Dossier : Genres littéraires et pratiques énonciatives


Le discours direct libre
entre imitation naturelle de l'oral
et ambiguïsation narrative

Joël July

Université de Provence, Aix-Marseille I

joel.july@univ-provence.fr

Résumé :
Le discours direct libre ne se présente pas à l’écrit comme une reformulation mais bien comme une formulation en différé. Pourtant, dès l'oral, et sans parler encore des trucages ou des astuces qu'il permettra à un romancier conscient de ses aspects ludiques, il intervient dans des plages de récit (blagues, compte-rendu de films, résumé d'histoires, rappel de conversations antérieures, échafaudage de dialogues imaginaires et prospectifs) où le contexte le rend impossible à interpréter autrement qu’une « formulation en différé », parce que l’intonation ou une glose même très imprécise et implicite le marque comme reprise d’un discours oral (ou mental) précédemment formulé.
Le problème devient délicat à l’écrit où une ponctuation autoritaire, enseignée dès le plus jeune âge, interdit a priori son intervention fulgurante : problème de reconnaissance, problème de nature, problème de fonction. Ainsi, tantôt l’auteur fait en sorte qu’il soit clairement identifié par le lecteur et il sert plutôt un projet naturaliste et satirique, tantôt il contribue à un brouillage des frontières : entre les dires et les pensées des personnages, entre les instances énonciatives, entre les temporalités. Avec le discours direct libre, mode de l’énonciation littéraire actuelle (Giono, Duras, Echenoz, Jourde, Mitterrand, Saumont, Pujade-Renaud, Honoré, Audeguy, etc.), le récit prend des allures familières et, dans l’ambiguïté, une connivence se crée avec le lecteur, jouet d’un texte polyphonique dans lequel les voix et surtout les époques vibrent et résonnent.

Abstract :
The written “free direct speech” does not come in the form of a rephrasing, but as a deferred phrasing. In the oral speech nevertheless, aside special effects and “tricks” it may always allow a novelist to bring about, it intervenes in narrative segments (jokes, critical film reviews, summaries, conversation reminders, sketches of imaginary and prospective dialogues), when the context makes it impossible to interpret the segment in another way as a “recorded phrasing”, because the intonation or a gloss, even very imprecise and implicit, point it out as the recall of a formerly expressed oral (or mental) speech.
The issue becomes tougher when written speech is concerned : a precociously taught punctuation refrains a priori the lightning presence of the f.d.s., due to problems affecting its recognition, nature or function. Sometimes the writer arranges things so that the device may be clearly identified by the reader, proving naturalist or satirical intentions by the way, and sometimes he contributes to blur borders existing between what characters think or say, in between enunciative structures or in betwen times. With the f.d.s., widely used in the current literature (Giono, Duras, Echenoz, Jourde, Mitterrand, Saumont, Pujade-Renaud, Honoré, Audeguy, etc.), speech takes on a familiar appearance and, through ambiguity, creates a connivance with the reader, which becomes the victim of a polyphonic text in which voices and times especially resound and vibrate.

Aussi vieux que La Fontaine, le discours direct libre qui cite sans crier gare, sans changement apparent (lexical ou syntaxique), sans aucune volonté d'amélioration, une suite de mots employée précédemment n'appartient pas, semble-t-il, à la reformulation mais bien à la formulation en différé. Pourtant, dès l'oral, et sans parler encore des trucages ou des astuces qu'il permettra à un romancier conscient de ses aspects ludiques et indéterminés, il intervient dans des plages de récit (blagues, compte-rendu de films, résumé d'histoires, rappel de conversations antérieures, échafaudage de dialogues imaginaires et prospectifs) qui possèdent donc une énonciation propre (des 3 personnes – au moins une – et l'absence de présent d'actualité). Dans ce cadre particulier, la formulation induite, même si celle-ci transforme les dires, est donc le discours indirect ou indirect libre. Si le discours rapporté directement intervient dans la conversation, c’est que le contexte le rend a priori impossible à interpréter autrement qu’une « formulation en différé », c’est que l’intonation laisse passer quelque chose ou qu’une glose même très imprécise, comme des verbes attitudinaux sourire, se fâcher, pointer le bout de son nez, permettent de l’interpréter comme la reprise d’un discours oral, hors du système narratif. Il suppose donc une rupture sémiotique, soit explicitement montrée dans le cotexte du discours cité, soit marquée par la prosodie, les inflexions vocales, en plus des possibles changements syntaxiques et énonciatifs, c’est-à-dire les temps verbaux et les déictiques.

Le problème du discours direct libre [1] devient délicat à l’écrit où disparaît la ponctuation autoritaire, enseignée dès le plus jeune âge, qui doit en principe venir s’ajouter aux marques précitées (contexte favorable, intonation orale, glose, ruptures verbales ou pronominales). Or dans le cadre d’une énonciation seconde, « la ponctuation véhicule des informations sémantiques » [2] plus qu’ailleurs. Comme le montre Laurence Rosier, le DDL est en fait au moins doublement libre à l’écrit dans une relation auteur / lecteur : libre par la suppression des verbes insertifs et propositions incises, libre par l’absence des contraintes de ponctuation exigées pour sa démarcation, mais libre aussi par l’émancipation qu’il permet à partir du nouveau roman de jouer sur la narration et son statut ; il devient du coup « l’incarnation linguistique de la modernité » [3]. Or quel usage la littérature contemporaine peut-elle faire de cette permission accordée dès le XIX siècle (îlots textuels typographiquement distingués, marques de l’idiolecte des personnages) d’insérer à brûle-pourpoint du discours dans le récit, sans l’utile précaution des signes de ponctuation idoines ? Avec le discours direct libre, à la fois un mode d’énonciation et une mode de l’énoncé littéraire actuel, le récit prend des allures familières et, dans l’ambiguïté, une connivence se crée avec le lecteur, jouet d’un texte polyphonique dans lequel les voix et surtout les époques vibrent et résonnent.

