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Le prosaique dans
Hernani
Judith Wulf
Université Rennes
II – CERLAM
j.wulf@free.fr
Résumé : Le prosaïque chez
Hugo, dans Hernani, drame écrit en vers, relève moins
d’effets ponctuels (tel traitement du vers, tell élément lexical), que
d’une recherche global de contraste. Il n’est alors plus associé au
réalisme, et entraîne une distanciation, dont la visée est la
modification du public effectif au profit d’un public encore
virtuel.
Abstract : Hugo’s prosaic language in Hernani, drama written in verse, is not in limited effects (such treatment of the verse, such lexical item), but rather in a global way of contrasts. It is so no more associated with the realism effect, and finds its fulfilment in a way of distanciation, the aim of which is the modification of the audience.
Parmi les prises de
position esthétiques visant à promouvoir le drame contre l’ancienne
tragédie, la question de la prose apparaît comme centrale. Cette
réflexion se développe chez les premiers théoriciens du drame
bourgeois : qu’il s’agisse de Diderot, Beaumarchais ou Mercier, tous
insistent sur la nécessité de choisir la prose pour le drame. On
retrouve cette question à l’époque romantique, notamment chez Stendhal
qui appelait de ses vœux une « tragédie nationale en
prose » [1] . La position de Hugo est plus complexe : s’il
choisit d’écrire certains de ses drames en prose, il insiste dans la
préface de Cromwell sur l’importance du vers comme
« forme optique ». On attribue souvent cette position ambiguë à la
situation délicate d’un auteur partagé entre aspirations esthétiques
idéales et réalités pratiques de la représentation théâtrale. Si cet
aspect joue un rôle important dans l’écriture des drames, il ne
constitue pas une explication suffisante. Au-delà de cette esthétique
du « compromis », comme la nomme Anne Ubersfeld, la recherche d’une
articulation entre vers et prose, voire l’exploitation de la tension
entre les deux fait l’objet d’une véritable recherche stylistique,
particulièrement nette dans le cas d’Hernani. Après avoir
rappelé le cadre théorique du débat entre vers et prose pour le drame,
nous examinerons de manière plus détaillée les manifestations du
prosaïque dans Hernani, avant de nous intéresser aux
enjeux de cette question dans la perspective de la problématique de la
double énonciation dramatique.
Le cadre
théorique
Réalisme de la
prose
La question de
la prose au théâtre se pose dès les premières réflexions sur le
drame au XVIIIe siècle. Par opposition à la tragédie qui crée un
effet d’éloignement, par la représentation de sujets héroïques,
qu’ils soient historiques ou légendaires, par le choix de
personnages illustres et de thèmes nobles comme la justice ou
l’honneur, le drame propose des sujets qui se doivent d’intéresser
directement les contemporains. Beaumarchais explique ainsi que
« bien loin que l’éclat du rang augmente en moi l’intérêt que je
prends aux personnages tragiques, il y nuit au contraire. Plus
l’homme qui pâtit est d’un état qui se rapproche du mien, et plus
son malheur a de prise sur mon âme » [2] .
Se développe
ainsi une esthétique naturaliste qui s’oppose aux effets de
grandissements poétiques pour dépeindre une réalité plus
directement sociologique. Il s’agit de rendre compte de la vie
quotidienne dans ce qu’elle a de plus prosaïque à travers des
personnages qui ne sont plus des modèles mais des individualités
ancrées dans des problèmes de société. « Je ne me lasserai point
de crier à nos Français : La Vérité ! La Nature ! » écrit ainsi
Diderot dans les Entretiens avec Dorval sur Le Fils
naturel. Dans cette pièce, Diderot feint de reproduire un
texte écrit par les personnages eux-mêmes, afin de commémorer une
histoire qu’ils ont vécue :
Il ne s’agit
point d’élever ici des tréteaux, mais de conserver la mémoire d’un
événement qui nous touche, et de le rendre comme il s’est passé…
Les choses que nous avons dites, nous les redirons… « (Le
Fils naturel, « Epilogue »)
Pour Diderot,
le théâtre est avant tout un art d’imitation, un miroir proche de
la vie concrète dans son infime variété. Le succès du dispositif
repose avant tout sur des choix formels réalistes. Comme le
précise Beaumarchais, « le genre sérieux […] devant nous montrer
les hommes absolument tels qu’ils sont, ne peut pas se permettre
la plus légère liberté contre le langage, les mœurs ou le costume
de ceux qu’il met en scène » [3] . Le naturel au théâtre
est avant tout une question de langue et d’écriture :
Le genre
sérieux n’admet donc qu’un style simple, sans fleur ni
guirlandes : il doit tirer toute sa beauté du fond, de la texture,
de l’intérêt et de la marche du sujet. Comme il est aussi vrai que
la nature même, […] Je pense donc, comme M. Diderot, que le genre
sérieux doit s’écrire en prose. Je pense qu’il ne faut pas qu’elle
soit chargée d’ornements, et que l’élégance doit toujours y être
sacrifiée à l’énergie, lorsqu’on est forcé de choisir entre
elles.
