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Pensées 1603 à 1607

M :Montesquieu 1726/1727-1755.
D :Bottereau-Duval 1718-1731.
E :1734-1739.
U :1739.
H :1741-1742.
J :1742.
K :1742-1743.
F :1743.
I :1743.
L :1743-1744.
O :1745-1747.
P :Damours 1748-1750.
Q :1750-1751.
R :Saint-Marc 1751-1754.
S :1754-1755.
V :1754.
JB :Jean-Baptiste Secondat ?-1795.
T :écriture des manchettes 1828-1835

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M : Montesquieu.
D : Bottereau-Duval_1721-1731.
H : 1741-1742.
P : Damours_1748-1750.
E : 1734-1739.
L : 1742-1744.
O : 1745-1747.
T : écriture des manchettes
JB : Jean-Baptiste_Secondat.
J : 1742.
K : 1742-1743.
F : 1743.
E2 :
I : 1743.
R : Saint-Marc_1751-1754.

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Pensées, volume II

1603

Les premieres histoires sont celles des dieux[1], ces dieux se changent en heros a mesure que les tems deviennent moins grossiers, ces heros n’ont pour enfans que des hommes parce que le monde commance à devenir plus eclairé, et que l’on voit les enfans de plus pres que les peres.
Les mysthologistes[2] embarassés à debrouiller l’histoire et la generation des dieux firent deux sectes differentes, les uns {f.458v} distinguoient et multiplioient les divinitées, tels étoient les pöetes et les scholiastes ; les autres plus subtils vouloient tout simplifier, tout reduire, tout confondre ; de ce nombre etoient les philosophes.
Mais il faut avouer qu’il y avoit bien peu de philosophie a se charger du penible employ de mettre la superstition en sistheme, et de ranger ce qui etoit sans cesse brouillé par les ecarts des poëtes, les phantaisies des peintres, l’avarice des prêtres et la prodigieuse fecondité des superstitieux.
Ce n’etoit pas la seule branche de ce proces immortel, les uns plus grossiers vouloient tout entendre à la lettre ; les autres plus spirituels ne trouvoient que des allegories, et raportoient tout a la morale, et a la phisique.
Les philosophes révoltés vouloient restraindre ce prodigieux nombre de divinitées qui avoient passé jusqu’aux noms abstraits des substances ; mais quelle grande difference y avoit il entre eux, qui annimoient toute la nature, et les theologiens qui la divinisoient toute entiere.

Main principale P

1604

Ce qui frape le plus chez les anciens auteurs c’est que leurs episodes se resemblent presque toutes, c’est ou un prince qui {f.459r} à inventé quelque art, un autre qui à consulté un oracle ; un autre qui va chercher sa fille, sa femme ou sa soeur qu’on luy à enlevée un dernier enfin qui a dompté quelque monstre ; toujours les mêmes avantures qui reviennent sous des noms differents.
Le pays de Grece qui etoit le theatre d’une bonne partie des anciennes histoires qui nous restent s’etant partagé en un nombre infini de petites isles, ceux qui les premiers les peuplerent, ne l’habiterent pas en peuple c’etoit des avanturiers qui passoient les mers et s’etablissoient dans ces isles desertes. Chacun venoit avec son oracle, methode sans doute aziatique et choisisoit l’endroit qui luy convenoit, et comme de pareils avanturiers n’amenoient guêres de feammes il falloit bien en elever enlever dans cette premiere vertu, dans ces siecles plus voisins de l’inocence ces heros prenoient ces fammes farouches comme on prend a present des villes.
Les enlevemens etoient si communs en Grece qu’avant que Paris n’eut enlevé Hle Helene la Grece etoit deja engagée par serment de faire la guerre à celuy qui oseroit l’enlever.

Main principale P

1605

{f.459v}

Ancienne philosophie

On etoit autrefois philosophe a bon marché, il y avoit si peu de veritées connües, on raisonnoit sur des choses si vagues et si generales
Tout rouloit sur trois ou quatre questions
Quel étoit le souverain bien.
Quel etoit le principe des choses, ou le feu, ou l’eau, ou les nombres.
Si l’ame etoit immortelle.
Si les dieux gouvernoient l’univers.
Celuy qui s’etoit determiné sur quelqu’une de ces questions etoit d’abord philosophe pour peu qu’il eut de barbe.

Main principale P

1606

Le monde n’a plus cet air riant[1] qu’il avoit du tems des Grecs, et des Romains : la relligion etoit douce et toujours d’acord avec la nature : une grande gayté dans le culte etoit jointe à une independance entiere dans le dogme {f.460r} dans le dogme.
Les jeux, les dances, les fêtes, les theatres tout ce qui peut emouvoir tout ce qui fait sentir etoit du culte relligieux.
Si la philosophie paiene vouloit affliger l’homme par la vue de ses miseres la theologie etoit bien plus consolante. Tout le monde entroit en foule dans cette ecole des passions : en vain les philosophes appelloient leurs sectateurs qui fuioient ou les laissoit pleurer seuls au milieu da la joye publique.
Aujourd’huy le mahometisme et le christianisme uniquement faits pour l’autre vie aneantisent toute celle cy cy celle ci.
Et pendant que la relligion nous afflige, le despotisme partout repandu nous accable.
Ce n’est pas tout d’affreuses maladies inconnuës à nos peres se sont jettées sur la nature humaine, et ont infecté les sources de la vie et des plaisirs.
On à vu les grandes familles d’Espagne qui avoient echapé a tant de siecles perir en grande partie de nos jours, ravage que la guerre n’a point fait, ce qui ne doit etre attribué qu’à un mal trop commun pour etre honteux et qui n’est plus que funeste[2]

Mis je crois dans les Loix

.

Main principale P

1607

{f.460v} Ce qui me charme dans les premiers tems

Les 1ers tems

c’est une certaine simplicité de moeurs, une naiveté de la nature que je ne trouve que la, et qui n’est plus a present dans le monde au moins que je sache chez aucun peuple policé[1].
J’aime a voir dans l’ame hom̃e lüy même des vertus qu’une certaine education ou relligion n’ont point inspirées, des vices que la molesse et le luxe n’ont point faits.
J’aime à voir l’inocence rester encore dans les coutumes lorsque la grandeur du courage la fierté, la colere l’ont chassée des coeurs mêmes.
J’aime à voir les roys plus forts, plus courageux que les autres hommes, distingués de leurs sujets dans les combats, dans les conseils, hors de la confondus avec eux.
Mais la plus part des gens ne connoisent que leur siecle, un Europeen est choqué des moeurs simples des tems heroiques, comme un Asiatique est choqué des moeurs des Europeens.

- - - - -

Main principale P


1603

n1.

Pour l’ensemble de cet article, voir BM Bordeaux, ms 2519, reproduit dans LP, p. 596, l. 74-104.

1603

n2.

Lire : mythologistes.

1606

n1.

Cf. nº 108.

1606

n2.

Cf. EL, XIV, 11 ; nº 113.

1607

n1.

Voir nº 108.