Dossier : Formes du poétique


Tension énonciative et cohésion textuelle dans Vents, Chronique et Chant pour un équinoxe : le rôle des vocatifs

Michèle Monte

Université du Sud Toulon Var

monte@univ-tln.fr

Résumé : L’article s’attache dans un premier temps à montrer que les vocatifs, nombreux dans les trois poèmes considérés, jouent un rôle très important dans la construction de la scène énonciative, notamment dans Vents. L’apostrophe permet au poète de naître en tant que je, face à un destinataire dont le désir suscite la parole poétique ou dont l’autorité permet au locuteur de mener à bien son œuvre. Les poèmes étudiés reposent sur une alternance entre modulation et tension énonciatives où les vocatifs sont situés du côté de la tension : ils mettent en relief la dimension interlocutive du poème que le modèle épique ne saurait occulter. Je m’attache ensuite au rôle des vocatifs dans la cohésion textuelle en distinguant les vocatifs selon leur place dans l’énoncé hôte et leur contenu référentiel. Par leur position détachée et leur jeu paradoxal sur le connu et le nouveau, les vocatifs enfreignent à certains égards les règles ordinaires d’enchaînement et d’organisation des énoncés, mais ils jouent un rôle important dans la cohésion d’un poème qui s’appuie à la fois sur la récurrence de cellules rythmiques et sur le renouvellement constant de la scène énonciative à laquelle leur profération donne consistance.

Abstract : In this paper, we first point out how important is the role of vocatives in the building of the enunciative scene. The apostrophe allows the poet to exist in front of an addressee whose desire raises the poetic speech or whose authority allows the speaker to say “me” and to achieve his poem. In the alternation between modulation and tension that characterizes the 3 poems, vocatives exhibit the interlocutive dimension that the epic model cannot hide. In a second part we look at the role of vocatives in the text cohesion, distinguishing them according to their place in the sentence and to the entities they refer to. Because of their unbound position and their paradoxical use of unknown and well known referents, vocatives in a certain way do not respect the usual rules managing the sentences organization and concatenation. However they play an important role in the poem cohesion : they belong to recurrent rhythmic unities and they contribute to the constant change of the enunciative scene whose consistency partly depends on them.

Si j’ai choisi de proposer ce sujet pour une rencontre sur les formes du poétique, c’est qu’il m’est apparu que le fonctionnement des vocatifs dans les textes poétiques présente des caractéristiques spécifiques [1], et que, dans le cas précis de Saint-John Perse, les vocatifs jouent un rôle important dans la scénographie et concourent à la construction d’un rythme entendu au sens large de l’organisation d’une écriture [2]. Dans cette communication, je commencerai par montrer comment les vocatifs s’inscrivent dans une situation d’énonciation spécifique qui oriente leur emploi mais qui est aussi en retour partiellement façonnée par leur apparition. Puis j’étudierai le rôle de structuration rythmique et sémantique joué par les vocatifs.

Les vocatifs et l’émergence du poète dans Vents

Les trois poèmes [3] proposés au programme de l’agrégation 2006 sont très différents énonciativement : Vents se caractérise par la prédominance du nous, mais celui-ci alterne avec le je, comme dans « Sécheresse », alors que Chronique et « Nocturne » ne comportent qu’un seul énonciateur primaire, nous, que « Chant pour un équinoxe » va du je au nous dans un mouvement d’élargissement et que « Chanté par celle qui fut là » offre le discours d’un je s’adressant à un tu. D’autre part, alors que Chronique est tout entier donné comme un discours rapporté entre guillemets [4], et que Vents offre beaucoup de passages en discours rapporté insérés dans un discours premier sans guillemets, Chant pour un équinoxe fait coexister deux possibilités : « Sécheresse » et « Nocturne » jouent sur l’alternance entre discours premier et discours rapporté là où « Chant pour un équinoxe » et « Chanté par celle qui fut là » ne présentent pas d’enchâssement de discours rapporté.

Je m’attarderai sur la situation d’énonciation dans Vents en raison de sa complexité et du rôle spécifique qu’y jouent les vocatifs. La complexité tient à la multiplicité des locuteurs, au nombre desquels on peut citer le Narrateur (p.13), le Poète (p.25), le Maître du chant (p.27), le Vent (p.80), à l’enchâssement de nombreux discours rapportés, mais aussi à l’absence fréquente de discours attributif permettant d’identifier la source de ces propos rapportés. Le poète apparaît tour à tour en position de délocuté dans le discours premier tenu par le nous et de locuteur dans des passages au discours rapporté, ou plus rarement dans des passages du discours premier [5], si l’on admet que le je intermittent du discours premier puisse être assimilé au poète. Mais, malgré cette complexité, plusieurs traits importants se dessinent :

  • L’attribution du discours premier au nous qui apparaît souvent comme un nous de majesté ou d’humilité incluant le poète dans une communauté peu précise, ne pose généralement pas problème [6], mais certaines injonctions ou reprises, si elles peuvent s’expliquer dans ce cadre comme une sorte de dédoublement de l’instance de parole, peuvent aussi être interprétées comme l’intrusion intermittente d’une puissance non identifiée, qu’on pourrait rapprocher de la Muse antique. Ainsi le discours premier apparaît-il, selon les contextes, tantôt comme pris en charge par un nous qui vaut comme un simple élargissement du je destiné à montrer que le poème ne doit pas être rabattu sur la vie du sujet biographique qui en est l’origine, tantôt comme proféré par des forces tutélaires qui jouent le rôle d’instances de légitimation [7] ;
  • Le je apparaît très fréquemment dans le voisinage du discours rapporté comme si, sur un fond général où la parole est le fait d’un énonciateur collectif, l’émergence d’une parole singulière était facilitée par l’affichage d’une situation d’énonciation spécifique [8] ;
  • Le discours rapporté comporte fréquemment des apostrophes à son début, de sorte qu’il est défini moins par celui qui parle que par celui-ci à qui il est adressé [9] : l’ouverture des guillemets coïncide souvent avec l’interpellation d’un nouvel allocutaire, même si le discours peut ensuite se déployer indépendamment de cette interpellation ;
  • La dynamique du poème comporte l’élucidation de certaines incertitudes énonciatives, comme si l’écriture avait entre autres fins de préciser l’identité de certaines instances : cela est vrai du poète qui acquiert peu à peu un certain nombre de traits, et plus encore du vous qui, dans le discours rapporté de la p.13, est totalement indéterminé, mais qui progressivement, et surtout dans le chant IV, se définit comme ces hommes vers qui le Poète revient et qui aspirent à la nouveauté dont il est porteur (p. 72, 76, 80) ;
  • Certains énoncés circulent d’un niveau à l’autre, et figurent tantôt dans le discours premier, tantôt dans le discours rapporté, bien qu’ils soient toujours le fait du je : ainsi, en I, 5, les rives futures sont-elles invoquées par le locuteur premier, en l’occurrence le je (p. 20), mais en I, 6 (p. 25) et IV, 4 (p. 74), l’énoncé légèrement modifié figure dans le discours cité du Poète. A l’inverse, l’énoncé cité « O vous que rafraîchit l’orage » (p. 13, 24) intègre le discours premier à l’avant-dernière page du poème (IV, 6, p. 82).