Contrairement à
l’éloquence poétique de la tragédie, qui met à distance par des
effets de grandissement, d’amplification et de sacralisation, la
langue du drame doit se rendre plus accessible. Comme l’explique
Mercier :
Et pour la
récitation naturelle, combien la prose est préférable ! […] Qu’on
nous rende l’expression simple, animée, ainsi que la musique de la
nature, et que l’on bannisse les termes ampoulés et les
modulations artificielles [4] .
Illusion et
émotion
Ces réflexions
le soulignent, la question du langage dramatique ne se limite pas
à une simple querelle technique. Il s’agit d’envisager sous son
angle formel le problème de l’articulation entre réalité de la vie
et vérité de l’art. Chez les théoriciens du drame, l’illusion
dramatique n’est pas l’équivalent d’un mimétisme plat et le refus
du caractère artificiel de l’éloquence poétique n’est pas synonyme
de défaut de l’art. Comme le précise Mercier :
Il ne suffit
pas d’imiter la nature. Il faut choisir les objets, les traits
d’imitation. Elle ne doit pas être une copie froide et servile,
mais une peinture sage et éclairée, qui déguise la difformité et
ne laisse entrevoir que ce qui peut servir à l’ensemble et à
l’effet du tableau [5] .
Le choix d’un
langage naturel ne répond donc pas seulement à un critère
d’objectivité mais à des objectifs proprement esthétiques. Il
s’agit de sélectionner les formes qui produisent les effets les
plus utiles et les ressources de la prose se pensent donc avant
tout en termes d’émotion. Car l’enjeu du langage naturel est
d’ordre moral : si le spectateur ne se reconnaît pas dans ce qu’il
voit, il ne peut vraiment se sentir concerné, ce que souligne
Beaumarchais :
Que me font à
moi, sujet paisible d’un Etat monarchique du XVIIIe siècle, les
révolutions d’Athènes et de Rome ? Quel véritable intérêt puis-je
prendre à la mort d’un tyran du Péloponnèse ? au sacrifice d’une
jeune princesse en Aulide ? Il n’y a dans tout cela rien à voir
pour moi, aucune moralité qui me convienne. Car qu’est-ce que la
moralité ? C’est le résultat fructueux et l’application
personnelle des réflexions qu’un événement nous arrache. Qu’est-ce
que l’intérêt ? C’est le sentiment involontaire par lequel nous
nous adaptons cet événement, sentiment qui nous met en la place de
celui qui souffre, au milieu de sa situation.
Pour proposer
au spectateur un miroir dans lequel il puisse se reconnaître, le
drame parcourt toute la gamme des émotions vraies tout en
orientant la perception. Prenant pour modèle la représentation
picturale, Diderot propose « de saisir par la pensée les objets »
et de les « examiner à cette distance où ils ne sont ni trop près,
ni trop loin de moi » :
Appliquons ici
ce moyen. Prenons deux comédies, l’une dans le genre sérieux, et
l’autre dans le genre gai ; formons-en, scène à scène, deux
galeries de tableaux ; et voyons celle où nous nous promènerons le
plus longtemps et le plus volontiers ; où nous éprouverons les
sensations les plus fortes et les plus agréables ; et où nous
serons le plus pressé de retourner [6] .
« Ni trop près,
ni trop loin », l’expression souligne combien les choix formels se
pensent moins dans une logique d’adhésion complète que de réglage
de la représentation, réglage qui a lui-même des implications en
termes d’effets de réception. Mercier, lui-même partisan d’une
scène vériste, reconnaît que la représentation opère une sélection
dans la réalité et qu’un mimétisme intégral diluerait l’intérêt de
l’émotion.
Si l’illusion
était entière, parfaite et d’une durée continue, elle cesserait
d’être agréable […] c’est la secrète comparaison de l’art
rivalisant avec la nature qui fait le charme du théâtre [7] .
Le débat entre
vers et prose
C’est dans
cette perspective que prennent place les débats plus techniques
sur le choix du vers ou de la prose. Dans son Racine et
Shakespeare, Stendhal entreprend un réquisitoire contre le
vers classique, dont il dénonce la monotonie, l’artifice et la
convention : « De nos jours, écrit-il dans sa préface, le vers
alexandrin n’est le plus souvent qu’un cache sottise ». Il observe
que le vers, par son recours à une syntaxe spécifique, à une
diction soutenue, à une harmonie recherchée, déplace l’intérêt du
spectacle, substitue un « plaisir épique » au « plaisir
dramatique ». En altérant la jouissance dramatique au profit de la
jouissance poétique, l’admiration détruit l’illusion :
On me dit : le
vers est le beau idéal dans l’expression ; une pensée étant
donnée, le vers est la manière la plus belle de la rendre, la
manière dont elle fera le plus d’effet. Je nie cela pour la
tragédie, du moins pour celle qui tire ses effets de la peinture
exacte des mouvements de l’âme et des événements de la vie [8] .
