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Pensées 214 à 218

M :Montesquieu 1726/1727-1755.
D :Bottereau-Duval 1718-1731.
E :1734-1739.
U :1739.
H :1741-1742.
J :1742.
K :1742-1743.
F :1743.
I :1743.
L :1743-1744.
O :1745-1747.
P :Damours 1748-1750.
Q :1750-1751.
R :Saint-Marc 1751-1754.
S :1754-1755.
V :1754.
JB :Jean-Baptiste Secondat ?-1795.
T :écriture des manchettes 1828-1835

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M : Montesquieu.
D : Bottereau-Duval_1721-1731.
H : 1741-1742.
P : Damours_1748-1750.
E : 1734-1739.
L : 1742-1744.
O : 1745-1747.
T : écriture des manchettes
JB : Jean-Baptiste_Secondat.
J : 1742.
K : 1742-1743.
F : 1743.
E2 :
I : 1743.
R : Saint-Marc_1751-1754.

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Pensées, volume I

214

{p.230} Ce qu’on Le bien

Le bien de l’Eglise. Mot equivoque

de l’eglise est un mot equivoque autrefois il exprimoit la sainteté des mœurs aujourd’huy il ne signifie autre chose que la prosperité de certeines gens et l’augmentation de leurs privileges ou de leur revenu
Faire quelque chose pour le bien de l’eglise n’est point faire quelque chose pour le royaume de Dieu et cette societé de fidelles dont J. C. est le chef mais le bien de l c’est faire quelque chose d’opposé a l’intérêst des laiques
On apelle eclesiastique un home qui a un certein h
Lors que l’on a voulu attacher des biens d’eglise a de certeines societes de pauvres come aux invalides, c’est a dire a des gens qui outre la pauvreté ont encor les blessures ont encore la honte qui les empeche de demender le soutien de leur vie, l’eglise s’y est opposée et a regardé cela come une profanation[1] {p.231}

Clergé

et on a succombé et on a cru leurs ses cris legitimes preuve evidente que l’on regarde les biens d’eglise non pas come les biens des pauvres mais come ceux d’une certeine societé vetue de noir qui ne se marient[2] pas
Quand nos rois ont preté leur sermant a leur sacre ne croyés pas que l’eglise qui l’a exigé l’ait les ait fait jurer de faire observer les loix du royaume, de bien gouverner leurs sujets, d’estre les peres de leurs peuples ? Non : on les a fait seulement jurer qu’ils conserveroint les privileges de l’eglise de Rheins[3].
Quand on a tenu des estats ne croyés pas que le clergè ait demandé la diminution des impots et le soulagement du peuple il ne pensoit pas a un mal qu’il ne sentoit pas mais il demendoit seulement quelque pri extention de leur juridiction des biens ou des ou de leurs privileges la reception du concile de Trente qui leur est favorable[4]
Ils ne song[e]oint point a la refformation des moeurs il est vray que lorsque les autres {p232}

Clergé

ordres en parloint ils s’ecrioint qu’il n’appartenoit qu’a eux de se mesler de leurs affaires, voulant toujours estre les réformateurs affin de n’estre jamais les refformés.
On est si fortement persuadé que les grandes richesses des ecclesiastiques sont un abus que si je pretendois le prouver icy je passerois com pour un imbecille[5] mais tel est la force du prejugé qu’il subsiste meme apres avoir esté détruit ; et tel qui vous dira que les grandes richesses des eclesiastiques sont le plus violant abus sera le premier a vous dire que la rellig[i]on vous deffend d’y toucher et de mettre come on dit la main a l’encensoir come si diminuer leurs biens estoit revenu estoit usurper leurs fonctions
Faittes je vous prie icy trois refflections
La premiere est que quelque charge que l’on impose sur le clergé, cela ne scauroit estre pernicieux a {p.233} l’estat au lieu que si l’on charge trop les laboureurs par les tailles ou les bourgeois par les entrées[6] il faut necessairement que tout l’etat se boulverse si po l’on charge un paisan de maniere que la taille epuise son revenu ou que ce revenu ne v soit si modique qu’il ne vaille pas la peine de faire les depenses

