OBIECTIONS DE MR LE CONTE ;
Contre les Principes de la Philosophie de Monsieur Descartes.

Page 166. Article 54. Version.

Demeurant d’accord des Principes que M. Descartes a posez pour fondement de sa nouvelle Physique des figures, Clerselier II, 70 et de toutes les loix des mouvemens qu’il a donnez aux petits Corps, dont il veut que le Monde soit composé ; il me semble que si la Matiere du Premier Element s’est ainsi augmentée dés le commencement, elle doit encore aujourd’huy croistre sans cesse, à cause du mouvement continuel des petits Globes du second Element, qui se rencontrant et se froissant encore maintenant les uns les autres, doivent comme autresfois s’appetisser continuellement, et par consequent augmenter tousiours le Premier Element ; et cela estant le Cors du Soleil et des Etoiles fixes, devroit continuellement croistre. Ce qui toutesfois ne nous paroist point.

RÉPONSE DE MR PICOT.

Vous remarquez fort bien qu’il s’engendre tous les iours de nouveau, quelques petites parties de la Matiere du Premier Element ; Mais vous deviez aussi prendre garde à ces mots de l’Art. 2. de la 4. Partie. Mais les moins subtiles parties de sa Matiere, (à sçavoir de la Matiere du premier Element) s’attachant peu à peu les unes aux autres, etc. Et ainsi prenant la Forme du Troisiéme Element. Car par là vous eussiez vû que les Astres n’en doivent pas pour cela croistre davantage.

INSTANCE DE MR LE CONTE.

Cette réponse me satisfait entierement ; car du premier Element s’engendre le Troisiéme ; Et quelquefois aussi la Matiere du Premier et du Troisiéme se convertit en celle du Second ; Et ainsi le second Element est reparé comme Monsieur Descartes l’a remarqué : Et en la page 213. Article 100. il dit que le Troisiéme Element ne sçauroit croistre à l’infiny.

Page 196. Art. 83. et autres suivans.

En cét endroit M. Descartes ne prouve pas que les petits Globes du Second Element se meuvent plus viste en Clerselier II, 71 rond vers la Circonference d’un Ciel, ou d’un Tourbillon, que vers le Milieu, c’est à dire dans nostre Ciel, qu’ils ne font vers Saturne ; Mais seulement il monstre que l’effort qu’ils font tous pour s’éloigner du Centre, fait que les plus grands et les plus pesans prennent le dessus ; Et ainsi il se peut faire que quelques-uns d’entr’eux se meuvent plus viste que les autres d’un Mouvement droit, ou quasi droit, vers les extremitez d’un Tourbillon, mais non pas d’un Mouvement Circulaire. Et si l’on veut dire que leur Mouvement Circulaire soit aussi augmenté par cét effort qu’ils font pour s’éloigner du Centre de leur Mouvement ; Ie demande pourquoy cette loy n’est pas generale par tout un Tourbillon ; Et quelle peut estre la raison de la diversité et du retardement qui arrive à une certaine distance, comme vers Saturne.

Et il semble qu’aprés tant de Tours et de Revolutions que ces petits Globes ont fait depuis six mille ans ou environ, devroient à present estre tellement disposez et arrangez, que les plus pesans et les plus solides fussent au dessus des autres ; et qu’ils ne devroient plus pour ce sujet changer leur ordre (si ce n’est peut-estre par accident) mais seulement suivre le Mouvement Circulaire de tout le Ciel ou ils sont.

Et l’Exemple que l’on apporte dans la Figure suivante (qui est la 1 de la planche 8.) ne convient point du tout aux petits Globes du Second Element : Car lors qu’ils changent leur ordre, ils passent d’un chemin étroit dans un plus large, puis qu’ils se reculent du Centre pour s’approcher de la Circonference, et dans cette Figure le contraire est representé.

RÉPONSE DE MR PICOT.

Dans cét Article l’Autheur veut monstrer, comment les petits Globes, quoy qu’égaux en grandeur, ainsi qu’il les avoit supposez, se meuvent plus viste les uns que les autres ; ce qu’il demonstre fort bien. Et il n’y a point de doute que les Superieurs ne se meuvent plus viste que les Clerselier II, 72 Inferieurs, au delà de la Sphere de Saturne, puis que les Superieurs parcourent en mesme temps un plus grand Espace que les Inferieurs. Et c’est mal inferer que de dire, que les plus Solides doivent estre au dessus des autres, pource que l’Autheur ne pretend pas que ces Globes pour estre plus massifs, s’eloignent davantage du Centre du Vortice ou du Tourbillon, mais seulement ceux qui sont les plus agitez ; c’est à sçavoir lors qu’il arrive que ceux qui sont au dessus, surpassent plus les autres en vitesse, qu’ils ne sont surpassez par eux en grandeur.

INSTANCE.

Mais ces Globes ne sçauroient estre plus agitez les uns que les autres, si ce n’est parce qu’ils sont plus solides ; ou bien cette agitation sera seulement Accidentelle, et par consequent de peu d’importance.

Mais la principale difficulté de cette seconde Objection, qui n’avait pas esté assez clairement proposée la premiere fois, consiste, en ce que ie ne voy point, pourquoy, par exemple, toute la matiere qui se meut Circulairement à l’entour du Soleil, doit estre peu à peu par luy retardée iusques à une certaine distance ; par exemple, iusqu’à Saturne, et passé la Sphere de Saturne, ie ne voy pas non plus d’où cette Matiere peut recevoir une nouvelle vitesse, pour faire qu’elle puisse aussi peu à peu se mouvoir Circulairement plus viste, iusques à l’extremité de son Vortice, où si vous aimez mieux de son Ciel, et de son Tourbillon.

Car Monsieur Descartes a supposé que toute la Matiere estoit divisée en un nombre indefiny de parties, qui se mouvoient toutes separément sur leur propre Centre ; et qu’une quantité innombrable de ces particules, tournoit Circulairement autour de certains points, qui font les Centres des Estoiles Fixes, et qui sont separez les uns des autres par des Espaces Immenses ; Et cela supposé il a promis de sauver toutes les Apparences.

Clerselier II, 73 Mais dans cét Article, et dans les suivans, il veut prouver que la matiere du Ciel se meut plus viste vers le Centre et la Circonference, que vers le milieu, ou vers un certain poinct qui n’est pas determiné ; Mais i’estime qu’il devoit plutost demander qu’on luy accordast cela comme une troisiéme supposition, que non pas d’entreprendre d’en donner la raison ; Car ie ne pense pas qu’aucune Loy de la Nature ou du Mouvement, ny mesme qu’aucune Experience puisse servir à confirmer une telle proposition. Et il semble que l’Imagination, ou l’Invention d’un Mouvement ainsi composé, a esté controuvée par l’Autheur, afin que selon son Hypothese il pûst sauver les Apparences des Cometes. Et mesme aussi la Libration de ses Planettes, et les lieux où il les place.

Ie demande donc pourquoy depuis le Centre de chaque Tourbillon iusqu’à sa Circonference, le Mouvement Circulaire n’est pas également augmenté ou diminué par degrez, ou pourquoy toute la Matiere d’un Ciel ne fait pas son tour en mesme temps ; et quelle est la raison de la diversité et du retardement qui arrive à une certaine distance du Centre.

Contre l’Article 84. de cette troisième Partie l’on pourroit objecter, que bien que la Matiere du Soleil se meuve tres-viste, et qu’elle puisse entraisner avec soy les Globes du second Element qui luy sont voisins ; Toutesfois, pource que ces Globes sont meslez parmy l’air qui les environne, lequel estant composé des brisures de plusieurs parties Canelées, et des Matieres grossieres propres à couvrir de Taches le corps de l’Astre qui est au Centre du Tourbillon, et par consequent peu capables d’une grande agitation ; de là il semble que ces parties du second Element ne devroient pas se mouvoir si viste, proche de la Sphere du Soleil, qu’un peu plus loin, où ces empeschemens cessent.

Page 209. Article 95.

