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Pensées 355 à 359

M :Montesquieu 1726/1727-1755.
D :Bottereau-Duval 1718-1731.
E :1734-1739.
U :1739.
H :1741-1742.
J :1742.
K :1742-1743.
F :1743.
I :1743.
L :1743-1744.
O :1745-1747.
P :Damours 1748-1750.
Q :1750-1751.
R :Saint-Marc 1751-1754.
S :1754-1755.
V :1754.
JB :Jean-Baptiste Secondat ?-1795.
T :écriture des manchettes 1828-1835

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M : Montesquieu.
D : Bottereau-Duval_1721-1731.
H : 1741-1742.
P : Damours_1748-1750.
E : 1734-1739.
L : 1742-1744.
O : 1745-1747.
T : écriture des manchettes
JB : Jean-Baptiste_Secondat.
J : 1742.
K : 1742-1743.
F : 1743.
E2 :
I : 1743.
R : Saint-Marc_1751-1754.

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Pensées, volume I

355

La

Puissance d’un Prince

vraye puissance d’un prince ne consiste que dans la difficulté qu’il y a à l’ataquer[1] ainsi il s’en faut bien qu’un duc de Scavoye soit aussi puissant avec la Sardagne[2] que sans la Sardagne parce qu’on peut d’abord le prendre par ce coté foible et que s’il le fortifie ou pendant la paix ou pendant la guerre il affoiblit ses estats. Lorsqu’avec le duc de Parme etranger ensuitte

- - - - -

{p.346} Echange de la Sardagne avec la riviere du Ponant[3]
Echange

Main principale M

356

Pensées qui n’ont pu entrer dans mon dialogue de Xantipe :

En verité Gilipe si les dieux ne m’avoint mis sur la terre que pour y mener une vie voluptueuse je croirois qu’ils m’auroint doné en vain une ame grande et immortelle ; joüir des plaisirs des sens est une chose dont touts les homes sont capables et si les dieux ne nous ont faits que pour cela ils ont fait un ouvrage plus parfait qu’ils n’ont voulu, et ils ont plus executé qu’entrepris[1].

Cet article est dans le dialogue de Lisimaque.

Main principale M

357

Sparte

Sparte

une nation qui ne meprise pas seulement mais qui deteste les molles voluptés, ches qui les peuples et les rois scavent egalement comender et obeir ; ches qui les moindres citoyens font ce que les seuls philosophes font ailleurs

Main principale M

358

{p.347} Je n’aime que ma patrie je ne creins que les dieux je n’espere que la vertu.

Main principale M

359

Fragmans

Fragmens d’une tragedie

d’une tragedie que je fis au colege et que j’ay jettee au feu le sujet estoit tiré de la Cleopatre[1] le nom Britomare[2]

Pompée me dit

Je te quitte dit il mais je seray fidelle

Je vole ou le destein du monde entier m’apelle

Mais je te laisse un fils le fruit de nos amours

L’image d’un epoux qui t’adore toujours

Il partit et bientost les discordes civiles

Desolerent les champs renverserent les villes

Et dans Pharsale enfin Cæsar victorieux

Vit rougir les mortels des caprices des dieux

……………………………………………..

Songe

Une nuit que j’estois dans cet estat tranquile

Ou notre esprit plus libre et moins apesanti

A l’empire des sens n’est point assujeti

………………………………………………

Britomare dit

J’ai couru mile fois après ma liberte

Mais ne pouvant eteindre un feu qui me devore

Je n’ay pu m’empecher d’aimer ce que j’adore

{p.348} ………............................

Le sang dont vous sortes

Touts les rois touts les cœurs qui vous rendent homage

Et la divinité peinte dans son ouvrage

…………………………

Mais bien loin que j’eteigne une flame si belle

Touts mes efforts ne font que la rendre æternelle

………………………………………..

Helas il faloit donc derober a ma vüe

Les celestes atraits dont vous estes pourvüe

Tel est cet art puissant qu’ils ont de nous charmer

Comencer a vous voir c’est comencer d’aimer

Un moment a vu naitre une flame æternelle

Chaque instant qui le suit vous presente plus belle

Il me fait decouvrir mille nouveaux atraits

Je voy touts les amours dans un seul de vos traits

Si l’on est criminel allors qu’on vous adore

Je seray touts les jours plus criminel encore

Mais pourquoy mon amour seroit il odieux

Les adorations n’offensent point les dieux

………………………………………………..

Ah ne m’imputes point la fureur de mes armes,

Tout mon crime est d’avoir ignoré tant de charmes

Pourquoy me cachiés vous l’eclat de vos beaux yeux

J’aurois cedé madame a ces rois a ces dieux

J’aurois emprunté d’eux les foudres redoutables

J’aurois emprunté d’eux les traits inevitables

{p.349} Et marchant sur vos pas combatant sous vos loix

J’aurois su tout sommettre a ces dieux a ces roix

………………………………………………….

Que vos ressentimens tombent avec vos chaines

Et dans le rang supresme ou vous ont mis les dieux

Venés madame apprendre a pardoner come eux

…………………………………………………..

