluence de fidèles, autour desquels se répandaient jongleurs et, semble-t-il, dès le Xe siècle au moins, petits commerçants de tout acabit ».

13    Viengent : forme dialectale de subjonctif courante dans les parlers de l’Ouest d’oïl et en Picardie, analogique des subjonctifs plange (latin plangam, de plangere, « pleurer ») et sorge (du latin surgam, de surgere, « s’élever ») ; cf. Gaston Zink, Morphologie du français médiéval, p. 155. L’adverbe belement est formé à partir de l’adjectif bel (au féminin) qui outre le sens de « beau » est employé pour exprimer un sentiment de respect, de vénération, d’amour (biaus sire, biaus dous amis, biaus frere). Nous avons considéré que, dans un contexte d’échange de messages aimables, belement était un terme de politesse : « qu’ils veuillent bien venir ».

14    La formule consacrée est tollite portas « levez, soulevez, enlevez », c’est-à-dire « ouvrez les portes ». Cf. Éric Palazzo, L’évêque et son image, l’illustration du pontifical au Moyen Âge, Turnhout, Brepols, 1999, p. 312 : « Devant la porte de l’église, dans laquelle douze cierges sont allumés, l’évêque frappe trois fois à la porte avec sa crosse en prononçant la formule : “Tollite portas” ». L’auteur (ou le copiste) a employé le composé attollite, de même sens que tollite. Cf. aussi David Hiley, Western plainchant, a handbook, Oxford, Clarendon Press, 1995, p. 45 : « Psalm 23 Domini est terra is also sung with verse 7 as its antiphon Tollite portas, and this and the other final verses provide the text for the entrance ritual. The bishop knocks on the door of the church […]. A litany may accompagny the approach to the altar… »

15    Dans poraler, le préfixe por- (du préfixe latin pro- avec métathèse et influence sémantique de per-) exprime l’idée d’une action accomplie dans sa totalité.

16    Pour ce rite de la purification de l’église lors de la dédicace et le symbolisme de l’eau, du sel, du vin et de la cendre, cf. Éric Palazzo, L’évêque et son image…, p. 337-338.

17    À ce propos Fernand Cabrol et Henri Leclercq, Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de liturgie, Paris, Letouzey, t. IV, 1, 1920, précisent, p. 389 : la consécration de l’église est une « prise de possession de l’édifice au nom du Christ dont l’X est l’initiale comme les lettres de l’alphabet inscrites sur les deux lignes sont le développement de son emblème AΩ ». Ils soulignent le fait que le rite suppose un sol non pavé et ajoutent : « plus tard, lorsque la nouvelle disposition fut adoptée, on dut, pour accomplir ce rite, répandre sur le pavement de la cendre ou de la sciure de bois » ; dans le Roman, c’est du sable qui a été répandu sur le sol de l’église. Ils ajoutent (ibid., p. 391), dans leur description du rite de l’ordo in dedicatione basilicae novae dans le rite romain en France à partir du VIIIe siècle : « pour la première fois paraissent les deux alphabets inscrits sur le pavement ». Les deux langues sont « le grec d’abord et le latin ensuite » (ibid., p. 390). Cf. également Éric Palazzo, L’évêque et son image… p. 347, qui présente la scène décrite dans le Pontifical : « Deinde incipiat pontifex a sinistro angulo ecclesie ab oriente scribens grece per pavimentum cum gambuta sua tota alphabetum grecum usque in dextrum angulum occidentalem… Incipiensque similiter a dextro angulo orientali, alphabetum latine scribat usque ad sinistrum angulum occidentalem. » (Andrieu, Pontifical II, p. 427-428), et ajoute : « selon le commentaire de Rémi d’Auxerre, la symbolique de ce geste concerne essentiellement la propagation de la foi chrétienne par les Évangiles – associés aux deux alphabets –, à travers les quatre coins du monde ».

18    Pour ces deux autels, celui du Crucifix, appelé aussi Autel Saint-Sauveur, devenu par la suite l’autel Saint-Michel en la nef, et le maître-autel, cf. dom Joseph Lemarié, « La vie liturgique au Mont d’après les ordinaires et le cérémonial de l’abbaye », p. 311 (plan de l’abbatiale) et p. 312.