Au contraire il me semble que ces taches devroient plûtost paroistre vers les Poles que vers l’Eclyptique ; puis Clerselier II, 74 que la Matiere du Soleil se meut d’un mouvement plus rapide vers son Eclyptique, que vers ses Poles, comme il est dit en l’Article 84 : Car il est certain que l’Eclyptique, outre un grand nombre de mouvemens qui luy sont communs avec tout le reste du Cors du Soleil, a son mouvement plus rapide que toutes les autres parties.

Or, où le Mouvement est plus violent, là aussi, selon les Loix de la Nature et du Mouvement, il se fait une secousse continuelle plus forte ; Et partant les Taches qui naissent vers l’Eclyptique devroient s’en éloigner, et estre chassées vers les Poles. A quoy l’on peut adjouster que la Matiere du Premier Element, et les petits Globes du Second, avec l’air d’allentour, et tout ce qu’il y a de Cors contigus au Soleil, sont aussi emportez d’un mouvement plus rapide vers l’Eclyptique que vers les Poles.

Mais s’il arrive qu’il naisse quelques taches vers les Poles, elles ne s’en devroient nullement éloigner, à cause du mouvement tres-viste qui est vers l’Eclyptique, qui ne leur permet pas de s’approcher vers elle, et leur empesche par ce moyen de s’éloigner des Poles.

Et cela estant, le Soleil et les autres Astres devroient estre couverts de Taches vers les Poles, et non pas vers l’Eclyptique ; Et toutefois le contraire nous paroist aux Taches du Soleil.

Ce qui peut estre encore confirmé par l’exemple qui est icy apporté. Car nous voyons que comme l’Escume qui sort hors des liqueurs qu’on fait boüillir sur le feu, est rejettée vers les lieux où ces liqueurs boüillent le moins ; De mesme la Matiere du Soleil qui boust avec violence dans l’Eclyptique, devroit chasser l’Escume et les Taches vers les parties qui se meuvent et boüillent le moins.

RÉPONSE.

Ie ne voy point pourquoy vous voulez que les Poles soient couverts de la Matiere des Taches : Car ces petites parties dont les Taches sont composées, estant muës d’un mouvement Clerselier II, 75 droit depuis les Eclyptiques des autres Tourbillons voisins, sont encore assez agitées lors qu’elles parviennent au Soleil, et qu’elles entrent dans son Cors par les Poles, pour ne s’y point arrester, et passer iusqu’à une certaine distance, avant que de perdre cette agitation en ligne droite, laquelle elles conserveroient peut-estre, n’estoit qu’elles se mélent avec la Matiere du Soleil, qui estant plus agitée et plus disposée au mouvement, que ces petites parties, les chasse vers la Circonference, c’est à dire vers l’Eclyptique plustost que vers les Poles ; à cause que la nouvelle Matiere qui entre sans cesse dans le Soleil, chasse ces taches vers l’Eclyptique ; ce qui est confirmé dans tout l’Article 96. Et il n’importe pas que le mouvement soit plus viste dans l’Eclyptique : Car il est manifeste que la Matiere des Taches empesche moins l’agitation de la matiere du Soleil, lors qu’elle est sur sa superficie exterieure que lors qu’elle est au dedans ; Et c’est la raison pourquoy la Matiere qui est nouvellement entrée dans le Soleil, estant moins épurée et moins disposée à mouvoir est incontinent chassée au dessus.

INSTANCE.

Le lecteur portera son jugement en faveur de qui bon luy semblera.

REMARQUE DE MONSIEUR C.

Sur la précedente Objection.

L’Autheur et l’Opposant demeurent tous deux d’accord que la Matiere des Taches du Soleil est iettée dehors vers l’Eclyptique, et les parties qui luy sont voisines, comme estant les plus agitées ; Mais de là l’Opposant soustient que ces Taches doivent couler ou estre chassées vers les Poles, à cause de la rapidité du mouvement qui est vers l’Eclyptique, et vers les autres parties voisines ; ce qui est contre le sens de l’Autheur.

Clerselier II, 76 Certainement si cette Matiere dont les Taches sont composées, demeuroit appuyée sur le Cors du Soleil, aprés en estre sortie, de mesme que les Cors pesans demeurent attachez à la Terre, il n’y a point de doute qu’aussi-tost elle ne dust couler de l’Eclyptique vers les Poles, ainsi qu’il est prouvé par l’experience de l’Escume, apportée icy de part et d’autre. Mais comme dit l’Autheur, cette Matiere qui a une fois esté iettée hors du cors du Soleil, est abandonnée dans un air libre, assez proche pourtant du Soleil, et tourne avec luy, sans aucune resistance à son mouvement ; Et il n’y a point de raison pourquoy elle se dust assembler vers les Poles.

Maintenant pourquoy il n’arrive pas que cette Matiere ainsi assemblée engendre des Taches vers les Poles ; c’est ce que le Répondant a fort bien expliqué.

Page 219. Art. 108. Planche 9. Fig. 1.

C’est une chose contraire à l’ordre de la Nature, que les parties Canelées de la Matiere du premier Element passent plus aisement per une Tache que par l’air ; car il est plus facile aux parties de la Matiere de passer au travers des Cors moins opaques, qu’au travers de ceux qui le sont davantage, et qui pour cela mesme resistent plus au mouvement des autres Cors : Et selon Monsieur Descartes page 218. ces parties Canelées viennent de l’extremité d’un Tourbillon, et se forment des pores ou conduits depuis A iusques à x. qui est au delà de d.

Qui empesche donc qu’elles ne se forment tousiours de semblables conduits, depuis x. iusques à B. qui est le Pole opposé à celuy d’où elles viennent : Car l’Air, les petits Globes du second Element, et la Matiere du premier, peuvent par tout leur donner passage avec une égale facilité ; Et il n’est pas besoin qu’elles changent leurs Canelures, et leurs façons ordinaires de se mouvoir, pour continuer leur chemin ; et mesme celuy qu’elles ont fait, quand elles sont parvenuës depuis A. iusques à l’Astre, est iustement égal à celuy qui leur reste à parvenir depuis l’Astre iusques à B.

Clerselier II, 77 Et la réponse de l’Article 113. ne peut nullement servir : C’est à sçavoir qu’il est plus facile aux parties Canelées de passer par les Taches que par l’Air qui les environne ; à cause que l’Air obëit au mouvement des petits Globes du second Element, et ne conserve pas la mesme situation ; Car ces petits Globes du second Element, et l’Air qui est meslé parmy eux, se meut tout de mesme depuis d. iusques à B. qu’il fait depuis A. iusques à f.

Et mesme si cette réponse estoit recevable, on pourroit dire que les parties Canelées devroient plutost passer de l’extremité du Pole d’un Tourbillon vers l’autre extremité, que de composer le petit Tourbillon dont il est parlé dans l’Article 108. d’autant que vers les Poles, les deux premiers Elemens, et l’air qui se trouve parmy, se meuvent lentement et d’un mesme bransle ; Là où vers l’Eclyptique ils se meuvent d’un mouvement beaucoup plus rapide, et fort divers ; Et par consequent il doit estre plus facile aux parties Canelées, de continuer leur mouvement vers le Pole opposé, que de retourner par l’air et les petits Globes du second Element vers l’Eclyptique, où le Mouvement est fort different de celuy des Poles, et où les petits Globes du second Element, et l’air d’alentour, changent continuellement de Situation, à cause de la rapidité de leur Mouvement.

Enfin, puis que selon ce qui est dit en la page 218. les parties Canelées ne viennent pas seulement de quelque poinct du Ciel vers l’Astre, mais qu’elles viennent de toute la partie du Ciel qui est autour du Pole A, vers la partie du Ciel marquée HIQ, et y coulent sans cesse ; par quel moyen ces parties Canelées, qui sont venuës d’A vers x, pourront-elles retourner par xx vers f, pour composer comme un Vortice ou Tourbillon autour de l’Astre, ou de la Terre ; car ces parties Canelées rencontreroient en leur retour celles qui viennent comme elles du Pole A, et s’opposans les unes aux autres empescheroient ce retour ; et mesme celles qui viendroient du Pole opposé pour faire leur retour, nuiroient aussi au retour de celles-cy ; ce qui semble estre fort difficile à ajuster.