De ces observations, il ressort à mon sens que dans Vents c’est le dire autant que le dit qui met en lumière la dualité de la parole poétique, à la fois personnelle, enracinée dans une expérience quasi initiatique dont le poème retrace les étapes, et anonyme, ouverte au souffle impersonnel, et supposant au moins pour partie l’abdication des limites étroites de l’individu. Grâce au dédoublement entre le nous et le je, le poème donne à voir aussi bien l’énonciation sûre d’elle-même du poète accompli, celui qui dit nous et qui débute son œuvre par une proclamation pleine d’assurance (p. 11) que le poète en quête de lui-même, d’abord limité au je et dont la parole s’affirme progressivement à mesure que l’œuvre s’édifie. Une comparaison entre les chants I et IV indique qu’un des enjeux du livre est bien l’avènement de cette parole, qui ne va pas de soi, et dont le surgissement, au départ, dépend des injonctions d’une puissance anonyme qui la suscite. Si le premier énoncé rapporté, invocation au désir, comme autrefois à la Muse, suscite aussitôt en retour l’évocation d’une page déjà bruissante (p. 12) et qui n’est autre que celle du jema page –, il faudra toute une longue trajectoire pour que ce je puisse non pas parler en son nom propre – tentation explorée en IV, 2 dans un dialogue avec lui-même plein d’incertitudes auquel IV, 3 met un terme brutal – , mais au nom de ce nous dont il est au départ soigneusement distingué par des dispositifs complexes et quelque peu opaques. Ceux-ci ont pour fonction de montrer la dissociation initiale entre l’aspirant poète et les forces inspiratrices (vents, terre, désir, fraîcheur) qui, s’associant à l’humain dans le nous, dotent la parole poétique d’une autorité cosmique dont le je ne dispose pas d’emblée et qu’il devra acquérir.

C’est pourquoi dans le chant I, massivement énoncé par un nous, le je n’apparaît que par intermittences, le plus souvent dans le cadre de scénographies complexes [10] où ses paroles occupent une portion congrue et ont presque toutes une valeur uniquement programmatique, en raison du futur qui les caractérise (cf. p. 13, 17, 28). L’importance du discours rapporté, correspondant aux paroles du je ou de ses avatars, ou interpellant le poète et ses destinataires potentiels, est l’indice d’une parole médiatisée et théâtralisée qui n’atteint le lecteur qu’à travers des mises en scène où le poète est tenu à distance par le nous sans que pourtant leurs frontières soient bien claires. Dans le chant IV en revanche, s’opposent nettement de part et d’autre de la section 3, qui joue le rôle de pivot, un moment narcissique et un moment dynamique et ouvert qui signe une évolution décisive des rapports du je et du nous. En IV, 1 et IV, 2, le je très présent essaie par l’adresse aux femmes, puis par l’auto-interpellation de dépasser sa mélancolie sans y parvenir vraiment [11]. Dans la section 3, une voix anonyme rappelle au poète l’expérience décisive de sa rencontre avec le Balafré. Suite à cela, le règlement de comptes avec la tradition, préalable à tout retour, s’effectue dans les sections 4 et 5 qui sont essentiellement le fait du nous. L’intervention du Vent (p. 80), qui asserte « Et le poète est avec vous », ouvre alors la voie aux deux dernières sections, libres de tout discours rapporté et où, sans disparaître complètement, comme l’attestent les trois déterminants de première personne au bas de la page 82 – ma race répété deux fois et mon cri de vivant –, le je se fond sans démarcation aucune dans le nous et même disparaît derrière ses fruits (p. 83). Plus qu’à un effacement de la personne du poète, cette évolution me semble correspondre, en raison de la disparition des discours rapportés dans les sections 6 et 7, à la plénitude de sa parole qui, s’étant incorporée la fraîcheur du vent [12], peut parler au nom de tous sans qu’aucune instance légitimante ne la montre ou ne la cite.

Or, dans cette évolution vers une parole légitime et sans médiations, les vocatifs jouent un rôle non négligeable comme je vais maintenant le montrer. Au début de Vents, nous venons de le voir, la parole du poète émerge difficilement et seulement dans le cadre d’une mise en scène, d’un rituel [13] faisant intervenir une figure emblématique, le Narrateur, le philosophe ou le Poète, décrit de l’extérieur par le locuteur principal, ce nous omniprésent avec lequel il ne se confond pas. Or il est significatif que le premier acte de parole de cette figure soit presque toujours une apostrophe comme l’illustrent éloquemment les trois extraits suivants :

« O vous que rafraîchit l’orage… Fraîcheur et gage de fraîcheur… » Le Narrateur monte aux remparts. Et le Vent avec lui. Comme un Shaman sous ses bracelets de fer […]
Et sa parole nous est plus fraîche que l’eau neuve. Fraîcheur et gage de fraîcheur… « O vous que rafraîchit l’orage… » (p. 13)

Le philosophe babouviste sort tête nue devant sa porte. […]
« O vous que rafraîchit l’orage…, fraîcheur et gage de fraîcheur…
« Repris aux dieux votre visage, au feu des forges votre éclat,
« Voici que vous logez de ce côté du Siècle où vous aviez vocation. […] » (p. 24)

Au buffet d’orgues des passions, exulte, Maître du chant !
Et toi, Poète, ô contumace et quatre fois relaps, la face encore dans le vent, chante à l’antiphonaire des typhons :
… « Vous qui savez, rives futures, où s’éveilleront nos actes, et dans quelles chairs nouvelles se lèveront nos dieux, gardez-nous un lit pur de toute défaillance […]
Et toi, désir qui vas chanter, sous l’étirement du rire et la morsure du plaisir, mesure encore l’espace réservé à l’irruption du chant.(…) » (p. 25)

Ces prises de parole du Poète au seuil du livre indiquent que le poème naît en posant un interlocuteur, destinataire aspirant à la fraîcheur de la parole poétique et la suscitant par son désir même, ou puissance tutélaire ayant la prescience de l’avenir et pouvant orienter le poète en quête d’une parole neuve. La parole poétique ne peut être en première instance qu’invocation, et dans un deuxième temps seulement, assertion, narration, prédiction.

Le je lui-même, qui apparaît de façon très fugitive dans les premiers chants, surgit de préférence au voisinage d’une apostrophe, que celle-ci et le je coexistent dans le discours cité, ou que le je apparaisse dans le discours citant qui l’escorte. Observons par exemple la fin de la section 2 du chant I :

O fraîcheur dans la nuit où fille d’aile se fit l’aube : à la plus haute cime du péril, au plus haut front
De feuilles et de frondes !… « Enchante-moi, promesse, jusqu’à l’oubli du songe d’être né… »
Et comme celui qu’a morigéné les Rois, j’écouterai monter en moi l’autorité du songe.
Ivre, plus ivre, disais-tu, d’avoir renié l’ivresse… Ivre, plus ivre, d’habiter
La mésintelligence. (p. 17)

