Dossier : Genres littéraires et pratiques énonciatives


Les narrateurs en scène
l'héritage romanesque
d'En Attendant Godot, Fin de Partie, Oh les Beaux Jours

Matthieu Protin

Doctorant, Université Paris 3 Sorbonne Nouvelle
EA 3959 IRET

matthieuprotin@gmail.com

Résumé :
S'il n'y a « rien à faire » dans le théâtre de Beckett, il y a en revanche beaucoup à raconter. De l'évangile selon Vladimir en passant par le roman de Hamm au « babil sans âme » de Winnie, nous étudions l'importance du récit dans En attendant Godot, Fin de partie et Oh les beaux jours et les conséquences génériques de celle-ci. Après avoir vu le rapport thématique qui se dessine entre les romans de Beckett et ses pièces, nous nous intéressons aux manifestations et aux traitements de l'héritage romanesque dans les trois œuvres, en nous concentrant sur la relation ambigüe qui unit mode narratif et mode dramatique. Les conséquences de cette relation entre mode narratif et mode dramatique nous conduisent également à questionner le statut de l'énonciateur dans les didascalies et plus largement à interroger ses conséquences sur la question du genre littéraire.

Abstract :
My purpose is to question the importance of narrative in a theater where, as Estragon states it at the beginning of Waiting for Godot, « There is nothing to show ». This importance seems directly linked to the fact that Beckett is firstly a novelist. Therefore, finding echoes from his novels in his plays by the similarity of the themes dealt with doesn't really surprise. What is more surprising, is when what seems to be so specifically novelistic, the narrative, also becomes a very important part of the plays. The three plays studied in this paper, Oh les Beaux jours, En attendant Godot, Fin de Partie, are stylistically marked by this novelistic heritage, which can be found in the telling of the different characters : Vladimir's Gospel, Hamm's Novel, Winnie's story. The narrators are on stage. This tension between dramatic and narrative elements tackles generic issues, which may help us to understand the specificity of Beckett's dramatic writing. The show may be over, there still is a lot to tell…

Oh je sais que vous ne m’écoutez que d’une oreille distraite, et même agacée, mais cela m’est égal. Car je suis vieux et le seul plaisir qu’il me reste, c’est de rappeler, à haute voix et dans le style noble que je hais les beaux jours qui ne risquent heureusement pas de revenir [1].

S'il n'y a « rien à faire » [2] dans le théâtre de Beckett, il y a en revanche beaucoup à raconter. Davantage que par un « vouloir-faire », les personnages des drames de Beckett sont portés par un « vouloir-dire » [3]. Ils peuvent alors être perçus comme les équivalents scéniques des narrateurs beckettiens, Molloy, Malone, Moran et autres énonciateurs plus ou moins identifiables. La claustration scénique redouble la situation d'énonciation de la plupart des narrateurs. Ces derniers racontent dans une pièce, leur chambre ou celle de leur mère : « Je suis dans la chambre de ma mère. C'est moi qui y vis maintenant. Je ne sais pas comment j'y suis arrivé. Dans une ambulance peut-être, un véhicule quelconque certainement. […] Je couche dans son lit. Je fais dans son vase. J'ai pris sa place. » [4] De la pièce, lieu, à la pièce, genre, quels bouleversements engendre cet héritage romanesque ?

Le personnage narrateur n'est pas une rareté : la scène classique abonde en récits. La singularité de l'irruption du récit dans le théâtre de Beckett est double : elle s'accompagne de références romanesques [5] et est le fait d'un auteur romancier avant d'être dramaturge. Ce rapport entre mode narratif et mode dramatique se révèle l'une des perspectives privilégiées des critiques beckettiens [6] pour aborder « le dernier théâtre » de Beckett, ou son « Théâtre III » pour reprendre la distinction proposée par Catherine Naugrette [7]. Nous nous proposons alors de reporter cette interrogation sur un mélange générique du théâtre III sur le théâtre I, auquel En Attendant Godot (EAG) et Fin de Partie (FP) appartiennent, et sur le second théâtre, Oh les Beaux Jours (OBJ), marqué par la réduction du personnel dramatique et une inflation du monologue aux dépens du dialogue.

Longtemps ressenti comme un danger, le récit au théâtre s'est depuis prolongé dans le drame contemporain par le phénomène d'épicisation. Entre mise en péril et innovation, le genre théâtral emploie ici des techniques romanesques à ses risques et périls, ainsi que le rappelle le spectateur d’Eleuthéria : « Les histoires, ça ne se raconte pas impunément. » [8]

Échos du roman, inflation du narratif : le théâtre, poursuite du roman par d'autres moyens ?

Chacune des pièces établit, à sa façon, un rapport d'ordre thématique avec des romans ou des nouvelles de Beckett, conduisant à chercher entre ces genres une relation privilégiée. Le cas le plus évident de filiation romanesque concerne paradoxalement la pièce la plus pauvre en récits. Mercier et Camier (MC) raconte le voyage de deux personnages annonçant Vladimir et Estragon, non seulement par leur condition sociale de vagabonds, mais aussi par leur dialogue. Les interdits régissant leurs discussions, « C’est que mon rêve m’avait repris, dit Mercier. / Oui, dit Camier, au lieu de m’écouter tu ne penses qu’à me raconter ton rêve. Tu n’ignores cependant pas ce que nous avons arrêté à ce sujet : pas de récits de rêve, sous aucun prétexte. » [9], se retrouvent dans la pièce : « E - J’ai fait un rêve. / V- Ne le raconte pas ! / E - Je rêvais que…/ V - NE LE RACONTE PAS. / » [10] Autre parenté, un discours narrativisé décrit, a priori, les modalités et les procédures du dialogue scénique :

S’ensuivit un long débat entrecoupé de longs silences, pendant lesquels la méditation s’effectuait. Il arrivait alors, tantôt à Mercier, tantôt à Camier, de s’abîmer si avant dans ses pensées que la voix de l’autre, reprenant son argumentation, était impuissante à l’en tirer ou ne se faisait pas entendre. Ou, arrivés simultanément à des conclusions contraires, ils se mettaient simultanément à les exprimer. Il n’était pas rare non plus que l’un tombât en syncope avant que l’autre eût achevé son exposé. Et de temps en temps ils se regardaient, incapables de prononcer un mot, et l’esprit vide [11].

