AT I, 313

A MONSIEUR MORIN.

LETTRE LVII.

MONSIEUR,
I’ay receu le beau livre que vous m’avez fait l’honneur de m’envoyer, et ie pense avoir dautant plus de sujet de vous en remercier, que ie l’ay moins merité ; car ie n’ay iamais eu occasion de vous rendre aucun service qui vous dûst convier à avoir cette souvenance de moy. Il est certain que la peine que vous avez prise pour trouver les longitudes ne merite rien moins qu’une recompense publique ; mais pource AT I, 314 que les inventions des sciences sont de si haut prix, qu’elles ne peuvent estre assez payées avec de l’argent, il semble que Dieu ait tellement ordonné le monde, que cette sorte de recompense n’est communement reservée que pour des ouvrages méchaniques et grossiers, ou pour des actions basses et serviles. Ainsi ie m’assure qu’un artisan qui auroit fait de bonnes lunettes en pourroit tirer beaucoup plus d’argent, que moy de toutes les resveries de ma Dioptrique, si j’avois dessein de les vendre. Ce qui n’empesche pas que ie ne souhaitte que vous receviez en cecy l’accomplissement de vos desirs, et Clerselier I, 185 si i’y pouvois contribuer quelque chose, vous connoistriez en effet, que ie suis, etc.