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Pensées 179 à 183

M :Montesquieu 1726/1727-1755.
D :Bottereau-Duval 1718-1731.
E :1734-1739.
U :1739.
H :1741-1742.
J :1742.
K :1742-1743.
F :1743.
I :1743.
L :1743-1744.
O :1745-1747.
P :Damours 1748-1750.
Q :1750-1751.
R :Saint-Marc 1751-1754.
S :1754-1755.
V :1754.
JB :Jean-Baptiste Secondat ?-1795.
T :écriture des manchettes 1828-1835

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M : Montesquieu.
D : Bottereau-Duval_1721-1731.
H : 1741-1742.
P : Damours_1748-1750.
E : 1734-1739.
L : 1742-1744.
O : 1745-1747.
T : écriture des manchettes
JB : Jean-Baptiste_Secondat.
J : 1742.
K : 1742-1743.
F : 1743.
E2 :
I : 1743.
R : Saint-Marc_1751-1754.

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Pensées, volume I

179

Sixte Quint

Six V

dans cinq ans de pontificat par son bon gouvernement par l’austerité des moeurs qu’il etablit par la destruction des bandits par la protection continuelle donnée aux loix se vit en etat de faire des ouvrages immenses dans Rome d’amasser un grand tresor et de donner de la jalousie aux Espagnols[1]

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Main principale D

180

Les

Célibat

Romains avoient des loix rigoureuses contre ceux qui restoient dans le celibat[1] ; tous les anciens peuples avoient {p.164} de l’horreur pour la sterilité, il seroit facile d’empêcher le celibat chés les seculiers en etablissant les loix romaines. A Bordeaux en 1622 de 60 ecoliers des jesuites il y en eut 301 qui entrerent dans les convens ;
Comme tous les grands changemens

Changemens dangereux infr. 175

sont dangereux dans un etat ; il ne faut pas detruire le monachisme mais le borner borner, il n’y auroit pour cela qu’a etablir la loi de Majorien et la nouvelle de Leon

Borner le monachisme

; je ne sçais si Loüis 14. ne fit pas une loi pour empêcher que l’on ne fit ses vœux avant 25 ans[2]. Innocent X detruisit tous les petits convens de son etat, il en renversa 1500, et il avoit resolu de pousser tous les princes chretiens a faire la même chose[3] ; il faudroit encourager les peres et les meres a elever leurs enfans, il faudroit detruire les petits colleges et favoriser ceux des grandes villes[4] ; comme il est important que les gens d’un certain etat soient elevés {p.165} aux lettres il est pernicieux de tourner le peuple de ce côté la ; il faudroit unir les petits benefices ce qui diminueroit le nombre des beneficiers ;
L’education paternelle

Education paternelle

pr previendroit bien des vices, elle feroit encore qu’on auroit plus d’attention a marier les filles et a s’en debarasser, deffendre de tenir des domestiques plu agés de de plus de v 25 ans non mariés, empêcher les parlemens de casser aussi facilement les mariages ; la jurisprudence etant telle que la plupart ne subsistent que parce qu’ils ne sont pas attaqués[5] ; il faudroit donc que ceux qui sont nuls fussent celebrés de nouveau, donner des privileges a ceux qui auroient un nombre d’enfans, de certains honneurs aux mêmes, fixer les rangs incertains par le nombre des enfans. Un preciput dans toutes les successions a celui qui a le plus d’enfans, une place de magistrat dans chaque hotel de ville a celui qui a le plus d’enfans, faire payer {p.166} a ceux qui vivent dans le celibat pour douze enfans [Passage à la main M] preveni
Prevenir le cours de la maladie veneriene en faisant faire une espece de quaranteine et de visite aux a ceux qui viennent des Indes
Le nombre de Dans les pais ou il y a des esclaves il faudroit qu’ils pussent esperer la liberté par le nombre de leurs enfans
Il faudroit bien se donner de garde[6] de doner com̃e les Romains le privilege des trois enfans a ceux qui ne les avoint pas, a moins qu’ils ne les eussent perdus à la guerre[7]
Le nombre des gens vivant dans le celibat multiplie a proportion le nombre des filles de joye