Mais tous les
dramaturges romantiques n’opposent pas les deux systèmes de
manière hermétique. Dans sa Lettre à Lord *** qui
sert de préface à son édition du More de Venise,
adapté en vers pour le Théâtre Français, Vigny appelle de ses vœux
une technique qui permettrait de surmonter cette dichotomie, à
l’image d’autres systèmes linguistiques dans lesquels vers et
prose se mêlent harmonieusement. La langue anglaise, par exemple,
possède des propriétés qu’a exploitées le drame
shakespearien :
Nous ne sommes
pas assez heureux pour mêler dans la même scène la prose aux vers
blancs et aux vers rimés ; vous avez en Angleterre ces trois
octaves à parcourir, et elles ont entre elles une harmonie qui ne
peut s’établir en français.
Chez Hugo, la
position est encore plus complexe, dans la mesure où elle
correspond à plusieurs objectifs qui ne coïncident pas toujours
parfaitement. D’un côté il condamne le carcan artificiel du vers
classique, incapable de rendre compte des grandes évolutions
historiques : « A peuple nouveau, art nouveau » écrit-il dans la
préface d’Hernani ; de l’autre il refuse la prose
caractéristique du mélodrame conservateur ou du drame historique,
libéral, qui véhiculent des idéologies qu’il récuse [9] . Dans Hernani, tous les
personnages, qu’ils soient faibles ou puissants, roi ou bandit,
doivent pouvoir bénéficier d’une forme éclatante qui en rehausse
l’expression. Cette hésitation entre vers et prose se retrouve
dans une perspective esthétique : d’un côté le langage le plus
naturel est nécessaire pour empêcher le drame de se perdre dans
une perspective idéale ; mais de l’autre, seul le vers possède les
propriétés qui permettent d’organiser la représentation. C’est la
fameuse métaphore du vers comme « forme optique » qu’on trouve
dans la préface de Cromwell [10] :
Le vers est la
forme optique de la pensée. Voilà pourquoi il convient surtout à
la perspective scénique […] L’idée trempée dans le vers prend
soudain quelque chose de plus incisif et de plus éclatant. C’est
le fer qui devient acier.
On en arrive
ainsi chez Hugo à l’expression paradoxale d’un vers qui doit être
« aussi beau que de la prose ». Loin de pointer un défaut du vers,
comme c’est le cas dans la plupart des définitions de ce terme au
XIXe siècle [11] ,
le prosaïque chez Hugo apparaît ainsi comme un devenir de la
poésie.
Formes du
prosaïque
Drame et
théâtre
Hernani
marque un double infléchissement formel chez Hugo. En cherchant à
acquérir le statut de dramaturge à succès, le chef de file de
l’avant-garde poétique doit passer d’une forme propre au poème à
un mode d’expression qui convienne non seulement au drame mais
également au théâtre :
[…] la scène,
qui a ses lois d’optique et de concentration, modifiera cette
langue d’une certaine façon, mais sans y rien altérer d’essentiel.
Il faudra par exemple à la scène une prose aussi en saillie que
possible, très fermement sculptée, très nettement ciselée, ne
jetant aucune ombre douteuse sur la pensée, et presque en ronde
bosse ; il faudra à la scène un vers où les charnières soient
assez multipliées pour qu’on puisse les plier et les superposer à
toutes les formes les plus brusques et les plus saccadées du
dialogue et de la passion. La prose en relief, c’est un besoin du
théâtre ; le vers brisé, c’est un besoin du drame [12] .
Les exigences
qui en découlent sont de différents ordres : il s’agit tout
d’abord de bénéficier des avantages d’une forme qui n’est pas
envisagée comme l’instrument d’une éloquence régulée par le calcul
métrique mais comme un matériau plastique, capable d’exprimer les
flux de pensée du « songeur » [13]
:
La poésie comme
la science a une racine abstraite ; la science sort de là
chef-d’œuvre de métal de bois, de feu ou d’air, machine, navire,
locomotive, aéroscaphe. La poésie sort de là chef-d’œuvre de chair
et d’os, Iliade, Cantique des cantiques, Romancero, Divine
Comédie, Macbeth. Rien n’éveille et ne prolonge le saisissement du
songeur comme ces exfoliations mystérieuses de l’abstraction en
réalités dans la double région, l’une exacte, l’autre infinie, de
la pensée humaine. Région double, et une pourtant ; l’infini est
une exactitude. Le profond mot Nombre est à la base de la pensée
de l’homme ; il est, pour notre intelligence, élément ; il
signifie harmonie aussi bien que mathématique. Le nombre se révèle
à l’art par le rhythme, qui est le battement du cœur de l’infini.
Dans le rhythme, loi de l’ordre, on sent Dieu. Un vers est
nombreux comme une foule ; ses pieds marchent du pas cadencé d’une
légion. Sans le nombre, pas de science ; sans le nombre, pas de
poésie. La strophe, l’épopée, le drame, la palpitation tumultueuse
de l’homme, l’explosion de l’amour, l’irradiation de
l’imagination, toute cette nuée avec ses éclairs, la passion, le
mystérieux mot Nombre régit tout cela, ainsi que la géométrie et
l’arithmétique [14] .