19    Fernand Cabrol et Henri Leclercq, Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de liturgie, t. IV, 1, p. 392 : « … puis ce sont les lustrations d’eau bénite qui s’accomplissent à l’intérieur du temple et s’étendent à l’autel et à son pourtour, aux murailles intérieures et à son pavement lui-même […]. Pour la seconde lustration, le gélasien prescrit comme aujourd’hui une eau spécialement bénite avec mélange de vin ad consecrationem altaris… ».

20    Cf. Consuetudines Beccenses, in Marie-Pascal Dickson (éd.), Corpus consuetudinum monasticarum, Siegbourg, Franz Schmitt, t. IV, 1989, ch. XV, « De festis sanctorum post Pentecosten », § 381-389, « De dedicatione ecclesiae », plus précisément § 389, p. 156 : Quae debent parari ad dedicationem : […] viginti quatuor cruces, duodecim foras monasterii et totidem intus. Tot claves debent infigi ad pedes earum intus et foras cum totidem cereis infixis

21    L’emploi du verbe vestir suggère qu’il s’agit d’une des étapes de la consécration de l’autel, la vestitio altaris ; à titre d’exemple, les Consuetudines Beccenses, p. 156, § 389, prévoient, parmi les objets à préparer pour la dédicace, des panni altaris mundi, « linges d’autel propres ». Dans le verbe poressuier, le préfixe por- confère au verbe un aspect de totalité ou d’accomplissement, que l’on constate aussi dans les v. 824 poralee et 879 portendre.

22    La consécration de l’autel a été complète, avec « aspersions et purifications, oblation d’encens, onctions » (F. Cabrol et H. Leclercq, Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de liturgie, t. IV, 1, p. 393).

23    v. 820-870 : cf. Éric Palazzo, L’évêque et son image…, p. 312 : le rituel décrit ici est accompli par l’évêque « avec trois ministres tandis que le reste du clergé et le peuple attendent dehors avec les reliques ».

24    Ornaverunt faciem templi : « ils ornèrent la façade du temple ». Cf. Consuetudines Beccenses, Marie-Pascal Dickson (éd.), p. 155, « De Dedicatione ecclesiae ».

25    Marruglier (A) / marrubler / marrublier (B) : « marguillier ». Le latin matricularius désignait un pauvre inscrit sur le registre d’une église (matricula) pour bénéficier d’une aide ; il a pris en latin tardif le sens de « pauvre employé à l’entretien d’une église » puis de « gardien d’un sanctuaire, laïc ou ecclésiastique ».

26    Paile : « riche étoffe souvent de soie, venue le plus souvent d’Orient » (FEW VII, 506 b, pallium « manteau »). L’objet se prête à différents usages et le substantif peut prendre de ce fait des sens variés : aux v. 1226, 2143, « étoffe précieuse » ; ici, pailles pourrait aussi signifier « dais » ; aux v. 661, 2144, 3433, 3744, « manteau » (d’où le sens courant en ancien français de « vêtement orné d’or et d’argent ») ; 1237, « drap mortuaire » (d’où le français moderne poêle) et 2541, « tenture » ou « manteau »…

27    Charles de Miramon précise : « Le terme de clergeon recouvre tout le petit monde qui gravite autour d’une église d’importance : écoliers de la maîtrise, bedeaux et domestiques ». (Les « donnés » au Moyen Âge, Paris, Éditions du Cerf, 1999, p. 223).

28    L’auteur expose en détail le déroulement de la cérémonie : après la consécration de l’église et de l’autel effectuée par l’évêque, ce dernier se rend à l’extérieur pour aller chercher les fidèles. Les reliques sont alors déposées dans l’église, puis l’eucharistie est célébrée. L’arrivée des reliques au Mont coïncide exactement avec le moment précis de la cérémonie où, selon le rite, l’évêque doit les accueillir en procession et les installer solennellement dans l’édifice nouvellement consacré. L’auteur souligne ainsi que cette coïncidence est voulue par Dieu et par l’archange.

29    L’emploi du terme chapes souligne l’importance de la cérémonie : les plus solennelles sont in capis, « en chapes », celles d’importance moindre in albis, « en aubes ».

