Le livre du
diable.
Les « procédés nouveaux » dans Gaspard de la
Nuit
Elisabetta
Sibilio
Università di
Cassino
elisabetta.sibilio@gmail.com
Résumé :
Cette
communication essaie de suivre le double fil indiqué par son titre:
Le livre du diable. Ce dernier est en même temps l’auteur
et le sujet du livre que nous voyons se construire tout au long de
notre lecture par la mise en œuvre d’une série de « divers procédés
nouveaux peut-être ». Plusieurs indices nous signalent que Bertrand
pensait à un objet d’un genre nouveau, plus qu’à un livre qui devrait
contenir un texte d’un nouveau genre. D’autre part, on s’interroge sur
l’identité de Gaspard : il semble être le diable mais il est surtout
l’auteur du texte où il théorise sur la dualité de l’art. Les
Fantaisies se révèlent une tentative de concilier Dieu et
le diable, le sentiment et l’idée, la poésie et la peinture en faisant
naître le « clair-obscur » d’un nouveau genre.
Abstract :
This
paper aims at following the double thread which its title indicates:
Le livre du diable. The latter is, at the same time, the
author and the subject of the book which we watch taking shape during
our reading through the use of a series of "different new processes,
perhaps". There are various clues which tell us that Bertrand was
thinking of an object belonging to a new genre, rather than of a book
which was to contain a text belonging to a new genre. On the other
hand we wonder about Gaspard’s identity: he seems to be the devil, but
he is, above all, the author of the text in which he theorises on the
duality of art. The Fantaisies turn out to be an attempt
at reconciling God and the devil, the feeling and the idea, poetry and
painting, in order to allow the birth of the "chiaroscuro" of a new
genre.
Je voudrais suivre
le double fil indiqué par mon titre : Le livre du diable.
Ce dernier est en même temps l’auteur et le sujet du livre que nous
voyons se construire tout au long de notre lecture par la mise en
œuvre d’une série de « divers procédés nouveaux peut-être » [1].
Mon analyse va se
concentrer sur les éléments de ce que l’on nomme désormais, d’après
Genette, le paratexte. Et il faut relever, avant tout, que Bertrand a
doté son livre d’un paratexte énorme, qui occupe plus ou moins la
moitié du volume et qui accomplit toutes les fonctions possibles de
ses éléments, surtout celle qui consiste dans la convocation des
maîtres, des modèles implicites ou reconnus. Les épigraphes, présentes
aux différents niveaux de l’ouvrage, ont constitué la matière de
nombreuses études, auxquelles je renvoie [2]. Je
voudrais toutefois citer un passage du très bel essai de Jean-Luc
Steinmetz intitulé Narthex qui va me servir de point de
départ pour mon discours sur le livre :
Gaspard de la
Nuit […] se met en place par une suite d’antichambres qui,
ingénieuse en apparence, laisse soupçonner la fragilité de l’édifice
ainsi constitué. Les étapes ménagées pour y pénétrer se succèdent,
comme autant de seuils à franchir. Dès le début la lecture doit se
développer à travers de tels sas qui en retardent l’accès, empêchent
d’en atteindre le Graal si bien que l’on vient à craindre une
désillusion, une crypte vide, un trésor dérobé [3].
Je suis
complètement d’accord et j’ajoute qu’en particulier le texte
liminaire, intitulé justement Gaspard de la Nuit, au lieu
de n’être que la première de ces antichambres, se présente comme un
texte autonome qui instaure en même temps chez le lecteur des doutes
et des certitudes, confond et explique, obscurcit et éclaircit. C’est
le lieu d’une double prise de distance de la part de Bertrand : par
rapport à l’auteur, Gaspard, d’une part, et de l’autre par rapport au
texte dont il se déclare l’imprimeur. « J’imprime son livre » (GN,
78) : tel est l’explicit du récit liminaire par lequel nous assistons
à la naissance du livre qui, jusque-là, n’était qu’un manuscrit et
qui, en tant que tel, ne présentait aucune des caractéristiques de
l’imprimerie, notamment la mise en pages typographique qui, comme on
sait, aurait dû être l’une des nouveautés saillantes du livre de
Bertrand.