Tigrane dit

Ma moindre passion est toute violante

C’est une orage affreux d’une ame turbulante

La raison ne voit rien dans cette epaisse nuit

…………………………………………..

Un aman plus hureux qui porteroit mes cheines

Dans ce raport confus de plaisirs et de peines

Tantost plus languissant tantost plus animé

Jouiroit du plaisir d’aimer et d’estre aimé

…………………………………………….

Elise dit

Dans l’estat ou je suis helas puis je te dire

Et pourquoy je me trouble et pourquoy je soupire

Si Mars et ses fureurs me donent de l’effroy

Ou quelque dieu plus fort qui veut regner sur moy

Je me sens toutte emüe et peut estre Phoedime

Que cette emotion est elle meme un crime

………………………………………………..

Quand un coeur pour hair se contraint et se gesne

Ges Il trouve que l’amour est bien pres de la haine

………………………………………………………

L’amour portant ses droits sur tout ce qui respire

{p.350} De la terre et du ciel ne forme qu’un empire

…………………………………………………..

Je n’ay plus d’enemi quand je n’ay plus d’egal

……………………………………………………

Elise a Tigrane

Non tu fais naitre seul toutes mes passions

Mon coeur tout plein de toy se ferme a tout le reste

Si tu scavois cruel combien je te deteste

……………………………………………………

Je ne vous ecoutois pas quand vous estiés couvert de gloire

Croyes vous que

Je vous entende mieux de l’abisme ou vous estes :

……………………………………………………..

Je ne scay si dans les transports dont je suis agité

Vous verrés mon amour ou ma temerité

………………………………………………

Vous avés scu me veincre apres tant de combats

En un mot je vous aime et je n’en rougis pas

Il faloit en rougir quand mon ame insensée

En osa concevoir la premiere pensée

Il faloit en rougir quand le cruel poison

Laissoit a mon esprit un reste de raison

Que tantost abatüe et tantost triumphante

Je deffendois encor ma liberté mourante

Mais sans faire aujourd’hui des efforts superflus

J’aime j’ose le dire et je n’en rougis plus

………………………………………………..

Phraate de Britomare

Un seul de ses regards m’intimide et m’acable

{p.351} Je ne puis soutenir son superbe maintien

L’astre qui le vit naitre est plus fort que le mien

Au funeste recit de ses faits magnanimes

Je le croy voir armé pour punir touts mes crimes

Et ce heros terrible a mon esprit confus

Montre autant d’enemis qu’il fait voir de vertus.

………………………………………………………...

Tigrane dit Dieux

C’est vous qui n’avés mis le sceptre dans mes mains

Que pour faire d’un roy le dernier des humains

Je n’acuse que vous d’un dessein si sinistre

Et Britomare encore enfin n’en est que le ministre

Vous n’aurés plus de droits sur un infortuné

Je vous rends jusqu’au jour que vous m’avés doné

…………………………………………………….

Britomare dit un grand coeur

Ne veut point eluder l’arrest des destinées

Toujours sans s’emouvoir il attend le trepas

Et lors que le ciel parle il ne l’en dedit pas

………………………………………………

Tigrane dit

Qu’entends je est il bien vray quelles douceurs secretes

Les dieux sont apaisés madame si vous l’estes.

……………………………………………….

Elise dit

La mort est un cruel tourment

Qui pour adorer Britomare

Ne me laisse plus qu’un moment

{p.352} Phraate dit

Lors que je me beignois dans le sang de mes freres

Les dieux les justes dieux ne m’estoint point contraires

Dans un calme profond ils me laissoint regner

Un si grand criminel se faisoit epargner

Ceux mesmes dont le sang fut versé par mes crimes

Pour apaiser le ciel me servoint de victimes

Ce ciel qui n’osant plus foudroyer icy bas

Sembloit creindre un mortel qui ne le creignoit pas

Mais depuis que perdant mon audace premiere

Arbate j’ay voulu faire un pas en arriere

Depuis que la vertu s’est montrée a mes yeux

Que j’ai quité le crime et respecté les dieux

Depuis ce temps fatal ma funeste innocence

N’a fait pleuvoir sur moy que heine et que vengence

Et dans le precipice

Sans cesse malhureux toujours persecuté

J’ay senti tout le poids de la divinité :

Main principale M


355

n1.

Formule reprise dans le livre de L’Esprit des lois consacré à la force défensive (EL, IX, 6).

355

n2.

Cf. nº 177 et 344.

355

n3.

Cf. nº 313.

356

n1.

Cf. Lysimaque [1751], OC, t. 9, p. 420, l. 26-31. Dans l’opuscule publié, Gilipe est devenu Lisimaque dont l’interlocuteur est Calisthene.

359

n1.

Cléopâtre, publiée en 12 volumes entre 1647 et 1658, est l’un des quatre romans de La Calprenède que possédait Montesquieu (Catalogue, nº 2234) : il lui emprunte les noms de ses personnages.

359

n2.

Montesquieu aurait ébauché cette tragédie lors de ses études chez les oratoriens de Juilly (Jean Tarraube, Montesquieu auteur dramatique, Paris, Lettres Modernes Minard (Archives des Lettres Modernes), 1982).