Afficher Masquer
Passages biffés :
Sauts de pages :
Changements de mains :
Mots clés en marge
(main T) :
DistinguerIntégrer
Corrections du transcripteur :

Fermer

Accueil|Présentation du projet|Abréviations|Introductions|Texte|Index

Français|English Contacts

Volume I|Volume II|Volume III|Citer le texte et les notes| Écritures|Affichage

Pensées 1180 à 1184

M :Montesquieu 1726/1727-1755.
D :Bottereau-Duval 1718-1731.
E :1734-1739.
U :1739.
H :1741-1742.
J :1742.
K :1742-1743.
F :1743.
I :1743.
L :1743-1744.
O :1745-1747.
P :Damours 1748-1750.
Q :1750-1751.
R :Saint-Marc 1751-1754.
S :1754-1755.
V :1754.
JB :Jean-Baptiste Secondat ?-1795.
T :écriture des manchettes 1828-1835

Fermer

M : Montesquieu.
D : Bottereau-Duval_1721-1731.
H : 1741-1742.
P : Damours_1748-1750.
E : 1734-1739.
L : 1742-1744.
O : 1745-1747.
T : écriture des manchettes
JB : Jean-Baptiste_Secondat.
J : 1742.
K : 1742-1743.
F : 1743.
E2 :
I : 1743.
R : Saint-Marc_1751-1754.

Fermer

Pensées, volume II

1180

Dieu fait gronder le tonerre

Tonnerre

dit Seneque paucorum periculo, et multorum metau[1] le legislateur dans l’etablissement des peines

Peines

doit faire la meme chose

- - - - -

Main principale M

1181

L’extreme felicite Les gens extremement hureux et extremement malhureux sont egalement portes a la dureté

Pitié

temoin les moines et les conquerans il n’y a que la mediocrité ou le melange de la bonne et de la mauvaise fortune qui donnent de la pitie[1]

Mis dans les Loix

 :

- - - - -

Main principale M

1182

Je ne me consolerois pas de n’avoir point fait fortune si j’estois né en Angleterre je ne suis point du tout fâché de ne l’avoir pas faitte en France.

- - - - -

Main principale M

1183

{f.83r} [Passage à la main E] Je suis dans des circonstances les plus propres du monde pour ecrire l’histoire

p 75

. Je n’ay aucune vüe de fortune, j’ay un tel bien et ma naissance est telle que je n’ai ni a rougir de l’une ni a envier ou admirer l’autre[1]. Je n’ay point êté employé dans les affaires, et je n’ai a parler ni pour ma vanité ni pour ma justification. J’ay vecû dans le monde et j’ai eû des liaisons et même d’amitié avec des gens qui avoient vecû a la cour d’un du prince dont je decris la vie[2]. J’ay sçû quantité d’anecdotes dans le monde ou j’ay vecu une partie de ma vie, je ne suis ni trop éloigné du tems ou ce monarque a vecu pour ignorer bien des circonstances ni trop prés pour en être ébloüi. Je suis dans un tems ou l’on est beaucoup revenu de l’admiration du heroisme j’ay voyagé dans les pays étrangers ou j’ay recüeilli de bons memoires. Enfin le tems a fait sortir des cabinets tous les divers memoires que ceux de notre nation où l’on aime a parler de soy, ont ecrit en foule ; et de ces differents mémoires on tire la verité lorsqu’on n’en {f.83v} suit aucun et qu’on les suit tous ensemble, lorsqu’on les compare avec des monumens plus authentiques tels que sont les lettres des ministres des generaux, les instructions des ambassadeurs et les monumens qui sont comme les pierres principales de l’edifice entre lesquelles tout le reste s’enchasse enfin j’ay êté d’une profession ou j’ay acquis des connoissances du droit de mon pays et surtout du droit public

