MON REVEREND PERE,
Ie vous suis extrémement obligé du soin que vous prenez pour satisfaire ma curiosité, m’ayant bien voulu faire part d’une Lettre que ie trouve tres-excellente, soit pour la matiere qu’elle contient, soit pour les paroles dont on s’est servy ; c’est celle qui est signée Petit, qui est un nom inconnu pour moy, mais qui m’a donné un tres-grand desir d’estre connu de luy, ie seray ravy qu’il vous plaise de m’en donner le moyen. Et i’ay crû que ny vous ny luy ne desapprouveriez pas la liberté que i’ay prise d’effacer sur la fin quelques paroles qui marquoient que ses objections contre la Dioptrique de Monsieur Descartes estoient plus fortes et moins sujettes à replique que les miennes. Ce n’est pas que i’en doute, puisque i’ay conceu une tres-grande opinion de son Esprit ; mais ie desire, si vous l’agreéz, d’estre un peu mis à l’écart, et de voir toutes ces belles disputes plustost comme témoin que comme partie. Vous adjoûterez une Clerselier III, 168
tres-grande obligation à toutes celles que ie vous ay desia, si vous me procurez la veuë de ce discours que l’auteur de AT II, 33
cette belle Lettre promet touchant la refraction. Et si i’osois esperer la communication des experiences qu’il a faites, peut-estre y mélerois-ie de la Geometrie, si ie les trouvois conformes à mon sentiment. I’attendray cette satisfaction avec impatience, et vous renvoyeray par le premier Courrier son Escrit, que ie retiens pour en tirer Copie. AT I, 495
I’attens aussi par vostre faveur les Réponses que Monsieur Descartes a faites aux difficultez que ie vous ay proposées sur ma Dioptrique, et ses remarques sur mon traitté De Maximis et Minimis, et de Tangentibus. S’il y a quelque petite aigreur, comme il est mal-aisé qu’il n’y en ait, veu la contrarieté qui est entre nos sentimens, cela ne doit point vous détourner de me les faire voir ; Car ie vous proteste que cela ne fera aucun effet en mon esprit, qui est si éloigné de vanité, que Monsieur Descartes ne sçauroit m’estimer si peu, que ie ne m’estime encore moins ; ce n’est pas que la complaisance me puisse obliger de me dédire d’une verité que i’auray connuë, mais ie vous fais par là connoistre mon humeur. Obligez moy, s’il vous plaist, de ne differer plus à m’envoyer ses Escrits, ausquels par avance ie vous promets ne ne faire point de replique. I’ay fort veu ces iours passez Monsieur d’Espagnet AT I, 496
, avec qui ie vis de longue-main comme un amy intime ; S’il va à Paris, comme il espere, il vous dira qu’il est de mon advis en tous les petits discours que i’ay faits, sans en exclure la Dioptrique. I’attens de vos nouvelles, et suis etc.
Quand vous voudrez que ma petite guerre contre Monsieur Descartes cesse, ie n’en seray pas marry ; et si vous me procurez l’honneur de sa connoissance, ie ne vous en seray pas peu obligé.