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Pensées 156 à 160

M :Montesquieu 1726/1727-1755.
D :Bottereau-Duval 1718-1731.
E :1734-1739.
U :1739.
H :1741-1742.
J :1742.
K :1742-1743.
F :1743.
I :1743.
L :1743-1744.
O :1745-1747.
P :Damours 1748-1750.
Q :1750-1751.
R :Saint-Marc 1751-1754.
S :1754-1755.
V :1754.
JB :Jean-Baptiste Secondat ?-1795.
T :écriture des manchettes 1828-1835

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M : Montesquieu.
D : Bottereau-Duval_1721-1731.
H : 1741-1742.
P : Damours_1748-1750.
E : 1734-1739.
L : 1742-1744.
O : 1745-1747.
T : écriture des manchettes
JB : Jean-Baptiste_Secondat.
J : 1742.
K : 1742-1743.
F : 1743.
E2 :
I : 1743.
R : Saint-Marc_1751-1754.

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Pensées, volume I

156

[Passage à la main M]

Accident
Individu
Genre
Espece

Substance accident individu genre espece ne sont qu’[u]ne maniere de concevoir les choses selon le different raport qu’elles ont entre elles[1] par ex. la rondeur qui est un accident du corps devient l’essence d’un cercle et la rougeur qui sert de coloris a un cercle materiel devient l’essence d’un cercle rouge idem l’idée du genre qui n’est rien en elle meme, n’estant que celle d’un individu en tant que je ne le {p134} determine pas, et que je le garde dans mon esprit sans l’appliquer a un sujet plutost qu’a un autre. L’idée de l’infini a qui le pere Malbranche trouve tant de realité qu’il croit que les idées particulieres viennent de celle la

Malebranche

, en faisant une espece de soustraction arithmetique[2], si j’ose me servir de ce terme au lieu que ce n’est qu’en adjoutant sans cesse au fini sans trouver de bornes que je fais l’idée de l’infini. C’est ainsi que je pense a une etendue ou j’adjoute toujours a un estre dont je borneray si peu les perfections que je pourray toujours par ma pensée en adjouter de nouvelles. Mais je n’ay l’idée d’une matiere ny d’un estre aux quels je ne puisse rien adjouter non plus que d’un temps ny d’un nombre il est bien vray que Dieu a esté de toutte æternité car aucune chose ne peut estre faite de rien de maniere qu’il y a eu une durée infinie mais je n’ay pas pour cela d’idée de cette durée et je ne la voy que par des consequances que je tire de certeins principes[3]

Passage de la main D à la main M

157

{p.135} [Passage à la main D]

Voir en Dieu

Quand le P. Malbranche dit, nous ne voyons point les objets dans eux mêmes, car ceux qui dorment les voyent sans qu’ils soyent presens, ni dans nous, car nous avons l’idée de l’infini, nous les voyons donc dans Dieu[1], on peut lui repondre que nous voyons les objets comme nous sentons la douleur ; tout cela dans nous mêmes. Nous sentons même notre ame qui se reflechit sur elle même[2] et qui s’aperçoit qu’elle pense sans doute dans elle. Remarqués que l’argument du P. M. ne prouve autre chose, si ce n’est que nous ne sçavons pas comment nous apercevons les objets[3].

- - - - -

Passage de la main M à la main D

158

Un

Expérience a faire

prince pourroit faire une belle experience nourrir trois ou quatre enfans comme des bêtes avec des chevres ou des nourrices sourdes et muettes, ils se feroient une langue[1] ; examiner cette langue, voir la nature en elle même et degagée des prejugés de l’education, scavoir d’eux aprés leur instruction ce qu’ils auroient pensé, exercer leur esprit {p.136} en leur donnant toutes les choses necessaires pour inventer, enfin en faire l’histoire.

- - - - -

Main principale D

159

Un prince dans au milieu d’un cercle de courtisans devient courtisan lui même si tôt qu’un autre prince plus considerable que lui paroit, le 2e aura la destinée du premier si un 3e plus grand survient, les adorateurs changent l’objet de leur culte, si le roi paroit il absorbera tous les honneurs, les courtisans oublieront ceux qu’ils viennent de rendre et les princes l’adoration qu’ils ont reçuë ; les femmes qui y changent d’habits quatre fois par jour ressemblent a ces comediennes qui aprés avoir joüé le rôle d’imperatrice dans une piece courent se deshabiller pour faire celui de soubrette dans une seconde.