Cette laisse [14] figure à la fin d’une section narrativo-descriptive à l’imparfait très homogène, évoquant l’action des très grandes forces en croissance sur toutes pistes de ce monde. A deux reprises toutefois, le nous introduit un recul par rapport à sa narration qui se manifeste d’abord par un dédoublement entre lui et le Narrateur, brusquement interpellé – Achève, Narrateur !… (p. 16) – , puis par un commentaire en incise – qu’elles dispersent ! disions-nous – qui vient, lui, souligner le décalage temporel entre la narration et l’histoire. On retrouve ce décalage à la fin de la section, dans le passage cité ci-dessus, mais l’incise – Ivre, plus ivre, disais-tu – s’adresse au je qui vient d’apparaître. Cette dernière laisse, annoncée en quelque sorte par les deux « bizarreries » énonciatives que je viens de décrire, est très différente de tout ce qui précède : débutant par un ô dont le rôle est de rendre présent dans le discours le référent du syntagme qu’il introduit [15], il est tourné vers l’avenir à la fois par la demande en discours rapporté qu’il contient et par le verbe au futur caractérisant le je dont l’apparition suit cette demande. L’apparition du je du poète est liée à un changement de plan dans le discours : elle naît d’actes de langage – l’exclamation, l’injonction – qui sont les indices de ce que Robert Vion appelle une tension énonciative, c’est-à-dire d’un moment où la subjectivité des interactants et la relation qui les unit sont plus fortement sollicités :

Si les modalisations peuvent être définies comme l’inscription des contenus dans des perspectives particulières, les modulations peuvent être appréhendées comme le mode d’inscription des interactants dans leurs productions langagières. A ce titre, les modalités d’auto-implication, c’est-à-dire la distance qu’entretient l’énonciateur vis-à-vis de ce qu’il énonce, relèvent de la modulation, tout comme d’ailleurs les modes d’inscription du partenaire à travers notamment les modalités d’interpellation. […] La subjectivité de chaque énonciateur oscill[e] constamment entre deux pôles opposés, celui de la tension et celui de la modulation. […] Par la tension, les sujets augmentent leur degré d’auto-implication subjective ou d’implication du partenaire. […] [16].

Mais si, comme dans le discours ordinaire, l’interpellation d’un allocutaire contribue dans le poème persien à accroître la tension énonciative, un point important est à noter : de même que le Poète est une figure théâtralisée du locuteur sous-jacent, cet allocutaire n’est pas le lecteur, fût-il virtuel, mais un personnage cosmique, ou, en fin de poème, les hommes nouveaux que le Poète va rejoindre. S’ils dynamisent le poème selon des modalités que je vais à présent étudier, ces vocatifs restent des fictions littéraires dont le rôle est avant tout de nous montrer le Poète dans l’exercice de sa fonction : invoquant, exhortant, annonçant, dans une transitivité qui est sa raison d’être, à lui qui veut porter  témoignage pour l’homme  (p. 56), mais qui n’implique aucune réversibilité de la parole, aucune initiative de la part de son peuple de servants, de son peuple de suivants (p. 57-58) à qui il ne confie jamais la parole.

Les vocatifs au service d’une poétique du dire

Dans Vents, l’oscillation entre la modulation et la tension énonciatives s’exprime dans l’opposition entre le nous et les conduites narratives ou descriptives d’une part, le je et les modalités de l’interpellation d’autre part. Cette oscillation correspond aussi au caractère générique hybride de ce poème qui relève globalement de l’épopée mais comporte des passages dramatiques où le Poète, le Maître de chant ou le Vent deviennent des personnages dotés d’une parole propre, s’avançant tels le coryphée du chœur antique pour s’adresser directement au lecteur [17], et des passages lyriques où, dans la lignée du poète romantique, le je s’adresse à des allocutaires appartenant au monde cosmique. Comme le dit Yves Vadé (1996 : 25), dans de tels passages, « le sujet lyrique se situe sur le même plan que l’univers, en face duquel il se pose dans la contemplation ».

Dans le chant I, s’opère ainsi une répartition entre les rôles énonciatifs du nous et du je : au nous, revient la parole épique qui évoque l’action des vents, au je la parole lyrique qui invoque les destinateurs et les destinataires de cette épopée, et en situe par là les enjeux énonciatifs. Il s’agit, en effet, en chantant l’action des vents, de se laisser régénérer par eux pour être capable d’apporter aux hommes une parole neuve et donc de naître à la parole poétique [18]. C’est seulement à partir du chant II que le je va, à la suite du nous, assumer la parole épique et entreprendre la description du nouveau monde, comme le souligne Catherine Mayaux :

Les résolutions du Chant I engagent donc l’écriture des Chants II et III dans leurs grandes lignes directrices. Celui qui a tout perdu et ne se reconnaît plus que comme poète s’approprie le monde de son exil, personnellement par le voyage, mais surtout poétiquement par les mots. [19]

Mais il lui aura fallu auparavant être intronisé narrateur et poète dans des passages qui font une large part aux vocatifs – invocations successives du désir (p. 12), des destinataires en quête de fraîcheur (p. 13), de la promesse qui le lance dans l’entreprise (p. 17), du futur qui la justifie (p. 20) – , et aux actes directifs – prières, requêtes, pour, par exemple, être débarrassé des vieux livres (p. 18). La section 6 du chant I apparaît à cet égard comme la reprise et l’aboutissement de tous ces préliminaires qui débouchent sur la convocation par le Poète du monde entier des choses, rendu présent par le ô à la p. 25. Or il est significatif que les quatre passages en discours rapporté qui la scandent soient jalonnés de vocatifs, certains nouveaux, d’autres, les plus nombreux, repris aux sections précédentes, et que le verbe par lequel le je s’y définit soit le verbe interpeller (p. 23). On voit bien dans cette section et plus globalement dans tout le chant I que le poète naît au carrefour de deux interpellations : il est apostrophé par les puissances tutélaires qui l’intronisent et lui intiment l’ordre de parler et, avant de se lancer dans son entreprise, il invoque les forces qui lui permettront de la mener à bien. Mais avant que les chants II et III ne nous le montrent en train de nommer, de veiller, d’aviser, d’attester, ou de men[er] la course de ce chant (p. 45-46), d’assister à l’irruption du dieu nouveau (p. 53) ou de choisir ses alliés (III, 5, p. 60), il faut encore en I, 7 que le processus de qualification [20] s’achève par l’intervention évaluative d’un locuteur non identifié qui dénonce successivement les illusions du langage poétique, de la grandeur, du pouvoir, et qui congédie la douceur [21]. Or, là encore, Saint-John Perse privilégie l’apostrophe pour donner à ces dénonciations plus de poids en convoquant les entités concernées pour leur communiquer la sentence portée à leur égard :

« Je t’ai pesé, poète, et t’ai trouvé de peu de poids.
« Je t’ai louée, grandeur, et u n’as point d’assise qui ne faille. […]
« Ta main prompte, César, ne force au nid qu’une aile dérisoire.
« Couronne-toi, jeunesse, d’une feuille plus aiguë ! […]
« Et toi, douceur, qui vas mourir, couvre-toi la face de ta toge
« Et du parfum terrestre de nos mains… » (p. 27-28)

Les vocatifs occupent ainsi une place privilégiée dans le chant I de Vents puisque les énoncés où ils figurent confèrent à l’intronisation du poète et à la définition de sa tâche la tension énonciative apportée par l’ancrage du dit dans le dire. Ils accompagnent la naissance du je à la parole qui débouche en III, 6, pour la première et la seule fois du poème, sur une formule où il se montre en train de dire, juste avant des futurs où, ne se contentant plus d’écouter, il se décrit en pleine action :