Clerselier II, 78 REPONSE.

Au contraire, ce qui est dit en cét Article est conforme à l’ordre de la Nature : car dans une Tache il se trouve plus de conduits par où les parties Canelées peuvent passer, qu’il ne s’en rencontre dans l’air, et il n’importe pas que l’air transmette la Lumiere plus facilement que les Taches, pource qu’il peut donner passage à l’action qui cause la Lumiere, et non pas aux parties Canelées, qui bien qu’elles soient mises au rang des parties du premier Element, ne sont pas neantmoins des plus subtiles, comme l’Autheur a monstré ailleurs. Et il y a une raison tres-manifeste, pourquoy les parties Canelées qui sont venuës depuis A iusques à x, ne peuvent passer iusques à B, qui est, que tous les intervalles par où elles pourroient passer, sont remplis des petites parties du premier Element, qui venant des Tourbillons voisins, tendent avec grande force de B vers A, et les chassent de toute la force dont elles tendent toutes vers A ; laquelle estant plus grande que celle que pourroient avoir les autres de s’avancer vers B, il ne faut pas trouver estrange, si elles les contraignent de retourner vers le Pole par où elles sont entrées. Et encore que l’air et les Globes du second Element se meuvent plus viste vers l’Eclyptique que vers les Poles, vous n’en devez pas pour cela conclure, que ces parties Canelées doivent continuer leur chemin tout droit vers le Pole opposé, mais seulement qu’elles passent avec moins de facilité au travers de l’Air et de ces Globes, qu’au travers de ces Taches, ce qui est vray. Et c’est pour cela que Monsieur Descartes a demonstré que la plus grande partie de ces petites parties, qui sont entrées dans la Terre par un certain Pole, retournent vers ce mesme Pole par la Crouste interieure de la Terre.

INSTANCE.

Tout ce qui se meut, se meut autant qu’il peut suivant une ligne droite, selon les Loix du Mouvement établies Clerselier II, 79 par l’Autheur ; Il faut donc considerer en cette occasion, quelle est la cause qui empesche que ces parties Canelées ne continuent à se mouvoir d’un Pole à l’autre, suivant une ligne droite.

On répond que tous les Intervalles qui sont par exemple entre d, et B, sont pleins des petites parties du premier Element, et si vous voulez mesme de parties Canelées, qui venant de B. vers l’Astre I. avec une force plus grande, contraignent les parties Canelées qui sortent des endroits g.d.e. de cét Astre, de retourner, par l’Air xx. qui les environne de toutes parts, sans leur permettre de passer tout droit vers B. qui est le Pole opposé.

A quoy ie replique, que les parties Canelées, et une infinité d’autres particules tres subtiles et tres déliées du premier Element, qui tendent des Regions du Ciel A. vers tout l’Espace compris entre Q. et H. doivent empescher le retour des Parties Canelées, qui estant venuës d’A. ont passé par le milieu de l’Astre I. Et l’on ne peut rien alleguer pour rendre raison du retour de ces Parties, qui ne puisse servir plus probablement à prouver le contraire. Car premierement tous les Intervalles qui ne sont pas occupez par les petits Globes du Second Element, sont pleins des Parties les plus déliées, et mesme des Parties Canelées du Premier, tant vers les Poles que vers les autres parties de l’Air. Secondement les parties Canelées qui viennent des endroits du Pole A. et les autres particules du premier Element, tendent avec plus de force vers les Espaces compris entre Q. et l’Astre, ou bien entre H et l’Astre, que quelques-unes d’entr’elles, qui estant venuës des mesmes parties du Pole, ont desia passé par le milieu de l’Astre I, et s’en retournent pour entrer derechef par f. dans cét Astre I. Ie veux dire qu’aprés que les parties Canelées qui viennent d’A, ont passé au travers de l’Astre I, et qu’elles commencent à retourner de d, par l’Air qui les environne, vers f, elles ne peuvent plus avoir les mesmes forces qu’elles auroient, si elles ne se fussent point détournées du droit chemin pour faire ce retour. Et c’est pour cela que Clerselier II, 80 les parties Canelées, et les autres parties plus déliées, qui viennent des Regions du Ciel A vers H, ou vers Q. et qui n’ont point esté ainsi empeschées de suivre le droit chemin, tendent avec plus de force, du moins iusques à H, ou iusques à Q que celles qui estant entrées dans l’Astre, et qui en estant sorties par sa partie d, retournent vers f. Et cela est tres-manifeste suivant les Loix du Mouvement cy-devant establies : car ces parties Canelées sont plus éloignées de la source de leur mouvement, quand elles ont traversé l’Astre, et quand à leur retour elles sont vis à vis de e.H. ou de g.Q. puis qu’alors elles ont fait plus de chemin, que ne le sont celles qui sont venuës tout droit iusques-là des Tourbillons voisins, et qui n’ont point rencontré l’Astre en leur chemin. Que si l’on dit que les parties Canelées qui s’en retournent se sont fait et creusé d’autres passages, que ceux qui servent aux parties Canelées qui viennent sans se détourner depuis le Pole d’où les unes et les autres sont parties, il seroit aisé de dire que les parties Canelées en pourroient faire autant, afin de continuer tout droit leur chemin, depuis un Pole iusques à l’autre qui luy est opposé.

Enfin s’il y a quelqu’autre raison qui puisse confirmer l’opinion proposée par l’Autheur, il est vray-semblable qu’elle pourra aussi servir à fortifier cette Instance.

MR C.

Contre l’Article 108. page 219.

Tout bien considéré et examiné, i’avoüe que ie ne voy pas bien de quelle force les parties Canelées (qui venant d’A ont passé au travers de l’Astre I) sont poussées, pour faire qu’elles retournent vers l’Hemisphere gfe.

Mais si on lit avec attention ce que dit l’Autheur en la page 220. on verra manifestement qu’il ne dit pas que toutes ces parties Canelées retournent en arriere, comme y estant contraintes par quelque force qui les y pousse ; mais il semble Clerselier II, 81 seulement leur attribuer un mouvement irregulier et desordonné, qui fait que les unes sont brisées et dissipées par les parties de l’air qu’elles rencontrent, les autres emportées dans le Ciel (à sçavoir celles qui se sont trouvées vers les parties du Ciel, qui sont proches de l’Eclyptique) et enfin qui fait que les autres estant portées comme par rencontre vers l’Hemisphere GFE, entrent derechef dans l’Astre, par les mesmes conduits qu’elles s’estoient auparavant creusez dans ces Taches.

Mais la force de cette objection est telle, qu’il semble qu’elle ferme le passage à ce retour, et qu’elle doive mesme empescher ce mouvement irregulier et desordonné ; Si ce n’est peut-estre que l’on voulust dire, que l’air qui est autour de la Tache, se meut moins viste, et qu’il donne plus aisement passage aux parties Canelées, que ne fait le Ciel ; et que les parties Canelées qui viennent de l’endroit du Ciel A, ne sont pas en si grand nombre qu’elles puissent tousiours s’opposer au chemin de celles que ce mouvement irregulier fait revenir, comme sur leurs pas, de la partie du Ciel B. I’entendray volontiers la réponse que fera l’Autheur là dessus.

Page 235. Art. 119.

La difficulté est touchant le Mouvement, et le lieu d’une Estoile Fixe, qui se change ou qui degenere en Planette, ou en Comette : Car quand un Astre est emporté par le Cours de quelqu’un des Vortices ou Tourbillons voisins, cét Astre ainsi emporté devroit plutost demeurer vers la Circonference de ce Tourbillon, que de passer plus outre ; pource que la Matiere celeste qui se meust plus viste aux extremitez d’un Tourbillon qu’aux autres lieux, iusques à un certain terme, devroit repousser vers les extremitez les corps qui viendroient à entrer dans son Tourbillon.

