Clerselier III, 614 AT V, 318

MONSIEUR SCHOOTEN.
à Monsieur Descartes.
A Leyde ce 10. Mars 1649.

Lettre CXVI.

MONSIEUR,
Ie n’ay pas voulu manquer de vous envoyer les deux Livres que ie vous avois promis, sçavoir, Diogenes Laertius de vitis Philosophorum ; et Gregorius à S. Vincentio de quadratura circuli, et sectionum coni. Tou AT V, 319 chant ce dernier, ie desire fort de sçavoir vostre sentiment, dautant que le feu Pere Mersenne dans un Livre qu’il a nagueres mis en lumiere, qui sert de second tome au Livre intitulé Cogitata Physico-Mathematica, parle fort sobrement en faveur de cét Autheur, ne le nommant pas une seule fois, encore qu’il parle assez apertement et amplement de son Livre. La plus grande loüange qu’il luy donne, est qu’il ait composé un grand Livre, et qu’il a cherché cette quadrature par des chemins fort longs, et qui desia sont connus. Ce que ie prens pour le iugement de Monsieur de Roberval, lequel ie sçay s’estre employé à l’examiner. Mais par ce que Vincentius luy-mesme declare que la chose principale dont il s’est servy pour en venir à bout, est per proportionalitates, dont il a fait un traité ; et qu’il traite aussi de ductu plani in planum, qui sans doute sont des choses nouvelles et qui meritent de la loüange, dont pourtant le Pere Mersenne ne dit mot, ie doute fort que ce sentiment soit assez equitable. Si vous voulez lire ce que le Reverend Pere Mersenne en a écrit, ie vous envoyeray son Livre, lequel ie puis facilement obtenir icy d’un de mes Amis, qui m’a appris ce que ie vous en viens Clerselier III, 615 d’écrire. Au reste i’ay écrit à Monsieur de Zuitlichem le jeune, que les Vers qu’il avoit composez pour mettre sous vostre effigie ne sont pas encore gravés. Vous les verrez dans cette feüille cy jointe, où i’ay adjoûté ceux que Monsieur Bartholinus a composez sur le mesme sujet ; Et ie l’ay fait en faveur de ceux qui in tui laudem, se profitentur poëtas vel pictores, etc. Sed his omissis, il faut que ie vous propose une petite difficulté qui m’est survenuë en voulant resoudre une AT V, 320 équation de quatre dimensions, dont la racine est cubique, en deux autres, selon la regle de la page 385. à sçavoir, de diviser 12 par , ce que ie ne puis autrement faire, qu’en mettant , mais ie ne me satisfais pas ainsi. De plus ie serois bien aise que vous voulussiez prendre la peine d’examiner si ces deux questions paradoxes sont bien resoluës. Personæ duæ A et B, societatem ineuntes, lucrati sunt 12 aureos ; quorum A expendit aureos 5 ; B autem reliquatur aureos 2, hoc est habet - 2 aureos. Quæritur quantum cuilibet ex hac summa debeatur ? Respondetur. Solvendos esse à B ipsi A 8 aureos, quamvis lucrum esse manifestum sit. Aliud exemplus de damno. Personæ duæ A et B jacturam faciunt 12 aureorum, hoc est, habent - 12 aureos. Cùm igitur A contribuerit 5 aureos, et B - 2 aureos : Manifestum sit, ipsi A ex natura quæstionis deberi - 20 aureos, et ipsi B+8 aureos, hoc est, B habebit 8 aureos : Etiamsi jacturam factam esse constet. En finissant ie vous remercie tres-humblement de l’honneur que i’ay nouvellement receu en vostre logis, vous assurant qu’il n’y a chose au monde que ie desire avec plus de passion, que de pouvoir estre capable de vous rendre quelque service, et dont ie fasse plus d’estat, que d’avoir acquis la gloire de vostre connoissance, laquelle ie tascheray de me conserver, en vous assurant, que
Ie suis,