Et moi j’ai dit : N’ouvre pas ton lit à la tristesse. […]
Je mènerai au lit du vent l’hydre vivace de ma force, je fréquenterai le lit du vent comme un vivier de force et de croissance. (p. 28)

Les vocatifs jouent donc un rôle énonciatif primordial en contribuant à définir la scénographie [22] du poème : l’étude des référents auxquels ils renvoient et des passages où ils figurent permet de retracer l’évolution de cette scénographie et l’émergence progressive de la parole du je. Ce rôle ne s’achève pas à la fin du chant I, car tout au long du poème, Saint-John Perse réintroduit de la tension énonciative dans des sections à dominante épique, soit par des vocatifs ponctuels au sein de passages où on ne les attendrait pas, soit par l’adjonction en fin de section d’une laisse où la deixis personnelle fait retour, soit par une construction de la section opposant deux systèmes énonciatifs différents. On peut ainsi en II, 1, opposer une première partie impersonnelle à une deuxième partie où marques personnelles, exclamations et apostrophes à Audubon et aux filles font passer de la modulation à la tension énonciative.

L’irruption des vocatifs dans des passages descriptifs ou au sein de longues énumérations dépourvues de dimension interlocutive commence à la section 3 du chant I où la liste des balises et repères dont le locuteur constate et appelle la dispersion s’achève ainsi :

L’amas de pierres plates du caravanier et du géodésien ; du muletier peut-être ou suiveur de lamas ? et la ronce de fer aux abords des corrals, et la forge de plein air des marqueurs de bétail, la pierre levée du sectateur et le cairn du landlord, et vous, haute grille d’or de l’Usinier, et le vantail ouvragé d’aigles des grandes firmes familiales…
Ha ! dispersant – qu’elles dispersent ! disions-nous – toute pierre jubilaire et toute stèle fautive, (p. 17, je souligne)

L’étonnante apostrophe pourrait signaler une relation personnelle du locuteur (ce Poète en train de naître) avec le référent ainsi désigné : il s’agirait d’un souvenir sous-jacent réactivé, mais comme l’expression évoque plutôt les grands maîtres de forge lorrains ou belges que les plantations des îles, on peut penser que, loin de toute allusion biographique, le vocatif a pour fonction d’introduire de la tension, du dynamisme, dans une énumération qui risquerait de devenir lassante. Il en est sans doute de même dans la section III, 2 où la longue énumération des hommes venus dans le Nouveau Monde par vagues successives, inclut en fin de parcours, dans sa cinquième laisse, des syntagmes ambigus qui, en l’absence de marques personnelles de rang 2 ou 5, peuvent être exclamatifs ou vocatifs mais que le trait humain inclus dans leur sémème incite à interpréter comme des vocatifs :

… Et voici d’un autre âge, ô Confesseurs terrestres – Et c’est un temps d’étrange confusion, lorsque les grands aventuriers de l’âme sollicitent en vain le pas sur les puissances de matière. Et voici bien d’un autre schisme, ô dissidents !… (p. 52)

Liés aux présentatifs et à l’évocation d’une situation contemporaine du locuteur, ces syntagmes préludent au fort engagement énonciatif qui caractérise la dernière laisse :

Soleil à naître ! cri du Roi !… Capitaine et Régent aux commanderies des Marches !
Tiens bien ta bête frémissante contre la première ruée barbare… Je serai là des tout premiers pour l’irruption du dieu nouveau…
Aux porcheries du soir vont s’élancer les torches d’un singulier destin ! (p. 53).

Cet exemple montre bien comment l’absence de déterminant, point commun des syntagmes exclamatifs et vocatifs, facilite le va-et-vient dans les textes persiens entre le centrage sur l’expression des émotions du locuteur et la priorité donnée à l’interpellation d’allocutaires variés et souvent mystérieux, tel ce Capitaine et Régent qui peut apparaître comme le type résumant tous les conquistadors évoqués dans la section III, 2 mais aussi comme une figure dédoublée du poète.

Dans « Sécheresse » et « Nocturne » la question des rapports entre énoncés contenant des vocatifs et énoncés exclamatifs se pose aussi. On remarque en effet dans ces deux poèmes l’existence d’énoncés averbaux à deux termes à valeur exclamative, le deuxième SN constituant le prédicat du premier :

Sécheresse, ô faveur ! (p. 108).

Sécheresse, ô passion ! délice et fête d’une élite. (p. 109).

Soleil de l’être, trahison ! (p. 113).

Or, le premier SN de ces énoncés est également un des vocatifs structurant le poème, de sorte qu’on retrouve l’énoncé exclamatif intégré à un énoncé injonctif soit dans son intégralité (SN tête + apposition) :

Sécheresse, ô faveur et luxe d’une élite ! dis-nous le choix de tes élus… (p. 105).

soit réduit à son premier élément :

« Soleil de l’être, couvre-moi ! » (p. 113).

On peut alors se demander si c’est le vocatif qui a généré l’énoncé exclamatif, ou si c’est l’inverse qui s’est produit. Il serait intéressant pour une meilleure compréhension de la poétique persienne de savoir si la structure dialogique est première ou résulte d’un mouvement qui donne aux entités d’abord évoquées dans les exclamations le statut d’allocutaire. Une étude génétique permettrait peut-être de répondre à cette question. Quoi qu’il en soit, la coexistence de ces deux types d’énoncés fait à mon avis rejaillir sur les exclamations, du fait de l’absence d’article dans le premier SN, la dimension allocutive des apostrophes [23].

On voit ainsi comment, dans des poèmes ou parties de poèmes à dominante narrative et descriptive, les vocatifs, sortes de nœuds tensionnels, jouent le rôle de relais ou de lanceurs d’énergie. La distance énonciative se réduit brusquement, en mettant face à face le locuteur – jusqu’alors dissimulé derrière le travail de nomination et de construction d’un monde – et les éléments du réel qu’il institue soudain en interlocuteurs. Mais cette récurrence des vocatifs nous montre aussi que, derrière le modèle épique, un autre modèle irrigue l’écriture persienne, celui de l’éloquence rhétorique, qu’elle soit à finalité judiciaire (cf. p. 27-28 supra) ou épidictique (p. 35 par exemple, dans l’invocation à l’hiver).

Cette dimension rhétorique me semble particulièrement flagrante dans Chronique où les interpellations du grand âge visent en effet à établir une confrontation entre le locuteur (toujours désigné par la première personne du pluriel, rappelons-le) et la vieillesse [24]. Elle explique peut-être les guillemets qui font de tout le poème, comme le souligne très justement Claude Perez [25], une allocution, ou un discours. Mais plus que d’un « beau discours », il s’agit à mon avis d’une plaidoirie où le nous répond présent et réaffirme périodiquement sa présence – « Grand âge, nous voici » – pour bien indiquer que le procès ne se fera pas par contumace, mais aussi où, tel un avocat, il réfute – « Grand âge, vous mentiez » – ou prend à témoin – « Grand âge, vois nos prises » – . La dimension épidictique n’est pas absente non plus puisqu’au chant VI, on peut lire successivement : « Grand âge, vous régnez… » et « Grand âge, vous croissez ! », et la dimension délibérative se déploie dans le dernier chant, tourné vers l’avenir. C’est ainsi que Chronique entrelace et mène à bien trois actions qui correspondent aux trois aspects du discours rhétorique : faire un bilan de la vie, prendre le contre pied du sens commun en louant la vieillesse, s’interroger sur ce qu’il convient de faire en cet âge. La référence ici est moins l’invocation lamartinienne au temps que les modèles rhétoriques du discours judiciaire, de l’éloge paradoxal et du discours délibératif.