30    Cf. Godefroy X, 572, revestir « couvrir d’un vêtement spécial ; en parlant d’ecclésiastiques, de personnages attachés au service d’une église : mettre sur soi les vêtements propres à tel ou tel office ».

31    Il s’agit de l’ordre de la procession, établi selon l’Ordo romanus, qui indique de façon très précise les détails du déroulement des cérémonies religieuses. Cf. Fernand Cabrol et Henri Leclercq, Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de liturgie, t. XII, 2, p. 2403, art. « Ordines romani ».

32    chez : forme normano-picarde de cez (v. 906), « ces », pronom démonstratif au sens de « ceux-ci » ; le Cérémonial du XIe siècle du Mont Saint-Michel, p. 253-255, à propos de la procession d’accueil des pèlerins de marque indique : Fratres revestiti de pulcherrimis capis ecclesie cum aqua benedicta, duobus candelabris, duobus thuribulis duabus crucis [sic] et duobus textibus vadunt in gravis… (cité par dom Joseph Lemarié, « La vie liturgique au Mont d’après les ordinaires et le cérémonial de l’abbaye », p. 333).

33    Surplis, du latin super « par-dessus » et pellicius « fourrure » : « vêtement liturgique de lin blanc, à larges manches et souvent orné de dentelles, qui se porte sur la soutane et qui descend sur les genoux » (Michel Feuillet, Vocabulaire du christianisme, Paris, PUF [Que sais-je ? n° 3562], 2001, p. 115). Chanoines : cf. v. 212 ; il s’agit ici des chanoines de la cathédrale d’Avranches, venus assister à la consécration de l’église fondée par leur évêque, Aubert. Ce dernier va ensuite fonder une communauté de douze chanoines chargés du service de l’église du Mont Saint-Michel (cf. les v. 1025 et 1052).

34    Persone : cf. FEW VIII, 268 a, persona : du sens d’« individu » on est passé à celui de « personne d’importance », puis de « personne revêtue d’une dignité ecclésiastique ». Ce sens est attesté pour le latin médiéval persona, dès le XIe siècle. Cf. les v. 1203 et 1252.

35    La locution a gresillon, également employée au v. 994, sous la forme es gresillons, n’est attestée que dans ces deux vers et a été interprétée de diverses façons. Elle figure dans le FEW XVI, 59 b, grillen avec le sens de « clochette d’église » et une référence au v. 994 du Roman du Mont Saint-Michel. Mais elle est aussi mentionnée dans TL IV, 628, avec référence aux mêmes vers du Roman et le commentaire suivant : « Michel indique "espèce de chant" ; mais ce pourrait aussi être un endroit dans l’église ». Le substantif gresillon a aussi en ancien français les sens de « grillon » (FEW IV, 269 a, grillus), de « menottes » (FEW II, 2, 1290 a, craticula), de « grêle » (FEW XVI, 85 b, grisilon), peu satisfaisants dans le contexte. Graham R. Birrell glose a gresillons par falsetto, « avec une voix de fausset », se fondant en cela sur un article de Laurence Wright, « Chanter a gresillon(s) and chanter es gresillons », Medium Ævum, XXXV, 1966, n° 3, p. 231-235 : il rapproche gresillon de graisle, gresle, « trompette au son grêle ». Nous considérons a gresillon / es gresillons comme difficilement compréhensible pour le lecteur peu instruit auquel s’adresse le texte en romanz, et proposons d’y voir une locution adverbiale a gosillon que nous traduisons par « à plein gosier ». Il s’agit dans ce vers de la voix des clercs, hommes d’âge mûr, à laquelle s’oppose la voix en dessous des petits clercs : ces derniers chantent « en retrait » et au-dessus de leur voix se déploie très nettement un chant aussi aigu ou plus aigu et surtout plus puissant, celui des clercs. Nous remercions Olivier Diard auteur d’une thèse de l’université Paris IV-Sorbonne (dactyl.), intitulée Les Offices propres dans le Sanctoral normand, étude liturgique et musicale, qui a bien voulu nous donner à ce propos de précieuses explications.