Son manuscrit,
réédité en 1992 (je renvoie pour des informations précises à ce propos
à l’édition des Œuvres complètes parue en 2000 chez
Champion par les soins de Helene Hart Poggenburg) [4], comporte une
mise en pages particulière et une écriture en couleurs qui, selon
l’avis de certains critiques, voudrait imiter les enluminures du Moyen
Âge. Voici la description qu’en donnait Victor Pavie dans ses
Souvenirs (texte paru la première fois en 1857 et que
l’on peut lire dans le volume de Bertrand intitulé Le Keepsake
fantastique paru aux éditions de la Sirène en 1923) :
C’est ainsi que la
Sybille dut se présenter chez Tarquin. L’aspect du manuscrit qu’il
déposa sur la table [de Sainte-Beuve] ne démentait en rien cette
impression. Il était rehaussé de rubriques rouges et bleues, illustré
de lettrines, avec des figures cabalistiques sur les marges, et
portait pour titre : Gaspard de la Nuit, fantaisies
à la manière de Rembrandt et de Callot. Ce n’étaient plus des
vers, mais des petites pièces en prose, divisées en sept livres, avec
des alinéas pour strophe, où le rythme de la période et l’harmonieux
enchevêtrement des mots suppléaient, par-delà, au mètre et à la
rime [5].
Poggenburg nous
parle d’une « poétique du livre » chez Bertrand qui se manifesterait
dans et autour de Gaspard de la Nuit. Elle cite pour
soutenir cette idée, en plus du « poème dédicatoire » à Victor Hugo,
trois pièces : « Départ pour le sabbat » (I, ix) ; « La Ronde sous la
cloche » (III, vi) et « Mon bisaïeul » (III, viii). Or, dans ces cas
précis, je crois que ces livres sont liés au contexte de la
narration : ils font partie du tableau comme cela arrive très souvent
dans les portraits peints par les maîtres flamands. Il me semble, en
revanche, que dans « Le Coin du feu. Scène allemande », comprise dans
les « Chroniques et proses diverses », il y a un peu plus qu’une
allusion à un livre, il y a un livre qui ressemble de très près à
Gaspard de la Nuit :
Auguste ouvrit sur
la table le livre poudreux dont les fermaux de cuivre retombaient des
deux côtés. Il y avait dans ce livre des grandes figures dorées, des
lettres en rouge et en bleu, et les feuilles glissaient sous les
doigts, douces comme le vélin (GN, 264-265).
On est frappé
évidemment par ces « lettres en rouge et en bleu » dont nous parlait
Pavie et qu’on peut voir désormais, depuis 1992, à la réserve de la
BNF, dans le manuscrit de Bertrand.
On peut penser que
Bertrand aurait pu publier des pièces détachées ou les inclure dans
d’autres recueils, dans l’état de misère et de maladie grave [6] qui était le sien : ce n’est pourtant pas le cas, alors
même que l’édition de son Gaspard a subi une quantité de
problèmes et un retard fatal (l’ouvrage a été publié de façon posthume
à la suite d’une initiative de Sainte-Beuve) [7]. On peut dès lors concevoir l’idée selon laquelle il
pensait à un livre « pas comme les autres ». Bertrand pensait à un
objet d’un genre nouveau, plus qu’à un livre qui devrait contenir un
texte d’un nouveau genre.
La consultation des
annexes, qui sont toujours publiées à la fin des Fantaisies de
Gaspard de la Nuit, nous fournit sans doute quelques
indications. Au début des « Instructions à M. le Metteur en pages »,
on lit la règle générale qui ne manqua pas de frapper Mallarmé en
influençant son célèbre Coup de dés [8] : « Blanchir comme si le texte était de
la poésie » (GN, 301). C’est-à-dire que ce n’est pas de la poésie, que
ce ne sont pas des poèmes, même en prose. Bertrand veut introduire
dans son livre le blanc, la lumière qui fera contrepoids au noir, à la
nuit de Gaspard. Ses « couplets » devront se noyer dans le blanc
« comme si c’étaient des strophes en vers » et, en tout cas, il faut
« faire foisonner la matière » (GN, 301).