On voit ainsi que ces deux grands ensembles que sont Vents et Chronique, s’ils possèdent d’indiscutables traits épiques, possèdent également une forte dimension performative : bien souvent, il s’agit moins de raconter que de délibérer, de distribuer éloge ou blâme ou de chercher des alliés. Cette dimension actionnelle de la parole poétique se manifeste dans les exhortations, qui apparaissent comme un trait du style persien, mais aussi dans les apostrophes, qui fréquemment transforment le thème du poème en partenaire sur la scène énonciative. Un tel mouvement est aussi très sensible dans le poème « Sécheresse » : après deux paragraphes descriptifs qui se terminent par un jugement et une décision, la sécheresse, après avoir été instituée comme allocutaire par le vocatif, fait l’objet de deux requêtes : dis-nous le choix de tes élus et sois-nous complice. De façon similaire, la section se termine par un paragraphe qui interpelle les genévriers et les ifs. Les sections suivantes font aussi une large part aux apostrophes et introduisent un deuxième allocutaire, le temps de Dieu, dont la sollicitude est elle aussi demandée.

Mais on voit sur ces exemples le rôle que la récurrence d’une telle structure syntaxique peut jouer dans la cohésion textuelle, en raison de sa place à l’initiale de la phrase, place marquée et occupée très souvent par des éléments cadratifs ou des topiques qui orientent la lecture. C’est sur ce second aspect des vocatifs que je vais à présent m’attarder.

Les vocatifs entre continuité et rupture

Les vocatifs constituent dans un énoncé un élément autonome, syntaxiquement facultatif [26], et dans l’usage non-littéraire, leur rôle est avant tout socio-discursif : ils indiquent par les termes employés quel type de relation relie locuteur et allocutaire (respect, affection, mépris, etc.) et ils sont par ailleurs un indice de tension énonciative dans la mesure où ils articulent l’énoncé sur la situation d’énonciation qui l’engendre. Nous avons vu dans la première partie que ce rôle énonciatif est aussi très important dans la poésie de Saint-John Perse, non pas pour informer l’allocutaire sur le positionnement du locuteur à son égard, mais pour faire évoluer progressivement la situation d’énonciation par l’introduction de relations interlocutives qui constituent le poète en tant que tel. Toutefois le rôle des vocatifs ne se limite pas à cela, et, dans un emploi qui ressortit typiquement au fonctionnement de l’écrit, ils contribuent de plusieurs façons à la cohésion textuelle.

Situés le plus souvent à l’initiale de la phrase [27] et plus encore à l’initiale d’un chant ou d’une section, les vocatifs fournissent souvent des renseignements sur le thème du passage, le mot de thème étant pris ici dans un sens non technique. Par exemple, dans Chronique, le changement de vocatif au début du chant IV – « Errants, ô Terre, nous rêvions… (p. 93) – nous montre que la vie n’est pas seulement rapport au temps mais aussi arpentage de l’espace, et que le poème est l’occasion d’explorer par le langage le nouveau territoire dans lequel Alexis Leger vient de s’installer. Comme le rappellent J. Gardes Tamine et alii [28] :

Si l’allusion au temps, Chronos, est la plus claire, la Terre est elle aussi célébrée. Dans la mythologie classique, Chronos n’a-t-il pas été confondu avec Cronos, le Titan père de Zeus, et fils de Gaia, la terre ? […] Et les deux aspects sont intimement liés, car si la mort individuelle n’est pas effrayante, si l’homme peut nourrir sa vie d’« outre-mort », c’est précisément parce qu’il est appuyé à la terre charruée de plissements, de strates, qui représente bien, elle, une forme d’éternité.

Le retour au chant VII de l’apostrophe à la terre (p. 99), le vocatif étant cette fois rapproché du mot « chronique », éponyme du livre, confirme que la terre est bien un des thèmes du poème au même titre que la vieillesse, et qu’elle est aussi marquée par le temps, mais à l’échelle géologique. Une même dualité thématique s’observe dans « Sécheresse » mais en quelque sorte inversée, et elle est elle aussi signalée par le jeu des vocatifs : dans la première moitié du poème, l’apostrophe à la sécheresse s’entrelace à d’autres qui ont en commun de référer à des éléments terrestres (arbres, sèves) et à la déesse Maïa, déesse de la fécondité [29], alors qu’elle alterne avec l’apostrophe au temps de Dieu dans la deuxième moitié du poème. Ce changement correspond à la transposition dans le domaine temporel – Brève la vie, brève la course, et la mort nous rançonne ! – de la rareté d’abord constatée au sein de l’espace méditerranéen. Le lien dialectique entre temps et espace établi dans Chronique et « Sécheresse » trouve ainsi son emblème dans les vocatifs qui scandent les deux textes : grand âge et terre d’une part, sécheresse et temps de Dieu d’autre part.

Si ces deux poèmes sont ainsi caractérisés thématiquement par un petit nombre de vocatifs récurrents, placés presque toujours en position initiale, on observe aussi dans Vents, où la diversité des référents des vocatifs est très grande et où beaucoup d’entre eux apparaissent en cours de section (cf. infra), que certains jouent néanmoins en début de section un rôle analogue à celui d’un titre, en donnant la tonalité du passage, sa thématique générale : tel est le cas des invocations à Eâ, dieu de l’abîme au début des sections 5 et 7 du chant I de Vents. Encadrant la section 6 dans laquelle, nous l’avons vu, le poète se constitue pleinement comme tel, les sections 5 et 7 se dressent comme des garde-fous destinés à prémunir le poète contre les dangers qui le guettent : il devra ne pas se retourner sur le passé dans des galas d’adieux (p. 20), ne pas céder aux tentations du doute, entretenir la brûlure de l’âme en méprisant la gloire et le pouvoir (p. 27), et, en renonçant provisoirement à la douceur dans une quête nietzschéenne de la force vitale, se garder de la tristesse (p. 28). L’invocation au dieu de l’abîme apparaît dans ce contexte comme une mise en garde à valeur conjuratoire qui oriente la lecture de la section.

Le vocatif peut aussi attirer l’attention sur un topique nouveau dans une structure originale où le début de la section poursuit un développement engagé dans la section précédente alors que l’énoncé au vocatif introduit une rupture thématique et réoriente le discours. Tel est le cas en II, 3 où la première laisse est dans la continuité de II, 2 tant dans son mouvement d’expansion que dans la liaison qui s’établit entre mutisme (dernier énoncé de la p. 36) et silence (premier énoncé de la p. 37), alors que l’apostrophe qui inaugure la deuxième laisse – Je te connais, ô Sud pareil au lit des fleuves infatués – introduit pour la première fois dans Vents l’univers du Sud des États-Unis [30]. La place du vocatif à droite ou à gauche de l’énoncé-noyau ne semble pas de ce point de vue jouer un rôle décisif. La tendance est plutôt d’utiliser les vocatifs gauches [31] pour introduire des éléments nouveaux et les incises et vocatifs droits pour rappeler des éléments déjà introduits [32], mais les phénomènes d’échos et de reprises brouillent parfois ces distinctions et les facteurs rythmiques semblent jouer un rôle prépondérant dans la place des vocatifs.

