AT II, 373

A MONSIEUR FERRIER.

Lettre CII.

AT II, 374 MONSIEUR,
Puis que vous me faites la faveur de m’advertir de ce que vous avez fait touchant la taille des verres hyperboliques, ie suis obligé de vous mander aussi ce qu’un de mes Amis a fait faire par un Tourneur d’Amsterdam qu’il y a employé ; La machine fut fort bien-faite dés l’année passée, et les lames ou ciseaux d’acier dont il a taillé la roüe, mais il n’a iamais sceu faire cette roüe si exacte, qu’il ait pû tailler un verre par son moyen dont la figure fust uniforme ; Plusieurs se trouvent visiblement plus espais d’un costé que d’autre, et en la pluspart on y voit deux centres ; ce qui vient, comme ie croy, de ce qu’il tourne la roüe tantost d’un costé et tantost d’un autre, quoy que ie l’aye averty Clerselier III, 583 plusieurs fois de ne le pas faire ; Et pour ce sujet, au lieu du tour qui est décrit dans ma Dioptrique, AT II, 375 avec un arc qui va et revient ; i’ay fait qu’il se sert d’une grande roüe, qui tourne tousiours d’un mesme sens. Mais il dit qu’il se fait tant de cercles dans le verre, quand il ne tourne sa roüe que d’un costé, que ie n’ay sceu obtenir de luy, qu’il en achevast aucun en cette façon ; et ayant esté voir sa roüe, i’ay trouvé qu’elle estoit fort inégale, et qu’elle n’appuyoit pas toûjours de mesme force contre le verre. Ie l’ay convié à la mieux polir ; mais il dit qu’apres l’avoir renduë la plus iuste et exacte qu’il est possible, ces défauts s’y trouvent le lendemain ; Ce qu’il croit venir de ce que le dedans de cette roüe est de bois, qui fait hausser ou baisser selon le temps le cuivre dont elle est faite en sa circonference ; et la poudre dont il se sert pour tailler le verre, entrant dans ce cuivre, l’a rendu si dur, qu’il luy est presque impossible d’en oster les défauts qu’il y voit. Nonobstant cela il m’apporta icy dés l’année passée deux ou trois verres qui me donnoient bonne esperance ; Car encore qu’ils fussent si troubles et mal polis, que lors qu’on n’en laissoit qu’une partie découverte, de la grandeur des verres des Lunettes ordinaires, on ne voyoit rien que de fort obscur ; neantmoins quand ils estoient tout découverts, ils avoient autant d’effet que les ordinaires ; ce qui monstroit que s’ils eussent esté aussi polis, ils eussent eu dautant plus d’effet, qu’ils estoient plus grands, qui est tout ce qu’on peut esperer. Et leur diametre estoit d’environ trois pouces, pour servir dans un tuyau d’environ deux pieds. Depuis il n’a rien fait ; car l’Hyver il y a fort peu travaillé, et celuy AT II, 376 qu’il employoit, a quitté la demeure d’Amsterdam au commencement de cét Esté. Ce que vous m’avez fait esperer est cause que ie n’ay point voulu leur conseiller de poursuivre ; car s’il y a quelqu’un au monde qui en puisse venir à bout, ie ne doute point que ce ne soit vous. Ie suis,