Il s’agit
ensuite de la travailler afin de répondre aux exigences, associées
à la prose, de naturel et de souplesse d’une forme qui doit
s’adapter à la parole dramatique :
Le vers brisé
est en particulier un besoin du drame ; du moment où le naturel
s’est fait jour dans le langage théâtral, il lui a fallu un vers
qui pût parler. Le vers brisé est admirablement fait pour recevoir
la dose de prose que la poésie dramatique doit admettre. De là,
l’introduction de l’enjambement et la suppression de l’inversion,
partout où elle n’est pas une grâce et une beauté [15] .
Prose et vers
ne se conçoivent ainsi que dans un rapport d’échange dans lequel
chaque forme exploite les propriétés de l’autre. Hugo précise
ainsi dans la préface de Cromwell : « Au reste, que
le drame soit écrit en prose, qu’il soit écrit en vers, qu’il soit
écrit en vers et en prose, ce n’est là qu’une question
secondaire. »
Travail sur la
perception
Pratiquement,
dans Hernani, cette synthèse disjonctive qui articule
les formes hétérogènes de la prose et du vers se manifeste tout
d’abord dans le choix de coupes énonciatives, beaucoup plus
variées dans leur distribution qu’elles ne l’étaient par le passé.
Comme l’explique Jean-Michel Gouvard :
Ce premier
procédé, aussi modeste soit-il puisqu’il n’attaque pas à
proprement parler la structure métrique du vers, avait au moins
pour effet, lors de la représentation, d’estomper voire d’effacer
les ictus nécessaires à la réalisation, par le comédien, et à
l’aperception, par le spectateur, de la césure médiane et de la
fin de vers [16] .
Lorsque la non
coïncidence entre l’organisation métrique de l’alexandrin et
l’organisation syntactico-sémantique de la phrase se fait en
faveur de la seconde, cela produit un mode d’expression plus
naturel et plus proche de celui de la prose. On peut distinguer
différents cas de figure. Lorsqu’un substantif est en jeu, l’effet
de discordance est accentué dans un objectif d’expressivité :
« Défends-toi donc. – Je suis // votre seigneur le roi. » (
Hernani
, v. 584)« Détrompe-toi. Je suis // une force qui va. » (
Hernani
, v. 992)
Ces exemples
illustrent bien la métaphore du vers comme « forme optique de la
pensée », par opposition au « beau vers » bien calculé de
l’éloquence classique. C’est donc moins le naturel d’une
organisation syntaxique proche de la langue parlée qui est ici
intéressante que la mise en relief premièrement d’un substantif
clé et deuxièmement du vers être, très fréquente dans
les drames, qui posent avant tout la question de l’identité.
Mais dans
d’autres cas, c’est bien la structure syntactico-sémantique qui
est mise à l’honneur. C’est le cas notamment lorsque qu’une forme
verbale complexe se retrouve à cheval sur la césure : « Que
volontiers, je l’eusse été cherché plus loin » (548). Mais loin
d’être bien distincts, ces deux cas de figure se combinent
souvent : « Je te tiens, toi que j’ai si longtemps poursuivie »
(1629). Dans cet exemple, l’organisation syntagmatique unifiée
tend à effacer l’organisation métrique, qui en même temps soutient
des effets de sens intéressants : isoler l’auxiliaire
avoir avant la césure le rapproche de son emploi comme
verbe plein et pointe l’idée de possession [17] .
Cet effet est accentué dans le cas des ruptures énonciatives, qui
mettent en relief le rythme d’une parole dialoguée :
DOÑA
JOSEFA. Oui. DON CARLOS. Cache-moi céans ! DOÑA
JOSEFA Vous ! DON CARLOS. Moi. DOÑA JOSEFA
Pourquoi ? DON CARLOS. Pour rien.
Si la forte
pause entre les deuxième et troisième répliques maintient une
coupe médiane assimilable à une césure, elle se trouve fortement
« concurrencée par les ruptures énonciatives induites par les
changements de locuteurs, ce qui rend nécessairement l’aperception
de la forme alexandrine plus difficile pour le spectateur », comme
le précise Jean-Michel Gouvard [18] .
Comme le
soulignent ces exemples, il n’y a pas vraiment d’opposition entre
le prosaïque et le poétique mais une interpénétration des deux,
les propriétés de chacun des systèmes étant exploitées soit en
alternance, soit de manière antithétique, selon un principe
proprement dramatique, soit même de manière conjointe pour plus de
force.