De façon générale, on peut dire que les vocatifs assurent à la fois la continuité et la rupture du poème persien :

  • ils sont concernés au premier chef par les répétitions qui caractérisent ces poèmes, et nombreux sont ceux qui figurent plus d’une fois et que nous avons déjà évoqués en raison de leur rôle énonciatif ou thématique ;
  • en dehors des répétitions, ils correspondent le plus souvent à l’introduction d’éléments nouveaux et de même que les sujets des verbes, qui s’inscrivent rarement dans une progression thématique prévisible, leur apparition obéit à des associations d’idées ou d’images qui font une large part à la discontinuité. Des cas comme celui de la page 23 où Divinités propices à l’éclosion des songes reprend comme allocutaire le topique de la laisse précédente, constituent à cet égard des exceptions.

Comme la conjonction et, étudiée par M. Favriaud [33], les vocatifs semblent ainsi être au service tantôt de la continuité, tantôt de la rupture. Ils offrent aussi un bon exemple de l’alternance entre amplification et concision caractéristique de l’écriture persienne [34] : si certains d’entre eux prennent une ampleur presque démesurée, notamment par l’adjonction d’appositions – ainsi Filles de veuves sur vos landes, ô chercheuses de morilles dans les bois de familles (p. 77) – , d’autres tirent toute leur force de leur brièveté : dans la même section, on peut citer le prénom Lia (p. 76) et l’abstrait prudence (p. 77), désignant des référents qui n’ont pas besoin d’être décrits, contrairement à l’exemple précédent où le vocatif conjugue interpellation et description.

Cette dernière opposition entre vocatifs descriptifs et vocatifs de dénomination [35] me semble beaucoup plus pertinente pour une étude des vocatifs persiens que celle qui distinguerait les vocatifs selon leur place ou la nature nouvelle ou déjà connue de leur référent. Elle permet notamment d’isoler un groupe un peu particulier de vocatifs de dénomination utilisés une seule fois mais dans des énoncés brefs présentant une structure récurrente : facilement mémorisables, ces énoncés brefs apparaissent comme des lieux où se cristallise la mémoire du texte et invitent le lecteur à aller et venir d’un chant à l’autre, d’une section à l’autre, en cherchant les liens qui les unissent. Volontiers énigmatiques, ces énoncés paraissent condenser en formules quasi magiques toute l’expérience évoquée dans les versets qui précèdent. J’en veux pour preuve le fait que les vocatifs y sont systématiquement en position droite, soit qu’ils réfèrent à une entité abstraite personnifiée, soit qu’ils désignent de façon métaphorique une entité déjà introduite dans le discours :

Nous t’épierons, colchique d’or ! (I, 6, p. 25)

Levant un doigt de chair dans la ruée du vent, j’interroge, Puissance ! (II, 2, p. 36)

Je t’interroge, plénitude ! (II, 2, p. 36)

« Je t’insulte, matière, illuminée d’onagres et de vierges : en toutes fosses de splendeur, en toutes châsses de ténèbre où le silence tend ses pièges. (III, 3, p. 54)

« Tu te révéleras ! chiffre nouveau : dans les diagrammes de la pierre et les indices de l’atome ; (III, 3, p. 55)

« Je t’ignore, litige. Et mon avis est que l’on vive ! (III, 5, p. 59)

« Je te chercherai, sourire, qui nous conduise un soir de mai mieux que l’enfance irréfutable. (III, 5, p. 60)

« Je te licencierai, logique, où s’estropiaient nos bêtes à l’entrave. (III, 5, p. 60)

« Tu te révéleras, chiffre perdu !… (III, 6, p. 62)

On aura observé que ces vocatifs vont presque tous par paires, soit à l’intérieur d’une même section où ils sont au service d’une cohésion locale (p. 36 et 60), soit, plus fréquemment, dans des sections souvent assez éloignées l’une de l’autre, sollicitant cette fois la mémoire à long terme du lecteur et jouant avec sa sagacité. En effet, aux pages 54 et 59 sont rapprochés la matière et le litige que suscite sa domestication dans l’énergie nucléaire, mais aux pages 55 et 62, le chiffre tour à tour nouveau et perdu renvoie à des référents différents, formule physique en III, 3, message spirituel en III, 6. Facilement mémorisables par la brièveté des énoncés où ils figurent et la rupture énonciative et rythmique qu’ils introduisent, ces vocatifs apparaissent comme des nœuds de tension énonciative mais surtout comme des lieux de condensation sémantique, et cela est particulièrement vrai du seul qui n’ait pas de pendant, ce colchique d’or dans lequel les commentateurs s’accordent à voir une allusion à l’éclat de la bombe atomique, au même titre d’ailleurs que les onagres (p. 54) et le souci (p. 55). Le parcours de cette liste nous montre que ces énoncés concentrent à la fois l’énergie énonciative de Vents (les actes de langage y ont tous une valeur illocutoire forte, qu’il s’agisse d’interrogations, de menaces ou de prédictions, et ils sont assumés par le je) et des éléments essentiels de la double thématique du poème : la conquête scientifique de la matière et le dilemme moral – litige – qu’elle fait naître d’une part, la quête d’une nouvelle poétique, qui préfère le sourire à la logique et vise à atteindre la puissance et la plénitude du verbe, d’autre part. Il me semble donc fondé d’affirmer que ces énoncés à vocatifs droits jouent un rôle décisif dans la cohésion sémantique du poème tout en illustrant par leur forme même la recherche par Saint-John Perse d’une efficacité poétique qui associe à l’ampleur des longues descriptions la concision percutante d’énoncés dont l’hermétisme ne peut être levé qu’en les mettant en résonance avec la totalité du poème.

Par ailleurs, du point de vue prosodique, ces énoncés se caractérisent par une inversion du schéma phrastique habituel où le prédicat vient en deuxième position après un segment initial thématique plus ou moins développé marqué par un intonème de continuation. Ici, au contraire, le prédicat vient en premier et il est porteur d’une modulation intonative s’achevant par un intonème conclusif, auquel se rajoute le vocatif, qui fait l’objet d’une intonation spécifique [36]. On retrouve dans cette antéposition du prédicat une structure analogue, mutatis mutandis, à celle des énoncés à attribut adjectival en première position que Saint-John Perse affectionne [37] et qui figure plusieurs fois dans notre corpus :

Maugréantes les mers sous l’étirement du soir, comme un tourment de bêtes onéreuses engorgées de leur lait. (p. 25).

Irritable la chair où le prurit de l’âme nous tient encore rebelles ! (p. 59).

Immortelle l’armoise que froisse notre main. » (p. 98).

« Irréprochable, ô terre, ta chronique, au regard du Censeur ! (p. 99).