Celibataires
Filles de joie

et come les moines sont compensés par les relligieuses les gens de celibat le sont par les filles de joye
Regle generalle il n’y a que les mariages qui peuplent[8].
Les femelles des animaux ont a peu pres une foecondité constante de facon qu’on peut a {p.167} peu pres juger ce qu’une femelle fera de petits dans toutte sa vie mais dans les fames l’espece humeine les passions les fantaisies les caprices l’embaras de la grossesse celui d’une famille trop nombreuse la creinte de perdre ses charmes pre troublent la multiplication de l’espece[9]
Ainsi on ne scauroit trop travailler a faire prendre un tour d’esprit du coté de la foecondité
Si les peuples naissans multiplient beaucoup

Peuples naissans multiplient beaucoup

ce n’est pas come a dit un autheur qparce qu’ils ne s’entrempechent pas come ils font dans la suitte ou ils se nuisent come les arbres car cette raison laisse tout l’embarras mais c’est que la comod l’avantage du celibat et le du petit nombre d’enfans dans le mariage dont on joüit dans une nation qui est dans l’estat de sa grandeur est une tres grande incomodité ch u ches une nation naissante[10].
{p.168} Une page blanche
{p.169} Une page blanche

Passage de la main D à la main M

181

{p.170}

Grans biens de l’Eglise

La plus part des gens crient contre les grands biens possedés par les ecclesiastiques l’eglise pour moy je croy que le principal [deux lettres biffées non déchiffrées] inconvenient n’est pas là, mais dans le grand nombre de ceux qui les partagent voicy coment.
Il n’y a guere de petitte ville qui n’ait un ou deux petits chapitres[1] dans lesquels il y a depuis dix jusques a vint et trente places d’un tres petit revenu et qui par consequant ne peuvent estre enviées que par des gens de peu elles font l’embition des principaux artisans ou laboureurs qui tachent de faire etudier leurs enfans pour les obtenir de maniere que chaque toutes ces places derrobent autant de bons sujets a l’industrie et a l’agriculture[2].
Si les places estoint plus considerables elles {p.171} regarderoint[3] la noblesse qui est le seul corps oisif du royaume et le seul aussi qui ait besoin de biens etrangers pour se soutenir
Il n’y a rien de si ridiculle que d’engager pour cinquante ecus un home a un breviaire et a une continence æternelle.
Les gens de cette trempe sans education sans lettres sans consideration sont la honte de l’eglise et le sujet æternel des railleries des seculiers.
Il seroit facille de remedier a cet inconveniant par des unions ou par des reductions[4] en et on formeroit des benefices qui pourroint estre possedés avec quelque dignité 
On n’auroit pas meme besoin d’une authorité {p.172} etrangere parce que celle du roy et du diocesain[5] suffiroit pour cela.
Ces sortes de gens sont obliges d’aller vivre ches des artisans ou ils ne scauroint mener une vie fort eclesiastique

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Main principale M

182

Le pape Innocent X detruisit touts les petits couvents de l’estat eclesiastique et en fit vendre les maisons et les biens il en supprima environ mille cinq cens et s’il n’avoit pas esté prævenu par la mort il auroit invité touts les princes catholiques d’en faire autant dans leurs estats[1].
On scait que les petits couvents ne servent qu’a entretenir le relachement de la discipline monastique
{p.173} Ils entretiennent d’ailleurs le nombre prodigieux des moines qui rependus jusques dans les plus petittes bicoques[2] ont des relations par tout et qui cherchant dans chaque enfant un le premier cart d’heure de chagrin de caprice ou de devotion s’en saisissent aussi tost
On pourroit unir les biens de ces petits monasteres a d’autres monasteres ou a des benefices et en ce cas on pourroit favoriser plusieurs benefices de nomination royalle[3] qui par la succession des temps ont perdu leurs biens et n’ont presque conservé que leur nom.
Si l’on les unissoit aux grands autres monasteres il ne faudroit pas creindre qu’ils devinsent trop riches car 1º l’objectio l’objection ne peut concerner les mandians et les moines {p.174} rentés[4] seroint plus en estat de supporter les charges de l’estat
D’ailleurs come ils auroint plusieurs biens eloignés ils seroint portes a les donner en censive[5] ce qui seroit un tres grand avantage pour l’estat.
On pourroit ne laisser qu’une seule maison du meme ordre dans la meme ville voy extrait du journ. des scav. 1689 un concile qui deffend d’augmenter le nombre des moines[6].