De plus, comme on
l’apprend à la lecture du « Dessein pour l’encadrement du texte »,
Bertrand prévoyait, à contre-courant en cela par rapport aux écrivains
de son époque qui craignaient la rivalité avec les illustrateurs, une
grande quantité d’illustrations, de dessins, d’images. La longue liste
de sujets et de suggestions pour l’artiste se conclut par une autre
« règle générale » : « Plus il y aura dans l’encadrement de confusion
et de figures, plus il fera d’effet. » (GN, 300). Bertrand se
rapproche ici de la définition de « Fantaisie » du dictionnaire de
l’Académie de 1835 :
FANTAISIE, se dit aussi,
surtout en termes de Peinture et de Musique, des ouvrages où l’on suit
plutôt les caprices de son imagination que les règles de l’art, mais
sans abandonner tout à fait ces dernières. Fantaisie de peintre.
Des arabesques entremêlées de figures d’hommes et
d’animaux, sont des fantaisies. Fantaisie de musicien.
Fantaisie pour le piano.
Le livre aurait dû
donc exhiber, en plus de ce que nous lisons, et du blanc, un effet
visuel, insolite par rapport aux genres littéraires romantiques,
quelque chose qui sortirait des « règles de l’art », des « procédés
nouveaux, peut-être », de la peinture en prose. Du reste, Bertrand,
dans l’annonce de la publication du livre, écrit :
Nous nous
empressons d’annoncer la prochaine publication d’un livre fait
pour exciter vivement la curiosité […]. M. Eugène Renduel vient
de mettre sous presse une production littéraire en prose, […] sous le
titre neuf et piquant de Gaspard de la Nuit […]. La
Revue de la Côte-d’Or publiera, dès le jour de la mise en
vente, un extrait de cet ouvrage [9].
Même dans le projet
de contrat avec Renduel il est question d’un ouvrage, sans autre
indication générique.
Plongé dans la
maladie et dans la pauvreté absolue, Bertrand écrivait à David
d’Angers, le 18 septembre 1837 : « Gaspard de la Nuit, ce
livre de mes douces prédilections, où j’ai essayé de créer un nouveau
genre de prose, attend le bon vouloir d’Eugène Renduel pour paraître
enfin cet automne » [10].
Comme on sait, ce
furent ses lecteurs fameux (je paraphrase ici le titre d’un article de
Marvin N. Richards, « Famous Readers of an Infamous Book : The
Fortunes of Gaspard de la Nuit », paru en 1996 dans la
French Review), de Baudelaire à Breton, qui désignèrent
Bertrand comme l’inventeur du genre du poème en prose. Ou plutôt
peut-on dire que Bertrand, en lui fournissant un modèle que Baudelaire
définit comme inimitable, a déclenché sa réflexion sur la prose qui a
abouti ensuite au chef-d’œuvre du Spleen de Paris :
Mon point de départ
a été Gaspard de la Nuit d’Aloysius Bertrand, que vous
connaissez sans aucun doute ; mais j’ai bien vite senti que je ne
pouvais pas persévérer dans ce pastiche et que l’œuvre était
inimitable. Je me suis résigné à être moi-même. […] Sitôt que j’eus
commencé le travail, je m’aperçus que non seulement je restais bien
loin de mon mystérieux et brillant modèle, mais encore que je faisais
quelque chose (si cela peut s’appeler quelque chose) de
singulièrement différent [lettre à Arsène Houssaye, Noël 1861] [11].
Comme on le voit,
même Baudelaire exprime sa sensation de faire quelque chose de
nouveau, de différent, mais il ne peut pas théoriser la naissance d’un
nouveau genre. Gaspard aussi dénonce dans sa préface l’impossibilité
de théoriser en la matière :
[…] si on demande à
l’auteur pourquoi il ne parangonne point en tête de son livre quelque
belle théorie littéraire, il sera forcé de répondre que Monsieur
Séraphin ne lui a pas expliqué le mécanisme de ses ombres chinoises,
et que Polichinelle cache à la foule curieuse le fil conducteur de son
bras (GN, 80).