Si l’on dit que cét Astre est poussé iusques à un certain terme, par un mouvement qui luy est propre, ou par celuy qui luy a esté imprimé, ie le veux bien ; mais tousiours doit-il Clerselier II, 82 aprés quelque temps estre repoussé vers la Circonference du Tourbillon qui l’a emporté, au delà de laquelle il ne peut plus reculer, pource qu’il en est empesché tout autour par les autres Tourbillons voisins ; Car c’est une Loy de la Nature, que les Cors grands et pesans, qui se meuvent autour de quelque Centre, s’éloignent plus du Centre de leur mouvement que ceux qui sont plus legers. Si la chose est ainsi, on ne doit iamais voir de Planettes, mais seulement des Comettes, ou du moins toutes les Planettes devroient estre dans la mesme extremité du Tourbillon, par le cours duquel elles ont esté premierement emportées, et mesme aussi les Comettes.

Et partant une Planette ne devroit point entrer dans un autre Tourbillon, et quand par quelque rencontre que ce soit, elle y est une fois entrée, elle devroit estre rejettée vers les lieux où la Matiere de ce Tourbillon est la moins agitée, c’est à dire vers Saturne, dans nostre Ciel. Car tout de mesme que quand des eaux vives et courantes, laissent entrer dans leur lict quelque Cors Heterogene, elles le rejettent aprés vers les lieux où l’eau est la moins agitée, quelque solidité, grandeur et figure qu’ayent ces Cors ; ainsi etc.

Et la réponse que vous faites dans la page 237. et dans les suivantes ne satisfait point ; c’est à sçavoir qu’un Astre peut estre moins propre à retenir les mouvemens qui luy ont esté une fois imprimez, que tels petits Globes du second Element, si, par exemple, la Matiere de cét Astre estoit étenduë comme des filets, ou des feüilles d’or.

Car il est constant, par ce qui a esté dit ci-dessus, que les Astres sont solides, puis qu’ils refléchissent la Lumiere ; il est constant qu’ils sont rons ; il est constant qu’une Estoile Fixe ne peut perdre l’étenduë de son Tourbillon, et estre absorbée par un autre, si elle n’est couverte de plusieurs taches, comme d’autant de croustes, qui sont des Cors solides, qui refléchissent la Lumiere ; et par consequent les Astres sont pesans, solides, et fort grands. Et le plus ou moins de pesanteur, de solidité, et d’étenduë qui se rencontre en eux, peut Clerselier II, 83 seulement estre cause qu’ils soient chassez plus lentement ou plus viste vers l’extremité du Tourbillon dont ils sont enveloppez, mais cela n’empeschera pas qu’enfin ils n’y parviennent ; puis que la Matiere du premier et du second Element, ioignant leurs forces ensemble, les y pousse peu à peu sans cesse. Car à dire le vray, il me semble que cette Libration des Planettes, que l’on suppose estre distantes les unes des autres de tant de lieuës, n’est pas concevable ; Et ie voudrois qu’on me monstrast quelque Exemple semblable dans la Nature.

Car tout de mesme que nous voyons dans les Exemples apportez en la page 239. qu’une Masse d’or ou de plomb, pourroit recevoir telle figure, qu’elle seroit capable d’une moindre agitation, qu’une Boule de bois plus petite et plus legere qu’elle, et que neantmoins cette inégalité de poids ou de figure n’empesche pas que cette Masse et ce bois abandonnez en l’air ne parviennent enfin au mesme terme, à sçavoir à la Terre (si plus lentement ou plus viste n’importe) ainsi etc.

Le mesme se voit aussi dans une Eau courante, c’est à sçavoir que les Cors qui nagent dedans, sont tousiours portez vers l’extremité de ses bords, plus viste ou plus lentement, selon que leurs Figures sont plus ou moins capables de recevoir d’Impulsion ; Ainsi les Astres qui nagent dans le Tourbillon où nous sommes, doivent enfin estre portez, de quelque Figure ou Solidité qu’ils soient, iusques aux extremitez de nostre Tourbillon, au delà desquelles ils ne peuvent plus estre poussez, à cause, comme il a esté dit, qu’ils sont retenus par les autres Tourbillons voisins ; Et si dans le Tourbillon où ils sont, il y a quelques endroits où la Matiere soit moins agitée qu’aux autres, ils doivent estre chassez vers cét endroit là, et y demeurer.

Enfin quelles que soient les autres Planettes, il est certain que la Terre que nous habitons est ronde, qu’elle est épaisse, solide et grande ; et que selon les Loix de la Nature et du Mouvement cy-dessus rapportées, elle doit estre chassée iusques à la Circonference du Tourbillon de nostre Soleil, et Clerselier II, 84 qu’elle ne peut s’arrester en aucun lieu, iusques à ce qu’elle soit parvenuë à la Sphere de Saturne, où le mouvement est plus lent.

Enfin, dis-je, si la Terre où nous sommes a esté autrefois un Astre, et qu’aprés avoir esté couverte de Taches, et emportée par le cours de la Matiere du Ciel du Soleil, elle s’en soit approchée iusqu’où elle est maintenant ; il semble, selon ce qui a esté dit auparavant, qu’elle devroit tous les iours s’éloigner un peu du Soleil : car plus un Astre qui a esté emporté par un autre a de solidité, d’autant plus se doit-il éloigner de l’Astre qui l’a emporté. Or il est tres manifeste que nostre Terre doit estre à present plus solide qu’elle n’estoit autrefois ; pource que la Matiere du premier Element qui est enfermée dans son Centre, se couvre tousiours peu à peu de plusieurs Taches, et que dans ce Centre où elle est, elle ne peut pas facilement estre renouvellée par une nouvelle Matiere qui y survienne, à cause que ces Taches ne donnent pas un passage si libre aux petites Parties du premier Element, qu’elles faisoient autrefois avant qu’elle en fust tout à fait couverte. A quoy l’on peut adjouster, qu’estant continuellement foulée par le grand nombre de ses habitans, elle doit tous les iours de plus en plus devenir solide : Ce qui se peut dire avec autant de raison et d’apparence, que ce que dit ailleurs M. Descartes, à sçavoir que la direction de l’Ayman peut estre changée par les hommes : Et toutefois plusieurs Astrologues assurent le contraire, et tiennent que la Terre doit approcher du Soleil, bien loin de s’en éloigner, et disent que desia elle s’en est beaucoup approchée.

RÉPONSE DE MR PICOT.

Vous n’avez pas ce me semble assez pris garde à ce que l’Autheur dit des Cors Diaphanes, et de la Pesanteur ; car comment un Astre qui a esté emporté par un autre Tourbillon, pourroit-il demeurer balancé et suspendu vers la Circonference de ce Tourbillon par qui il a esté emporté, si les Clerselier II, 85 petits Globes, qui sont vers la Circonference de ce mesme Tourbillon, sont plus agitez, et par consequent plus legers que cét Astre ? Et ie ne voy pas pourquoy estant une fois ainsi suspendu, il se reculeroit ou s’approcheroit du Centre. Quant à ce que vous adjoustez que les Astres sont plus solides que les particules du Ciel, pour ce qu’ils reflechissent la Lumiere, vous ne prenez pas garde qu’il y a des Cors, qui bien qu’ils soient Diaphanes, ne laissent pas d’estre capables de plus d’agitation que les Opaques ; ce qui est demonstré dans les Articles 121. 122. 123. Et puis que nous voyons que dans les Fleuves, les Festus et les Cors moins disposez au mouvement sont repoussez vers les bords, vous deviez conclure que les Astres doivent estre chassez vers le Centre, et non pas vers la Circonference du Tourbillon ; Dont la raison est que les parties de l’Eau estant plus agitées que ces Festus, tendent avec plus de force à continuer leur mouvement en ligne droite ; Et ainsi elles les écartent de leur cours, et les rejettent vers les bords ; Et si vous prenez la peine de lire l’Art. 160. vous verrez comme une Planette ne parvient pas iusques au centre de son Tourbillon, mais demeure suspendue à une certaine distance, et vous y trouverez la demonstration de tout ce que vous demandez.