Fulgurance de la parole

Ce qui tente donc d’abord dans l’utilisation du DDL c’est la fulgurance de la parole. L’énonciateur y travaille à l’économie puisqu’il minimise les ruptures sémiotiques ou les discordanciels jusqu’à les faire disparaître totalement et laisser au seul soin de l’interprétation chez son destinataire la répartition dialogale des énoncés. On peut donc enregistrer comme libération par rapport au discours direct traditionnel toute une palette d’éliminations. Marguerite Duras élimine ainsi dans l’extrait suivant les verbes insertifs tout en maintenant la didascalie qui renseigne sur l’énonciateur :

Ils mouraient avec leurs poux dans les cheveux et dès qu'ils étaient morts le père disait, c'est bien connu, les poux quittent les enfants morts, il faut l'enterrer tout de suite sans ça on va être envahi, et la mère, attends que je le regarde, et le père, que deviendrons-nous si les poux se mettent dans la paillote de la case ? Et il prenait l'enfant mort et l'enterrait encore chaud, dans la boue, sous la case [4].

Si les locuteurs du dialogue sont encore assurés grâce aux indications, la fusion syntaxique entre récit et discours non régi accentue la sobriété pathétique et dénonciatrice de cet extrait. En outre, en s’enchevêtrant complètement, le discours cité et le discours citant peuvent servir à une progression dramatique rapide puisqu’une parole pour être prononcée a été précédée d’un mouvement ou au moins d’une intention qui se voit (que le narrateur va relayer) et que le seul discours direct libre permet de faire évaluer ce mouvement par le lecteur et de l’entériner :

Un instant j'ai contemplé l'hôtel qui avait l'allure d'un petit château prétentieux avec son escalier de marbre et ses tourelles. J'ai traversé le hall jusqu'à la réception. D'accord, la 14. Un liftier va vous conduire [5].

Lorsque dans Produire le fictif [6], Danon-Boileau intitule ces DDL des « énoncés mimés », il mesure justement en quoi cette parole projetée dans le récit permet en creux la progression du récit. Mais si dans sa forme extrême le DDL procède par juxtaposition voire emboîtement des discours citant et cité, il faut que le narrateur ait correctement implanté le cadre discursif pour que le lecteur ou l’interlocuteur comprenne – à peu près en même temps qu’il lit ou entend – à quel endroit commence la parole rapportée.

J’ai pu montrer par ailleurs à propos de la chanson française contemporaine [7] que le DDL devenait d’une extrême fréquence depuis Alain Souchon. Le chanteur Bénabar en digne représentant utilise abondamment cette souplesse, par exemple dans la chanson "Bon anniversaire" :

À 5 dans la cuisine
Face à l'évier face à la mer
Week-end en Bretagne
C'est mon anniversaire
Où sont les assiettes ? Où sont les couverts ?
Elles sentent pas un peu bizarre les praires [8] ?

Forme littéraire articulée, les textes de chanson lèvent, comme c'est le cas ici, chez Bénabar, par l'élocution de l'interprète, les éventuelles incompréhensions de l'auditeur. Le discours direct libre est d'ailleurs très couramment utilisé à l'oral dès que l'on raconte une anecdote ou une blague.

Deux mecs en bas d'un escalier. T'as vu Monte-Carlo. Non, j'ai vu monter personne !

À l'oral, en effet, le rythme d'élocution et les intonations remplacent la ponctuation et dès que nous sentons que notre auditoire est susceptible de comprendre – c'est-à-dire de bien isoler chaque parole prononcée et de la restituer au bon émetteur –, nous faisons sauter les propositions incises et tous les indices de rupture entre le narratif et le discursif. C'est le cas dans cet extrait théâtral de Yasmina Réza où Yvan raconte à des amis la conversation téléphonique qu'il vient d'avoir avec sa mère, Huguette, pendant que sa future épouse, Catherine, l'écoutait. Ce qui constitue pour le lecteur du discours direct libre inséré dans un discours cadre se comprenait très spontanément au théâtre selon les prouesses de l'acteur :

[…] je lui dis maman, des amis m'attendent, je vais raccrocher, nous parlerons de tout ça demain à tête reposée, elle me dit et pourquoi je suis toujours la dernière roue du carrosse, comment ça maman, tu n'es pas la dernière roue du carrosse, bien sûr que si, quand tu dis n'envenime pas les choses, ça veut bien dire que les choses sont déjà là, tout s'organise sans moi, tout se trame derrière mon dos, et la brave Huguette doit dire amen à tout et j'ajoute, me dit-elle – le clou –, pour un événement dont je n'ai pas encore saisi l'urgence, maman, des amis m'attendent, oui, oui, tu as toujours mieux à faire tout est plus important que moi, au revoir, elle raccroche, Catherine, qui était à côté de moi, mais qui ne l'avait pas entendue, me dit, qu'est-ce qu'elle a dit, je lui dis, elle ne veut pas être sur le carton d'invitation avec Yvonne et c'est normal, je ne parle pas de ça, qu'est-ce qu'elle a dit sur le mariage, rien, tu mens, mais non Cathy je te jure, elle ne veut pas être sur le carton avec Yvonne, rappelle-la et dis-lui que quand on marie son fils on met son amour-propre de côté, tu pourrais dire la même chose à ta belle-mère, ça n'a rien à voir, s'écrie Catherine […] [9].