Ce type de
désignation, d’inventeur ou de novateur, du reste, est toujours
posthume, comme nous expliquait Tzvetan Todorov dans un article bien
connu, où il est question aussi de Gaspard de la Nuit,
intitulé « The Origin of Genres » [12]. Chaque
innovateur, dans le domaine des genres littéraires, l’est à son insu,
quand il est reconnu en tant que modèle par quelqu’un d’autre, car :
« A new genre is always the transformation of one or several old
genres : by inversion, by displacement, by combination » [13].
Jean-Luc Steinmetz
a observé aussi que trois livres considérés comme les chefs-d’œuvre de
ce qu’aujourd’hui nous appelons le « poème en prose », à savoir
Gaspard de la Nuit, Le Spleen de Paris et
les Illuminations de Rimbaud, ont été publiés de façon
posthume et il conclut à une instabilité constitutive du genre qui
laisserait à chaque fois « un livre approximatif » [14]. Dans le cas de Gaspard de la
Nuit, il faut dire qu’on est à quelque approximation près du
livre projeté par Bertrand, du moins en ce qui concerne les
illustrations, complètement absentes de la grande majorité de ses
éditions.
Maintenant laissons
de côté ce livre « approximatif » pour suivre l’autre piste, celle du
Diable. Revenons donc au « Coin du feu » : qu’est-ce qu’il y a dans ce
livre poudreux ? Il y a des fabliaux, en vers, et le petit Auguste en
va lire un, « Le Pasteur de Saint-Wilfrid », dont le vieillard nous
donne ce résumé :
Vous y verrez,
enfants, comme le pasteur de Saint-Wilfrid, ayant entendu un soir
frapper à la porte du presbytère, courut ouvrir et trouva le Diable
qu’il ne reconnut point, sous la figure d’un mendiant auquel il refusa
de donner l’aumône, et vous y verrez comme il en fut puni par le
Diable lui-même […] (GN, 265).
Et voilà Gaspard
qui parait dans la première page du récit liminaire éponyme :
C’était un pauvre
diable, dont l’extérieur n’annonçait que misères et souffrances.
J’avais déjà remarqué dans le même jardin sa redingote râpée qui se
boutonnait jusqu’au menton, son feutre déformé que jamais brosse
n’avait brossé, ses cheveux longs comme un saule, et peignés comme des
broussailles, ses mains décharnées, pareilles à des ossuaires, sa
physionomie narquoise, chafouine et maladive qu’effilait une barbe
nazaréenne ; et mes conjectures l’avaient charitablement rangé parmi
ces artistes au petit pied, joueurs de violon et peintres de
portraits, qu’une faim irrassasiable et une soif inextinguible
condamnent à courir le monde sur la trace du Juif-errant (GN,
68-69).
Il faut remarquer,
au passage, que ce personnage de « pauvre diable » ressemble à une
série de personnages de bohémiens et de diables et quelquefois des
deux à la fois, qui peuplent la littérature européenne entre la fin du
XVIIIe et le XIXe siècle. Que l’on pense au
Faust de Goethe, à Hoffmann, au roman gothique anglais de
Lewis, de Goldsmith et surtout du révérend Charles Maturin (son
Melmoth the wanderer, qui intéressa Balzac et inspirera,
entre autres, le Maldoror de Lautréamont, ressemble énormément à
Gaspard). Gaspard même compile une liste, « toute la série bruyante
des diables en carton » comme le dit Lautréamont dans
Poésies, sans pourtant donner de noms :
Cela est positif.
Le diable existe. Il pérore à la Chambre, il plaide au Palais, il
agiote à la Bourse. On le grave en vignettes, on le broche en romans,
on l’habille en drames (GN, 76).