Lancés en début d’énoncé, l’adjectif attribut antéposé ou le groupe clitiques + verbe des énoncés à vocatifs s’imposent à l’attention du lecteur par une attaque plus dynamique que lorsqu’un long préambule précède le rhème. Mais l’impact de ces structures vient peut-être principalement du contraste entre ces énoncés souvent fort brefs et surtout nettement coupés en deux par le détachement du vocatif, et les énoncés environnants, plus longs et à l’architecture plus complexe. Ce rôle de contraste rythmique joué par les énoncés contenant des vocatifs concerne aussi ceux où le vocatif est placé à gauche pour peu qu’il soit bref. On peut ainsi dans Chronique I opposer la brièveté et la binarité de Grand âge, nous voici (3/3) et de Lève la tête, homme du soir (4/4) à la complexité des autres énoncés, qui relèvent de la période oratoire.

Les vocatifs en incise viennent pour leur part interrompre le prédicat, disjoindre le verbe de ses compléments et redonner à chacun une certaine indépendance qui confère au verbe un accent propre. Ils concourent donc à une mise en valeur du verbe et du mouvement dont il est l’expression, mais leur placement libre joue aussi un rôle essentiel dans la constitution des cellules rythmiques caractéristiques du verset persien  :

[…]Guidez, ô chances, vers l’eau verte les grandes îles alluviales arrachées à leur fange ! (p. 39). (2/2/4// 4/4/6)

Dans cet exemple, la place de ô chances en incise crée une accentuation 2/2/4 que le deuxième membre de la phrase accentué 4/4/6 reproduit en l’amplifiant, alors que son placement à l’initiale aurait donné une structure 2/3/3 et affaibli le parallélisme phonique chances – grandes – fange.

Les vocatifs détachés à gauche sont, eux, souvent beaucoup plus amples, et leur rôle rythmique semble plutôt de retarder l’arrivée du prédicat et de créer par là une attente longtemps prolongée, comme on peut le voir dans l’exemple ci-dessous :

Chevaleries errantes par le monde à nos confins de pierre, ô déités en marche sous le heaume et le masque de fer, en quelles lices tenez-vous vos singuliers exploits ? (p. 54)

Mais, au-delà de ces phénomènes rythmiques que je n’ai pas le temps d’étudier en détail, tous les vocatifs ont ceci de commun qu’ils présupposent l’existence de leur référent tout en l’introduisant sur la scène énonciative du poème. Ils cumulent donc deux avantages contradictoires : ils apparaissent comme porteurs d’une mémoire de l’univers discursif qu’ils présentent comme déjà là avant leur profération et simultanément ils montrent les éléments de cet univers discursif dans leur surgissement sur la scène du poème. L’indiscutable évidence de leurs référents tient aux effets conjugués de la présupposition attachée à la référence définie et de la deixis ad oculos, d’où l’étonnante présence de ces entités qui ne doivent pourtant leur existence qu’au texte même. Celui-ci affiche ainsi dans l’usage des vocatifs le pouvoir non seulement de nomination mais aussi de convocation de l’énoncé poétique dès lors qu’il imite les conditions de l’échange oral direct sans abdiquer la possibilité de décrire en même temps qu’il interpelle. De la sorte, les rives futures non seulement existent déjà et résonnent sous les pas des voyageurs en embaumant la pierre nue et le varech des fonts nouveaux mais elles sont données comme des éléments appartenant à l’univers commun du poète et du lecteur, ce qui abolit de fait les distinctions entre passé, présent et futur : toutes futures qu’elles sont, ces rives émergent d’un arrière-fond partagé et deviennent présentes sur la scène du poème lors de leur invocation.

C’est pourquoi les vocatifs apparaissent aussi comme un outil privilégié pour introduire des éléments nouveaux sans les présenter au préalable, et pour asseoir la cohérence du texte non pas sur des progressions thématiques privilégiant la continuité de l’information et la permanence des topiques, mais sur des liens isotopiques entre des éléments multiples qui construisent un univers foisonnant et pourtant familier, ainsi qu’on peut le voir dans ce passage de Chronique :

« Nous en avions assez du doigt de craie sous l’équation sans maître… Et vous, nos grands Aînés, dans vos robes rigides, qui descendez les rampes immortelles avec vos grands livres de pierre, nous avons vu remuer vos lèvres dans la clarté du soir : vous n’avez dit le mot qui lève ni nous suive.

« Lucine errante sur les grèves pour l’enfantement des œuvres de la femme, il est d’autres naissances à quoi porter vos lampes !… Et Dieu l’aveugle luit dans le sel et dans la pierre noire, obsidienne ou granit. Et la roue tourne entre nos mains, comme au tambour de pierre de l’Aztèque. (p. 90).

Dans cet extrait, ni les vocatifs, ni les topiques des deux derniers énoncés ne peuvent s’inscrire dans une quelconque continuité thématique : les liens qui les unissent, outre l’énonciation qui les rattache au locuteur, relèvent uniquement de l’association d’idées, d’images [38], du savoir encyclopédique et du jeu de mots étymologique [39]. Saint-John Perse privilégie dans la construction grammaticale des textes la discontinuité, la juxtaposition des fragments, tout en assurant par le rythme, les images et les échos établis d’une section à l’autre, une unité qui ne doit guère à la logique mais beaucoup au tissage rhétorique et à la vitalité de l’imaginaire. Dans cette esthétique qui conjugue mouvement et répétition, rupture et entrelacement, les vocatifs jouent un rôle important aussi bien pour attirer l’attention sur des allocutaires éphémères que pour créer une mémoire rythmique et sémantique à l’échelle du poème entier.

Parvenue au terme de ce travail, je voudrais en souligner les enjeux pour une étude des formes du poétique. L’abondance des vocatifs dans les poèmes de Saint-John Perse montre tout d’abord que, même narrative et épique, cette poésie est d’abord une parole qui met aux prises un locuteur qui se présente comme poète et les forces cosmiques qu’il essaie de se concilier. Ceci manifeste une continuité entre la vision romantique de la poésie et celle qu’élabore Saint-John Perse et vérifie d’autre part le bien-fondé d’une approche énonciative de la poésie, qui essaie de décrire avec précision la scénographie construite par le poème en attachant beaucoup d’importance à des faits peu pris en compte par la critique, tels que les discours rapportés et le dédoublement du poète en deux instances distinctes. Par ailleurs, ce travail met en évidence les liens étroits entre énonciation et textualité : c’est un même effet à réception qui se dégage de l’emploi des vocatifs, qu’on les envisage comme des marques énonciatives dont la présence ou l’absence font varier l’importance du dire par rapport au dit, ou comme des marques de cohésion textuelle qui soulignent les articulations d’un texte, sa topique, ses points nodaux et ses écarts. C’est ainsi que se dessine une poétique paradoxale qui concilie multiplicité et continuité en employant des marqueurs de rupture à des fins de balisage de la cohésion textuelle et qui conjugue l’artificialité d’une scénographie dont les allocutaires sont entièrement construits par le poème avec le souci de s’adresser aux hommes de ce temps en leur tendant dans le vous un miroir où se reconnaître et dans le nous une haute figure dont la parole est proposée à leur méditation.


1

Michèle Monte, « L’apostrophe : prédicativité et valeurs illocutoires », in Les linguistiques du détachement (Actes du colloque de Nancy (juin 2006)), D. Apothéloz, B. Combettes et F. Neveu (éd.), à paraître.