Le rapport est moins évident s'agissant des deux autres pièces. FP peut apparaître comme le prolongement de Murphy, à cause de la partie d'échecs, et une reprise, au moins partielle, de la situation de Malone meurt, où il s'agit également d'en finir. La chambre de Malone présente d'étranges affinités avec un crâne, comme le décor de FP, avec ses deux fenêtres très hautes qui évoquent les yeux. Rapport encore moins évident dans le cas de OBJ : le distinguer exige de prendre en compte la genèse de la pièce. Celle-ci devait au départ représenter un homme fouillant dans sa poche. La poche limitant trop le jeu, elle fut, pour des raisons pratiques, remplacée par un cabas qui appelait, pour Beckett, un changement de sexe du personnage principal. Cette situation d'un homme fouillant dans sa poche, se livrant à un inventaire des objets en sa possession, peut être rapprochée à la fois de la scène des cailloux dans Molloy [12] et de la pratique de l'inventaire qu'affectionne Malone.

L'affaiblissement de plus en plus marqué des échos thématiques entre les romans et les pièces contraste singulièrement avec l'inflation du récit. On passe en effet d'une exclusion quasi-totale du récit dans EAG, à son apparition encadrée dans FP, au mélange du récit et du discours dans OBJ, où seule la mention « ton de narrateur » sauvegarde un semblant de cloisonnement. Dans EAG toute tentative de récit - il n'est même pas encore question de roman à proprement parler - avorte, à l'exception, nous y reviendrons, de l'histoire du chien et du récit biblique. Ni histoire drôle ni récit de rêve ne sont autorisés. Cette interdiction est levée dans FP : Hamm, dès son réveil, évoque ses rêves, « avec un -s- » [13], Nagg raconte l'histoire du monde et du pantalon. Estragon et Vladimir sont des narrateurs en puissance. Quelques hypothèses relatives à cette libération du récit peuvent être avancées. Son empêchement dans EAG provenait de l'espace scénique : la route marque une ouverture au monde rendant inévitable le dialogue, d'autres voyageurs survenant. Autre difficulté, la forte propension à l’oubli des personnages, à l’exception notable de Vladimir. Le recours au passé, le refuge, ne leur sont pas permis. FP présente l'indéniable avantage d'offrir aux protagonistes un refuge et une mémoire. Le narrateur, à travers le personnage de Hamm, cesse d'alors d'être potentiel : il est advenu. L'épuisement des ressources spatiales, favorisé par la claustration, fournit alors au narrateur un espace adapté où tous les récits se déploient. OBJ reprend et agence ces différents éléments. On retrouve un espace extérieur, mais la claustration demeure assurée par l'ensevelissement, et les dialogues s'y font rares.

Apparaît donc, entre EAG et OBJ un approfondissement de la relation entre le roman et le théâtre : à l'évidente thématique du lien entre MC et EAG se substitue une relation modale, marquée par une importance croissante du récit au détriment du dialogue.

Multiplicité et hétérogénéité des modes et des narrations

Sous la rassurante univocité du terme « narration », se dessine une incroyable diversité de techniques, selon le romancier qui en fait usage. Il convient de distinguer entre une activité que nous qualifierons de « récitant », où l'écriture théâtrale représente des activités narratives appartenant à la conversation quotidienne, et une activité « proprement » narrative, marquée par une plus grande autonomie, produisant un énoncé pourvu de caractéristiques renvoyant à des écritures romanesques identifiables et connues de Beckett. Au fil des pièces, seront alors discernables trois narrations romanesques. L'une « canonique », ou se présentant comme telle, où l'énoncé alterne entre histoire et discours mais avec une dominante histoire. L'autre, où la distinction entre histoire et discours est d'autant plus malaisée à délimiter qu'elle se construit selon un double paradigme romanesque, proustien et beckettien. Enfin, la dernière narration, souterraine, ne se construit pas contre le dialogue, mais par lui. Cette interpénétration marquée du mode dramatique et du mode narratif aboutit alors à une remise en cause du premier et met en jeu le statut de l'énonciateur des didascalies [14].

Récits canoniques : la mort du chien, le roman de Hamm et l'histoire de Winnie

On désignera sous ce terme les discours des personnages qui débrayent brutalement à la fois d'un point de vue temporel et de personnes, pour embrayer sur un niveau d'énonciation second. On y retrouve, avec quelques variations, les marques habituelles de l'histoire par opposition au discours : P3, emploi de l'aoriste, voire, dans le cas de l'histoire de Winnie, absence totale d'indices sur le narrateur. L’autonomie de certains énoncés conduit d’ailleurs à les interpréter comme des « phrases sans paroles », selon le titre de l'ouvrage d'Ann Banfield [15].