Du reste, la
propension de Bertrand pour le gothique n’est pas seulement
architecturale, comme en témoigne « La Chambre gothique » (III, i)
(GN, 133-134), première pièce du troisième livre des
Fantaisies, intitulé « La Nuit et ses prestiges », dont
le paratexte, peut-être plus que le texte même, fait inévitablement
penser à « La Chambre double » dans Le Spleen de Paris.
La pièce s’ouvre sur une épigraphe tirée des Pères de l’Église qui
dit : « Nox et solitudo plenae sunt diabolo » ; épigraphe
que Bertrand traduit d’une manière significativement fantaisiste :
« La nuit, ma chambre est pleine de diables ». Le diable, ange déchu,
charmant et dangereux, porte dans son nom le signe de sa duplicité :
du grec diaballein qui signifie « séparer, diviser en
deux ».
Et « double » est
la théorie de l’art que Gaspard illustre en répondant, dans une sorte
d’entretien, à un Louis Bertrand à l’attitude sceptique (« j’eus honte
à part moi d’avoir eu si longtemps affaire à un monomane. Cependant,
j’encourageai d’un sourire le rose-croix de l’art à poursuivre sa
drolatique histoire » [GN, 72]). Dieu et le diable, explique Gaspard,
sentiment et idée, sont les deux conditions contradictoires de l’art
et trente ans de sa vie ont été consacrés à la recherche de la
conciliation de cette contradiction. Dans son manuscrit, il a vu
« naître la vague aurore du clair-obscur ». Il a consigné dans ces
pages « divers procédés, nouveaux peut-être » (GN, 76).
Si on revient à
Todorov et à sa célèbre formule considérant le fantastique comme un
genre de texte qui produit dans l’esprit du lecteur une hésitation
entre une explication naturelle ou surnaturelle des événements
racontés [15], on ne peut que qualifier ce texte liminaire de
fantastique mais à condition d’y voir encore une fois un dédoublement.
Le lecteur, celui qui hésite entre les deux explications, est
Bertrand, qui finalement accepte l’explication surnaturelle selon
laquelle Gaspard est le diable ; et en même temps il met dans les
mains des lecteurs, en tant qu’imprimeur, le livre du diable. Et
Gaspard signe le texte intitulé « Préface » qui ouvre le véritable
livre des Fantaisies : « Il [l’auteur] se contente de
signer son livre Gaspard de la Nuit » (GN, 80).
Mais qui est en
réalité Gaspard ? De nombreux indices nous conduisent vers Gaspard
l’Africain, l’un des trois rois mages qui suivirent la comète dans la
nuit de Noël. Revenons au « Coin du feu » : le fabliau, dont la
lecture sera interrompue avant d’arriver à la revanche du diable (qui
va voler un livre au pasteur qui ne l’avait pas reconnu), décrit une
crèche de Noël avec deux mages. Il y a une crèche aussi dans le rêve
raconté par Gaspard dans le texte liminaire. Dans la quatrième
fantaisie, « La Barbe pointue » (I, iv), il y a un chevalier Melchior.
Et finalement le frère de Louis Bertrand s’appelait Balthasar. Je ne
crois pas au hasard, surtout en littérature. Selon la tradition, les
trois rois mages étaient des magiciens (en latin, magus
signifie magicien) venus d’Orient, les détenteurs d’un savoir
mystérieux, surnaturel. Et, comme on peut le voir aussi dans la
sixième pièce, « La Ronde sous la cloche » (III, vi), chaque magicien
possède son livre de magie. Un livre comme celui qui paraît au
commencement du « Bibliophile » (II, x) :
Ce n’était pas
quelque tableau de l’école flamande, un David-Téniers, un Breughel
d’Enfer, enfumé à n’y pas voir le diable. C’était un manuscrit
rongé des rats par les bords, d’une écriture toute enchevêtrée, et
d’une encre bleue et rouge (GN, 127).
Dans son livre
Gaspard a donc essayé, par des « procédés nouveaux » et magiques
peut-être, de concilier Rembrandt et Callot, le noir et le blanc, Dieu
et le diable, le sentiment et l’idée, la poésie et la peinture en
faisant naître le « clair-obscur » d’un nouveau genre.