Vous n’aurez pas aussi de peine à comprendre que la Terre que nous habitons n’est pas fort solide, si vous prenez garde à sa Formation ; Et il est facile de concevoir d’autres Cors beaucoup plus solides ; Et il n’y a point de doute qu’il n’y en puisse avoir dans la Nature ; Mais de sçavoir si par succession de temps une Planette ne pourroit point s’éloigner du Centre de son Tourbillon, ou peut estre aussi de s’en approcher de plus prés, ce n’est pas icy le lieu d’en faire la recherche. Quant à ce que vous dites que les Hommes en foulant la Terre de leurs pieds la peuvent rendre plus solide, vous cesserez d’avoir cette pensée, si vous faites comparaison entre la force des hommes, et celle de la Matiere celeste qui coule autour de la Terre ; Et il semble que nostre Autheur ait voulu insinuer la mesme chose que vous, sur la fin du 3. Art. de la Clerselier II, 86 quatriéme Partie. Mais il y a sans doute beaucoup d’autres causes, qui peuvent faire que cette Matiere, qui est au dedans de l’Astre vers I, ne soit pas ainsi condensée, et personne ne les peut toutes sçavoir. C’est pourquoy, puis que nous sçavons que la Terre est suspenduë à la distance où elle est, cela se fait sans doute, pource qu’elle a telle proportion avec les Globes Celestes qui coulent autour d’elle. Et il n’est pas vray que la Matiere du premier Element, qui est vers le Centre, ne se renouvelle pas ; car il en entre tousiours de nouvelle par les Poles de la Terre avec les parties Canelées, mais elle ne se purifie pas, ainsi que fait celle du Soleil.

Sur la Figure de la Planche 3.

Quelqu’un pourroit demander, en considerant le cours d’une Comette, depeint en la Figure de cette Planche, ce que deviendra enfin cette Comette. Et à dire le vray, il semble d’abord que cela repugne à la raison, de s’imaginer qu’elle puisse passer tousiours et eternellement, de Vortice en Vortice, ou de Tourbillon en Tourbillon, et estre emportée d’un mouvement si extraordinaire ; Et d’autre costé la Solidité, la Figure, et la grandeur d’une Comette, semble s’opposer à ce qu’elle puisse descendre assez bas vers un Astre, pour pouvoir devenir l’une de ses Planettes. Que deviendra donc enfin une telle Comette ? Sera-t’elle tousiours emportée en differens Tourbillons, ou demeurera-t’elle dans l’un plutost que dans l’autre ? Car, si ce que vous nous avez dit de la Solidité des Comettes, de la Matiere des Tourbillons, qui est la mesme par tout, et des mouvemens de cette Matiere, qui sont presque semblables, est veritable, il semble qu’il n’y ait pas lieu de croire qu’une Comette puisse se convertir en Planette, dans un Tourbillon plutost que dans un autre ; veu principalement que toute la difference que vous établissez entr’eux, ne consiste que dans leur petitesse ou grandeur.

Clerselier II, 87 RÉPONSE.

Vous vous mettez en peine du mouvement d’une Comette, pource que vous pensez qu’il soit extraordinaire, quoy que neantmoins il soit ordinaire et regulier ; en sorte que si la disposition de tous les Tourbillons pouvoit estre comprise par l’Entendement humain, on pourroit predire les Comettes, aussi certainement que les Eclypses de Lune.

Page 275. Art. 149. Planche 12.

Si la Lune est emportée par la Matiere du Ciel qui environne la Terre, et si elle doit se mouvoir plus viste, à cause que son Corps est plus petit, ie ne vois point de raison pourquoy la Lune estant en A, ne continuë pas son Cours iusqu’à la Terre, et ne la vient point heurter ; ny pourquoy quand elle est parvenuë en C, elle ne doit pas s’éloigner davantage de la Terre, en continuant d’aller vers Z. Car il est impossible de concevoir, comment la Lune, contre le mouvement de la Matiere Celeste, qui se meut beaucoup plus viste que la Terre et elle, comme il est dit en la page 327. et qui l’emporte vers Z, peut nonobstant cela suivre un Cours tout contraire, et aller de C par D vers A, car elle se mouvroit en mesme temps de deux mouvemens contraires, et dont les directions seroient opposées ; ce qui seroit tout à fait semblable aux mouvemens que quelques Astronomes ont voulu donner au Soleil et aux Astres, pour sauver la pluspart des Phainomenes ; mais que ceux qui attribuent le mouvement à la Terre, rejettent avec raison.

Enfin en l’Article 153. il est dit que la Matiere du Ciel se meut moins viste entre C et A, qu’entre B et D ; ce qui toutesfois me semble contrarier à cette Loy cy-devant establie, et qui est commune à tous les Tourbillons, qui est, que plus la Matiere est proche d’S, c’est à dire du Soleil, ou de quelqu’autre Astre, et plus viste elle se meut ; Et selon cette Clerselier II, 88 Loy, la Matiere qui est vers D, doit estre emportée plus viste que celle qui est vers A, et vers C ; et celle-cy plus viste que celle qui est vers B ; à cause que la vitesse du mouvement va tousiours diminuant depuis le Soleil iusques à Saturne. Et cette difficulté sera encore plus grande, si la Lune et le Terre se meuvent, estant environnées de toutes parts de la Matiere Celeste du Tourbillon du Soleil qui les emporte ; Et il ne me paroist pas assez, si selon M. Descartes elles se meuvent ainsi toutes deux, estant environnées de la Matiere du Ciel du Soleil ; ou bien si elles sont encore à present enveloppées de cette Matiere Celeste, qu’elles avoient auparavant qu’elles fussent emportées par le Tourbillon du Soleil.

RÉPONSE.

La cause qui empesche que la Lune estant proche de la Terre, n’approche pas neantmoins si prés d’elle, qu’elle la touche, est la Matiere Celeste, qui communique à la Lune une telle agitation, que lors qu’elle est arrivée vers A, elle l’oblige de s’éloigner de la Terre, et de former à l’entour d’elle un petit Tourbillon. Et ce qui fait qu’elle ne s’éloigne pas plus loin vers Z, quand elle est vers C, est, qu’elle se meut plus aisément dans ce Tourbillon, que hors d’iceluy, à cause que la Matiere Celeste y est plus agitée. Mais pour cela il n’est pas vray que la Lune soit portée contre le mouvement de la Matiere Celeste, puis qu’au contraire elle obeït à son mouvement ; et que pendant le Cours d’une année, elle est emportée dans l’Eclyptique avec la Terre, et tout le Tourbillon qu’elle forme, suivant le Cours de la Matiere Celeste.

Maintenant c’est une chose conforme à toutes les Loix du mouvement, que la Matiere Celeste se meuve moins viste entre C et A, qu’entre B et D ; et on en voit tous les iours l’experience dans les Fleuves, dont l’eau coule d’autant plus viste que son lict est plus estroit ; Et encore que la Matiere Celeste se meuve d’autant plus viste en rond, qu’elle Clerselier II, 89 est plus proche du Soleil, ce n’est pas à dire pour cela, qu’elle avance plus en ligne droite, pource que les petits Globes de la Matiere Celeste, qui est proche du Soleil, surpassent moins les autres en vitesse, qu’ils ne sont surpassez par eux en grandeur.

Page 289. Art. 9 de la 4. Partie, Planche 13. Figure I.

Le Cors M, doit s’éloigner du Centre I, du moins au delà de l’air AB, selon ce qui a esté dit auparavant. Et l’experience mesme nous enseigne, que les Cors Celestes, avec peu de force, passent facilement par l’air ; et si le cors M est la Terre, ou mesme un Cors plus solide qu’elle, et qu’AB soit l’air, qui empeschera que du moins les parties de la Terre soient chassées au delà de l’air, par le mouvement de la Matiere du premier Element, qui est contenu en I.