Le plus souvent, les pièces évoquent des histoires, terme qui renvoie bien au domaine de la fiction, mais sans qu'il soit forcément fait allusion au roman à proprement parler. Brièvement et de façon parodique, apparaît une épopée, ancêtre du roman, au début du second acte d'EAG. Telle la chanson de geste médiévale structurée en laisses, elle fonctionne sur un certain nombre de rimes et de reprises, donnant une autonomie à un discours qui s'engendre lui-même et passe par l'écrit, l'épitaphe, censé conserver le haut fait canin ici vanté. Deux remarques : le thème même paraît choisi par ce double parrainage, à la fois celui de la laisse, laquelle entre en rapport direct avec le chien, et la forme qui « se mord la queue », renvoyant encore à l'univers riche et coloré du meilleur ami de l'homme :

Un chien vint dans l'office
Et prit une andouillette
Alors à coups de louche
Le chef le mit en miettes
Les autres chiens ce voyant
Vite vite l'ensevelirent
Au pied d'une croix en bois blanc
Où le passant pouvait lire [16]

Cette apparition du narratif dans une pièce dont il est soigneusement exclu la plupart du temps est tempérée par le recours à la chanson. Mais si l'on s’en tient à l'énoncé, il s’agit d’un récit épique, avec un effacement de l'énonciateur. Sa disparition est totale, seule demeure l'histoire, au sens de Benveniste : emploi de la troisième personne, modalisation zéro, et aoriste. D'ailleurs, si la chanson renvoie à l'oral, le récit construit une deixis seconde, liée à l'écrit. On passe du chant à la lecture, d'une énonciation première à une situation de co-énonciation qui fait préexister le récit à sa récitation. Vladimir n'est, si l'on examine l'énoncé, qu'un sujet parlant, le passant un co-énonciateur, l'énonciateur-locuteur étant « les autres chiens ». Le récit devient à la fois récit de la mort du chien, qui a pour narrateurs intra-diégétiques « les autres chiens », témoins du drame, et récit d'un acte d'énonciation, celui des chiens, dont l'énoncé est lu par le passant et raconté par le sujet parlant, ou plutôt chantant, absent de ce discours. La forme de la chanson seule atténue l'hétérogénéité modale de ce passage.

L'oralité du langage dramatique demeure sauve dans le cas de la chanson. Il n'en va pas de même dans les deux autres pièces. On y observe une équivalence entre « mon histoire » et « mon roman ». Elle est explicite dans le cas de Hamm :

CLOV – Oh, à propos, ton histoire ?
HAMM (surpris). – Quelle histoire ?
CLOV. – Celle que tu te racontes depuis toujours.
HAMM. – Ah tu veux dire mon roman ?
CLOV. – Voilà [17].

Moins évidente dans le cas de Winnie, même si les changements modaux, de personne, et de temps, ne laissent que peu de doutes : « Il y a mon histoire bien sûr, quand tout fait défaut. » [18] D'un récit à l'autre, de Hamm à Winnie, la narration romanesque s'impose avec deux caractéristiques : une « dramatisation » atténuée et une séparation moins nette du discours et de l'histoire.

Ces deux énoncés présentent un certain nombre de différences, à commencer par leurs focalisations respectives et leur mode d'insertion au sein des discours des personnages.

La narration à laquelle se livre Hamm n'est pas le reflet d'une activité énonciative conversationnelle susceptible d'être trouvée dans la vie courante. Son activité relève de la création artistique. Son énoncé se marque par le rapport à l'autre qu'il construit. Hamm a besoin d'être entendu, mais sans que sa parole ait une fonction expressive, à la différence de la chanson, comme l'indique l'interprétation qu'en fait Estragon, qui en déduit le bonheur de Vladimir, ou conative, Nagg cherchant à faire rire. Arraché, en apparence, à toute visée pragmatique, son énoncé construit un univers autre, ancré dans un passé présenté comme aboli par le biais de l'emploi de l'aoriste. Hamm, narrateur homo-diégétique, raconte en focalisation interne, phénomène marqué par la présence de modalisateurs verbaux, « il paraissait sur le point de » (je souligne) ou adverbiaux, « Il baissait les yeux en marmottant, des excuses sans doute. » (je souligne). La didascalie « ton de narrateur » [19] oriente l'acteur vers une voix neutre, différente en tout cas de celle du personnage. L'intonation incite alors à distinguer le « je » narrateur et le « je » normal. L’alternance des deux, et les commentaires métatextuels, « Ça c’est du français ! » [20] qui en naissent, renvoient aux effets de bascule d’un plan de l’énonciation à l’autre qu’affectionnait un romancier anglais bien connu de Beckett, Henry Fielding. Le narrateur de Joseph Andrews ne cesse de commenter son propos en même temps qu’il l’élabore, comme dans le titre du chapitre 8 du premier livre : « In which, after some very fine writing, the history goes on, and relates the interview between the lady and Joseph […]. » [21]

Le retour au présent de l’indicatif ne coïncide pas toujours avec l’alternance entre le ton normal et le ton de narrateur. Le « je » narratorial « [s]e souvien[t] » [22] et « [s]e rappelle » [23]. Le retour au présent renforce la vraisemblance de l’énoncé : il accompagne des précisions météorologiques extrêmement précises, dénuées de fonction narrative claire, produisant autant d'« effets de réel ». L'importance des notations visuelles dans le roman de Hamm, alors que ce dernier est aveugle, approfondit encore la dichotomie entre ces deux « je ». Le « je » de la narration fonctionnerait alors d'une façon analogue à celui du narrateur proustien tel qu'il est analysé par Ann Banfield : « La langue du récit est une langue sans accent, car le narrateur n'y a pas de voix. Le texte de Dickens ne garde aucune trace de l'accent ou du dialecte de David Copperfield, pas plus que nous ne sommes informés de la prononciation du Marcel de La Recherche » [24]. Mais un élément vient, dans l'énoncé, atténuer cette autonomie et son absence d’individuation : la conservation, dans la narration, d'intonations présentes dans le discours direct. Le ton du narrateur a un accent qui lui est propre : une même altération de la prononciation, « fââcheux » et « je me fââchais ». Là résident les limites du roman vocal de Hamm, liées aux spécificités de l'énonciation théâtrale. Le narrateur demeure un personnage.

