Clerselier II, 344 AT I, 254

AU R. P. MERSENNE.

LETTRE LXXIII.

MON REVEREND PERE,
Ie vous remercie des Lettres que vous avez pris la peine de m’envoyer, ie suis maintenant icy à D. d’où ie suis resolu de ne point partir que la Dioptrique ne soit toute achevée ; Il y a un mois que ie delibere sçavoir si ie décriray comment se fait la generation des Animaux dans mon Monde, et enfin ie suis resolu de n’en rien faire, à cause que cela me tiendroit trop long-temps ; I’ay achevé tout ce que i’avois dessein d’y mettre touchant les Cors inanimez ; il ne me reste plus qu’à y adjouster quelque chose touchant la nature de l’homme, et apres ie l’écriray AT I, 255 au net pour vous l’envoyer ; mais ie n’ose plus dire quand ce sera, car i’ay desia manqué tant de fois à mes promesses, que i’en ay honte. Pour vos questions, premierement, ie ne croy point que le son se reflechisse en un poinct, comme la lumiere ; d’autant qu’il ne se communique point comme elle par des rayons qui soient tous droits, mais il s’estend tousiours en rond de tous costez. Par exemple, si le Cors A rend de la lumiere, le rayon de cette lumiere qui passe par le trou B, ne pourra estre veu qu’en la ligne droite BC ; mais si le mesme Cors A rend quelque son, ce son passant par le trou B, ne sera gueres moins bien entendu vers D, et vers E, que vers C. 2. La raison de 5. à 8. est une consonance, pource que lors qu’on entend le son 8. on entend aussi sa moitié qui est 4. ce qui ne se trouve pas en la raison de 5. à 7. La refraction des sons ne se peut me Clerselier II, 345 surer exactement, non plus que leur reflexion ; mais autant qu’elle peut estre observée, il est certain qu’elle se doit faire à perpendiculari in aqua, tout au contraire de la lumiere. Pour la façon de mesurer les refractions de la lumiere, Instituo comparationem inter sinus angulorum inci dentiæ et angulorum refractorum ; Mais ie serois bien aise que cela ne fust point encore divulgué, pource que la premiere Partie de ma Dioptrique, ne contiendra autre chose que cela seul. Non potest facile determinari qualem figuram linea visa in fundo aquæ sit AT I, 256 habitura ; neque enim certus est aliquis locus imaginis in reflexis aut refractis, quemadmodum sibi vulgo persuaserunt optici. Ie ne vous avois point remercié en ma derniere, de la Demonstration des deux moyennes proportionnelles que vous m’avez envoyée ; mais ie n’avois pas encore receu vos Lettres, et ie vous diray que M. Mydorge en trouva aussi la Demonstration, dés lors que vous m’en fistes faire la construction, et que ie ne l’ay iamais iugée estre difficile. I’aimerois mieux que vous eussiez proposé la Construction, de la façon de diviser l’Angle en trois, laquelle si ie ne me trompe ie vous donné en mesme temps que l’autre ; car elle est un peu moins aisée, et M. Mydorge me confessa qu’il ne l’avoit peu demonstrer : Mais i’aimerois bien encore mieux qu’ils s’exerçassent à chercher la proposition de Pappus : car de dire que M. Mydorge l’a mise en ses Coniques, c’est ce qui n’est pas facile à persuader à ceux qui l’ont examinée un peu de prés, comme i’ay fait, et ie ne pense pas qu’il le pussent persuader non plus à M. G. qui m’a dit l’avoir autresfois proposée à M. M. ainsi que vous pourrez aisément sçavoir, si vous luy en voulez écrire. Ie suis,
MON R. P.,
Vostre tres-humble, et tres-obeïssant
serviteur, DESCARTES.