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Pensées 756 à 760

M :Montesquieu 1726/1727-1755.
D :Bottereau-Duval 1718-1731.
E :1734-1739.
U :1739.
H :1741-1742.
J :1742.
K :1742-1743.
F :1743.
I :1743.
L :1743-1744.
O :1745-1747.
P :Damours 1748-1750.
Q :1750-1751.
R :Saint-Marc 1751-1754.
S :1754-1755.
V :1754.
JB :Jean-Baptiste Secondat ?-1795.
T :écriture des manchettes 1828-1835

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M : Montesquieu.
D : Bottereau-Duval_1721-1731.
H : 1741-1742.
P : Damours_1748-1750.
E : 1734-1739.
L : 1742-1744.
O : 1745-1747.
T : écriture des manchettes
JB : Jean-Baptiste_Secondat.
J : 1742.
K : 1742-1743.
F : 1743.
E2 :
I : 1743.
R : Saint-Marc_1751-1754.

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Pensées, volume I

756

{p.496}

Dictionaires

C’est une mauvaise maxime que de faire des dictionaires des langues vivantes cela les borne trop ; touts les mots qui n’y sont pas sont censés impropres etrangers ou hors d’usage c’est l’academie meme qui a produit les satires neologiques ou en a esté la cause[1] :

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Main principale M

757

Mis dans les loix :

Jalousie

La jalousie me semble necessaire dans les pais chauts[1] la liberte dans les climats froits en voicy une raison phisique il est certein que les femmes sont nubiles dans les climats chauts a huit dix douze ans et sont d’abort vieilles c’est a dire que l’enfense et le mariage sont presque toujours ensemble et come entre les cho c’est la raison qui donne l’empire et qu’elle ne se trouve presque jamais avec les agreemens qui donnent un empire plus fort il faut bien que les femmes soyent sommises or la raison ne peut leur faire regagner dans leur vieillesse [un mot biffé non déchiffré] le pouvoir qu’elles ont perdu lors qu’elles avoint des charmes et de la beauté enfin dans les pais chauts les femmes ne sont raisonables que quand elles sont vieilles et elles ne sont jolies belles que pendant qu’elles ne sont pas raisonables elles n’ont donc jamais pu prendre un certein ascendent sur les homes[2] et leur prompte vieillesse a du necessairement introduire la poligamie :
Dans les pais froits les femmes se marie dans l’age ou leur raison est la plus forte et la vieillesse et leurs agreemens se conservent mieux de facon que la vieillesse {p.497} de leur mary suit la leur elles sont l’usage des boissons fortes qui y establit l’intemperence parmy les homes leur donne meme la plus part du temps l’avantage de la raison sur eux il y a des pais ou touts les soirs toute la nation est ivre les femmes qui ont a cette egart une retenüe naturelle parce qu’elles ont toujours a se deffendre ont donc de grands avantages sur les homes qui ayant les leurs aussi il en resulte cette egualité :
C’est pour cela que la loy des Romains qui ne permet qu’[u]ne seule femme qui est devenüe une loy chretiene est conforme au phisique du climat d’Europe et non au phisique du climat d’Asie et c’est pour cela que le mahometisme a trouvé tant de facilite a s’establir en Asie et tant de difficulté a s’establir en Europe qu’il que le christianisme s’est meintenu en Europe et a este detruit en Asie que les mahometans font tant de progres a la Chine et les chretiens si peu :
La nature qui n’a point fait les agreemens pour les homes ne leur a donné d’autre terme que celui de leur force et de leur raison elle a donné aux femmes les agreemens et leur a donne pour terme la fin de leurs agreemens, de la s’est necessairement {p.498} establie la pluralite des femmes come une chose necess en quelque facon necessaire et d’un autre coté si elle ne s’estoit pas establie la lo vu l’incontinence produite par le climat la loy d’une seule femme auroit donné aux seu femmes un avantage prodigieux

Aux femmes d’Orient la jeunesse est au milieu comencement de leur age au lieu qu’a nos femmes la jeunesse est au milieu

 :
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Main principale M

758

Allemans indolens

Les Allemans sont trop indolents pour estre trop si rompus aux affaires c’est pour cela qu’ils en ont moins ils laissent la plus part des choses come elles sont a Viene un Vienne un ministre qui a travaille deux heures le matin va diner [et] jouer le reste de la journée les affaires sont restent dans les tribunaux ordinaires et persone ne songe a les en otter ny a les derrenger : malhureuse vivacité de notre nation qui met la mode jusques dans les projets des finances et les resolutions des conseils et le gouvernement des provinces tout ce qui est estably nous deplait et un ministre qui ne fait rien est regardé come un mauvais ministre :

Main principale M

759

{p.499}

Grande joie

La grande joye fait toujours un de deux effets quand elle n’engage pas les autres elle les attriste come deplacée le grand secret est de n’en mettre que la dose convenable sans cela on est tres souvent tristement guay : il faut pour estre aimable il faut pouvoir faire ceder son caractere a l’occasion : quand il ne vous met pas en trein il vous derroute : la joye continuelle est de meme. Si je suis triste la joye des autres m’afflige parce qu’elle me tire du plaisir que j’ay a me laisser aller a ma tristesse et me fait donc violence ce qui est une espece de douleur

Main principale M

760

Valeur heroïque

Il y a aparance que ce qu’on apelle valeur heroique va se perdre perdre en Europe. Notre philosophie plus de chevalerie ; l’indiférence d’estre a un maître ou a un autre pour le bonheur. Autrefois il s’agissoit de sa destruction, d’estre vendu esclave, de perdre sa famille, sa ville, sa faem̃e, ses enfans[1].

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Main principale M


756

n1.

Le Dictionnaire néologique [1re éd. 1726] de l’abbé Desfontaines et de Jean-Jacques Bel, conseiller au parlement de Bordeaux, ami de Montesquieu (Amsterdam, M.-C. Le Cène, 1731 – Catalogue, nº 1857), qui remporta un grand succès, brocardait le style de certains Modernes, en particulier de Marivaux. La néologie désignait moins la création de mots nouveaux, assez rare, que les tours et les figures originales qui heurtaient le purisme linguistique théorisé au sein de l’Académie française : voir Frédéric Deloffre, Marivaux et le marivaudage : une préciosité nouvelle, Paris, A. Colin, 1967, p. 295 et suiv.

757

n1.

Ce morceau a servi de base à la rédaction d’un chapitre de L’Esprit des lois (XVI, 2) ; voir De l’esprit des loix (manuscrits), II, OC, t. 4, liv. XVI, p. 404-405 et note 2.

757

n2.

Comme dans la fin de ce fragment (« la loy d’une seule femme […] avantage prodigieux »), les Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence expliquent la polygamie orientale, non par un vieillissement féminin précoce dû au climat, mais par le souci de « multiplier l’usage des femmes » de façon à limiter leur influence (Romains, XX, p. 254, l. 83-84 ; voir aussi LP, 54 [56], p. 279, l. 24-25). Sur ces tensions dans l’argumentation de Montesquieu concernant les rapports entre climat oriental et « ascendant » féminin, voir Christophe Martin, « L’institution du sérail : quelques réflexions sur le livre XVI de L’Esprit des lois », RM, nº 5, 2001, p. 41-5.

760

n1.

Premier jet du développement ci-après, nº 761.