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Pensées 396 à 400

M :Montesquieu 1726/1727-1755.
D :Bottereau-Duval 1718-1731.
E :1734-1739.
U :1739.
H :1741-1742.
J :1742.
K :1742-1743.
F :1743.
I :1743.
L :1743-1744.
O :1745-1747.
P :Damours 1748-1750.
Q :1750-1751.
R :Saint-Marc 1751-1754.
S :1754-1755.
V :1754.
JB :Jean-Baptiste Secondat ?-1795.
T :écriture des manchettes 1828-1835

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M : Montesquieu.
D : Bottereau-Duval_1721-1731.
H : 1741-1742.
P : Damours_1748-1750.
E : 1734-1739.
L : 1742-1744.
O : 1745-1747.
T : écriture des manchettes
JB : Jean-Baptiste_Secondat.
J : 1742.
K : 1742-1743.
F : 1743.
E2 :
I : 1743.
R : Saint-Marc_1751-1754.

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Pensées, volume I

396

Horace[1]

Si les hommes ont dégénéré

et Aristote nous ont deja parle des vertus de leurs peres et des vices de leur temps et les autheurs de siecle en siecle ont parlé de meme s’ils avoint dit vray les homes seroint a present des ours. Il me semble que ce qui fait raisoner ainsi touts les homes c’est que nous avons vu nos peres et nos maitres qui nous corrigeoint et que nous les croyons exempts des deffauts dont ils nous corrig[e]oint...
Ce n’es Ce n’est pas tout les homes ont cru que leur corps si mauvaise opinion d’eux qu’ils ont cru non seulement qu’ils avoint degenere mais avoint degeneré que leur esprit et leur ame avoint degeneré mais aussi leur corps ; voyés mo et qu’ils estoint devenus moins grands. Et non seulement eux mais les animaux la terre moins fertile[2] ; eux moins parfaits. C’estoit l’opinion des saint Augustin stoiciens, Egiptiens voyes mon extrait de Coringius de habitu corporum Germanorum : st Cyprien, qui raisone fort mal, avertit un heretique qu’il n’y a plus tant de pluie l’hiver, tant de chaleur l’esté, moins de marbres dans les montagnes, moins d’or et d’argent ; moins de concorde dans les amitiés, moins de laboureurs dans les champs et autres sotises[3] :
De plus on voit dans les histoires les homes peins en beau et on ne trouve pas tels ceux que l’on voit… et il y a de certeins deffauts qu’il faut voir pour les sentir, tels que les habituels :

- - - - -

Main principale M

397

{p.366}

Spécilegium ouvrage de l’auteur

J’ay mis dans mon Spicilegium quelques remarques sur la peinture la sculpture et l’architecture que j’avois tirees de certeines conversations avec Mr Jacob[1] voicy les observations que j’ay faites depuis qui n’ont pu entrer dans mes divers ouvrages.

Main principale M

398

J’ay

Peinture
Ecole de Florence

trouvé dans les peintres de l’ecole de Florance[1] une force de dessein que je n’avois point sentie ailleurs ils mettent les corps dans des attitudes tres peu ordinaires mais il n’y a jamais rien de gené. Quelque fois le coloris est un peu sec mais le dessein est si bien prononcé qu’il vous surprend toujours. Les Florentins ne mettent point les corps dans l’obscurité ils n’affectent point de fausses ombres mais ils les font paroitre a la lumiere du soleil. Quel que soit leur coloris vous estes touches de la hardiesse de leur pinceau voyés les figures par le dos, de coté, en profil, la teste tournée, baissee, le corps panché tout ce que vous voyés semble vous faire voir tout ce qui est caché. Le corps est toujours dans une pondération juste, et placé come il doit estre :

Main principale M

399

Le

Sculpteur

sculpteur qui n’a aucune des ressources des peintres

J’ay employe ceci dans mon ouvrage sur les plaisirs le beau

qui n’est soutenu ny par le coloris ny par la surprise que done l’art de doner de la rond faire fuir et sortir les corps d’une surface platte ny l’avantage d’une grande ordonance n’a que la ressource de mettre du feu et du mouvement dans ses ouvrages en
{p.367} Une page blanche
{p.368} Une page blanche
{p.369} metant ses figures dans une de belles attitudes et leur donnant de beaux airs de teste. Ainsi quand il a mis les proportions dans ses figures, que ses draperies son belles il n’a rien fait s’il ne les met pas en action, si la position est dure, car la sculpture est naturellement froide[1] :
La simetrie dans les attitudes y est insuportable j’en ay parle sur le gout : mais les contrastes trop contrastes souvent le sont autant come quand on voit qu’[u]n bras en contraste fait exactement tout ce que l’autre fait et qu’on voit qu’on a etudie de faire precisement l’un come l’autre.