Trop long

et les avances de la culture il laissera sa terre inculte ou ne travaillera que ce qu’il en faut pour vivre. Que si vous charges encor trop les marchandises de droits d’entrée il n’y aura point de consommation mais pour l’eglise on peut la charger impunement parce que come presque tout son revenu consiste en rentes et en dixmes il n’y a pas denger qu’ils les abandonent, quelque petit que soit le profit de les recueillir
La 2de refflection est que les richesses de l’eglise sont contre les gens d’eglise meme parce qu’elles les rendent esclaves des princes et des magistrats. Les ecclesiastiques ne scauroient rien entreprendre {p.234} creinte de la saisie de leur temporel et ne scauroi les eveques ne scauroint plus dire il faut obeir a Dieu plutost qu’aux homes. Et si meme la foy estoit en peril peut estre y en auroit il quelques uns qui ne se soucieroit guere d’un point de foy ou de discipline qui leur otteroit cinquante mille livres de rente

Henri 4 [...]

Ceci fait naitre ma troisieme refflection qui est que le pape n’a point non plus d’interest a proteger les richesses de l’eglise puisqu’elles sont contre lui et qu’elles l’empêchent de pouvoir a sa fantaisie disposer des eveques ; temoin les affaires de Scicille sous Clement 11 et celles de Venise plus anciennes[7]. Les papes pub
D’ailleurs le pape est presque sans interest aujourd’hui car il ne retire rien des benefices et des couvents a la reserve de quelques bulles qui ne vont pas a un gros object il n’a plus en France de graces expectatives a doñer, plus de décimes a lever, plus de droit de depouille et autres droits qu’il autrefo auroit autrefois eseté de son interest de soutenir et pour lesquels Rome publia autrefois sa bulle in cœna domi domini[8]
{p.235} II y a plus c’est que toutes ces richesses le mettent toujours en danger de perdre du terrein elles mettent la catolicité en danger en facilitant aux princes les moyens d’interesser les p toutes les plus considerables familles de leurs estats a sa destruction, et de les attacher au chisme et a l’heresie aussi fortement qu’a leur fortune come l’exemple des roix de [trois lettres biffées non déchiffrées] princes protestants l’a fait asses voir. En France meme nous voyons par Maiseré que si on eût dans les regnes des enfans d’Henri second[9] exempter les huguenots du payement des dixmes, tout le monde eut esté huguenot :
Ainsi la devise du flambeau renversé convient tres bien a l’eglise. « Ce qui me nourrit me tue »[10] elle gemit sous le poids de l’or.

1ers chrétiens pauvres

Les premiers chretiens estoint presque touts pauvres les pauvres estant attirés a une relligion qui honoroit la pauvreté et sanctifioit cet estat
{p.236} J’aimerois bien mieux que dans un estat il n’y eut point de pauvres

Pauvres

que d’y voir tant de biens fonds maisons destinéses a les nourrir.
Lorsque l’eglise est riche le gouvernement est interessé a ses desordres temoin l’exemple ce qui est dit dans la vie d’Abelard[11].
Il

Le cardinal de Richelieu [...]

est indifferent pour les peuples que les ecclesiastiques ou les seculiers jugent de certeines causes et les disputtes a cet egart sont cependant les choses dont on disputte le plus, il n’est pas indifferent pour le peuple que les ecclesiastiques regorgent de richesses et persone ne s’en met en peines

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Main principale M

215

Libertes

Libertés de l’eglise gallic

de l’eglise gallicane[1] on devroit bien plustost dire la servitude de l’eglise gallicane puis qu’elles ne servent qu’a maintenir l’authorite du roy sur contre la juridiction ecclesiastique et otter au pappee la force de la maintenir puis qu’elles ottent aux ecclesiastiques le droit qu’ils ont sur les magistrats et les rois mesmes en qualité de fidelles
Ces libertés ne sont pas les libertés de l’eglise {p.237} dans le sens qu’on l’entend c’est a dire les libertés des ecclesiastiques car elles sont presque toujours contraires aux privileges qu’ils pretendent avoir ce sont les libertés du peuple de France qui a droit de soutenir l’independance de ses loix
II ne faut pas dire qu’elles soient fondées sur tout ce qui est porté par les anciens canons car il est impossible de citer la France seroit bien malhureuse si elle estoit obligée d’acquitt de suivre d’accepter come loy les collections qui en ont esté faittes
Ces libertés ne sont fondées que sur le droit des gens qui veut qu’une nation qui se gouverne par ses propres loix et n’a pas esté subjuguée, ne soit point sommise a une a l’egart du temporel l’egard du temporel[ a une] puissance etrangere et sur la rais raison qui et a l’egard du spirituel sur le droit divin droit qu qui veut que le concile soit au dessus du pape et sur la raison qui le veut aussi n’y ayant point de corps qui n’ait plus d’authorité tout entier que divisé