Droit public

, si l’on doit appeller ainsi ces foibles et miserables restes de nos loix que le pouvoir arbitraire a pu jusqu’icy cacher mais qu’il ne pourra jamais anéantir, qu’avec lui même.
Dans un siecle ou l’on donne tout a l’amusement et rien a l’instruction, il y a eû des ecrivains qui ont cherché a rendre leurs histoires uniquement agreables. Pour cela ils ont choisi un seul point d’histoire a traiter comme quelque revolution et ils ont écrit l’histoire comme on ecrit une tragedie avec une unité d’action qui plait au lecteur[3], parce qu’elle lui donne des mouvemens sans peine et qu’elle semble instruire sans besoin de memoire ni de jugement et cela a degouté de toute cette suitte de faits dont l’histoire est chargée et qui fatiguent la memoire et ne sont pas tous interessans.

Passage de la main M à la main E

1184

{f.84r} Remarques sur l’histoire du conmte de Boulainviliers Boulainvilliers[1]

Boulainvilliers

Il paroit que l’usage d’Angleterre que chacun doit être jugé par ses pairs qu’on nomme jurés

Jurés

et tout l’ordre judiciaire êtoit le même en France[2]. On le trouve par les chartres accordées par Loüis le Huttin sur la deffection generale où il trouva le royaume à la mort de Philippes le Bel son père[3] le comte de Boul[plusieurs lettres biffées non déchiffrées]ainviliers dans son histoire du gouvernement raporte ces chartres dans la seconde accordée au seigneur de Cayeu et de La Varenne[4] ; le roi declare que ses baillis et autres officiers n’auront point de voix dans les jugemens ; mais les laisseront faire aux hommes de fief aprés les avoir assemblés et conjurés et qu’ils seront tenus de donner leurs lettres de jugement conformes à leur avis.
Ces chartes accordées a divers seigneurs et païs sont encore au tresor de chartres et entraue autres celle appellée chartre normande la plus fâcheuse pour les rois[5]. Il en reste huit, elles furent données aprés qu’on eut envoyé des commissaires dans les provinces pour reparer le grief qui avoit donné lieu aux observations {f.84v} associations faites contre Philippes le Bel et il paroit que le principal but du roy êtoit de retirer l’original de ces associations et celles qui sont au trésor des chartes sont celles qui furent retirées pour lors le comte de Boulainvilier dit que ces pieces sont le principal monument de notre liberté et l’auroient conservée sans la continuelle inattention de nôtre nation. Voyés ce qu’il dit ch. 2. p. 97[6]. Il paroit encore qu’il fit davantage dit le comte, Nicole Giles[7] nous apprend dit il, que le Hutin rendit outre ce une declaration par laquelle il reconnut tant pour lui que pour ses successeurs qu’il ne pourroit lever aucuns deniers sans le consentement des trois êtats qui en feroient eux mêmes l’employ et le recouvrement. Il y a des auteurs, dit le comte, qui revoquent en doute cette declaration parce qu’elle ne se trouvent pas au tresor des chartes, mais il est clair qu’elle a êté le fondement de l’autorité que les trois estats ont prise depuis ce tems là, outre qu’elle est si relative aux chartes susdites que sans cela elles ne {f.85r} pourroient subsister. Le roy y declare qu’il renonce à imposer aucune taille ou aide sans une evidente necessité ou une evidente utilité or cela ne seroit il pas vain s’il avoit êté seul juge de l’un et de l’autre voyés cette histoire du gouvernement par le comte p. 127. 128. 129.
On se prepare a faire des associations contre Philippe de Valois comme on avoit fait contre Philippe le Bel. Les Normands plus lents à prendre leur parti furent les plus lents aussi à s’accomoder. Ils obtinrent la confirmation de la charte accordée par le Huttin avec declaration qu’il ne seroit rien permis d’imposer sans le consentement des etats[8]. Cette fermeté fut commune à tout le royaume. Nicole Gisles et le Rosier de France[9] disent qu’en cette année 1338 et 1339 avant Pâque il fut arrêté devant les trois êtats present le roy que l’on ne pourroit imposer taille en France ni lever si urgente necessité ou evidente utilité ne le requeroit de la part desdits états voyés le même auteur p 185. 186. 187.
{f.85v} J’ajouterai et je remarqueray icy quelque chose de singulier tandis que tout se souleve â l’occasion des impots que les rois veulent établir ce qui marque qu’on connoissoit les droits de la liberté on voit d’un autre côté des coups de cruauté et de barbarie faits par les rois qui ne font pas le moindre bruit dans la nation Philipe de Valois fait en un jour arrêter quatorze seigneurs de Bretagne et de Normandie a qui il fait couper la tête sans aucune forme de procés sur ce qu’il les soubpçonne de tenir le parti de Jean de Montfort et cela quoiqu’ils fussent sous la sauvegarde d’un tournoy ou ils avoient êté invités. Le roi Jean son fils commence son regne par faire enlever le comte d’Eu connétable de France la fleur de la chevalerie de ce tems la et le fait decapiter en sa presence sans formalité de justice[10]. Je dis qu’il faut que ces choses ne fissent pas tant d’impression dans ce tems là ou les seigneurs eux mêmes êtoient accoutumés à faire des coups pareils d’autorité contre leurs vassaux ou autres qu’il leur plairoit comme il {f.86r} paroit par mille exemples et entre autres par l’exemple du desmélé d’Anguerran de Couci et de st Loüis que ce roi fit prendre et juger pour avoir fait pendre sans formalité de justice trois Flamands chasseurs dans la forest de Couci[11].
Je diray ensuite que les chartes raportées par Boulainviliers sont curieuses en ce qu’elles nous donnent idée de l’origine de notre droit françois et de la forme de la justice royale et des seigneurs et des changemens qui s’y sont faits, et par quelle voye on est venu a ces changemens. Ainsi il faut les voir j’en ferai l’extrait.
Il faut remarquer que les rois ne s’eleverent principalement que par les profits immenses qu’ils firent sur la monnoye