Ce qui se confirme, de ce que le Cors de la Terre, selon ce qui a esté dit cy-dessus, n’a pas esté engendré tout à la fois, mais seulement par parties, et petit à petit : Et de quelque façon que ses parties ayent esté faites au commencement, mesme pour peu de mouvement qu’elles ayent eu, il a fallu neantmoins pour faire une vraye Terre, telle qu’elle est à present, que toutes ses parties les unes aprés les autres ayent auparavant esté renduës Solides ; Ce qui n’a pu se faire sans avoir esté chassées de costé et d’autre dans l’air, et dans le Ciel, par le mouvement rapide du premier Element qui est en I.

Car encore qu’on voulust dire que la Terre au commencement de sa formation fust semblable à un tas de Laine, toutesfois il n’est pas concevable que pour ce sujet elle ne pust estre muë, et chassée du moins dans l’air voisin : Car l’air est tousiours moins solide qu’elle ; et ainsi elle devoit au moins chercher sa place au delà de cét air ; et elle n’a point dû demeurer dans le lieu, où l’on décrit quelle est icy ; c’est à sçavoir si proche du Centre de l’Astre I.

Et il ne sert de rien pour répondre à cette Objection, de dire que la Terre est muë par la Matiere Celeste qui l’environne, Clerselier II, 90 et non pas par la Matiere du premier Element, qui est enfermée dans son Centre, comme il est dit dans la page 300. article 22. Car icy ie considere la Terre au commencement de sa Formation, et avant que d’avoir esté absorbée par un autre Tourbillon, à sçavoir quand elle se mouvoit par la Matiere de son propre Tourbillon, et qu’elle commençoit à se couvrir de Taches, et estoit preste à passer dans le Tourbillon de nostre Soleil.

RÉPONSE.

Les Taches qui composoient l’air, et qui estoient éparses à quelque distance de la Terre, quand elle estoit sur le poinct d’estre emportée par le Tourbillon du Soleil, ont esté pressées par la force des autres Tourbillons, et ainsi ont fait plusieurs écorces, lesquelles peuvent estre, ou continuës ; à sçavoir quand elles sont composées de parties semblables à celles des branches d’Arbres, qui sont accrochées les unes aux autres ; où bien leur Matiere peut estre fluide en quelques lieux, à sçavoir quand elle est composée de parties dont les Figures sont pliantes et glissantes. Et la raison qui fait que ces parties glissantes, et celles qui sont entrelassées ensemble, ne s’éloignent point d’I vers A, et vers B, est, que les parties de l’air et du Ciel, qui sont vers A et vers B, sont beaucoup plus agitées qu’elles. Car encore que celles qui sont vers M, soient beaucoup plus grosses, de ce neantmoins qu’elles peuvent plus facilement communiquer l’agitation qu’elles ont aux autres qui sont plus déliées, que d’en recevoir d’elles aucune ; ces plus déliées doivent toûjours se mouvoir et s’éloigner davantage du Centre de leur mouvement que ne font les autres, et ainsi doivent repousser les plus grosses vers le Centre. Ce que l’Experience nous confirme ; car un boulet de Canon qui est tiré en l’air, a plus d’agitation et de force, que l’air qu’il laisse au dessous de luy ; mais pource qu’il communique peu à peu cette agitation aux parties de l’air, et qu’il n’en reçoit d’elles aucune, aprés Clerselier II, 91 avoir transferé toute l’agitation qu’il avoit receuë du premier Element, il est enfin repoussé par elles, et par la Matiere Celeste vers le Centre, c’est à dire vers la Terre.

Sur la Fig. de la Planche 16.

La Matiere du premier et second Element, comme aussi l’Air, remplissent facilement tous les lieux abandonnez par les autres Cors plus grossiers : Et selon cette loy, quand la Lune est en B, elle ne doit pas plutost presser l’Air, et les deux autres premiers Elemens, vers la Terre que vers le Ciel, où ils peuvent couler et se glisser : Au contraire il est plus facile à ces deux subtils Elemens, et à l’Air, de monter et de se mouvoir au dessus de la Lune, que de luy faire faire un si grand effort contre la Terre, qui est massive et fort éloignée, de la déplacer de son Centre, et de presser ou abaisser les Eaux.

Et il est aisé de concevoir, que si la Lune approchoit de la Terre à un mille prés, rien de nouveau ne devroit pour cela paroistre sur la Terre, sinon que l’Air et la Matiere Celeste iroient vers les lieux delaissez par la Lune, et couleroient au dessus d’elle.

Et encore qu’on accordast que l’Air et la Matiere Celeste fussent poussez par la Lune vers la Terre, ils devroient plutost se retirer aux costez de la Terre A, et C, 5. et 7. que de causer ces grands mouvemens à l’Eau et à la Terre ; car l’Air cede plus facilement à l’Air, que la Terre à l’Eau.

Si le petit Tourbillon de la Terre et de la Lune estoit enfermé dans un mur d’Airain, et que la Matiere celeste n’eust point ses chemins libres et ouverts de tous costez, et que la Lune, ou quelqu’autre Cors semblable, vinst à entrer de nouveau dans ce petit Tourbillon, elle pourroit peut-estre par ce moyen imprimer un tel mouvement aux Eaux et à la Terre. Mais le cours, l’entrée et la sortie est libre de toutes parts à la Matiere Celeste, et à l’Air ; Et la Lune occupant tousiours en quelque endroit sa place dans la Nature, il n’y a point de raison pourquoy elle puisse imprimer à la Matiere Clerselier II, 92 Celeste et à l’Air un mouvement assez grand, pour faire qu’ils pressent les Eaux, et chassent la Terre hors de son lieu. Et ie ne vois pas pourquoy il est necessaire que l’Air et la Matiere Celeste soient pressez entre la Lune et la Terre ; car il suffit s’il arrive que la Lune approche de la Terre plus qu’à l’ordinaire, que quelques parties de l’Air et de la Matiere celeste montent et coulent au dessus de la Lune.

Si dans un Canal large de quatre pieds, et plein d’une Eau courante, ie mettois vis à vis l’unl’une de l’autre deux grosses Boules de bois, en sorte qu’elles fussent éloignées de deux piez, il couleroit entre ces Boules autant d’Eau que deux piez en pourroient comprendre ; Mais si l’on vient à approcher ces deux Boules, ou seulement l’une d’icelles, en sorte qu’elles ne soient plus éloignées l’une de l’autre que d’un pié, qu’arrivera-t’il de là, sinon que quelques parties de l’Eau qui couloient auparavant entre ces boules, couleront aprés cela vers les bords ; car il ne doit paroistre aucun autre mouvement extraordinaire dans l’Eau, ny autour de ces Globes, pour ce qu’il n’entre rien de nouveau dans le Canal. Et si l’Eau qui coule est également agitée, et également courante de toutes parts, les deux Globes susdits couleront également separez l’un de l’autre. Et si on les approche l’un de l’autre, l’Eau qui passoit entre les deux passera d’un autre costé sans violence.

RÉPONSE.

Si vous eussiez pris garde à la Nature de la Pesanteur, vous eussiez vû que la Terre est environnée de toutes parts de la Matiere du Ciel, tout de mesme que si elle estoit entourée d’un mur d’Airain : car les parties de la Matiere qui sont dans ce Tourbillon sont tellement balancées qu’elles ne peuvent sortir de leur place, et s’écarter le moins du monde, sans que quelque cause les y oblige ; et cependant vous n’en apportez icy aucune.

Pour la raison qui fait que le Centre de la Terre change continuellement de place, à cause de la presence de la Lune, Clerselier II, 93 elle se voit dans le mesme aricle, où l’Autheur dit que la place de la Terre n’est determinee dans ce Tourbillon, que par l’égalité des forces de la Matiere celeste. De mesme il a aussi esté demonstré, que lors que l’Espace entre lequel coule la Matiere celeste est rendu plus étroit, là aussi elle coule plus viste ; Et quant à ce que vous n’admettez pas que pour cela il s’ensuive, qu’elle presse davantage la superficie de l’Air et de l’Eau, vous le niez sans aucune raison : car l’experience monstre que lors qu’un Cors fluide est pressé, il fait effort pour se mettre au large, et pour couler vers les lieux où il pourra estre moins pressé.