Le travail de Réza est ici très stratégique et l’on voit bien qu’elle maintient dans ces deux dialogues successifs narrés par Yvan les propositions incises jusqu’à ce qu’aucune ambiguïté ne subsiste. Le théâtre recourt donc assez naturellement au discours direct libre lorsqu'un personnage veut rapporter des conversations antérieurement tenues. L'auteur se fie alors à la technique de l'acteur pour faire sentir par la transformation vocale cette autre énonciation. Un exemple parmi d'autres chez Victorien Sardou :

Catherine : V'là qu'au détour de la rue de Chartres, j'tombe su' une bande de Marseillais qui s'partageaient des cartouches. Et un grand barbu, bras nu, tout velu, dès qu'y me voit : Ténez ! Ténez ! Cette bougresse qui va se faire trouer la tomate ! Où tu vas ? – Où qu'j'veux ! Là-dessus, il me cueille du sol, me barbouille d'un baiser su' l'cou, et me passe à un autre […] [10].

Ces échanges de parole, rapportés très directement, introduisent une brèche beaucoup plus naturelle dans le récit. C'est d'ailleurs cette forme qu'utilisent spontanément les élèves de primaire lorsqu'ils racontent par écrit une petite histoire. Ils reproduisent la conversation comme elle pourrait être entendue, c'est-à-dire sans les propositions incises dont l'apprentissage scolaire est d'ailleurs long et difficile. Ce sont l'école et la pratique de la lecture qui vont nous apprendre très progressivement à isoler le discours rapporté au sein du récit ou du discours cadre. Joëlle Gardes-Tamine dans L’Enfant et l’écrit repère comme une pratique courante dans l’écriture enfantine le mélange systématique des actions et des paroles citées :

Une troisième forme de progression narrative (il s’agit de la progression par dialogue inséré dans une progression temporelle qui fait suite à la seule progression temporelle et à la seule progression par dialogue) n’enchaîne pas simplement les répliques des personnages-locuteurs les unes aux autres […] mais les insère dans le fil du texte. Les personnages ne sont locuteurs qu’à certains moments, leurs répliques ne sont que des actions parmi d’autres [11].

À l’âge adulte où les codes sont mieux maîtrisés et notamment chez les écrivains, c'est assez souvent un effet comique que l'on obtient en créant la surprise d'un changement énonciatif. La conversation réelle implantée sans transition au milieu de la langueur d'un récit postérieur est régulièrement utilisée pour faire sourire le lecteur. Comme dans le texte de Yasmina Réza, les paroles exactes des trois protagonistes servent à les ridiculiser et elles sont d'autant plus identifiables (c'est-à-dire évidentes à attribuer à l'un ou à l'autre) qu'elles sont plutôt stéréotypées et correspondent de manière parodique à l'état d'esprit de leur personnage et même au modèle social auquel il appartient.

Stratégie du lieu commun et espace ironique

Dans La Langue littéraire [12], Christelle Reggiani retrace les origines du DDL, de Stendhal à Aragon en passant par Flaubert et Zola ; elle y remarque l’utilisation assez systématique de ce mode pour des « énoncés doxiques » [13] , comme si les ruptures originales qu’il créait dans la fulgurance, comme nous venons de le voir, étaient « amorties par une généralité qui continue à autoriser virtuellement une attribution narratoriale » [14]. En effet, l’une des origines les plus manifestes du DDL est certainement, dans la littérature jusqu’à Aragon, l’îlot textuel par lequel un fragment est intégré et homogénéisé dans le discours rapporté au style indirect ou dans le discours narrativisé ou dans le récit. L’auteur peut alors faire remarquer son emprunt par des guillemets, des parenthèses, des tirets, de l’italique, ou bien en laisser le lecteur seul juge. L’on peut dire que ces brèches discursives vont effectivement créer une influence favorable à cette généralisation du DDL dans la prose contemporaine.

Ah ! nom de Dieu ! oui, on s’en flanqua une bosse ! Quand on y est, on y est, n’est-ce pas ? et si l’on ne se paie qu’un gueuleton par-ci par-là, on serait joliment godiche de ne pas s’en fourrer jusqu’aux oreilles. Vrai, on voyait les bedons se gonfler à mesure. Les dames étaient grosses. Ils pétaient dans leur peau, les sacrés goinfres [15] !

[Macquart] jurait, en proférant d’effroyables menaces de se faire justice lui-même, puisque les riches s’entendaient pour le forcer au travail [16].