Le récit canonique le plus évident est celui que fait Winnie : abolissant toute narration à la première personne, employant l'aoriste et jouant sur le rapport imparfait / passé simple typique de l'incipit romanesque [25] , il présente un cas de « fiction épique » [26]. L'énoncé, alors même qu'il s'intègre au sein d'un monologue, se présente comme parfaitement autonome :

(Ton de narrateur.) Le soleil dépassait à peine l’horizon que Millie se leva, descendit… (un temps.) mit son petit peignoir, descendit toute seule l’escalier abrupte, à quatre pattes à reculons, quoique cela lui fût défendu, entra dans… (un temps.) franchit sur la pointe des pieds le corridor silencieux, entra dans la nursery et se mit à déshabiller Fifille. (Un temps.) S’enfila sous la table et se mit à déshabiller Fifille. (Un temps.) La grondant cependant. (Un temps.) Soudain une souris — (Un temps long.) [27]

L'entrée dans le récit est très structurée dans le cas du roman de Hamm : il demande un auditeur, annonce son roman, et une fois établie cette situation communicationnelle, commence la narration. On remarquera d'ailleurs qu'elle commence par un phénomène, analysé à plusieurs reprises dans le rapport du narrateur à son lecteur, d'erreur : « L'homme s'approcha lentement […]. D'une pâleur et d'une maigreur admirables il paraissait sur le point de – (Un temps. Ton normal.) Non, ça je l'ai fait. » [28]. Elle mime la lecture d'un ouvrage, donc une énonciation seconde par rapport à un écrit, d'une façon un peu analogue à la chanson du chien, laissant entendre qu'un écrit préexistait à la chanson. On est donc non seulement dans un récit, mais bien dans un roman, avec un début, un milieu, et une fin qui reste à écrire. Un work in progress en somme.

Alors que la présence de la narration est, dans FP, soigneusement encadrée, et que l'on trouve des annonces et des précisions analogues à celle du « théâtre dans le théâtre », contribuant à faire de certains passages du « roman dans le théâtre », au contraire la frontière est beaucoup plus mince entre le discours « normal » du personnage et le moment où il s'élève au rang de narrateur dans le cas de Winnie. La bascule d'un discours à l'autre, marquée par une rupture tonale chez Hamm, se dévoile peu à peu :

Il y a mon histoire bien sûr, quand tout fait défaut. (Un temps.) Une vie. (Sourire.) Une longue vie (fin du sourire). Commençant dans la matrice, comme au temps jadis, Mildred se souvient, elle se souviendra, de la matrice, avant de mourir, la matrice maternelle. (Un temps.) Elle a déjà quatre ou cinq ans et vient de se voir offrir une grande poupée de cire. […] (Ton narrateur) Le soleil dépassait à peine l'horizon quand Millie se leva, descendit… (un temps)… mit son petit peignoir, descendit toute seule l'escalier abrupte […] [29].

Récits proustiens, récits beckettiens

Ce récit coexiste avec d'autres narrations aux accents clairement proustiens. Le récit se construit à travers des images, des souvenirs, qui peu à peu prennent forme et sont arrachés du passé pour venir dans le présent :

Mon premier baiser ! (un temps. Willie tourne la page. Winnie ouvre les yeux.) Un kinési ou mécanothérapeute. Demoulin… ou Dumoulin… voire Desmoulins, c'est encore possible. Moustache fauve très drue. (Révérencieusement). Reflets carotte ! (Un temps.) Dans un réduit de jardinier, mais chez qui, mystère. Point de réduit de jardinier chez nous et chez lui à coup sûr pas l'ombre d'un réduit de jardinier. (Elle ferme les yeux.) Je revois les piles de pots à fleurs. (Un temps). Les bottes d'échalotes. (Un temps.) L'ombre s'épaississant parmi les poutres [30].

Cette vision intérieure, les yeux fermés, ce passé devenant présent, se retrouvent chez le narrateur de La Recherche : son récit passe du passé simple au présent de l'indicatif, l'histoire laisse la place au discours.

[…] un jour d'hiver, comme je rentrais à la maison, ma mère, voyant que j'avais froid, me proposa de me faire prendre, contre mon habitude, un peu de thé. Je refusai d'abord et, je ne sais pourquoi, me ravisai. […] Et je recommence à me demander quel pouvait être cet état inconnu, qui n'apportait aucune preuve logique, mais l'évidence de sa félicité, de sa réalité devant laquelle les autres s'évanouissaient [31].