D’autres
phénomènes très fréquents sont caractéristiques d’un travail de la
langue du dialogue dramatique, qui estompe le poétique au profit
d’une manière de parler plus naturelle. Il s’agit de l’utilisation
des présentatifs et des phrases nominales, qui tendent à
simplifier la structure syntaxique et à la réorganiser autour du
substantif clef :
« C’est l’Allemagne, c’est la Flandre, c’est l’Espagne. » (v. 1769)C’est la noce des morts ! La noce des tombeaux ! (III, 4, v. 700)Ensemble ! Non, non ; l’heure en est passée ! Hélas ! (II, 4, v.-647)
L’allègement
des repères syntaxiques propres à l’écrit peut également s’appuyer
sur la répétition de termes clefs et plus particulièrement sur les
phénomènes de reprise en écho :
DON
SANCHEZ L’empereur aujourd’hui Est triste. Le Luther lui
donne de l’ennui.DON RICARDO Ce Luther ! Beau sujet de soucis
et d’alarmes ! Que j’en finirais vite avec quatre gens
d’armes !DON MATIAS Le Soliman aussi lui fait ombre.DON
GARCI Ah ! Luther, Soliman, Neptunus, le diable et
Jupiter, Que me font ces gens là ? (V, 1, v. 1837-1843)
Par opposition
à l’anaphore démonstrative « ce Luther » au vers 1839 qui, dans le
cadre de l’enchaînement des répliques, se contente d’assurer la
continuité thématique, la reprise-écho « Luther / Soliman », aux
vers 1841-1842, propose un mode de segmentation plus ouvert du
discours. En l’absence d’outil grammatical marquant le lien comme
dans l’anaphore, la reprise en écho incarne à elle seule le
rapport de dépendance, ce qui lui donne un statut perceptif tout
en permettant une plus grande souplesse interprétative.
On le comprend,
ces procédés qui introduisent une tension prosaïque dans le vers
visent moins à compliquer le travail du poète romantique qu’à
simplifier, à réception, l’écoute du public des théâtres.
Contrairement à la tragédie classique qui, s’adressant à un public
de connaisseurs, apporte un soin tout particulier au travail du
vers, et dans une perspective très différente du
Cromwell qui, comme beaucoup de pièces de la fin des années
1820, est un théâtre à lire, expérimental, privilégiant les
hardiesses techniques susceptibles de plaire à des jeunes poètes
d’avant-garde, Hernani est écrit pour être joué et sa
conception cherche à tenir compte des contraintes de la
représentation devant un large public.
Prosaïque et
déplacement des polarités axiologiques.
Si cette
première tendance prosaïque joue plus sur la perception que sur la
provocation, il en existe une seconde, dont la visée est
clairement plus déstabilisante. Contrairement à la tragédie qui
représente un héros aux prises avec l’ordre social pour mieux
conforter ce dernier, le drame cherche à remettre en cause des
fondements injustes. L’introduction du prosaïque, compris par
opposition à la noblesse et à l’élévation du poétique, joue un
rôle important dans ce dispositif. « Le roi s’exprime souvent
comme un bandit, le bandit traite le roi comme un brigand. La
fille d’un grand d’Espagne n’est qu’une dévergondée, sans dignité
ni pudeur, etc [19] . », s’exclame le censeur
Brifaut. Ce n’est pas le prosaïque en soi qui choque, mais son
association inadaptée au rang du personnage. Comme le note Guy
Rosa, la révolution opérée par Hugo dans la langue littéraire
« transgresse essentiellement la hiérarchie des genres ; tel
vocable proscrit de la tragédie est bienvenu en prose ou dans les
vers burlesques et accepté en comédie – parce que les bourgeois ne
sauraient parler la langue des princes et des seigneurs » [20]
.
A réception, ce
sont ces marques du prosaïque qui d’ailleurs ont choqué le public,
beaucoup plus que le traitement du vers. Comme l’explique Olivier
Bara dans son article sur la malséance dans Hernani
[21]
« les marques de prosaïsme sont […] impitoyablement dénoncées par
un rire, un ricanement ou un sifflet, du « Vous devez avoir
froid » de doña Sol à Hernani, en passant par « Josefa, fais
sécher son manteau » (acte I, scène II), à « Je rallume les feux,
je rouvre les croisées / Je fais arracher l’herbe au pavé de la
cour » (acte V, scène III). Métaphores et comparaisons jugées trop
concrètes pour se rapporter au sentiment ou à la passion évoqués
subissent le même sort, l’alliage de l’abstrait et du concret
rompant avec l’ordre classique : « La vengeance est boiteuse, elle
vient à pas lents » (acte II, scène III), « Dérision ! que cet
amour boiteux » (acte III, scène I), « Ont un amour qui mue ainsi
que leur plumage » (acte III, scène I). Le « matérialisme »
insupportable du dramaturge consiste ici à substituer l’objet à
l’idée, ou à lester les plus hautes valeurs d’un poids matériel
qui les fait symboliquement choir : « J’ai laissé tomber ce titre…
Ramassez » (acte II, scène I) déclenche « mouvements et
sifflets ». Le scandale est franchement politique, comme lorsque
la Toison d’or se mue en « mouton d’or qu’on va se pendre au cou »
(acte I, scène IV).
Prosaïque et
double énonciation
On le comprend,
le prosaïque dans Hernani ne correspond pas à un fait
identifiable une fois pour toutes, pas plus qu’il ne répond à telle
ou telle fonction fixée a priori. A ce titre, il s’agit
moins d’un universel qu’on pourrait étudier dans une perspective
typologique, que d’un effet de contraste qui tire sa portée du
contexte d’écriture et de réception dans lequel il s’insère.