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Main principale M

183

Un

Demi colleges

des plus grands abus qui soit dans le royaume est l’établissement des demi colleges qui sont dans les petittes villes ou les artisans envoyent aussi tost leurs enfans pour leur apprendre quelques mots de latin[1]
Bien loin que ceci soit favorable aux sciances cela entretient l’ignorance, car {p.175} autant qu’il est utille qu’il y ait de bones academies dans les principalles villes ou une certeine junesse soit instruite aux belles lettres autant est il dangereux de souffrir dans des petittes villes des demi colleges qui eloignent les artisans et petits negotians de leur estat sans les mettre en chemin d’en remplir bien un autre.

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Main principale M


179

n1.

Cf. Montesquieu, Réflexions sur le caractère de quelques princes et sur quelques événements de leur vie (env. 1731-1733, OC, t. 9, p. 55) et nº 623. Montesquieu rappelle les grands points de l’administration exemplaire de Sixte V (Felice Peretti), pape de 1585 à 1590 (Dictionnaire historique de la papauté, P. Levillain (dir.), Paris, Fayard, 1994, art. « Sixte V »). Il possédait La Vie du pape Sixte cinquième par Gregorio Leti (Paris, A. Pralard, 1699 – Catalogue, nº 265).

180

n1.

Cet article ébauche une réflexion poursuivie plus loin (nº 233), qui aboutira au vingt-troisième livre de L’Esprit des lois, consacré aux lois en rapport avec la propagation de l’espèce. Montesquieu y précise les dispositions destinées à favoriser les mariages et la natalité à Rome (XXIII, 21). Sur la critique du célibat comme facteur de dépopulation, voir LP, 113 (117).

180

n2.

En 458, l’empereur d’Occident Majorien, suivant un ordre du pape Léon Ier (Liber pontificalis, abbé Duchesne (éd.), Paris, de Boccard, 1955, XLVII, Leo, t. I, p. 239), promulgue une constitution ou novelle (et non « nouvelle ») interdisant de consacrer à Dieu les filles de moins de 40 ans ; voir Claude Fleury, Histoire ecclésiastique, Paris, P. Emery, 1718, t. VI, p. 528. En 1560, l’article XIX de l’ordonnance d’Orléans fixait à vingt-cinq ans pour les hommes et vingt ans pour les femmes l’âge des vœux de religion, qui fut abaissé à seize ans pour tous (dispositions du concile de Trente) par l’ordonnance de Blois de 1579. Le retour aux dispositions de l’ordonnance d’Orléans était un argument de la critique gallicane des vœux monastiques, encouragée par Colbert, comme chez Roland Le Vayer de Boutigny (De l’Autorité du Roi touchant l’âge nécessaire à la Profession solennelle des Religieux [1669]) : voir Catherine Maire, « La critique gallicane et politique des vœux de religion », Les cahiers du Centre de recherches historiques, 24, 2000, § 18-22 [article en ligne à l’adresse suivante : http://ccrh.revues.org/2052].

180

n3.

Innocent X, pape de 1644 à 1655 (voir nº 661), soutint, à partir de 1649, un vaste mouvement de réforme de la vie monastique, qui aboutit au regroupement ou à la suppression des petits couvents (Emanuele Boaga, La soppressione innocenziana dei Piccoli conventi in Italia, Rome, Ed. di Storia e Letteratura, 1971).

180

n4.

Cf. nº 183.

180

n5.

La législation royale, depuis la fin du XVIe siècle, renforçant les dispositions contre les mariages clandestins, avait cependant renoncé, suivant la position de l’Église (décret Tamestsi de 1563), à ordonner la nullité des unions contractées sans consentement des parents. La pratique jurisprudentielle des parlements utilisa le crime de rapt, qui rendait le mariage impossible aux yeux de l’Église, pour imposer cette nullité et lutter contre les mésalliances (DAR, art. « Mariage »).