À ces éléments proustiens, il convient d'ajouter ceux qui sont proprement beckettiens. La narration beckettienne sape constamment le récit en train de s’établir. Les interrogations de Winnie rejoignent celles du narrateur de l'Innommable : « L’ombrelle que tu me donnas… ce jour-là… (un temps)… ce jour-là… le lac… les roseaux. […] Quel jour-là ? (Un temps.) Quels roseaux ? » [32] Autre fait remarquable, l'utilisation dans les scènes de Piper, du seul discours direct, et de la reprise systématique du verbe recteur le plus neutre qui soit, « dire » [33] :

À quoi qu’elle joue ? dit-il ­— à quoi ça rime ? dit-il ­— c’est censé signifier quoi ? ­— et patati — et patata ­— toutes les bêtises ­— habituelles ­— tu m’entends ? dit-il ­— hélas, dit-elle ­—comment hélas ? dit-il ­— qu’est-ce que ça signifie hélas ? […] Et toi ? dit-elle. Toi tu rimes à quoi, tu es censé signifier quoi ? Est-ce parce que tu tiens encore débout sur tes deux panards plats, ton vieux baise-en-ville bourré de caca en conserve et de caleçons de rechange, me traînant d’un bout à l’autre de ce fumier de désert […] lâche-moi dit-elle, nom de Dieu et croule croule ! […] Pourquoi qu’il ne la déterre pas ? dit-il ­— allusion à toi, mon ange ­— à quoi qu’elle lui sert comme ça ? ­—ainsi de suite ­—toutes les sottises ­—habituelles ­—faut la déterrer, dit-il ­— comme ça elle n’a pas de sens ­— la déterrer avec quoi ? dit-elle ­— les mains nues, dit-il, je le ferais les mains nues […] [34].

On a ici un écho de la technique romanesque de Beckett dans MC :

Pardon, dit Camier, tu disais ?
Non non, dit Mercier, à toi.
Mais non, dit Camier, c'était sans intérêt.
Ca ne fait rien, dit Mercier, vas-y.
Je t'assure, dit Mercier.
Après toi, dit Camier.
Je t'ai interrompu, dit Mercier [35].

Dans le cas de Winnie, ce dialogue intégré à la narration maintient un équilibre, fût-il précaire, entre mode dramatique et mode narratif. Le narrateur surplombe le discours des personnages, tout en les dotant d'une très forte individualisation orale. Cette mimèse d'un discours autre conduit alors Winnie à rapporter des propos stylistiquement marqués par une vulgarité dont le début de la pièce, et en particulier l'épisode de la carte postale [36], nous ont montré qu'elle ne les assumait pas, renvoyant à un phénomène de dissonance entre le locuteur et l'énonciateur [37].

La narration romanesque n'est pas toujours aussi évidente que dans le roman scénique de Hamm ou dans le monologue de Winnie. Elle se poursuit parfois par le dialogue, comme le révèle l'ultime reprise par Hamm de son roman. Il ne fait pas référence à la fin donnée lors de la prise d'un ton de narrateur, mais à celle évoquée lors de sa conversation avec Clov : « S'il pouvait avoir son petit avec lui. » [38] D'une certaine façon, les interrogations de Clov, comme celles d'Estragon, renvoient aux « auto-interruptions » du narrateur beckettien et à un phénomène déjà observable dans MC, l'envahissement par le narrateur du dialogue au discours direct : « J’ai froid dit Camier. / Il faisait froid, en effet. / Il fait froid, en effet, dit Mercier. » [39] La parole même d'autrui peut sembler, lorsque Hamm demande à Clov un mot d'adieu, régie par un personnage à la façon d'un narrateur : « HAMM - [...] Clov… (Un temps.) Il ne m'a jamais parlé. Puis, à la fin, avant de partir, sans que je lui demande rien, il m'a parlé. Il m'a dit…/ CLOV (accablé). - Ah… ! » [40] Si la rection n'aboutit pas totalement, le passage à la troisième personne désembraye l'énonciation vers un autre espace d'énonciation, le récit futur que fera le survivant, anticipant sur l'événement, de la même façon que Vladimir s'interroge sur la façon dont il racontera sa journée :

Est-ce que j’ai dormi pendant que les autres souffraient ? Est-ce que je dors en ce moment ? Demain, quand je croirai me réveiller, que dirai-je de cette journée ? Qu’avec Estragon mon ami, à cet endroit, jusqu’à la tombée de la nuit, j’ai attendu Godot ? Que Pozzo est passé, avec son porteur, et qu’il nous a parlé ? Sans doute. Mais dans tout cela qu’y aura t-il de vrai [41] ?

Ces deux changements d'énonciation, avec une adresse indéterminée, vers un allocutaire futur, mettent en évidence un phénomène que l'on pourrait qualifier de récit à venir : tous les événements représentés sur scène seront, par la suite, ressaisis par un récit à peine esquissé, mais qui n'en demeure pas moins un horizon présent à l'esprit des personnages.

Un dernier fait remarquable réside dans les analogies existant entre la narration dans MC et les didascalies d'EAG. L’étrangeté du statut du narrateur de MC, dont la connaissance est souvent incomplète et la maîtrise du texte limitée, fait souvent de ce dernier un spectateur. L’énonciateur est moins l’origine de son énoncé que son témoin : il ne se place pas comme sa cause mais comme un élément lui coexistant ; il ne peut que le décrire, jamais l’orienter. Aussi lui arrive-t-il de perdre ses personnages de vue, lorsque ceux-ci se retirent dans leur chambre, ou de les recroiser au hasard du chemin comme au début du chapitre X où la « Fin du Passage descriptif » [42] coïncide avec une phrase de Camier, « Quelle est cette croix ? » [43], qui engendre à son tour cette remarque du narrateur : « Les revoilà. » [44] La focalisation du narrateur ressemble au point de vue d’un public s’efforçant de comprendre ce qui se déroule sous ses yeux ; similitude encore accentuée dans certains passages par l'emploi du temps présent : « L’assis aussi il voit, à moins qu’il n’ait fermé les yeux, de toute façon il entend, et se traite d’halluciné, mais sans conviction. » [45] Les mêmes restrictions s’imposent au narrateur et aux personnages, comme s’ils partageaient un même espace, sans y coexister. Entre eux s'érige un quatrième mur. Le narrateur voit sans jamais être vu, il a été « avec eux [Mercier et Camier] tout le temps » [46], comme un spectateur « avec » des comédiens. Cette coexistence fantôme, Mercier et Vladimir la ressentent : « C'est drôle, dit Mercier, j'ai souvent l'impression que nous ne sommes pas seuls. Toi non ? / Je ne sais pas si je comprends, dit Camier. / […] Comme la présence d'un tiers, dit Mercier. Elle nous enveloppe. » [47] ; « Moi aussi, un autre me regarde […]. » [48]

