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Pensées 1387 à 1391

M :Montesquieu 1726/1727-1755.
D :Bottereau-Duval 1718-1731.
E :1734-1739.
U :1739.
H :1741-1742.
J :1742.
K :1742-1743.
F :1743.
I :1743.
L :1743-1744.
O :1745-1747.
P :Damours 1748-1750.
Q :1750-1751.
R :Saint-Marc 1751-1754.
S :1754-1755.
V :1754.
JB :Jean-Baptiste Secondat ?-1795.
T :écriture des manchettes 1828-1835

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M : Montesquieu.
D : Bottereau-Duval_1721-1731.
H : 1741-1742.
P : Damours_1748-1750.
E : 1734-1739.
L : 1742-1744.
O : 1745-1747.
T : écriture des manchettes
JB : Jean-Baptiste_Secondat.
J : 1742.
K : 1742-1743.
F : 1743.
E2 :
I : 1743.
R : Saint-Marc_1751-1754.

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Pensées, volume II

1387

{f.199r} La mediocrité[1] : [Passage à la main U] est une vertu de tous les êtats ; car comme elle n’est proprement qu’une oeconomie sage et reglée de la condition presente elle peut non seulement mettre des douceurs dans la vie des moindres particuliers mais faire encore la felicité des rois[2].
C’est ordinairement un malheur d’avoir plus de richesses qu’il ne convient a son êtat parce qu’on ne peut guere les depenser sans insolence ou les garder sans avarice.
Un homme qui est dans la bassesse et qui voudroit avoir de grands biens ne pense pas qu’il n’en pouroit faire que fort peu d’usage et que presque toutes les choses que son argent pouroit lui procurer seroient a son egard comme etoit autrefois la pourpre dont l’usage n’etoit permis qu’aux rois.
Car comme on veut qu’un homme de haute naissance conserve une noble fierté dans la disgrace, on veut de meme qu’un homme de néant conserve de la modestie dans sa fortune.
{f.199v} Sans cela on est sur de perdre le plus pretieux de tous les biens qui est la bienveillance du peuple et de tomber dans un grand malheur qui est le fleau de ridicule dont il couvre ceux qui se sont offerts a ses mepris.
Si un nouveau riche

Nouveaux riches

va d’abord batir une maison superbe il offensera les yeux de tous ceux qui la verront ; c’est comme s’il faisoit au peuple cette declaration.
« Je vous avertis que moy qui êtois autrefois le plus trivial de tous les hommes je me fais aujourd’huy un homme de consequence, je vais mettre entre vous et moy une vaste cour et cinq pieces de plein pied ; vous espererés en vain de me trouver plutôt, car je ferai ma residence a la sixiéme, j’aurai des gens mieux habillés que vous, que vous trouverés sur vôtre chemin comme de nouveaux obstacles jusqu’à moi : au lieu de mes vilains habits gris je vais me vêtir des plus riches etoffes. Enfin vous ne trouverés plus de moi qu’une assés laide figure je n’ai pu la changer mais pour mon nom ce nom qui m’etoit {f.200r} si cher je le quitterai puisse-je en perdre la memoire et puissiés vous la perdre aussi [»].
Aprés les grandes maisons qui n’ont point d’origine et semblent pour ainsi dire être nées dans le ciel les meilleures familles sont celles qui sont insensiblement sorties de la bassesse ou elles êtoient et dont les premiers fondateurs n’ont pas eu l’insolence de se faire remarquer. Car rien ne deshonore une famille comme une anecdote eternelle, un bruit populaire et si j’ose me servir de ce terme une catastrophe dans l’origine.
Ceux qui rougissoient de leur pauvreté, devenus riches ont pour lors a rougir de leur naissance[3] beaucoup plus mortifiés parce qu’ils ne croyent plus être faits pour l’etre.
Les enfans qui succedent a une si grande fortune portent le poids de la mémoire de celui a qui ils doivent tant ; et cela est si vray que rien ne paroit si heroïque sur nos théatres que l’action d’un prince qui dans sa gloire retrouve avec plaisir un berger qu’il croit être son pere et dont il ne rougit pas.
{f.200v} J’avoüe que j’ai trop de vanité pour souhaiter que mes enfans fissent un jour une grande fortune. Ce ne seroit qu’a force de raison qu’ils pourroint soutenir l’idée de moi. Ils auroint besoin de toute leur vertu pour m’avoüer ils regarderoint mon tombeau comme le monument de leur honte ; je puis croire qu’ils ne le detruiroient pas de leurs propres mains, mais ils ne le releveroint pas sans doute s’il etoit tombé a terre. Je serois l’achopement eternel de la flatterie et je mettrois dans l’embaras ses courtisans vingt fois par jour ma memoire seroit incommode et mon ombre malheureuse tourmenteroit sans cesse les vivans.
Ceux donc qui ont tant d’ambition et qui l’ont si sotte pensent aussi folement qu’Agrippine qui disoit aux devins que je meure pourvu que mon fils soit empereur[4].