Prosaïque et
contraste
C’est pourquoi
le prosaïque n’est pas synonyme de réalisme dans le drame
hugolien. En cela il s’inscrit bien dans la théorie de Hugo, qui
précise dès la préface de Cromwell que si le théâtre
est un miroir de la société, le reflet qu’il renvoie fait l’objet
d’une déformation : « Le théâtre est un point d’optique. Tout ce
qui existe dans le monde, dans l’histoire, dans la vie, dans
l’homme, tout doit et peut s’y réfléchir, mais sous la baguette
magique de l’art. »
Si Hugo reprend
bien l’idée de Diderot selon laquelle le mélange des genres et des
registres a pour objectif un théâtre qui parle du réel, c’est en
accentuant les oppositions à l’œuvre dans le monde que le drame
peut avoir une action sur le spectateur et la société. Dans cette
perspective, le prosaïque est un des ressorts du grotesque comme
rupture. Le vers dans Hernani s’accorde bien à
l’expression de la grandeur impériale et de l’honneur castillan
pour reprendre le sous-titre de la pièce en 1830. La présence
simultanée de formes d’expression prosaïques dans le drame
remettant en cause l’unité de la représentation a pour conséquence
de subvertir toute vision centrée autour d’une position
idéologique monologique. Contrairement au mélodrame qui propose
une morale univoque et même au drame bourgeois dont l’objectif est
largement didactique, le drame hugolien pose davantage de
questions qu’il n’en résout et laisse au spectateur le soin
d’interroger le système de valeurs qui lui est présenté. Alors que
le prosaïque dans le drame bourgeois favorise la représentation de
types sociaux ordinaires, le prosaïque du drame hugolien recherche
le décentrement qu’incarnent des lignes de fuite.
Mais de manière
encore plus prononcée, dans Hernani, le prosaïque
intervient en relation avec un autre aspect du grotesque, son
fonctionnement contrastif. Largement développée dans la préface
de Cromwell [22] ,
cette idée rejoint les réflexions esthétiques sur les effets de
l’art dramatique, notamment sur le vers comme forme optique. Le
prosaïque lui aussi met en relief tout en garantissant le théâtre
contre une fuite définitive dans l’idéal poétique. Comme
l’explique Claude Millet, « le théâtre a besoin du vers pour se
démarquer du réel ; le drame a besoin du vers brisé – ou « vers
prosaïque », comme on l’appelle aussi à l’époque - pour faire
entrer le réel dans ce pays qui n’est pas le pays du réel, le
théâtre » [23]
. La valeur, dans le théâtre de Hugo, ne se révèle que par
opposition à son négatif, mais surtout ne « devient active que par
sa migration » dans un espace qui la « dégrade ». Comme le
souligne Anne Ubersfeld, « sans cette inscription, elle
n’est rien, elle n’est pas visible » [24] . Cet aspect est particulièrement
net lorsque le prosaïque sert de contrepoint au lyrisme. Comme le
précise Olivier Decroix, « la parole lyrique amoureuse, par
exemple, ne s’entend et ne se comprend que relativement à ce qui
l’entoure. Or ce qui l’entoure la dégrade, la met à distance.
Cette complexité ressortit au brouillage des frontières textuelles
comme à leur mise en valeur » [25] . L’espace problématique que
circonscrit la parole lyrique nous amène ainsi à considérer la
frontière poreuse qui adosse le prosaïque, au lyrique. L’exemple
du duo de la scène III du dernier acte est à ce titre
caractéristique : sans les allusions grivoises des deux scènes
précédentes, qui participent d’un prosaïsme évident [26] , le
contraste ne nourrirait pas le sublime du début de la scène III,
et, de même, le désir physique évident d’Hernani derrière la
métaphore du volcan aux « gouffres entrouverts » (v. 1909) ne
serait pas si explicite. Dans ce passage, l’alexandrin divisé
traduit le malentendu complet et la rupture avec le lyrisme
traditionnel. C’est un autre lyrisme qui se donne à voir ici,
mêlé, un lyrisme négatif, signalant un débrayage du contrat de
communication. Par un effet de montage proprement dramatique, ni
l’émotion idéalisée, ni les réflexions triviales associées aux
différents personnages n’emportent directement le spectateur qui
doit trouver un réglage qui lui est propre, entre distance et
adhésion.
Prosaïque et
utopie de la parole
On le comprend,
le prosaïque n’a pas la même portée lorsqu’on l’envisage dans le
cadre d’une dialogie interne ou externe. On le sait, Hugo exploite
de manière particulièrement importante le dédoublement des niveaux
énonciatifs qui caractérise le schéma dramaturgique [27] .