De la même façon, les didascalies d'EAG racontent ce qui se passe sur scène plutôt qu’elles n’indiquent ce que les comédiens doivent y faire. Deux sortes de didascalies coexistent dans le texte de la pièce : les « classiques » fournissent des appuis de jeu et fonctionnent comme une partition ; d’autres apparaissent comme un discours second, voué à la seule lecture. Ces deux fonctions, référentielle et conative, permettent de rendre compte des irrégularités du discours didascalique. Lorsque des actions similaires sont effectuées par deux fois, la répétition peut être conservée, telle la notation « Lucky avance […], recule » [49], ou évitée par la mention « même jeu » : « Vladimir (avançant la tête)- On dirait un goitre. / Estragon (Même jeu)- Ce n’est pas sûr » [50]. La reprise intégrale des mouvements de Lucky vient scander le discours de Pozzo, le rythmant par la mise en place d’un système d’échos au sein du discours didascalique analogue à celui que l’on rencontre parfois dans la narration de MC : « Toujours est-il qu’avant l’aube, bien avant l’aube, l’un d’eux se relève, mettons Mercier, chacun à son tour, et va voir si Camier est toujours à l’endroit où il croit l’avoir laissé, c’est-à-dire à l’endroit où ils s’étaient laissés tomber en premier lieu, l’un à côté de l’autre. » [51] Ce que la scène donne à voir, et le sentiment qui en naît, le discours didascalique le donne à lire. Ainsi que le remarque Hervé Bismuth, « […] chez Beckett, la pièce de théâtre est également le récit de la pièce de théâtre » [52]. Au discours des personnages s’ajoute celui que constituent les didascalies. Ces dernières fonctionnent souvent comme la narration dans MC, anticipant rarement sur la suite des événements, décrivant au fur et à mesure que l’action se déroule, d’où la « simultanéité de l’événement et du moment de l’énonciation auquel il vient se placer. » [53] Au chapitre X de MC la croix n’est décrite qu’une fois vue. Les didascalies ne mentionnent les personnages qu'une fois leur entrée en scène effectuée. Point de liste des personnages au début, à l’encontre des conventions de l'écriture théâtrale, respectées pour Eleuthéria. Aucune didascalie au futur n’annonce des évolutions ultérieures ; équivalent, au sein des didascalies, de l’absence de prolepse constatée dans MC.

Ambivalences et enjeux génériques

Que reste-t-il du théâtre une fois les narrateurs en scène ? Bien des choses sans doute. La mise en lumière des narrations ne doit pas fausser la perspective d'ensemble. Ces trois pièces restent bien, d'un point de vue générique, du théâtre. L'inflation du mode narratif n'y est pas aussi marquée que dans le théâtre III, et le dialogue, à l'exception d'OBJ, reste la forme dominante du langage dramatique.