36    Beauvoir, canton de Pontorson, Manche, paroisse la plus proche du Mont, souvent assimilée à Astériac.

37    Terre pleine (= terreplaine), « étendue plate », « plaine ».

38    Traitor n’apparaît que dans ce v. 935 du Roman du Mont Saint-Michel (cf. TL X, 519, Godefroy VIII, 6 c, traitor et FEW XIII, 2, 141 b, tractare). Le lecteur, aidé du contexte, comprend facilement cet hapax, qu’il peut rapprocher des verbes traire « tirer, entraîner » (du latin trahere, de même sens) et traitier « tirer, traîner ; gouverner, conduire » (du latin tractare, de même sens), ainsi que du substantif trait « action de tirer ». Le suffixe -or (en français moderne « -eur »), très répandu, et analysable comme un suffixe de nom d’agent animé, permet aussi de comprendre aisément traitor comme « celui qui tire, qui conduit », « conducteur, guide ».

39    Cf. le ms. Avranches, BM, 212, f. 47v : Et aupres de la place une femme ancienne qui sen yssoit desvant aller apres ceulx qui les portoient [les reliques] et soudainement elle vit tout cler. Et pour ce fut nommee la parroisse beauvoir qui avoit nom austeriac.

40    La ou a fréquemment en ancien français le sens de « lorsque, tandis que » ; cf. Philippe Ménard, Syntaxe de l’ancien français, p. 214, § 238.

41    Oler, oloir ou olir, du latin olere, « sentir, exhaler une odeur ».

42    À propos du cimetière des moines, cf. Paul Gout, Le Mont-Saint-Michel…, t. II, p. 415-417.

43    Cf. Éric Palazzo, L’Évêque et son image… p. 312 : « la célébration de l’eucharistie suit la déposition des reliques par l’évêque ».

44    Orguener : il s’agit d’organiser une deuxième voix mélodique, un contrepoint improvisé, sur les mêmes paroles. C’est, avec le déchant ou discantus, l’une des toutes premières formes de polyphonie médiévale : l’organum. Je remercie dom Daniel Saulnier, de l’abbaye de Solesmes, pour cette explication.

45   kiriele : abréviation de kyrie eleison, « Seigneur prends pitié », invocation du latin liturgique reprise au grec et plusieurs fois répétée au cours de la messe.

46    Cf. Michel Huglo, Les livres de chant liturgique, Turnhout, Brepols, 1988, p. 25 : « Le répons est un chant mélismatique de l’office ou de la messe qui habituellement fait suite à une lecture » ; p. 19 : « Les répons sont chantés par un petit groupe de chantres : deux solistes chantent le verset puis on réentonne le répons tous ensemble ou bien, suivant l’usage romano-franc, au milieu seulement à l’endroit désigné par un P (presa : reprise) dans certains manuscrits » ; p. 27 : « À la messe […] en principe le répons graduel (fait) écho à la lecture de l’Ancien Testament et l’alleluia avec son verset – assimilé à un répons par conséquent – (est) chanté après une épître tirée du Nouveau Testament ».

47    Pour cette première partie de la messe (avant l’offrande), qui est la messe des catéchumènes, cf. Jean Favier, Dictionnaire de la France médiévale, p. 634, s.v. messe et Michel Huglo, Les livres de chant liturgique, p. 140, qui définit la séquence comme une « vocalise à la “suite” de l’Alléluia ». Pour la locution es gresillons, que nous interprétons plutôt comme es gosillons, nous considérons que, comme a gresillon (a gosillon) au v. 917, elle signifie « à pleine voix ». Dans le passage, elle s’oppose, au v. 992, à l’adverbe docement qui qualifie l’interprétation du Kyrie. On notera que ce dernier chant est orguené, c’est-à-dire chanté avec une voix organale, une deuxième voix plus ornée que la première, qui chante la mélodie de base. La voix organale ne semble pas concerner l’Alléluia dans ce passage. Il est en revanche plausible que le chant de l’Alléluia ait été exécuté « à pleine voix ». Comme au v. 917, nous analysons cette locution comme une formation adverbiale constituée de la préposition a suivie d’un élément à base nominale ou verbale, ici gos- de gosier, avec un élargissement en -ill- (ou la base gosill- du verbe gosiller « chanter du gosier ») et un suffixe -on(s), avec ou sans marque de pluriel, qui sert à la formation de locutions adverbiales comme a genoillons (ici aux v. 575, 827 et 3842) à califourchon(s), à croupetons, et dans le texte, a rebutons (= a rebotons) « à tort » (v. 4085). La préposition es au lieu de a (cf. v. 917) est le résultat de l’erreur d’un copiste qui, copiant un manuscrit où figurait a gresillons, qu’il ne comprenait pas, l’a transformé en es gresillons, « dans les grésillons », « dans les menottes, dans les fers », locution bien attestée en ancien français (cf. FEW II, 2, 1287 a, craticula, « gril »).