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Main principale M

216

{p.238} [Passage à la main D]

Mal vénérien

Il est croyable que la verole nous est venuë des Indes et qu’elle etoit inconnuë aux anciens. Mezerai chap. 8. dit que les François la prirent des Napolitains, ceux la des Espagnols revenus des Indes[1] ; ceux qui ont confondu cette maladie avec la lepre ignorent qu’il y a des pays ou ces deux maladies sont connuës : il y a des gens qui pretendent qu’elle est venuë des Caraïbes qui mangeoient des hommes[2].
Le Novus orbis dit qu’en 1506 la verole ravagea le pays de Calicut, que cette maladie auparavant inconnuë y avoit eté aportée par les Portugais 17 ans auparavant[3], ce qui quadre fort avec la decouverte des Indes faite en 1493.

Dans la derniere expedition d’Ecosse [...]

Que si l’on objecte qu’il n’y a plus de lepreux depuis qu’on connoit la verole, cela vient de ce qu’il n’y a plus de croisades et qu’on ne va plus en corps d’armée a la terre ste ou cette maladie est commune ; ce qui feroit pancher pour {p.239} le sentiment contraire c’est que Suetone dans la vie de Tibere lui donne tous les simptômes de ce mal, les pustules, les boutons au front, les insomnies[4].

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Passage de la main M à la main D

217

[Passage à la main M] Un ancien disoit

Esope a la Cour

Spectacles je me souviens que sortant d’une piece intitulée ÆEsope a la cour[1], j’en sortis si penetré du desir d’estre plus honette home que je ne scache jamais avoir formé une resolution plus forte, bien different de cet ancien qui disoit qu’il n’estoit jamais sorti des spectacles aussi vertueux qu’il y estoit entré. C’est que ce ne sont plus les memes choses :

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Passage de la main D à la main M

218

Education des colleges

Colleges on recoit dans les colleges une education basse tout ce qu’on je n’en puis rien dire de pis si ce n’est que ce qu’on en retire de mieux c’est un esprit de bigoterie {p.240} cent petites trahisons que l’on fait faire touts les jours a un jeune home contre ses camarades ; les perfidies qu’on lui inspire peuvent bien servir a entretenir une certeine regle exterieure dans ces maisons mais elles perdent le coeur de touts les particuliers

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Main principale M


214

n1.

Avant la fondation des Invalides (LP, 82 [84]), les monastères devaient nourrir ou pensionner les soldats estropiés, appelés oblats, système qui se heurtait à la mauvaise volonté des abbés (voir Jean-Pierre Bois, « Les soldats invalides au XVIIIe siècle, perspectives nouvelles », Histoire, économie et société, vol. 1, nº 2, 1982, p. 239).

214

n2.

Accord sylleptique.

214

n3.

Lors de son sacre, à Reims, le roi prêtait le serment d’assurer la paix et la protection de l’Église et de ses biens, et de combattre les hérétiques.

214

n4.

Lors des états généraux de 1614 (voir nº 160), le clergé obtint la publication du concile de Trente et rejeta l’article proposé par le tiers état sur l’indépendance de la puissance royale.

214

n5.

Formule reprise dans L’Esprit des lois (XXV, 5 : Derathé, t. II, p. 158)

214

n6.

Comprendre : droits d’entrée.

214

n7.