180

n6.

« […] Donnez-vous de garde que cela n’arrive, pour dire, Ayez soin, & empechez que cela n’arrive » (Académie, 1694, art. « Garde »).

180

n7.

Le jus trium liberorum conférait des avantages aux pères et mères d’au moins trois enfants (loi Papia Poppaea, 9 av. J.-C.), privilèges que Montesquieu explicitera dans L’Esprit des lois (XXIII, 21 : Derathé, t. II, p. 116-117 ; XXVII, 1 : Derathé, t. II, p. 204-205), et qui avaient été accordés à d’autres catégories par faveur impériale (Martial, Épigrammes, IX, 98 ; Pline, Epîtres, X, 2, 95).

180

n8.

« Remplir un lieu d’habitants par la voye de la generation » (Académie, 1694, art. « Peupler »). La formule est reprise au nº 233.

180

n9.

Cf. EL, XXIII, 2.

180

n10.

Cf. EL, XXIII, 10.

181

n1.

La France compte environ six cents chapitres sous l’Ancien Régime, corps de chanoines à fonction orante, dotés de la personnalité juridique ; à côté des plus importants, les cathédraux, aux effectifs nombreux et aux ressources importantes, les collégiaux, réduits à quelques membres, survivent difficilement (DAR, art. « Chapitres »).

181

n2.

Cette réflexion sur les inconvénients des grands biens de l’Église sera développée dans L’Esprit des lois à propos de l’oisiveté encouragée par le monachisme (XIV, 7). L’addition figurant à la fin du nº 181 et signalée sur le manuscrit par un appel est à lire ici.

181

n3.

« On dit fig. […] qu’une charge regarde quelqu’un pour dire, qu’Elle luy doit venir, ou qu’il peut y pretendre » (Académie, 1694, art. « Regarder »).

181

n4.

Comprendre : par des réunions ou des suppressions de chapitres.

181

n5.

L’évêque du diocèse (voir Richelet, 1680 ; et Académie, 1740, art. « Diocésain »).

182

n1.

Voir nº 180, note 3.

182

n2.

« Ville de peu de considération » (Académie, 1694, art. « Bicoque »).

182

n3.

Il s’agit des bénéfices consistoriaux, ou majeurs, les plus riches et les plus importants de l’Église, archevêchés, évêchés et abbayes, pour lesquels le souverain nommait le candidat (DAR, art. « Bénéfices ecclésiastiques »)

182

n4.

Les ordres religieux mendiants vivent d’aumône et ne peuvent avoir de rentes (carmes, jacobins, cordeliers, augustins), par opposition aux moines qui disposent des revenus de fonds de terre (voir Furetière, 1690, art. « Renter »).

182

n5.

Les biens de l’Église sont exempts de toute imposition royale. Un propriétaire qui concède en censive touche une rente ou cens en renonçant à la propriété de la terre, qui, de ce fait, redevient imposable : voir DAR, art. « Domaine direct : censives et fiefs ».

182

n6.

Le compte rendu de l’ouvrage intitulé Clypeus nascentis Fontebraldensis Ordinis, contra priscos et novos ejus calomniatores […], (Salmarii, 1688), fait état du treizième canon du concile de Latran, « tenu en 1215, par lequel il est défendu d’instituer de nouveaux ordres, et ordonné que ceux qui voudront être religieux choisiront un ordre déjà établi » (Journal des savants du 6 juin 1689, p. 375).

183

n1.

Après la naissance des gros établissements, collèges de plein exercice offrant toutes les classes, furent créés au XVIIe siècle dans les petites villes françaises des demi-collèges ou « petits » collèges qui, avec deux ou trois régents, offraient un cursus restreint. Cette prolifération, due à l’action de notables, provoqua la vaine résistance de l’Église et de l’État, dont témoigne toute une critique administrative déjà présente dans le Testament politique de Richelieu (Amsterdam, Desbordes, 1688, p. 117-120 – Catalogue, nº 2430, 2431 ; voir DAR, art. « Collèges »).