Si l’on pourrait au premier abord apparenter ces échos de la parlure même des personnages à du discours indirect libre, ils ont en fait plutôt rapport avec le DDL dans la mesure où l’objectif du narrateur est de céder le plus fidèlement possible (en théorie) sa voix médiane et médiatrice aux sociolectes et aux idiolectes de ses protagonistes. Ainsi ces bouts de discours direct, de mention, au beau milieu du récit, du discours narrativisé ou du discours indirect, cherchent à donner l'illusion de la présence sonore des personnages, ils rendent en quelque sorte par leur accent les héros proches du lecteur. Dans le premier cas (L’Assommoir), par un passage temporel au présent et le recours à la personne on très proche d’un « nous », ceci accompagné de signaux secondaires comme les figures d’expression (exclamation, interrogation, juron, adverbes d’énonciation), le décrochage énonciatif est clairement indiqué : on peut comprendre que le narrateur cite une parole ou une pensée de l’un des convives de Gervaise, ou de plusieurs, ou de lui-même, à l’époque du repas de l’oie, ou qu’il intervient en son nom propre depuis sa propre actualité de narrateur. La formule a un évident caractère de vérité générale (en tous les cas précepte hédoniste) que n’importe qui, à l’époque, ou maintenant, peut parfaitement prendre à son compte. Mais quelle que soit la difficulté d’identifier la nature de ce décrochage, il n’en demeure pas moins qu’il permet d’entendre dans tout son entourage (et même lorsque le narrateur maintient les temps du passé) les traces lexicales des personnages et ce jusqu’à la formule exclamative « les sacrés goinfres ! ». On retiendra surtout de cette origine que par l’insertion d’une mention le locuteur propose des formules stéréotypées de ses personnages, destinées à les épingler dans leurs travers langagiers, révélateurs d’une appartenance sociale ou d’un état d’esprit. C’est Beckett qui parle dans Molloy d’une parole « nette comme le Et comme boisson ? du maître d’hôtel » [17]. Plutôt que le Molloy de Beckett, citons le Momo de Romain Gary :

Je suis toujours emmerdé quand on me parle qu'est-ce qu'il fait ton papa où elle est ta maman, c'est un truc qui me manque comme sujet de conversation [18].

Or ces morceaux pris sur le vif, comme par extension le discours indirect libre et le DDL, suppriment dans l’entourage du discours inséré le commentaire axiologique du discours porteur. Attiré dans un milieu hétérogène qui ne le juge pas, le discours cité ne permet plus tout à fait de se rendre compte du degré d’adhésion (ou pas) que le narrateur peut glisser dans cette fusion contre-nature :

Le DDL, qui fait monter en ligne l’énonciation de l’autre, l’expose dans sa dérisoire nudité. Dans le roman contemporain, il marque précisément son affinité pour le lieu commun. Le discours rapporté sans (a)ménagement assure un effet décapant, et rejoint par cette voie les intérêts de l’ironie, dans un parcours différent et plus rapide que celui du discours indirect libre. Il semble que plus la marge de l’intégration se réduit, plus la fonction modalisatrice s’impose à la conscience du récepteur [19].

Sans l’entourage explicatif et descriptif, le discours direct fulgurant se retrouve paradoxalement mis à distance et se trouve systématiquement entaché. On perçoit que si le narrateur a tout à coup voulu nous impressionner avec les paroles supposées exactes du personnage, c’est qu’il porte lui-même sur ces paroles un certain regard distancié qu’il convient au lecteur de mettre au jour. D’autant plus que sans la glose accompagnatrice, le lecteur n’est plus à même de savoir si le DDL est un discours relaté car effectivement prononcé antérieurement ou un discours évoqué à titre exemplaire et qu’il nous faut entendre comme une parole prototypique du personnage, censée le croquer.

Ces trois mois fixés par Noëlle Valade traçaient l'avenir immédiat de Victoire sans qu'elle eût à y réfléchir, lui épargnant le souci de prendre une décision sans doute éperonnée d'hésitations. Elle en fut reconnaissante à sa propriétaire qui, appelez-moi Noëlle, lui dessina les grands traits de sa vie. Travaillant dans une banque mais à peine pour la forme, un petit tiers de temps, vivant pour l'essentiel de ses pensions alimentaires, elle avait bien envisagé de se remarier encore mais non, c'est moi qui suis, dit-elle, ma meilleure amie. Elle n'était bien que seule avec elle-même, précisa-t-elle en regagnant sa voiture offerte par son dernier mari (je ne lui ai pas dit merci, je lui ai dit tu sais bien que je ne sais pas dire merci) et dans laquelle dès le contact mis, surgit une musique immatérielle d'orgues et d'ondes [20].

Les deux interventions directes de Noëlle Valade sont assez clairement identifiables (impératif, présence de la première personne, mise entre virgules ou entre parenthèses) et le but d’Echenoz est moins de brouiller les pistes que de compléter le portrait charge par des prélèvements calculés mais plausibles. Au sein d’une conversation survolée par le narrateur, quelques bouts de discours sont isolés et proposés ironiquement au lecteur. Dans d’autres cas, le discours prélevé dont nous ne sommes pas sûrs qu’il soit proposé comme ayant été effectivement prononcé antérieurement dans l’histoire, dont nous ne sommes pas sûrs qu’il ne serve pas seulement d’emblème au narrateur pour statufier le personnage, ce discours prélevé relève tout à fait du lieu commun, soit de la parole itérative, du ressassement, soit de la parole routinière et clichéique, de l’exclamation usée et familière… et il n’en est que plus drôle et ironique :

Là-dessus sa mère, lassée sans doute par le rôle-titre du psychodrame sacrificiel dont elle est devenue l’unique spectatrice, pour toi mon petit, je me suis mariée pour toi, fort déçue par la maternité en général et par son fils en particulier, l’ingratitude de ces petits salauds, tout ça, tu ne peux pas comprendre, tu verras quand tu auras mon âge, se trouve une autre Grande Cause : elle devient bouddhiste, elle parle de compassion universelle et brûle de l’encens, elle admire Richard Gere et s’assoit en tailleur [21].