Un cadre général sauvegardé

Cette irruption se fait au sein d'un cadre, avec une annonce claire : on va raconter une histoire, un roman, et ce récit se termine aussi en un moment défini, à la fois par le changement des temps verbaux, mais également par les changements de tons évoqués précédemment. En ce sens on ne peut que souscrire à l'opinion de Jean-Pierre Sarrazac s'agissant du phénomène d'épicisation : « Épiciser le théâtre ce n'est donc pas le transformer en épopée ou en roman, ni le rendre purement épique, mais y incorporer des éléments épiques au même degré qu'on y intègre traditionnellement des éléments dramatiques ou lyriques. » [54] Néanmoins, l'analogie entre l'intégration d'éléments narratifs et d'éléments lyriques n'est pas tout à fait juste. La terminologie même de poème dramatique, et l'intégration, par exemple chez Molière, de sonnets ou de formes poétiques lyriques ne présente pas un même degré d'hétérogénéité que l'intégration d'un récit. Insérer un poème dans une scène de salon participe d'une mimesis d'un discours oral et d'une pratique conversationnelle, comme l'histoire drôle de Nagg. Au contraire, les narrations, dans ces trois pièces, se voient dotées d'une autonomie de plus en plus marquée. S'il n'y a pas narrativisation du drame, le mode épique obéit de moins en moins aux fonctions qui lui sont traditionnellement dévolues par l'intermédiaire d'un personnage narrateur et dont Patrice Pavis dresse la liste suivante : « Briseur d'illusion. […] Double de l'auteur [il donne alors un point de vue dominant sur la fable]. Metteur en scène [il arrange les matériaux de l'histoire, est le maître de cérémonie]. Intermédiaire entre la fable et le comédien [il explique comment il ressent son personnage]. » [55] Les narrateurs beckettiens remplissent parfois l'une ou l'autre de ces fonctions. Mais leurs récits n’entretiennent le plus souvent qu'un lointain rapport avec la pièce. Surtout ils n'offrent aucun point de vue surplombant. Au contraire, leurs récits accentuent les failles de la représentation. Un cas exemplaire de l'ambiguïté des éléments non seulement épiques mais explicitement romanesques demeure le roman de Hamm. Il peut être analysé comme l'instrument d'une analepse, fournissant des informations sur le passé des personnages. De fait on peut y voir le récit de l'arrivée de Clov. L'évocation d'un temps heureux, avec sapin, végétation, soleil et vent, offre, d'un point de vue esthétique, un contrepoint avec la situation présente, en accentuant l'horreur. Se souvenir des bonnes choses, éclairer la relation entre Hamm et Clov, tel serait le rôle classique de ce récit, assumé depuis longtemps par le monologue. Mais son statut de roman ne se dément jamais. Clov lui-même le corrobore. Loin de crédibiliser les personnages, ce roman affaiblit leur « réalité » : son artificialité est contagieuse. Clov n'est-il pas un simple personnage, et la façon dont Hamm régit parfois son discours irait dans ce sens. L'image de l'enfant jouant seul plusieurs rôles conduit à l'hypothèse d'un Hamm narrateur unique d'une scène de fiction, celle-là même qui se joue sous les yeux du spectateur. L'illusion dramatique n'est pas brisée. La solidité du cadre référentiel qu'établit le drame l'est. Winnie narratrice ne remplit pas les fonctions que l'on pourrait en attendre : ses récits ouvrent au contraire des espaces autres, des univers seconds, dont le rapport avec sa situation présente reste pour le moins délicat à établir. Par le jeu d'adresse à un co-énonciateur de moins en moins enthousiaste, de moins en moins présent au fil des trois pièces, le récit devient analogue à la prière jamais entendue dans EAG ou dans FP : la narration s'arrache à la logique dramatique, ne devenant qu'une distraction, une activité vaine, souvent abandonnée en cours de route, et sans cesse à reconstruire. Loin de jouer un rôle recteur analogue à celui du rhapsode, et différent en cela du jongleur médiéval, le personnage narrateur sape plutôt qu'il ne coud, et multiplie les points de vue et les focalisations, brouillant les repères.

Show (sure) and tell

D'un point de vue générique, ces trois pièces ne présentent pas l'ambiguïté à venir du théâtre III. Mais peu à peu elles établissent entre la scène et le récit un rapport profondément dramatique, conflictuel. Le drame de ces pièces n'est pas à chercher sous la forme traditionnelle de l'argument, énoncé narratif résumant la pièce : le drame est ici celui du narrateur, d'un conflit entre l'énoncé, le sujet de l'énoncé, et la situation de l'énonciation. La coexistence du mode narratif et du mode dramatique engendre une dissonance. L'irruption de la narration sur scène met moins, dans les œuvres étudiées ici, en péril le théâtre comme genre que le roman. Les personnages envisagent de temps à autre un récit futur des événements qui se jouent sur scène : un argument précisément. Leur posture trouve un éclaircissement dans un récit quasi-archétypal, celui des évangiles, évoqué dès le début d'EAG. Vladimir annonce dans un premier temps un simple récit : celui du bon et du mauvais larron. Raconter une histoire, rien de plus simple en somme. Mais très vite il aboutit à une remise en cause de ce récit, due à la variété des versions. Trois énoncés pour une même situation d'énonciation : « Ils étaient cependant là tous les quatre - enfin, pas loin. » [56]. Ces quatre narrateurs, comme nos quatre principaux protagonistes, assistent à un même événement, et en fournissent trois versions contradictoires. La version soutenue par un seul emporte l'adhésion générale. Le spectateur assiste à une scène analogue dans le deuxième acte de la pièce. Des quatre personnages, cinq en comptant le garçon, l'un va soutenir qu'ils se sont déjà vus la veille, Vladimir. Estragon assure qu'ils ont discuté pendant des heures à propos de bottes. Pozzo et l'enfant, Lucky étant muet, nient toute rencontre préalable. Conflit entre ce que le théâtre a montré en action et ce qui est raconté sur scène, conflit entre mimesis et diegesis, que ne permettaient qu'imparfaitement les romans, la deixis n'y étant reconstituable que d'après l'énoncé et donc éminemment suspecte. Le recours au genre théâtral va donc dans le sens d'une spatialisation des problématiques abordées par la seule narration dans les romans. En d'autres termes, le théâtre, par le recours au « show and tell », matérialise le paradoxe de la fin de Molloy : « Alors je rentrai dans la maison, et j'écrivis, Il est minuit. La pluie fouette les vitres. Il n'était pas minuit. Il ne pleuvait pas. » [57]

L'épicisation du théâtre de Beckett ne remplit pas un rôle recteur ou stabilisateur d'une forme théâtrale par trop ambiguë : il exhibe l'hétérogénéité fondamentale qui existe entre le lieu de l'énonciation et l'énoncé, qui n'en porte plus que des marques atténuées. Le véritable drame se joue alors sur la confrontation des deux modes, dissonance qui fonde à la fois l'épicisation du théâtre et la théâtralisation du roman dans l'œuvre de Beckett.


1

Samuel Beckett, Mercier et Camier, Paris, Éditions de Minuit, 1970, p. 58.

2

Samuel Beckett, En attendant Godot, Paris, éditions de Minuit, 1952, p. 9.