Si l’on reprend
les analyses ci-dessus, on voit que, au niveau 2 (celui du
dialogue entre les personnages), le prosaïque remet en cause le
principe de convenance, tandis qu’au niveau 1 (celui de la
communication entre dramaturge et spectateur/lecteur), il
contribue à régler les perceptions du spectateur. Or, le problème
est que ce niveau 1 qui schématise la relation entre dramaturge et
public reste théorique en 1830. C’est ce qu’Anne Ubersfeld
qualifie de « dramaturgie de la vaine parole ». Comme elle le
précise, « la première des caractéristiques du discours hugolien,
c’est d’être un discours sans destinataire ou parlé à qui ne peut
ou ne veut entendre » [28] . Cet aspect est
particulièrement sensible pour les passages prosaïques qui
participent très souvent à des effets de discordance ou de
décentrement de la parole. Est-ce un moyen d’exhiber le trope
communicationnel pour mieux favoriser la relation avec le
spectateur ? Là encore, le problème subsiste. Car en 1830, le
public que vise le discours hugolien n’existe pas et celui auquel
il s’adresse de fait, le public bourgeois des théâtres, ne peut
l’entendre. C’est pourquoi les rapports énonciatifs qui sont
représentés dans la pièce relèvent d’une sous-énonciation
généralisée, dans la mesure où le point de vue qui s’exprime n’est
jamais « interactionnellement dominant » [29] .
Le paradoxe de
cette parole dramatique est donc qu’elle reste à l’état de
possible ou plutôt qu’elle est à construire. Or le travail du
prosaïque joue un rôle important dans cette utopie pragmatique. Il
permet en effet des mécanismes d’opacification qui ne sont pas les
mêmes que dans le dispositif poétique tel qu’il se présente dans
la tragédie. Comme l’explique Alain Vaillant dans son article sur
le vers, « les mots de la tragédie sont tout entiers consacrés à
leur fonction de représentation de l’en dehors substantiel du
langage, de la masse dense des passions, des conflits de pouvoir
ou de devoir, des fatalités divines, psychologiques ou sociales.
Et il suffit que les mots ne parviennent plus à s’effacer devant
les choses pour que le charme tragique cesse brutalement
d’opérer : ce qui arrive à l’époque romantique, lorsque la
fastueuse éloquence du théâtre classique, à la fois trop visible
et trop figée, en vient à ennuyer ou à amuser » [30]
. Au contraire, le tropisme prosaïque comme élément contrastif
opacifie le langage dramatique et, exhibant la non-coïncidence
dans un mouvement réflexif, force le public à faire retour sur
lui-même et à interroger son propre système de valeurs. Dans cette
perspective, on décèle un troisième mode de fonctionnement du
prosaïque qui vise non pas une réception immédiate mais qui
dessine les contours d’un possible de réception.
Pour conclure,
je dirais que comme souvent chez Hugo, la manifestation formelle
du prosaïque va bien au-delà de sa théorie de la prose dans le
drame. Loin d’être un universel abstrait qui pourrait faire
l’objet d’une typologie, sa portée varie selon les contextes et se
configure en fonction de l’environnement dans lequel il s’insère.
Tour à tour support d’émotions vraies et principe de
distanciation, il a moins une fonction positive qu’il ne sert de
contrepoint dynamisant et secondaire au flux principal qui reste
largement poétique dans Hernani. En cela, il insuffle
au drame la plasticité nécessaire à sa réception par un public
encore largement virtuel en 1830.
1 | Souligné par
l’auteur (Racine et Shakespeare II [1825], début de la
lettre VI. | 2 | Beaumarchais, Essai sur le genre dramatique
sérieux. | 3 | Ibid. | 4 | Du Théâtre ou Nouvel Essai sur l’art
dramatique. | 5 | Ibid. | 6 | De la poésie dramatique. II. De la comédie
sérieuse. | 7 | Du théâtre ou Nouvel essai
sur l’art dramatique. | 8 | Racine et
Shakespeare. | 9 | Comme l’explique Anne
Ubersfeld : « La notion de la liberté de l’art, cette subversion
des règles-entraves se rattache à la liberté carnavalesque,
libération des codes culturels. La première victime de cette
démarche de destruction est évidemment le code tragique. Mais il
est essentiel de comprendre que la justification de l’usage du
vers n’a d’autre sens que la crainte de tomber tête baissée par la
subversion du code tragique, sous la domination d’un autre code,
celui du mélodrame (ou du drame bourgeois) : le maintien de la
forme poétique est, par rapport aux codes, distance et inversion.