Les DDL sont alors les « véhicules privilégiés des clichés, ils mettent ainsi sémantiquement en évidence le caractère pseudo-individuel de toute énonciation » [22].

Confusion entre les personnages

Dans tous les exemples que nous venons de citer, l’orientation du narrateur est certes d’éliminer les marqueurs pour rendre la parole fulgurante mais aussi de clairement et stratégiquement délimiter le discours, la pensée ou le dialogue insérés pour que la charge ironique atteigne son but. Or, de l’autre bord des utilisateurs contemporains du DDL, se trouvent ceux qui en usent au contraire dans le but de créer la confusion. Puisque le DDL n’utilise pas les marqueurs (lexicaux et typographiques) qui répartissent la parole entre les différents personnages, alors on se servira du DDL pour que cette parole soit variablement attribuable. Dans Le Jardin forteresse, trois sœurs, princesses de Syracuse, pleurent le suicide de leur nourrice africaine, Nyctéia :

Elle est morte afin de ne rien révéler, ne pas me trahir, montée des sanglots, hoquetante, là, là, calme-toi, les deux grandes lèchent les larmes d'Harmonia, calme-toi, tu n'es pas responsable. Tu crois que son corps a éclaté en rebondissant sur les rochers ? Peut-être les vagues l'ont-elles avalée en douceur, peut-être vont-elles l'emporter vers Carthage… Un temps de silence, à nouveau les voix alternent, s'arrimant les unes aux autres, et ses grands pieds plats, ah oui si larges, épanouis, épousant le sol, et lorsqu'elle nous prenait dans ses bras on éprouvait une telle solidité, un arbre en marche Nyctéia, oui on se sentait en sécurité, les trois femmes se balancent légèrement, accotées les unes aux autres, berçant tendrement la souffrance en une ronde quasi immobile, roulis de navire à l'ancre, nous l'aimions elle nous aimait [23].

Un flottement dans sa compréhension risque fort de troubler le lecteur et peut-être l'un des effets de style obtenu et recherché par l'auteur est-il justement cette indécision quant au locuteur réel : c'est notamment le cas dans cet extrait de Claude Pujade-Renaud ; laquelle des deux sœurs aînées réconforte la cadette, en partie responsable du suicide de Nyctéia ? Peu importe dans le cas de cette conversation pour laquelle l'auteur tient à nous faire sentir l'imbrication des paroles et la parfaite solidarité des trois princesses. L'effet de réalité et d'oralité du DDL est puissant car il apparaît sans artifice narratif et narratorial. Il mime donc d'une façon particulière la spontanéité et la confusion des conversations courantes occidentales, chargées de scories et qui font s'empiéter les phrases de chaque locuteur les unes sur les autres. L'effet stylistique souhaité est souvent la confusion et l'enchevêtrement des répliques. C'est le cas dans cet extrait d'une chanson de Barbara qui reproduit à la perfection les échanges houleux et accusateurs d'un couple en souffrance :

L'orage éclata soudain
Nous laissant un ciel chagrin
Et l'humeur chagrine
Notre amour battit de l'aile
Et s'enfuit à tire d'ailes
Comme l'hirondelle
Ah je te veux, je veux plus
Ah, dis, pourquoi souris-tu
Je te veux entière
Ah où vas-tu et pourquoi
D'où viens-tu, réponds-moi
J'étais chez ma mère [24].

Les six derniers vers s'analysent assez distinctement comme des phrases de discours rapporté puisqu'ils utilisent le présent alors que le passé simple servait à rapporter les faits dans les six premiers vers. Excepté pour la proposition « je te veux entière » qui laisse passer un accord féminin, il est difficile de rétablir exactement une ponctuation de discours direct (non libre) qui isolerait les réparties de chaque partenaire. Du coup, tous deux sont affublés d'un esprit de chicane et de jalousie. L'absence de proposition incise a une autre incidence sur ces répliques ; en ne déterminant pas dans le récit l'acte de parole, Barbara donne une valeur générale, ou tout au moins habituelle à ces répliques, qui fonctionnent moins comme des discours directs attestés que comme des phrases type, de celles qui illustrent l'insidieuse suspicion des amants, près de la rupture. Mais cette présence du DDL dans une chanson reste tout à fait exceptionnelle à cette époque, même si elle préfigure ce que nous en disions au début et nous assistons assez systématiquement aujourd’hui en chanson à une juxtaposition complexe des discours ; pour preuve ce texte de Gaëtan Roussel, auteur et interprète du groupe Louise Attaque :

Hier soir, j'ai flashé sur la brune
Hier soir j'ai navigué dans la brume
On est allés sur les quais s'enlacer
C' matin, c'est Donne-toi la peine de m' regarder
Fais donc l'effort de te retourner
J'ai tant de peine à t' regarder
Mais m'éloigner de vous je voudrais

Hier soir j'ai décroché la lune
Hier soir j'ai gravi cent une dunes
J'ai même poussé jusqu'à l'odeur
D'un homme qui te revient en sueur
C' matin, c'est Ote donc la tête de l'oreiller
Fais donc chauffer le jus, s'il te plaît
Regarde l' café t'as fait déborder
Mais m'éloigner de vous je voudrais [25].