Sculpture

Il faut que dans une statue les flancs ne soyent pas egalement enfonces, et come disent les Italiens pari a pari[2] mais que l’un entre et l’autre sorte.
L’ombre d’un corps qui laquelle tombe sur une membre d’une statue ou quelque corps qui y est appliqué come un baton pastoral sur le bras d’un saint, pourront faire paroitre ces parties moindres :
Il faut que les yeux[3] des plis soint plus minces moins ronds et plus crus que le reste des plis de meme la le plis ou la partie des plis qui so est au dessous doit estre plus crüe que et moins ronde que la superieure.
Les bas relief ont une grande partie des difficultes de la peinture il faut faire fuir les figures faire sentir les eloignemens faire de grandes ordonances :
Une des raisons pourquoy nos sculpteurs ne font pas les {p370} draperies si bien que les anciens c’est que le marbre de Carrare

Marbres

dont on se sert aujourd’hui est plus dur que celui des anciens c’est come une pierre a fusil il l’est meme plus qu’il n’estoit il y a quarante ans les carrieres se sont affaissées on a perdu la veine ainsi le marbre se reffuse p[lettres biffées non déchiffrées] aux ouvriers.
Nos moines et nos sts ont quelquefois des habits auxquels il est impossible de doñer de la grace.

Main principale M

400

Fogini

Statues

estoit boiteux et contrefait[1] ; ce qui fait que ses ouvrages n’ont pas toutte la perfection qu’on pourroit desirer car quand on fait une statue il ne faut pas estre toujours assis en un lieu ; il la faut voir de touts les cotés de loin de pres en haut en bas dans touts les sens on ne voit les tablaux que d’un point de vüe mais les statues se voyent de plusieurs ce qui fait la difficulté des sculpteurs

Main principale M


396

n1.

Horace, Odes, III, 6.

396

n2.

Cf. nº 90.

396

n3.

Montesquieu démarque un passage de l’ouvrage d’Hermann Conring qui cite le Traité contre Démétrien (III) de Cyprien (De habitus corporum Germanicorum antiqui ac novi causis liber singularis [1re éd. 1645], Francfort-sur-le-Main, J. A. Stock, 1727, p. 115-116 – Catalogue, nº 1432 ; extrait perdu : voir nº 1918).

397

n1.

Voir Spicilège, nº 461. Montesquieu a visité Vienne et fait route de Gratz à Venise avec l’Anglais Hildebrand Jacob qui l’a initié aux beaux-arts (Jean Ehrard, Montesquieu critique d’art, Paris, PUF, 1965, p. 14-15). La réflexion et le projet d’ouvrage sur le goût mentionnés à l’article nº 108 et limités alors aux belles-lettres, sont élargis aux beaux-arts, à la suite des voyages, comme en témoigne cette séquence autographe (nº 397-407). Sur la fonction incertaine de ces remarques, voir l’introduction d’Annie Becq à l’Essai sur le goût, OC, t. 9, p. 467-468.

398

n1.

Montesquieu désigne les peintres florentins du XVIe siècle qui ont, selon Félibien, « rétabli » la peinture : Vinci, Andrea del Sarto, Bronzino, Michel-Ange et ses imitateurs, comme Rosso et Pontormo (voir Jean Ehrard, Montesquieu critique d’art, Paris, PUF, 1965, p. 51 et 56-57). Il a séjourné à Florence du 1er décembre 1728 au 15 janvier 1729 et a pu contempler leurs œuvres au palais Pitti et dans la Galerie du Grand-duc, aujourd’hui des Offices (Voyages, p. 236-237, 577-580, 586, 588-589).

399

n1.

La réflexion sur la froideur naturelle de la sculpture qu’il faut animer et sur le nécessaire équilibre entre la symétrie et les contrastes, sera reprise dans l’Essai sur le goût (OC, t. 9, p. 497 ; voir ci-après « j’en ay parle sur le gout », autographe.) D’après la note en marge, Montesquieu a hésité sur le titre et le contenu du projet d’ouvrage envisagé (voir ci-dessus nº 398 et l’introduction d’Annie Becq, ibid., p. 468).

399

n2.

L’expression signifie : exactement pareils.

399

n3.

L’œil d’un pli, au sens d’ouverture, emprunté au vocabulaire des praticiens, est attesté tardivement dans l’Encyclopédie méthodique (Paris, Panckoucke, 1791, t. I, art. « Beaux-arts » ; t. II, art. « Pli », p. 196).

400

n1.

Jean Ehrard suppose que cette information vient d’un des guides de Montesquieu, Piamontini (Montesquieu critique d’art, Paris, PUF, 1965, p. 49). Jean-Baptiste Foggini (1652-1725), architecte et sculpteur florentin, restaurateur de statues antiques, avait été envoyé à Rome par le Grand-duc Cosme III pour étudier, former des élèves et rétablir la sculpture à Florence (Voyages, p. 545, note de l’auteur (e) ; ibid., p. 226, 549, 558). La remarque revient sur les appréciations des notes de voyage qui mentionnent, du même sculpteur, la « statue admirable » du « paisan qui en eguisant son couteau ecoutte une conjuration », érigée en modèle par les connaisseurs (ibid., p. 573), et les « bone[s] sculpture[s] » de la chapelle Corsini (ibid., p. 589).