(A. Ubersfeld, Le roi et le Bouffon, Paris, J. Corti,
1974, p. 579). | 10 | On trouve déjà chez Beaumarchais l’idée que, dans
certains cas, la poésie permet des réglages que la prose ne rend
pas possibles : « Son langage trop vrai et trop voisin de nous est
comme l’atelier du sculpteur, où tout est colossal. La poésie est
le vrai piédestal qui met ces groupes énormes au point d’optique
favorable à l’œil » (Sur le Genre dramatique
sérieux). | 11 | Voir
Gérard Dessons, « Prose, prosaïque, prosaïsme »,
Semen, 16, Rythme de la prose, 2003. | 12 | Littérature et philosophies
mêlées, But de cette publication. | 13 | Voir l’article de Claude Millet, « Figures du
rythme », disponible sur le site du Groupe de recherche sur Victor
Hugo (Université Paris 7) :
http://groupugo.div.jussieu.fr/Groupugo/05-10-22Millet.htm | 14 | William Shakespeare. | 15 | Victor Hugo, « Lettre à
l’auteur », daté de Saint-Mandé, 16 mai 1843, dans Wilhem
Ténint, Prosodie de l’école moderne, Paris, Didier,
1844. | 16 |
« L’alexandrin d’Hernani. Étude des procédés de
dislocation du vers dans le théâtre de Victor Hugo », C. Reggiani,
C. Stolz, L. Susini (dir.), Styles, Genres, Auteurs,
n° 8, 2008, p. 190. | 17 | On retrouve le même type
d’ambiguïté dans la plupart des exemples de locutions et de
périphrases verbales à cheval sur la césure : soit on envisage
l’unité syntaxique que forme la périphrase et on oublie en partie
la césure, soit cette dernière permet de mettre en avant dans son
sens plein le premier constituant, surtout quand il évoque une
thématique importante, séparation, devoir, essence etc. | 18 | « L’alexandrin d’Hernani. Étude des procédés de
dislocation du vers dans le théâtre de Victor Hugo »…,
p. 166-167. | 19 | Le
censeur retrouve ici le vocabulaire des adversaires du
Cid lors de la Querelle : Chimène, coupable de recevoir
nuitamment le meurtrier de son père, était déjà qualifiée
d’« impudique » par Scudéry. | 20 | osa « Hugo et l’alexandrin de théâtre aux
années 30 : une “question secondaire” », Groupe Hugo du 10 avril
1999,
http://groupugo.div.jussieu.fr/Groupugo/99-09-18Rosa.htm. | 21 | « La malséance au
théâtre (1830-1838). Hernani, Ruy Blas et le
public », in Lectures du théâtre de Victor Hugo : Hernani,
Ruy Blas, J. Wulf (dir.), Rennes, PUR, 2008, p. 40. | 22 | « Nous serons peut-être tout à l’heure amené par
notre sujet à signaler en passant quelques traits de ce vaste
tableau. Nous dirons seulement ici que, comme objectif auprès du
sublime, comme moyen de contraste, le grotesque est, selon nous,
la plus riche source que la nature puisse ouvrir à l’art. Rubens
le comprenait sans doute ainsi, lorsqu’il se plaisait à mêler à
des déroulements de pompes royales, à des couronnements, à
d’éclatantes cérémonies, quelque hideuse figure de nain de cour.
Cette beauté universelle que l’antiquité répandait solennellement
sur tout n’était pas sans monotonie ; la même impression, toujours
répétée, peut fatiguer à la longue. Le sublime sur le sublime
produit malaisément un contraste, et l’on a besoin de se reposer
de tout, même du beau. Il semble, au contraire, que le grotesque
soit un temps d’arrêt, un terme de comparaison, un point de départ
d’où l’on s’élève vers le beau avec une perception plus fraîche et
plus excitée. La salamandre fait ressortir l’ondine ; le gnome
embellit le sylphe. » (Préface de Cromwell). | 23 | « Poétique
du drame en prose », Groupe Hugo du 17 mars 2007,
http://groupugo.div.jussieu.fr/Groupugo/07-03-17Millet.htm. | 24 | Le roi et le
Bouffon, p. 564. | 25 | « Le lyrisme dans Hernani,
l’écriture d’une quête mélancolique », in Lectures du
théâtre de Victor Hugo. Hernani, Ruy Blas, J. Wulf (dir.),
Rennes, PUR, 2008, p. 75. | 26 | Par exemple, acte V,
scène II, don Francisco s’écrie devant les amoureux : « Qu’il va
se passer là de gracieuses choses ! / Être fée, et tout voir, feux
éteints, portes closes, / Serait-ce pas charmant ? » « Le charme
sera autre », comme le souligne Olivier Decroix. | 27 | Rappelons que la « double
énonciation » oppose d’un côté deux émetteurs, le dramaturge et
les personnages, avec, deux récepteurs distincts, le
spectateur/lecteur et les allocutaires personnages. (Sur ce point,
voir C. Kerbrat-Orrechionni, « Pour une approche pragmatique du
dialogue théâtral », Pratiques, n° 41, Metz, 1 984).
Si l’on intègre la dimension scénique, les niveaux énonciatifs ne
sont plus doubles mais triples, d’un côté le scripteur, le
personnage et l’acteur, de l’autre l’acteur, le personnage et le
spectateur (voir A. Ubersfeld, Lire le théâtre,
Paris, Belin, 1996, p. 9-10). | 28 | Ibid., p. 662. | 29 | Comme l’explique
A. Rabatel, « il n’y a pas d’intérêt à plaquer l’énonciateur sur
le locuteur dans la mesure où cela laisse penser que que toute
co-énonciation repose sur une colocution. Or le théâtre est
précisément un genre qui institutionnalise cette déliaison des
instances, car il n’y a pas co-locution entre le public et le
metteur en scène : il y a certes de la communication entre eux
par-dessus la tête des personnages mais elle repose sur un
phénomène de sur ou de sous énonciation sans colocution » (« Le
problème du point de vue dans le texte de théâtre »,
Pratiques, n° 119-120, 2003, p. 14). | 30 | « Victor Hugo, le vers et
la scène », in Lectures du théâtre de Victor Hugo : Hernani,
Ruy Blas, J. Wulf (dir.), Rennes, PUR, 2008, p. 61. |
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