Page 328. Art. 50. Planche 16.

L’Eau de la Mer en la plus part de ses bords ne se meut ny regulierement, ny d’une maniere qui puisse rendre facile la raison de son mouvement : car il y a plusieurs Mers qui sont sans flus et sans reflus ; En quelques-unes la Mer monte en quatre heures, et en employe huit à descendre ; En d’autres elle monte en sept heures, et descend en cinq. Dans la Nouvelle France, ainsi que m’ont assuré divers Pilotes qui y ont navigé, la Mer se meut sans aucune regle ny mesure, principalement le long des costes ; car les Marées sont quelquefois huit iours à couler vers un mesme costé, et puis coulent deux heures durant de l’autre : Quelquefois les Marées se changent trois ou quatre fois en un iour, neantmoins dans le Fleuve S. Laurent, et en quelques autres les Marées sont plus reglées.

Page 329. Article 51.

Aux Solstices les Marées sont plus grandes qu’entre les Solstices et les Equinoxes ; Et neantmoins selon la raison qu’on en a icy apportée, les Marées devroient tousiours diminuer de plus en plus iusques aux Solstices, et croistre aussi tousiours de plus en plus depuis les Solstices iusqu’aux Equinoxes ce qui est contre l’Experience.

Clerselier II, 94 Réponse à la page 328. Art. 50.

Il peut y avoir beaucoup de varietez dans les flus et dans les reflus ; et encore qu’on en puisse apporter plusieurs, toutesfois il n’y en a aucune qui soit vraye, dont on ne puisse rendre raison par ce qui a desia esté expliqué ; mais il ne faut pas adjoûter foy aux Narrations qui se font, si elles ne sont faites par des personnes experimentées, et qui ayent examiné les choses de fort prés.

Réponse à la page 329. Art. 51.

I’ay tousiours oüy dire aux Nautoniers, et à plusieurs autres qui ont fait les mesmes Observations, que les Marees sont plus grandes aux Equinoxes qu’aux Solstices ; et ie ne sçay pas surquoy vous fondez le contraire.

Page 330. Article 51.

Selon les Observations qui ont esté faites dans les Navigations, il est certain que l’Air et l’Eau en plusieurs endroits de la Terre sont portez vers l’Occident ; et neantmoins, si, de ce qui a esté dit cy-dessus, on peut colliger tous les mouvemens accordez à l’Air et à la Matiere Celeste, le contraire nous devroit apparoistre.

Car il a esté dit en plusieurs lieux, que la Terre est müe de son mouvement iournalier, par la Matiere Celeste qui l’environne, et qui coule et penetre dans ses pores : Et en l’article 22. et 49 de la 4. Partie, il est dit que la Matiere Celeste se meut quelque peu plus viste que la Lune et la Terre, qu’elle emporte avec elle. Il est encore parlé dans le mesme article 49. d’une autre vitesse de la Matiere Celeste qui environne la Terre, c’est à sçavoir, celle qui est causée par le passage plus étroit, qui est fait à la Matiere Celeste par l’opposition du Cors de la Lune : Et ainsi tous les mouvemens de la Matiere Celeste qui environne la Terre, tendent tous vers l’Orient. Comment donc sera-t’il possible que contre l’Impression de tous ces mouvemens, cette mesme Matiere Clerselier II, 95 Celeste, l’Air, et l’Eau, puissent estre portez vers l’Occident, qui est sa partie opposée, comme en effet ils y sont portez. De plus, ce mouvement de l’Air et de l’Eau vers l’Occident, ainsi qu’il est icy décrit, ne differe en rien de ce mouvement de Reciprocation, qui fait le flus et le reflus, et devroit en l’Espace de six heures et douze minutes, parcourir la quatriesme partie de la Terre, et aprés cela courir du costé opposé ; ce qui toutesfois n’arrive pas. Ainsi par exemple ; Si un homme estoit en E, et qu’il allast vers F, il se sentiroit frappé par l’Air d’une autre maniere que s’il estoit en F, et qu’il allast vers G, ainsi que chacun peut aysément iuger par l’Inspection seule de la Figure ; Car en allant d’F vers G, la cause, qui fait le gonflement que dit M. Descartes, cesse, pource que l’Espace G, 7. est plus large que F, 6.

RÉPONSE.

Il est vray que la Matiere Celeste fait mouvoir la Terre autour de son propre Essieu ; mais cela n’empesche pas que la Lune ne fasse que l’Air et l’Eau s’enflent tousiours vers l’Occident. Et parce que vous vous abusez souvent, en ce que vous croyez qu’il y a de la contrarieté en divers mouvemens, vous devez remarquer que le mouvement n’est pas contraire au mouvement, mais bien que la determination vers un costé, est contraire à la determination vers l’autre.

Et ce mouvement differe du flus et du reflus de la Mer, en ce que la Lune allant d’Occident en Orient, pousse les eaux des parties Orientales vers les plus Occidentales d’un flus continuel. Et ie ne voy pas pourquoy ce flus ne doit pas estre continuel, puis que la Nature des Cors contigus est telle, que lors qu’ils sont fluides, si-tost que quelqu’un d’eux est pressé et affaissé, il presse son voisin, et ainsi tous les autres de suite.

Page 426 Art. 155. Planche 20. Figure 3.

On attribuë icy plus de vertu au retour des parties Canelées, qui sortent d’une pierre d’Ayman, qu’au cours Clerselier II, 96 ordinaire qu’elles ont du Septentrion au Midy, et du Midy au Septentrion ; car avant que cét Ayman fust divisé en deux pieces, selon un Plan parallele à ses Poles, les parties Canelées du Premier Element l’obligeoient à prendre une situation conforme à celle de son cours ordinaire, et maintenant elles luy font prendre une situation contraire à celle-là ; dequoy neantmoins ie ne voy pas qu’on allegue aucune raison suffisante ; Et il semble que l’on veüille donner à ces parties Canelées deux vertus differentes, et la force de faire prendre à l’Ayman toutes sortes de situations : Car si le contraire paroissoit, et que la piece d’Ayman qu’on tient penduë à un filet au dessus de l’autre, gardast la mesme direction et situation, qu’elle avoit auparavant que d’estre divisée, on pourroit dire que ces parties Canelées suivant tousiours leur cours ordinaire, obligeroient aussi cette piece d’Ayman à se dresser tousiours d’une mesme façon, de mesme que si elle n’estoit point divisée de son tout.

Mais ce qui arrive aux pierres d’Ayman, et au Fer qui en a esté touché, et aux Pieces qui ont esté divisées, quand on les suspend à un filet, et qu’on les met l’une sur l’autre, n’arrive pas de mesme quand on les dispose d’une autre maniere. Car si vous approchez deux Boussoles sur un mesme Plan, leurs aiguilles tourneront vers le Septentrion la mesme partie qu’auparavant.

Mais si l’on en met une iustement et directement au dessus de l’autre, pour lors elles sembleront contester entre elles à qui gardera son ordinaire situation vers le Septentrion ; car l’une des deux, et peut-estre celle qui a le moins de vertu, sera contrainte de tourner son Pole Boreal vers le Midy, qui est le Pole qui luy estoit auparavant ennemy ; Comment donc pourra-t’on accorder ensemble cette diversité d’Effets, si nous attribuons toute la vertu de l’Ayman au simple mouvement des parties Canelées.

Clerselier II, 97 RÉPONSE.

On n’attribuë aucune nouvelle vertu aux parties Canelées ; mais puis que celles qui sortent de la Piece de dessous A, B, sont Australes, c’est à dire sont entrées par son Pole Austral ; et sorties par le Boreal, elles doivent faire tourner la Piece de dessus a, b, et la disposer en telle sorte, qu’elles puissent entrer par a, et sortir par b. Supposé qu’A est le Pole Austral de la Piece de dessous, par lequel entrent les parties Canelées qui viennent du Pole Austral du Monde, et sortent par B, son Pole Boreal, lesquelles par consequent ne peuvent entrer dans la piece de dessus par b, à cause que c’est son Pole Boreal, qui n’est propre qu’à recevoir les parties Canelées qui viennent du Pole Boreal du Monde. Mais pource que la piece de dessus est penduë à un filet, les parties Canelées qui sortent du Pole Boreal de la piece de desssous, la disposent aisement à prendre la Situation qui est la plus commode pour faire que les parties Canelées qui sortent de B, Pole Boreal de la piece de dessous, puissent passer par a, Pole Austral de celle qui est au dessus.