48    Cf. Jean Favier, Dictionnaire de la France médiévale, p. 345 : « Diacre : clerc ayant reçu le deuxième ordre majeur, celui qui précède immédiatement le sacerdoce. Le diacre peut chanter l’évangile, prêcher et distribuer la communion. il ne peut lui-même ni consacrer ni absoudre. Son ornement est la dalmatique, portée sur une étole placée en diagonale sur l’épaule gauche […]. Le sous-diacre chante l’épître » (et porte la tunique).

49    Offrende peut désigner un don, fait au cours de la messe, déposé sur un autel, ou fait aux pauvres ; il désigne également, comme ici, l’offerte ou offertoire, « ensemble des rites et des prières qui accompagnent la bénédiction du pain et du vin » (Robert Historique, art. « offertoire »).

50    L’office est interrompu après le début de la messe des fidèles (qui commence avec la présentation des offrandes) et Aubert prononce un sermon (v. 1006-1007), prédication devant le peuple, extérieure à la messe, à distinguer de l’homélie, prononcée au cours de la messe. Le pardon est un « exercice pénitentiel, généralement collectif, en une occasion exceptionnelle ou périodique, avec pour fin l’obtention d’une indulgence » (Jean Favier, Dictionnaire de la France médiévale, s.v. pardon, p. 719).

51    Douaire : don fait par le mari à son épouse pour assurer sa subsistance en cas de veuvage ; il l’administre, mais ne peut plus en disposer. Saint Aubert prend de semblables précautions afin que nul ne puisse priver l’église du don qu’il projette de faire : les chanoines n’en sont que les dépositaires provisoires et le véritable destinataire est saint Michel ; Guillaume de Saint-Pair insiste ainsi sur le caractère inaliénable des revenus du Mont.

52    Cf. v. 264 et 268.

53    À propos de cette remise solennelle d’un objet, gage de la dotation dont Aubert vient de pourvoir l’église et les chanoines, cf. Jacques Le Goff, La Civilisation de l’Occident médiéval, Paris, Arthaud, 1972, p. 126 : « La concession du fief par le seigneur au vassal se fait au cours d’une cérémonie, l’investiture, qui consistait en un acte symbolique, en la remise d’un objet (étendard, sceptre, verge, anneau, couteau, gant, morceau de paille, etc.) ». Cf. également Marc Bloch, La société féodale, Paris, Albin Michel, 1968, p. 484 : « Toute tradition, terre, droit ou charge, s’opérait, à l’ère féodale, par la transmission d’un objet matériel qui, passant de main en main, était censé représenter la valeur concédée ».

54    Ces chanoines collégiaux seront donc les égaux de chanoines cathédraux d’Avranches, mentionnés au v. 212 : à Avranches, il s’agit d’une communauté de clercs organisée autour de l’évêque ou du prieur dans le voisinage d’une église cathédrale. Au Mont Saint-Michel, ils seront sous la direction d’un abbé et se consacreront au culte de l’archange. Cf. Fernand Cabrol et Henri Leclercq, Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de liturgie, s.v. chanoines, t. III, 1, p. 235-241.

55    Nous considérons Enz es milliers comme la forme abrégée de la locution estre el ( / ou) derrain millier « se trouver dans une situation critique, être dans la plus grande difficulté, être proche de la chute » (FEW VI, 2, 90 a, mille et TLF VI, 49, milier). La forme la plus proche de la locution employée ici est celle qui figure dans le Roman de Renard (Suppl., Var. des v. 22022-24344, p. 254, Chabaille) : « Jou sui ens ou derrain millier » (cité par Godefroy X, 154 b, millier). Millier, du latin milliarium, a ici le sens de « borne milliaire » qu’il avait aussi en latin : la dernière borne milliaire étant celle après laquelle on ne sait plus comment aller plus loin, la locution a pris le sens de « jusqu’à la dernière limite ».