Dans chaque strophe, une répartition s'installe entre des vers qui présentent au passé composé les actions de la veille et les propose, fictivement (?) en discours au partenaire de nuit, sûrement « la brune » du titre et de la première phrase, et des vers qui remplacent les actions du « matin » au présent, derrière le présentatif « c’est » à valeur programmatique, par de possibles phrases au discours direct : possibles car il n'est pas certain qu'elles aient toutes été prononcées aussi directement dès le lendemain de la rencontre amoureuse. Pourrait-on être aussi goujat ? Même si c’est justement cela que la chanson veut démonter. Et c'est encore tout le bénéfice de cette juxtaposition / imbrication libre des discours : est-ce seulement des paroles masculines ou émanent-elles aussi de l'autre partenaire, animal – tout aussi – triste ? Où s'arrête leur verbalisation ? Et que penser du dernier vers épiphorique qui passe soudainement à un voussoiement très distant, preuve apparente et à rebours qu'il s'agissait là d'une pensée rapportée ? Bref, le discours direct libre permet des hésitations, des glissements, des imbrications très riches sur le plan de l'ambiguïté psychologique.

Ambiguïsation narrative

Le but pourrait donc être la déstabilisation (et du même coup la réflexion) du lecteur. Comme conclut Laurence Rosier sa longue analyse, le DDL « demande au lecteur une participation active au décryptage des niveaux d’énonciation » [26]. Par exemple, l’enjeu au début de ce roman confession de Christophe Honoré est de se mettre au plus près de ce que vit et ressent le narrateur autobiographe, plongé à la suite du succès de son premier film, à demi-conscient de ce qu’il vit, dans une société people :

Une femme se cogne contre mon visage, sa main gantée se resserre sur mon bras, j’angoisse un instant avant de comprendre qu’elle cherche mon oreille, j’ai trop aimé, c’est formidable ce que tu lui as fait faire, je m’écarte un peu, je lui souris, je dis, je n’y suis pour rien mais c’est gentil de me le faire croire, merci, elle refuse que je retire tout sérieux à notre échange, ses yeux m’attaquent, c’est exceptionnel, vraiment, tes livres j’étais moins persuadée, je suis franche, mais là tu as touché quelque chose d’inédit, elle me flatte comme on cerne, je fais semblant de réfléchir à ce qu’elle raconte, figure grave, elle se détache, on se revoit après, et déjà elle s’est éloignée [27].

L’éparpillement du dialogue, lui-même très allusif pour un incipit, laisse s’insinuer des commentaires psychologiques et c’est le cadre presque exclusivement descriptif qui fait percevoir la logique conversationnelle. Nous retrouvons toutes les vertus déjà énoncées du DDL : fulgurance des échanges verbaux, mimétique des impressions que le dialogue est censé procurer au narrateur homodiégétique, difficulté de cerner le discours rapporté noyé dans la superposition des présents et le seul indice qui surnage devient la présence de la deuxième personne du singulier (incluse dans le « on » final). Alors effectivement, l’ambiguïté est accrue par l’utilisation massive dans le roman contemporain du présent de narration :

Il ressort de la conversation (si on peut dire) que c'est un tricheur. Est-ce qu'on a des preuves ? Des preuves ! Ils s'étranglent. Des preuves ! Ils ne savent plus quoi faire de leur salive. Ils crachent comme des phoques. Des preuves ! Oui, je sais. Il est arrivé ici, disent-ils, ce matin et il n'a plus démarré de faire des pokers tout le jour. Demandez-lui un peu combien il gagne. Il en est sorti, des plumés, de cette pièce. Maintenant il y en a marre. Il a fait des paquets. On l'a vu. Il va cracher ou alors il y passe. Et on me dit de me sortir de là. Naturellement pas pour un empire [28].

Tout contribue ici à dissoudre la répartition entre un discours indirect libre et un DDL : possible utilisation du « on » de la première ligne dès l’énonciation source, phrase nominale, multiplicité d’un pronom « il » qui fait tantôt référence au personnage de l’artiste (le tricheur dont il est question) et tantôt relève de la formulation impersonnelle. À proprement parler, seule la phrase qui commence par « Demandez-lui » serait du DDL. Mais l’intérêt de ce bref extrait, outre son comique, repose pour nous sur la réponse « Oui, je sais » à la troisième ligne. Impossible alors pour le lecteur de savoir dans ce cadre des discours mixtes s’il faut la considérer comme une parole du héros à l’encontre des plaignants, une pensée décalée qui surgit en lui au moment de l’action face à l’incapacité de ses interlocuteurs à sortir de la répétition suffocante « Des preuves ! », un commentaire propre au récit par lequel le narrateur viendrait confirmer, à lui-même ou au lecteur, qu’il est conscient d’avoir répété trois fois la même phrase. Alors, puisque le seul indice de DDL dans une narration au présent devient la présence inopinée des marques de deuxième personne, comment la repérer dans un récit justement à la deuxième personne, comme il en fleurit depuis Butor, Perec, Duras et Calvino. Le lecteur est renvoyé à sa libre interprétation et plus aucun marqueur linguistique ne peut lui venir en aide, si ce n’est l’opposition du nombre (vous désignant un « toi et elle » donc du récit alors que tu peut correspondre soit au personnage du récit soit au destinataire du discours de la mère).