Mais ce qui fait que les Boussoles estant en un mesme Plan, regardent toutes deux le Septentrion comme auparavant, c’est qu’elles sont assez éloignées l’une de l’autre, et que cette vertu ne se communique que dans un certain Espace, qui est leur Sphere d’activite. Car il est manifeste que les parties Canelées qui viennent du Pole Austral, et qui sortent par le Pole Boreal d’une des Aiguilles, doivent entrer dans l’autre par son Pole Austral, et sortir par le Boreal.

Page 431. Article 163.

Un fer bien battu, trempé et poly, ne devroit pas avec la mesme facilité, donner passage aux parties Canelées, comme il feroit s’il n’avoit pas esté pressé avec tant de force et d’industrie, par les Marteaux et par la Trempe ; car les parties Canelées sont de petits Cors, et le marteau, la trempe et la polissure, doivent ce semble, boucher les pores Clerselier II, 98 et les passages, et rendre les chemins ou les ouvertures plus difficiles à estre traversées par les parties Canelées ; et par consequent un fer moins battu devroit recevoir plus facilement la vertu de l’Ayman, qu’un autre qui l’est davantage : ce qui toutesfois ne se rapporte pas à l’experience. Si donc nous voulons sçavoir pourquoy le fer commun ne reçoit pas si facilement la vertu Magnetique, qu’un fer poly, ou un acier, ce n’est pas des parties Canelées qu’il en faut tirer la raison.

RÉPONSE.

Encore que l’acier soit poly, neantmoins pource qu’il a tousiours tant de conduits, qu’il y pourroit entrer plus de parties Canelees, qu’il n’y en entre en effet, à cause qu’il n’y en a pas en grande abondance dans l’air, le marteau ou la polissure n’empesche point leur effet ; Et il est certain qu’il demeure tousiours un plus grand nombre de ces conduits dans l’acier, qu’il n’y en a pour l’ordinaire dans le fer commun ; et ceux qui y demeurent sont plus parfaits, pour les raisons que l’Autheur a apportées.

Page 442. Art. 174.

I’ay vû une experience de deux petites Piroüettes, dont les axes estoient de fer, et d’une pierre d’Ayman qui les élevoit en l’air l’une aprés l’autre, qui me fournit icy de sujet pour faire une objection. On faisoit tourner sur une table l’une de ces piroüettes, et puis on luy presentoit la pierre d’Ayman, qui l’attiroit en l’air, et estant ainsi suspenduë, et ne touchant l’Ayman presqu’en un seul poinct, elle faisoit plusieurs tours, et mesme beaucoup plus qu’elle n’en eust fait si on l’eust laissé tourner sur la table : Aprés cela on faisoit tourner l’autre piroüette sur la mesme table, et on approchoit l’axe de la premiere, qui estoit desia élevée et attachée à l’Ayman, prés de l’axe de la seconde, et aussi-tost elle estoit attirée en l’air, et se tenoit suspenduë à l’autre, ne touchant l’Axe de la premiere qu’en un seul poinct. Ces deux piroüettes, ainsi élevées et suspenduës tournoient un fort long-temps, Clerselier II, 99 sans que le mouvement de l’une nuisist au mouvement de l’autre, en quelque sens qu’on les fist tourner, et quoy que leurs deteéminations fussent souvent contraires. Mais si cela est, comme l’Experience le fait voir, comment les parties Canelées pourront elles passer par ces deux Rouës ou Piroüettes ; Car l’une ayant un mouvement dont la determination est contraire à celle de l’autre, s’opposera au passage de ces parties Canelées ; d’autant que si la determination de l’une est propre à leur permettre le passage, celle de l’autre y sera necessairement contraires. Un exemple pourra rendre cecy plus clair. Si une Viz est tournée d’une façon propre pour passer par une écrouë dont les écüelles soient disposées pour la recevoir, et que cette écroüe se meuve par exemple vers l’Occident ; si estant muë de cette façon elle facilite l’entrée de cette Viz, il est sans difficulté, que si cette écrouë estoit muë à contre sens, c’est à savoir vers l’Orient, elle en empescheroit l’entrée ; comme il est manifeste à toute personne qui se veut donner la peine d’y penser. Cela se peut voir encore en un petit Pressoir ; car la Viz ne pourra iamais entrer dans l’écrouë du Pressoir, si cette écrouë n’est immobile, ou que son mouvement soit tel qu’il facilite l’entrée de la Viz : Car si elle se meut à contre sens elle en empeschera l’entrée.

Ces deux Piroüettes de fer estant donc suspenduës à un Ayman immobile ne pourront pas toutes deux donner passage aux parties Canelées, et par consequent il faut chercher une autre raison de l’Attraction et de la Suspension de ces deux Piroüettes, qui ne laissent pas de demeurer long-temps suspenduës, quoy qu’elles tournent à contre sens ; On en pourroit dire autant d’une seule qui tourne tantost d’un costé tantost d’un autre ; car il n’y a pas d’apparence qu’elle dust aussi facilement et aussi long-temps se tenir suspenduë à l’Ayman, en tournant d’un sens qu’en tournant de l’autre : Ce qui toutefois se voit par experience.

Mais ie m’apperçois bien tard mon Reverend Pere que i’abuse trop long-temps de vostre patience, et que cét Ecrit Clerselier II, 100 quoy que court, ne laissera pas de vous causer beaucoup d’ennuy, si vous prenez la peine de le lire. Permettez-moy cependant, de vous faire souvenir que ie n’ay écrit ces Objections, que pour contenter vostre curiosité, aprés que vous m’en avez fort pressé ; et si ie n’ay pas bien reüssi, ou si vostre attente est trompée, que c’est vous mon R. P. qui vous en devez à vous-mesme la satisfaction ; La nouveauté et la sublimité de la Doctrine, et la portée de mon Esprit, que vous connoissez aussi bien que moy, acheveront envers vous mes excuses.

RÉPONSE.

Ie n’ay point encore vû l’experience que vous apportez icy ; mais encore que deux Piroüettes tournassent à contre sens, l’une vers l’Orient, et l’autre vers l’Occident, les parties Canelées n’entreroient pas moins aysément dans l’une que dans l’autre, pource qu’elles tournent sans cesse, les unes vers une partie, et les autres vers la partie opposée ; Et ce qu’on pouvoit seulement objecter, à sçavoir que le mouvement droit de ces particules, devoit rendre ces piroüettes immobiles, est tres-bien resolu dans le mesme Article.

S’il y a encore quelque chose qui vous donne de la peine, vous m’obligerez beaucoup de me le faire sçavoir, et ie tascheray autant que ie pourray de vous satisfaire : Car quant à ce que vous avez iusques icy objecté, ie ne doute point, si vous y prenez garde, que vous n’en trouviez la Solution dans mes Réponses.

Quant à ce que vous objectez icy sur la fin, à sçavoir qu’une Viz, etc. cela ne vient que de ce que vous n’avez pas pris garde que ces conduits, dans une Piroüette de fer qui tourne, doivent estre considerez comme immobiles ; car en effet, les uns ne se meuvent point au regard des autres. Et s’il y avoit dans une chambre mille pressoirs, dont les écrouës fussent diversement tournées et rayées, de quelque costé que se pust mouvoir la chambre, les viz ne laisseroient pas Clerselier II, 101 pas d’entrer dans les écroües propres à les recevoir, aussi facilement que si la chambre estoit immobile, pourveu que tous ces pressoirs n’eussent point d’autre mouvement, que le mouvement general de la Chambre.