2

Il y a 92 vocatifs dans Vents, 27 dans Chronique et 32 dans Chant pour un équinoxe, soit une moyenne approchée de 1,5 vocatif par page dans Vents, 2 par page dans Chronique et 3 par page dans Chant pour un équinoxe.

3

Le terme « poème » convient tout particulièrement à Vents et Chronique, conçus chacun comme un tout, Chant pour un équinoxe, en revanche, est plutôt un recueil de 4 poèmes. Pour simplifier, je parlerai de poèmes dans les trois cas.

4

En raison de l’importance des guillemets dans ces œuvres, je rapporterai en italique les passages cités et ne mettrai de guillemets que là où ils figurent dans le texte original.

5

Cf. notamment en I, 5 et II, 5.

6

Il arrive toutefois que ce nous réfère aux auditeurs du poète (cf. p. 13 et p. 61).

7

Cf. notamment à la p. 25, l’injonction Et toi, Poète, […] chante à l’antiphonaire des typhons, et à la p. 71 : C’est en ce point de ta rêverie que la chose survint […] Songe à cela plus tard, qu’il t’en souvienne ! On notera l’absence de guillemets dans ces passages où un locuteur non identifié interpelle le poète.

8

Cf. p. 12 « O toi, désir, qui vas chanter… » Et ne voilà-t-il pas déjà toute ma page elle-même bruissante ou p. 23 « Divinités propices à l’éclosion des songes, ce n’est pas vous que j’interpelle […] » ou p. 59 « Je t’ignore, litige. Et mon avis est que l’on vive ! […] ».

9

Cf. p. 13, 17, 23, 25, 27, 35, 54, 55, 59, 62, 74.

10

En I, 2, par exemple, on recense 5 énoncés cités, trois locuteurs cités – le Narrateur, le poète et l’Ecoutant –, deux locuteurs premiers – le nous et le je, et un allocutaire interne au discours cité et non identifié, le vous.

11

On aura noté l’abondance en IV, 2, des questions sans réponse à un tu qui est le double du poète, l’impasse des je me souviens et la tentation du néant sur quoi s’achève la dernière partie (p. 70).

12

Cf. p. 80, dans le discours du vent : « O fraîcheur, ô fraîcheur retrouvée parmi les sources du langage ! […]».

13

On trouve le mot rites à la p. 13 pour désigner les pratiques de divination mais aussi l’invocation de la faveur du dieu sur [le] poème.

14

J’appellerai ainsi un ensemble de versets isolé par un blanc de ceux qui précèdent ou qui suivent.

15

Sur le rôle de ô et l’évolution de son emploi en poésie du XVIe siècle à nos jours, on pourra lire Michèle Monte, « Ô + SN dans les textes poétiques : entre apostrophe et exclamation », Modèles linguistiques, 2005, t. 26-2, vol. 52.

16

Robert Vion, La Communication verbale, Paris, Hachette Supérieur, 1992, p. 243.

17

On sait qu’Amers comporte une partie intitulée Chœur.

18

Sur cet avènement de la force poétique, on pourra lire l’article très éclairant de Catherine Mayaux, « Vents, Architecture du poème : habiter un nouveau monde en poète », Méthode !, n° 11, 2006, p. 251-262.

19

Catherine Mayaux, « Vents, Architecture du poème… », p. 255.

20

On se souvient que ce terme est utilisé par les sémioticiens qui analysent les contes et distinguent plusieurs étapes dans la construction du héros : qualification, confirmation, glorification.

21

Elle sera réhabilitée en III, 4.

22

J’emprunte ce concept à Maingueneau qui le définit entre autres dans Le Discours littéraire, Paris, Armand Colin, (U), 2004.

23

On retrouve le même phénomène dans le chant VII de Chronique pour ô mémoire, qui apparaît d’abord dans un syntagme exclamatif, puis dans une apostrophe (p. 100). Pour une étude syntaxique détaillée de ces constructions, voir Michèle Monte, « Ô + SN dans les textes poétiques : entre apostrophe et exclamation », Modèles linguistiques, 2005, t. 26-2, vol. 52, p. 45-68.

24

Le « grand âge » ne se réduit certes pas à la vieillesse, il peut aussi désigner le cycle entier du temps, l’ensemble des époques embrassées par le poème, mais on peut aussi, comme je le fais ici, le prendre dans son sens le plus ordinaire, en adéquation avec l’époque où est composé le poème.

25

Claude Perez, « Le poème imaginaire : poème virtuel et poème actuel chez le dernier Saint-John Perse », Méthode !, n° 11, 2006, p. 311.

26

Franck Neveu, « La syntaxe des segments discontinus en fonction d’adresse », Modèles linguistiques, t. 26-2, vol. 52, 2005, p. 9-22.

27

Les vocatifs à l’initiale (ou employés seuls) constituent 54 % de l’ensemble, (mais 69 % dans Chronique et Chant pour un équinoxe contre 44% dans Vents et encore ce pourcentage est-il fortement gonflé par la répétition en anaphore de « Hiver (…) » en II, 2), les vocatifs en incise constituent 31 % de l’ensemble et les vocatifs en finale 15 %.

28

Joëlle Gardes Tamine et al,Saint-John Perse sans masque, lecture philologique de l’œuvre [2002], La Licorne, 77, 2006, p. 386.

29

Cf. Joëlle Gardes Tamine et al, Saint-John Perse sans masque…, p. 437, note 8.

30

On peut penser que Plus bas, plus bas, où les vents tièdes essaiment annonce la thématique du Sud.

31

Je parlerai par commodité de « vocatifs droits » ou « vocatifs gauches » pour désigner des vocatifs détachés à droite ou à gauche de l’énoncé-noyau.

32

On ne s’étonnera donc pas que, dans un poème long comme Vents, la proportion des vocatifs en incise et des vocatifs droits, assurant les reprises, soit plus forte que dans Chronique ou les poèmes composant Chant pour un équinoxe, où il est moins nécessaire de créer des rappels pour assurer la cohésion.

33

Michel Favriaud, « ET : signe clé de la poétique de Vents de Saint-John Perse ? », L’Information grammaticale, n° 111, 2006, p. 39-42.

34

Colette Camelin et Joëlle Gardes Tamine, Saint-John Perse, Vents,Chronique, Chant pour un équinoxe, Neuilly, Atlande (Clefs concours), 2006, p. 197-199.

35

Le nom abstrait fonctionne à cet égard comme le nom propre d’un référent qui prend volontiers la dimension allégorique d’une personnification.

36

Il y a débat pour savoir si l’intonème du vocatif droit est identique à celui des parenthétiques et des postrhèmes. Sur ces questions, cf. Mary-Annick Morel et Laurent Danon-Boileau, Grammaire de l’intonation. L’exemple du français, Paris, Ophrys, 1998 ; Mario Rossi, L’Intonation, le système du français : description et modélisation, Paris – Gap, Ophrys (L’essentiel français), 1999.

37

Je pense notamment à Étroits sont les vaisseaux dans Amers.

38

Sur les différentstypes d’images dans Chronique, cf. Claude Perez, « Le poème imaginaire… ».

39

Joëlle Gardes-Tamine et al, Saint-John Perse sans masque…, p. 389.