Monnoye

qui alloient si loin qu’ils triploient souvent et quadruploient â leur profit tout l’argent des particuliers, cela les mit en êtat d’achepter partout villes, terres, chateaux seigneuries, comtés, duchés, cela les rendit plus riches souvent que tous les seigneurs ensemble, les remedes même qu’y aportoient les êtats ne faisoient qu’augmenter le mal. Ils établissoient {f.86v} des subsides pour que le roy pût faire de la monnoye forte ce qui le mettoit en êtat d’en faire d’abord de foible et de faire de nouveaux gains. Les seigneurs qui vouloint de la monoye forte consentoint aux impots sur le peuple pour qu’on leur fit de la monoye forte :
J’ay cité Budée dans le Spicilege ou il reproche a notre nation sa continuele inatention.[12]

François inattentifs

- - - - -

Main principale E


1180

n1.

« Elle [la foudre] n’atteint que peu d’hommes et les fait tous trembler » (Sénèque, De la clémence, I, 8, 5, M. de Vatismenil (trad.), Paris, Panckoucke, 1832).

1181

n1.

Cf. EL, VI, 9 : Derathé, t. I, p. 92.

1183

n1.

Cf. nº 5.

1183

n2.

Louis XIV ; sur ce projet, voir nº 1111.

1183

n3.

Les Révolutions de Vertot, qui ont connu un grand succès, et que Montesquieu possédait (Histoire des révolutions arrivées dans le gouvernement de la République romaine, 2e éd., Paris, F. Barois, 1720 – Catalogue, nº 2886 ; Révolutions de Portugal, 2e éd., Paris, F. Barois, 1722 – Catalogue, nº 3182 ; Histoire des révolutions de Suède, 3e éd., Paris, F. Barois, 1722 – Catalogue, nº 3212), correspondent à une conception rhétorique de l’histoire, dont les tenants recommandaient l’unité d’action, sur le modèle soit de l’épopée, soit de la tragédie : le père Daniel, dans la préface de son Histoire de France [1696], estimait qu’il fallait « mettre dans l’Histoire une espèce d’unité, qui n’y est pas moins requise que dans un roman, dans une pièce de théâtre, et dans un poème épique » (Paris, D. Mariette, J.-B. Delespine et J.-B. Coignard, 1722, 7 vol., t. I, p. lxiij). Sur les réticences de Montesquieu envers l’histoire rhétorique, voir nº 1475.