Clément XI avait revendiqué les royaumes de Naples et de Sicile contre les prétentions espagnoles et entra en conflit avec les puissances qui se succédèrent sur le trône de Sicile sous son pontificat (1700-1721), à propos du tribunal de la Monarchie (voir nº 177). Un démêlé opposa en particulier en 1716 les représentants du duc de Savoie, roi de Sicile, et une partie du clergé de l’île, qui s’en trouva chassée (Saint-Simon, V, p. 828-832). Le pape Jules II se heurta à la politique gallicane de Louis XII, d’abord allié à lui contre les Vénitiens qui avaient annexé des territoires pontificaux, et qui le suspendit lors du concile de Pise (1511-1512).

214

n8.

Par la grâce expectative, un bénéfice vacant était attribué à une personne désignée par le pape, mode d’attribution supprimé par le concile de Trente. Le droit de dépouille donnait au souverain pontife la faculté de revendiquer les biens des clercs défunts. La décime était une imposition établie sur les biens ecclésiastiques au bénéfice du pape et des princes chrétiens, négligée à partir du XIVe siècle. La bulle in cœna Domini, publiée chaque année, mais non reçue en France, fulminait l’excommunication de tous ceux qui usurpaient ou violaient les droits de l’Église, en particulier les immunités judiciaires ou fiscales du clergé, reconnues cependant par les lois du royaume (DAR, art. « Bulle »).

214

n9.

Règnes de François II (1559-1560), Charles IX (1560-1574), Henri III (1574-1589), qui font l’objet de la troisième partie de l’Abrégé chronologique, ou Extrait de l’histoire de France de Mézeray (Amsterdam, A. Schelte, 1696, t. V, p. 1-357 – Catalogue, nº 3010-3011, éd. de 1668 et 1690).

214

n10.

Traduction de l’inscription « Quod nutrit me consummat », accompagnant l’emblème représentant un infidèle tenant une chandelle renversée (Georgette de Montenay, Emblèmes ou devises chrétiennes, Lyon, J. Marcorelle, 1571, p. 54).

214

n11.

Dom François Armand Gervaise, La Vie de Pierre Abeillard […], Paris, J. Musiet et F. Barois, 1720, 2 vol.

215

n1.

Le Traité des libertés de l’Église gallicane, de Pierre Pithou [1594], réédité et commenté à plusieurs reprises, figurant dans ses Opera sacra, juridica, historica, miscellanea (Paris, [S. Cramoisy], 1609 – Catalogue, nº 2343) fut considéré comme le code du gallicanisme. Montesquieu possédait aussi Les Recherches de la France (Paris, P. Ménard, 1643 – Catalogue, nº 3024) d’Étienne Pasquier qui s’efforce de fonder en droit ces mêmes libertés ; Catherine Maire, Dictionnaire électronique Montesquieu, art. « Gallicanisme » [en ligne à l’adresse suivante : http://dictionnaire-montesquieu.ens-lyon.fr/index.php?id=391].

216

n1.

Mézeray, Abrégé chronologique, ou Extrait de l’histoire de France (Amsterdam, A. Schelte, 1696, t. IV, p. 395). Le « chapitre VIII » désigne par erreur le règne de « Charles VIII », objet du tome IV. L’opinion courante est que la maladie est importée des Amériques par des compagnons de Christophe Colomb d’abord en Espagne et dans le royaume de Naples (Jon Arrizabalaga, John Henderson et Roger French, The Great Pox : the French Disease in Renaissance Europe, New Haven – Londres, Yale University Press, 1997).

216

n2.

L’hypothèse n’est pas mentionnée à l’article nº 86.

216

n3.

Johann Huttich, Novus orbis regionem ac insularum veteribus incognitarum (Paris, J. Parvum, 1532, p. 213 et p. 248 – Catalogue, nº 2637).

216

n4.

Suétone décrit le visage de l’empereur, affligé d’abcès nombreux et soudains (« crebri et subiti tumores »), mais n’évoque pas d’insomnies (Vie de Tibère, 68, 2).

217

n1.

Ésope à la cour d’Edme Boursault est représenté le 28 avril 1701. Montesquieu confond sans doute avec les Fables d’Ésope ou Ésope à la ville du même auteur, représenté les 6 et 8 novembre 1710 au théâtre de la rue des Fossés Saint-Germain à Paris, alors qu’il complète sa formation en droit dans la capitale.