56    Selon la tradition, la dédicace a eu lieu le 16 octobre 709 ; on date l’arrivée des moines de 966.

57    v. 1075 : Liez, leçon du manuscrit A, est le produit du participe passé léctos (avec un e bref), du verbe legere, « lire », avec la simplification en [íe], caractéristique de certains parlers de la Normandie, de la triphtongue [íei]. Cf. notre introduction. Le manuscrit B a leu, de *legutu, forme du participe refaite en latin tardif. Cf. aussi leiz, forme de l’Ouest d’oïl, aux v. 621 et 999.

58    Cf. TLF II, 2, 1281-1282, defens : Sor defens, seur mon deffens, par dessus mon deffens : « contre l’interdiction » ; TLF IX 863, sor : Sur le defens de Dé, ultre sa volenté, Philippe de Thaon, Comp. 535.

59    La messe des fidèles reprend ici son cours. Guillaume de Saint-Pair n’en mentionne que trois éléments, le Sanctus, qui introduit « à la partie fondamentale de la messe, le Canon » (J. Favier, Dictionnaire de la France médiévale, p. 635, s.v. messe) ; le second, l’Agnus Dei, partie chantée de la communion, et, à la fin de la messe, le renvoi des fidèles, l’Ite Missa est, formule à l’origine du nom même de la messe. Même s’il emploie à trois reprises le verbe dire (v. 1094, 1095, 1097), ce sont trois chants qu’il évoque, comme le soulignent les expressions en treble et en quinte voix, termes techniques musicaux, dont le sens est difficile à déterminer : chanter en treble peut signifier « chanter à trois voix » ou « chanter en voix de soprane » (FEW XIII, 297 a, triplus et TLF X, 554). Quinte désigne le cinquième degré de la gamme, d’où le verbe quintoier, « faire l’accord de quinte en musique, chanter en quinte ». Dans le contexte, on peut penser que le Sanctus est chanté en voix de soprane, la plus aiguë, et l’Agnus en organum à la quinte, en voix de ténor. Mais une allusion au triplum et à la polyphonie à cinq voix est-elle possible dans un texte antérieur au XIIIe siècle ? Faut-il voir dans ces vers un ajout fait par le copiste au texte original ?

60    Les diacres (du grec diakhonos « serviteur ») « sont des ministres du culte qui ont reçu le degré du Sacrement de l’Ordre immédiatement inférieur à la prêtrise » (Michel Feuillet, Vocabulaire du christianisme, p. 42). Le diacre évoqué ici exécute probablement des vocalises sur les derniers mots de la formule.

61    Cf. Jean Favier, Dictionnaire de la France médiévale, s.v. Office divin, p. 700 : selon la règle de saint Benoît, il y a « sept offices quotidiens aux horaires relativement précis dans la célébration qu’en font les chapitres et les monastères : matines (comportant trois nocturnes), laudes, prime, tierce, sexte, none, vêpres et complies. Plusieurs de ces offices étant dénommés d’après l’heure à laquelle il convient de les réciter, l’usage commun parle aussi des heures ».

62    Le texte latin de la Revelatio (VII, 2) mentionne la date de la consécration de l’église, le 17e jour des calendes de novembre : … eo die qui est XVII kalendis novembris, c’est-à-dire le 16 octobre (709). Guillaume de Saint-Pair insiste sur le lien entre les deux sanctuaires : la fête annuelle du Mont est une cérémonie « mineure » (La Petite) par rapport à la fête solennelle, célébrée le 29 septembre, qui commémore la dédicace du sanctuaire des Pouilles ; mais les moines des deux monts servent un même seigneur, saint Michel (cf. v. 689-690 Bien devun estre d’une amor Quant tuit servum a un seignor), qui est le seul dont ils affirment avec force l’autorité sur les deux abbayes.

63    Pour la forme de ce nom, voir les v. 401, 501 et 566.