- - - - -

Passage de la main M à la main U

1388

[Passage à la main M] Le seul homme que St Cernin[1] connut admirable c’estoit le marechal de Villard, ce n’est pas qu’il n’ut du merite peut estre plus que St Cernin ne lui en connoissoit.

Passage de la main U à la main M

1389

{f.201r} [Passage à la main U] On a cru remarquer que dans de certains païs les maladies sont venües avec les medecins

Medecins

, ce sont plutôt les medecins qui sont venus avec les maladies a mesure qu’on s’est ecarté de la simplicité et de l’innocence des moeurs les maladies sont venües[1] : dans une vie frugale il y a peu de maladies et peu de changemens de varietés et de metamorphoses dans les maladies, quelques observations vulgaires deux ou trois remedes suffissent pour conduire a la vieillesse dans lces païs[2] ; il y a peu de maladies populaires parce que la bonne constitution des habitans fait qu’on resiste a l’intemperie d’une mauvaise année, au lieu que lorsque les mœurs sont corrompües une infinités de corps sont prets a être dérangés par le derangement d’une mauvaise saison ou le moindre accident phisique qui arrive[3].

Passage de la main M à la main U

1390

{f.201v} Soudans d’Egipte detruisent les Croizés ils estoient tres puissans parce qu’ils faisoient le commerce des Indes orientales[1].

Main principale U

1391

Les chevaliers les lances ayant besoins de bien des gens pour les servir ceux qui les portoient estoient comme ceux qui alloient montés sur les chariots ches les Grecs et Troyens troupes qui faisoient la principale figure dans les armées. De la vinrent dans la chevalerie come chez les heros d’Homere les colloques[1] entre les principaux personnages

- - - - -

Main principale U


1387

n1.

La médiocrité, sans connotation péjorative, désigne ce « qui n’a ni excés, ni defaut » (Furetière, 1690, art. « Mediocrité »).

1387

n2.

Sur la nécessité de la médiocrité des richesses pour maintenir une certaine égalité, voir EL, V, 5 : Derathé, t. I, p. 53.

1387

n3.

Montesquieu se félicite à plusieurs reprises de n’avoir ni à rougir de sa naissance ni à faire rougir ses enfants : voir nº 5, 1183, 1659, 2038.

1387

n4.

Tacite, Annales, XIV, 9.

1388

n1.

Jean Benoît César Auguste Des Porcelets de Malhane, marquis de Saint-Sernin (1675-1759), en 1734 lieutenant général, gouverneur de Belle-Isle. Lors de la guerre de Succession d’Espagne, il participa aux campagnes de Villars (Mémoires du maréchal de Villars [considérés comme apocryphes], dans Nouvelle collection des Mémoires pour servir à l’histoire de France […], J.-F. Michaud et J.-J.-F. Poujoulat (éd.), Paris, chez l’éditeur du commentaire analytique du Code civil, 1839, t. III, p. 197, 203, 214). Sur Villars, voir nº 1232.

1389

n1.

Cette idée était déjà suggérée par l’épidémie qui frappait les féroces Troglodytes (LP, 11 [11], p. 164).

1389

n2.

Cette idée qu’avec la corruption des mœurs les remèdes simples et naturels sont oubliés occupe toute la préface de l’édition de 1735 de l’Histoire générale des drogues […] de Pierre Pomet, revue et augmentée par son fils Joseph (Paris, E. Ganeau et L.-E. Ganeau fils, 1735, t. I, p. ii-iii ; Montesquieu ne dispose que de l’édition de 1694, Paris, J.-B. Loyson et A. Pillon – E. Ducastin – Catalogue, nº 1382).

1389

n3.

Que les mœurs d’un individu participent de sa santé en déterminant la capacité du corps à supporter les changements est un thème hippocratique, repris par André Dacier dans la préface à sa traduction (Œuvres d’Hippocrate, Paris, Compagnie des libraires, 1697, t. I, p. ũ).

1390

n1.

Cf. EL, XXI, 19. Le commerce des sultans (« Soudans ») d’Égypte avec les Indes, et en particulier avec les ports de Malabar et de Cambaya, au XIVe siècle, est évoqué par Pierre-Daniel Huet dans son Histoire du commerce et de la navigation des Anciens [1716] (Lyon, B. Duplain, 1763, p. 365-366).

1391

n1.

Au sens de : dialogues.