1184

n1.

Montesquieu paraphrase et commente des passages du tome II de l’Histoire de l’ancien gouvernement de la France de Boulainvilliers (La Haye et Amsterdam, aux dépens de la Compagnie, 1727 – Catalogue, nº 2912). La pagination mentionnée est celle de cette édition.

1184

n2.

Le jugement par les pairs, vassaux qui assistaient le seigneur dans ses jugements concernant l’un d’entre eux, remplacés progressivement par les baillis, est évoqué au livre XXVIII de L’Esprit des lois (27, 42, 43) ; sur le lien établi entre jugement par les pairs et liberté, voir EL, XI, 6 : Derathé, t. I, p. 175-176.

1184

n3.

En butte à la révolte des ligues baronniales, Louis X le Hutin concéda au printemps 1315 des privilèges aux Bourguignons, aux Champenois, aux Normands et aux Picards, avant d’étendre ces dispositions à l’ensemble du royaume. Ces chartes prévoyaient notamment que les nobles seraient jugés par leurs pairs, et non par les officiers royaux. Voir Boulainvilliers, Histoire de l’ancien gouvernement de la France, La Haye et Amsterdam, aux dépens de la Compagnie, 1727, t. II, p. 97-129. En s’étendant sur les concessions faites par Louis X le Hutin à l’aristocratie et aux provinces qui souhaitaient récupérer les droits et prérogatives perdus sous le règne de son père Philippe IV le Bel, Boulainvilliers justifiait la limitation du pouvoir royal au profit de celui de la noblesse.

1184

n4.

Voir Henri de Boulainvilliers, Histoire de l’ancien gouvernement de la France, La Haye et Amsterdam, aux dépens de la Compagnie, 1727, t. II, p. 113.

1184

n5.

Henri de Boulainvilliers, Histoire de l’ancien gouvernement de la France, La Haye et Amsterdam, aux dépens de la Compagnie, 1727, t. II, p. 122.

1184

n6.

Les requêtes des associations de provinces à Louis X le Hutin, qualifiées par Boulainvilliers de « derniers titres de notre liberté », seraient demeurées, selon lui, le fondement de leurs privilèges et droits « s’il était d’usage en France de faire attention au passé » (Histoire de l’ancien gouvernement de la France, La Haye et Amsterdam, aux dépens de la Compagnie, 1727, t. II, p. 94 et 98).

1184

n7.

Nicole Gilles (?-1503), secrétaire de Louis XII et contrôleur de son Trésor, auteur des Très élégantes, très véridiques et copieuses Annales des très preux, très nobles, très chrétiens et très excellents modérateurs des belliqueuses Gaules […] (Paris, Galliot-Dupré, 1525 – Catalogue, nº 2950-2951). Boulainvilliers y fait référence à la page 128 du tome II de son ouvrage.

1184

n8.

Formule reprise à Boulainvilliers (Histoire de l’ancien gouvernement de la France, La Haye et Amsterdam, aux dépens de la Compagnie, 1727, t. II, p. 186).

1184

n9.

Le Rozier historial de France (Paris, 1523), attribué à Louis XI, à Pierre Choinet et à Étienne Porchier.

1184

n10.

Ces deux épisodes sont racontés par Boulainvilliers aux pages 188-189 et 196 du tome II de son ouvrage (Histoire de l’ancien gouvernement de la France, La Haye et Amsterdam, aux dépens de la Compagnie, 1727).

1184

n11.

Enguerrand IV de Coucy fut condamné à mort puis finalement gracié par Louis IX, sur les instances de la noblesse ; voir Boulainvilliers, Histoire de l’ancien gouvernement de la France, La Haye et Amsterdam, aux dépens de la Compagnie, 1727, t. II, p. 27-29).

1184

n12.

Montesquieu mentionne Budé à l’article nº 671 du Spicilège sur un sujet différent.