- - - - -

Main principale D

160

Le

Gouvernement

gouvernement des nobles lorsque la noblesse est hereditaire et non pas le prix de la vertu est aussi vicieux que le monarchique ; le gouvernement republicain ou les fonds publics sont detournés en {p.137} en faveur des particuliers est encore aussi vicieux comme la monarchie, [lettres biffées non déchiffrées] car l’oeconomie est l’avantage du gouvernement republicain

J’ay mis dans mes  [...]

; les etats de France divisés et assembles en trois corps vicieux en ce que et assembles en trois chambres on mettoit de la jalousie entr’eux, en ce que le clergé vouloit le peuple ou les nobles ne le vouloient pas. Il auroit falu que les nobles et le clerge ne fissent qu’une chambre comme en [lettres biffées non déchiffrées][2]

Main principale D


156

n1.

Montesquieu paraît suivre ici un mouvement nominaliste moderne, de Occam à Hobbes en passant par Gassendi, qui critique toute interprétation ontologique des prédicables aristotéliciens. Pour Descartes, les universaux (genre, espèce, différence, propre et accident) « se font de cela seul que nous nous servons d’une même idée pour penser à plusieurs choses particulières qui ont entre elles un certain rapport » (Principes, I, 59). Dans la critique du mauvais usage des abstractions, contre le réalisme des universaux, Montesquieu rejoint Locke soutenant que les notions de substance et d’accident sont peu utiles en philosophie (Essai philosophique sur l’entendement humain, J.-M. Vienne (éd.), Paris, J. Vrin, 2001, II, chap. 13, § 19, p. 128). Voir aussi Gassendi (François Bernier, Abrégé de la philosophie de Gassendi, Lyon, Anisson, Posuel et Rigaud, 1684, t. I, règle IV – Catalogue, nº 1461) et de nombreux adversaires modernes de la scolastique.

156

n2.

Malebranche, De la recherche de la vérité, liv. III, 2e partie, chap. 6, dans Œuvres, G. Rodis-Lewis (éd.), Paris, Gallimard, 1979, t. I, p. 341. Montesquieu récuse la conception malebranchiste qui refuse de penser l’infini à partir du fini et superpose l’infini en puissance à l’infini en acte ; cf. nº 1946.

156

n3.

Cf. John Locke, Essai philosophique sur l’entendement humain, J.-M. Vienne (éd.), Paris, J. Vrin, 2001, II, 17, § 5, p. 161.

157

n1.

Cf. Malebranche, De la recherche de la vérité, liv. III, 2e partie, chap. 1 et 6, dans Œuvres, G. Rodis-Lewis (éd.), Paris, Gallimard, 1979, t. I, p. 320-321 et 338-346.

157

n2.

Locke avait proposé une théorie des idées issues de la réflexion (Essai philosophique sur l’entendement humain, J.-M. Vienne (éd.), Paris, J. Vrin, 2001, II, 1, § 1-4).

157

n3.

Cf. nº 1195. La thèse de la vision en Dieu a fait l’objet de nombreuses critiques. Le texte canonique de Malebranche se trouve dans le Xe Éclaircissement de De la recherche de la vérité (Paris, M. David, 1712, t. IV, p. 231-232 – Catalogue, nº 1495 ; Œuvres, G. Rodis-Lewis (éd.), Paris, Gallimard, 1979, t. I, p. 902-904). Voir également Claude Buffier, Observations sur la métaphysique du P. Malebranche, dans son livre « De la recherche de la vérité » (Paris, 1712, § 586), repris dans son Cours de sciences (Paris, P.-F. Giffart, 1732, p. 738).

158

n1.

Hérodote rapporte l’expérience du pharaon Psammétique, désireux de savoir quel idiome parleraient spontanément des enfants élevés à l’écart de la société : les nouveau-nés furent nourris par des chèvres ou placés, selon une autre version, auprès de femmes dont on avait coupé la langue (II, 2).

160

n1.

Aucune formulation semblable n’est repérable dans les Romains, mais l’idée est exprimée à plusieurs reprises : voir III, p. 106 et X.

160

n2.

Ébauche d’une analyse qui s’orientera vers les causes de la corruption du principe des gouvernements : la perte de la vertu civique et l’opulence des particuliers pour la république (Romains, X, p. 162-163), l’hérédité de la noblesse pour l’aristocratie (VIII, 5, note (a)), l’affaiblissement des corps intermédiaires pour la monarchie (ibid., VIII, 6). Au moment où écrit Montesquieu, les derniers états généraux, convoqués en 1614, étalèrent les conflits d’intérêt entre les trois ordres. La dernière phrase, interrompue, correspond à la situation de l’Angleterre, avec la Chambre des Lords.