Parfois aussi, tu reçois un appel de ta mère. Vous n’avez jamais très bien su quoi vous dire. Tu vas bien. La rentrée se passe bien. De vagues nouvelles d’une grand-tante quelconque, d’une voisine. Quand penses-tu passer la voir ? Tu ne sais pas. Il faudrait attendre les vacances d’automne. Quant à elle, ça va. Un peu de fatigue, voilà tout [29].

C’est finalement ici les marques de 3 personne du singulier (ou les formules qui l’incluent) pour désigner la mère qui vont permettre d’identifier soit le récit, soit le discours indirect libre ; et le DDL couvrira possiblement le reste du texte. Possiblement car la phrase « Tu ne sais pas » peut être : discours de la mère qui répète la réponse de son fils, discours du fils rapporté par le narrateur, pensée du fils rapporté par le narrateur, récit du narrateur.

Comme pour le discours indirect libre, on peut parfois se demander si les paroles ont réellement été verbalisées ou juste pensées par le personnage ; on peut se demander si elles appartiennent à la conscience du personnage ou à celle du narrateur. C'est le cas des textes de Jean Giono pour lesquels le narrateur est en même temps le personnage et où les niveaux de langue et les temps verbaux entre le récit et le discours sont identiques. Un doute est donc toujours présent chez le lecteur : quelles phrases ont été réellement prononcées à l'oral au moment de l'action ? Quels mots sont prononcés ou pensés en direct par le personnage ? Quels mots sont pensés en différé par le narrateur ? Questions cruciales pour le stylisticien qui prennent peu d'intérêt au moment de la lecture où tout se comprend très bien et où l'ambivalence ajoute à l'humour, à la satire et à l'autodérision des textes. Pour illustrer ce pêle-mêle polyphonique, on choisira un texte de Frédéric Mitterrand, tiré de son autobiographie La Mauvaise Vie. À l'adolescence, il fait la connaissance d'un jeune garçon roux sur son lieu de vacances estivales ; l'année suivante, il se précipite chez celui-ci mais tout est fermé et une voisine le remarque :

(0) Une dame m'observe depuis une maison de l'autre côté de la route, elle me fait signe d'approcher, elle a l'air pressée de me raconter son histoire ; (1) il y a eu un drame affreux au troisième jour des vacances, un jeune garçon s'est noyé dans le lac, on ne fait jamais attention, un gosse très gentil, (2) vous le connaissiez peut-être, oui c'est bien cela, un petit roux, excusez-moi, je suis désolée, je ne savais pas, ils sont tous partis, (3) mon petit rouquin, (4) pleurez, pleurez, ça fait du bien, vous ne voulez pas que j'appelle chez vous, (5) le radeau, la cabane, Berthe, pauvres enfants, mon petit rouquin d'amour [30].

Le récit (0) est donc au présent de narration et à la première personne. Du coup quand le narrateur semble reformuler les paroles de la voisine (annoncées par la formule "raconter son histoire"), nous pouvons aussi bien avoir une reformulation narratoriale que les bribes du discours oral de la voisine (1) : les pronoms utilisés sont encore conformes à une transcription au discours indirect libre. Cette perception est facilitée par le fait que les paroles en retour prononcées par le narrateur au moment de l'action (si tant est qu'il ait parlé et interrogé de lui-même cette dame encline au bavardage) sont absentes. Mais une 2e séquence discursive vient introduire ces pronoms de la deuxième personne pour nommer le narrateur JE. Il s'agit alors d'un discours direct libre. On pourrait certainement rétablir les guillemets et faire de ces morceaux (2 et 4) du simple discours direct. Pourtant ce n'est absolument pas la même démarche qu'une conversation retranscrite au discours direct. Le narrateur comme dans le discours indirect libre préserve l'ambiguïté et garde le pouvoir et la main mise sur cette reformulation. Le groupe nominal en 3 que l'on sent plaintif est-il prononcé face à la dame ou seulement face au lecteur ? Car, nous avons l'assurance que le jeune homme s'exprime pour interroger son interlocutrice sur l'identité du noyé (“Oui c'est bien cela”). Ses réactions sont suggérées au lecteur par les formules performatives (en 2 ou en 4) que la dame emploie. En ayant opté pour le DDL (qui porte bien son nom ici), le narrateur n'est assujetti à aucune fidélité, aucun engagement moral vis-à-vis de son lecteur de fournir un entretien réglé qui respecterait les codes de la politesse et du réalisme et qui le contraindrait par exemple à sortir de la situation pour exprimer une pensée de l'époque ou plus vraisemblablement actuelle, telle que « mon petit rouquin », dont l'aspect quasi péjoratif prouve le recul et l'autodérision. Au contraire il reste plus proche de sa propre narration et peut faire le tri dans cet entretien : la 5e étape vient mélanger en une énumération hétéroclite des idiolectes de la voisine (“pauvres enfants”), des pensées de l'époque (“le radeau, la cabane, Berthe”) et une formule narrative décalée (“mon petit rouquin d'amour”). C'est cette situation de mélange assez libre qui semble donc tenter les romanciers contemporains.