3

L'écho avec le « vouloir-vivre » schopenhauerien est voulu : il exprime le caractère obligé, forcé, parfois inconscient, de la narration beckettienne. Obligation de dire quand il n'y a justement rien à dire, qui renvoie à l'analyse faite par Beckett dans ses Trois dialogues de la création picturale chez Bram Van Velde : « La situation est celle de l'homme sans pouvoir qui ne peut agir, en l'occurrence ne peut peindre, alors qu'il est obligé de peindre. » (Samuel Beckett, « Bram Van Velde » in Trois Dialogues, Paris, éditions de Minuit, 1998, p. 23, traduction et adaptation par Beckett lui-même.)

4

Samuel Beckett, Molloy, Paris, éditions de Minuit, 1951, p. 7-8.

5

Entendu au sens générique et non pas thématique.

6

Cf. pour un point assez complet de la question, Matthijs Engelberts, Défis du récit scénique, Genève, Droz, 2001.

7

Cf. Catherine Naugrette, « Les théâtres de Beckett » in Lectures de Endgame / Fin de partie de Samuel Beckett, Delphine Lemonnier-Texier, Brigitte Prost et Geneviève Chevallier (dir.), Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2009, p. 33-38.

8

Samuel Beckett, Eleuthéria, Paris, Éditions de Minuit, 1995, p. 149.

9

Samuel Beckett, MC…, p. 99-100.

10

Samuel Beckett, EAG…, p. 18.

11

Samuel Beckett, MC…, p. 25.

12

Cf. Samuel Beckett, Molloy…, p. 92 et suiv.

13

Beckett, FP…, p. 15.

14

Ces trois narrations coexistent parfois en un même narrateur, mais chacune des pièces paraît privilégier l'une d'elles, et ce en rapport avec les échos thématiques que nous avons relevés précédemment.

15

Ann Banfield, Phrases sans parole. Théorie du récit et du style indirect libre, Paris, édition du Seuil, 1995.

16

Samuel Beckett, EAG…, p. 74. Fait intéressant la version anglaise fait non seulement des chiens les énonciateurs du texte mais les destinataires : « And wrote upon the tombstone / For the eyes of dogs to come », Waiting for Godot, Londres, Faber and Faber, 1965, p. 48.

17

Samuel Beckett, FP…, p. 78.

18

Samuel Beckett, OBJ, Paris, Éditions de Minuit, 1963-1974, p. 66.

19

On remarquera d'ailleurs qu'il s'agit d'un « ton », non d'une « voix » comme dans le cas de l'histoire drôle de Nagg.

20

Samuel Beckett, FP…, p. 70.

21

Henry Fielding, Joseph Andrews, BiblioBazaar, LLC, 2007 (1742), p. 65 : « Dans lequel, après des pages d’un très beau style, l’histoire reprend, et raconte l’entrevue entre la dame et Joseph » (Je traduis).

22

Samuel Beckett, FP…, p. 70

23

Ibid., p. 69.

24

Ann Banfield, Phrases sans paroles…, p. 271.

25

Cf. Harald Weinrich, Le Temps, Paris, éditions du Seuil, 1973.

26

Käte Hamburger, Logique des genres littéraires, Paris, éditions du Seuil, 1986, p. 126.

27

Samuel Beckett, OBJ, p. 66-67.

28

Samuel Beckett, FP, p. 68.

29

Samuel Beckett, OBJ, p. 66.

30

Ibid., p. 21-22.

31

Marcel Proust, Du côté de chez Swann, éditions Gallimard, 1988 (1917), p. 41-42.

32

Samuel Beckett, OBJ…, p. 64.

33

Il est d’ailleurs intéressant de rapprocher cette absence de variation dans l’écriture romanesque de Beckett de l’analyse qu’en fait Ann Banfield dans « A Grammatical definition of the genre Novel », références internet : http://www.hum.au.dk/romansk/polyfoni/Polyphonie_IV/Banfield_IV.htm.

34

Ibid., p. 50-51.

35

Samuel Beckett, MC…, p. 129.

36

Cf. Samuel Beckett, OBJ…, p. 24.

37

Nous reprenons ici la terminologie d'Oswald Ducrot, Le dire et le dit, Paris, Éditions de Minuit, 1984, en particulier au chapitre 8, « Esquisse d'une théorie polyphonique de l'énonciation ».

38

Samuel Beckett, FP…, p. 109.

39

Samuel Beckett, MC…, p. 31.

40

Samuel Beckett, FP…, p. 105.

41

Samuel Beckett, EAG…, p. 118.

42

Samuel Beckett, MC…, p. 167.

43

Ibid., p. 167.

44

Ibid., p. 167.

45

Ibid., p. 184.

46

Ibid., p. 9.

47

Samuel Beckett, MC…, p. 170.

48

Samuel Beckett, EAG…, p. 119.

49

Cf. Ibid., p. 29-31 où ce mouvement est mentionné dix fois de suite.

50

Ibid., p. 32.

51

Samuel Beckett, MC…, p. 182.

52

Hervé Bismuth, « Les écritures didascaliques », in Lectures d’une œuvre EAG, FP, Christine Lombez, Hervé Bismuth, Ciaran Ross (dir.), Paris, éditions du temps, 1998, p. 73.

53

Ibid., p. 73.

54

Lexique du drame moderne et contemporain, Jean-Pierre Sarrazac (dir.), Belval, Circé, 2005, p. 74.

55

Patrice Pavis, Dictionnaire du théâtre, Paris, Dunod, 1996, p. 227-228.

56

Samuel Beckett, EAG…, p. 14.

57

Samuel Beckett, Molloy…, p. 239.