Conclusion

En jouant ainsi avec des codes scripturaux depuis longtemps instaurés, le DDL n’est donc plus une simple formulation en différé. L’intention de l’énonciateur est autre (du souci d’expressivité vis-à-vis du lecteur à la volonté manifeste de le perdre ou de le faire réfléchir en passant par des stratégies ironiques à l’égard de ses personnages). En disant les mots d’autrui sans les marqueurs traditionnels, il les met en scène et sa citation s’apparente donc à une reformulation. C’est d’ailleurs ce qu’observe Marie-Anne Mochet dans son article « DD et DDL en situation de type conversationnel » : bien souvent dans la conversation courante, le DDL, et comment pourrait-il en être autrement, la mémoire étant naturellement faillible, le DDL se surcharge de propositions incidentes [31] qui marquent distinctement son caractère approximatif. « Le locuteur ne s’en cache pas. Il va au plus court. Il trie l’information. » [32]. Ainsi, d’un côté, en utilisant le discours direct plutôt que l’indirect, le locuteur simule la vérité de la mention et de l’autre côté, il affiche l’imperfection de sa citation des paroles répercutées. Coutumier de cette non-littéralité de nos propres discours relatés, comment n’aurions-nous pas, en tant que lecteur, un doute perpétuel à l’encontre des reformulations soi-disant textuelles de personnages fictifs par un narrateur subjectif ?


1

Désormais DDL.

2

Martin Riegel, Grammaire méthodique du français, Paris, Presses universitaires de France, 1994, p. 83.

3

Laurence Rosier, Le Discours rapporté, Histoire, théories, pratiques, Bruxelles, Duculot (Champs linguistiques), 1999, p. 279.

4

Marguerite Duras, Un barrage contre le Pacifique, Paris, Gallimard (Folio plus classiques), 1950, chapitre II, 19, p. 265.

5

Annie Saumont, Noir, comme d'habitude, Paris, Julliard, « Le fauteuil en rotin », 1999, p. 5.

6

Laurent Danon-Boileau, Produire le fictif, Paris, Klincksieck, 1982.

7

Joël July, Esthétique de la chanson française contemporaine, Paris, L’Harmattan, 2007.

8

Album éponyme, Bénabar, 2001.

9

Yasmina Réza, « Art », in "Théâtre", Paris, Albin Michel (Livre de poche), 1997, p. 220.

10

Victorien Sardou, « Madame Sans-Gêne », L'Avant-scène Théâtre, n° 1099, nov. 2001, [Fin XIX°, Prologue, scène 3], p. 18.

11

Joëlle Gardes Tamine, Clairelise Bonnet, L’Enfant et l’écrit, Paris, Armand Colin (Pratique pédagogique), p. 25.

12

La langue littéraire, Gilles Philippe et Julien Piat (dir.), Paris, Fayard, 2009.

13

Ibid., p. 148.

14

Ibid., p. 144.

15

Émile Zola, L’Assommoir [1877], Paris, Larousse, 1986, ch. VII, p. 245.

16

Émile Zola, La Fortune des Rougon, Paris, Gallimard (Folio), 1871, chap. IV, p. 211.

17

Samuel Beckett, Molloy, Paris, Éditions de Minuit, 1951, « Minuit double », p. 11.

18

Romain Gary, La Vie devant soi, Paris, Mercure de France (Folio), 1975, p. 124-125.

19

Anna Jaubert, « Le discours indirect libre : dire et montrer. approche pragmatique. Le SIL et ses contextes », Cahiers Chronos 5, 2000, p. 64.

20

Jean Echenoz, Un an, Paris, Éditions de Minuit, 1997, p. 17-18.

21

Stéphane Audeguy, Nous autres, Paris, Gallimard, 2009, p. 47.

22

Christelle Reggiani, « Le texte romanesque : un laboratoire des voix », in La Langue littéraire…, p. 149.

23

Claude Pujade-Renaud, Le Jardin forteresse, Arles, Actes Sud, 2003, p. 149.

24

Barbara, « Le testament », in Album Soleil noir, 1968.

25

Louise Attaque, « La brune », in Album Louise Attaque, 1997.

26

Laurence Rosier, Le Discours rapporté, histoire, théories, pratiques, Paris, Duculot (Champs linguistiques), 1999, p. 297.

27

Christophe Honoré, Le Livre pour enfants, Paris, Éditions de l’Olivier (Points), 2005, p. 9.

28

Jean Giono, Les Grands Chemins, Paris, Gallimard (Folio), 1951, p. 49.

29

Pierre Jourde, Festins secrets, Paris, L’Esprit des péninsules, 2005, p. 85.

30

Frédéric Mitterrand, La Mauvaise Vie, Paris, Robert Laffont, 2005, p. 40.

31

Quelques-unes de notre cru pour rendre compte du phénomène : tu vois quoi, ou quelque chose comme ça, et tout et tout, etc., et patin-couffin, et tutti quanti.

32

Parler des mots : le fait autonymique en discours, Jacqueline Authier Revuz (dir.), Paris, Presses de la Sorbonne nouvelle, 2003, p. 163-174.