La poétique du
paragraphe dans l’écriture réaliste de Flaubert et Maupassant
Jean-François
Castille
Université de Caen
Basse-Normandie
EA LASLAR 4256
jean-francois.castille@unicaen.fr
Résumé :
Tandis
qu’il fonctionne essentiellement comme outil d’organisation du
discours dans la culture rhétorique de l’âge classique, le paragraphe
devient, sous la plume de Hugo, d’abord, de Flaubert et Maupassant,
ensuite, un instrument d’enrichissement expressif de la prose
réaliste. Ce sont quelques aspects de cette utilisation moderne du
paragraphe que cette contribution se propose d’étudier.
Abstract:
During
classic period, the paragraph is a rhetoric norm. It is
especially an instrument used to order the discourse. The
nineteenth century introduces a break with the rhetorical tradition.
With Victor Hugo’s prose, the paragraph becomes a
poetical instrument. Then, Flaubert and Maupassant also
contribute to enrich the expressive values of paragraph,
but in realistic prose. This communication proposes to study some
aspects of this modern use of the paragraph.
Bien qu’il soit
devenu aujourd’hui une norme transversale régissant l’ensemble des
productions écrites, le paragraphe n’en demeure pas moins une
invention moderne. Ce n’est pas que l’âge classique méconnaisse
totalement cette forme de segmentation du discours, mais elle est loin
de correspondre à un fonctionnement normatif dans le champ des écrits
littéraires. On sait, par exemple, qu’elle est absente des
Essais de Montaigne. Même constat pour cet autre monument
de la prose française que sont les premières lettres de Guez de
Balzac. La situation est, en revanche, plus fluctuante pour la prose
narrative du XVIIe siècle : il arrive que le paragraphe
soit absent des longs romans des Scudéry et de Gomberville, mais tout
dépend des éditions. Ainsi, la première édition in-octavo de
L’Ariane de Desmarets de Saint-Sorlin est imprimée sans
paragraphes, alors que la seconde édition in-quarto, revue et
augmentée de plusieurs histoires – et dans l’ensemble beaucoup plus
raffinée – présente à la fois des illustrations et un découpage en
paragraphes. Peut-être l’imprimeur, pour des textes d’une telle
longueur, répugnait-il à multiplier les blancs typographiques, et ne
proposait cette option que dans des éditions plus luxueuses. De sorte
que le paragraphe correspondrait, comme l’illustration, à une
plus-value qualitative réservée aux éditions luxueuses, et ne
s’imposerait nullement comme norme institutionnelle d’organisation du
sens ou de lisibilité. Le problème éditorial est, en fait, le plus
délicat : dans la mesure où ni les normes typographiques ni celles de
la ponctuation ne sont fixées à cette époque, il est souvent
impossible d’établir avec certitude qui, de l’imprimeur-éditeur ou de
l’auteur, prend l’initiative du découpage en paragraphes.
Doit-on y voir un
effet de discrimination stylistique qui voudrait que le paragraphe ne
s’impose que dans les genres sérieux de la prose de discours, mais
soit exclu des genres mineurs comme la lettre ou le roman, lesquels
revendiquent traditionnellement l’humilité et la bassesse ? Même si ce
type de clivage stylistique correspond bien à une réalité
institutionnelle des belles-lettres au XVIIe siècle, il n’explique pas, par
exemple, la présence de paragraphes dans la première édition du
Roman bourgeois de Furetière, emblème du genre narratif
mineur s’il en est. En réalité, il est probable qu’un inventaire,
quoique fastidieux, de l’ensemble des productions en prose de l’époque
permettrait de prendre la mesure de la complexité de la situation ; et
il semble qu’au-delà des problèmes de hiérarchisation des styles, il
soit préférable d’élargir la perspective d’analyse en prenant en
compte les conditionnements culturels exercés par la tradition
rhétorique.
Il faut d’abord
dire que les traités de référence ne sont d’aucun secours sur un tel
sujet. Certes, le paragraphe est connu des auteurs de l’Antiquité. Il
semble correspondre à un signe de ponctuation marquant la fin d’un
passage et appelé paragraphos. Il apparaît sous la forme
d’un tiret placé par le scribe en marge de la ligne où se trouve la
fin de la phrase. Mais il ne fonctionne pas pour autant comme
instrument de segmentation du discours, et un rhéteur grec ou latin
serait bien en peine de décider à quelle partie de l’art de bien dire
appartient un découpage typographique du discours : est-ce à la
disposition ou à l’élocution ? Autrement dit, le paragraphe est-il
affaire d’agencement des idées ou affaire de style ? Non seulement
l’art rhétorique ne peut rien nous enseigner dans ce domaine, mais on
peut aller jusqu’à dire qu’il ne le doit pas, sinon à prendre le
risque de compromettre la cohérence même de la tekhnê.
Si, en effet, la construction du discours et la cohérence
argumentative sont l’affaire de la dispositio, à quoi
peut bien servir une segmentation en paragraphes sinon à manifester
typographiquement, de manière redondante, ce que la technique est
censée réaliser par elle-même ? En d’autres termes, si le discours est
construit selon les règles de l’art, nul besoin de paragraphes.
Il faut aller plus
loin. Chez Aristote, l’achèvement est, certes, une affaire de sens,
mais c’est également, tout aussi crucialement, une affaire de rythme.
Ce n’est donc pas le signe de ponctuation (le paragraphe) qui marque
la terminaison d’une période, mais la clausule rythmique. « Ce qui est
arythmique est indéterminé » [1] : l’absence de rythme
équivaut à une absence de limite, à une indétermination vectrice de
désordre, de chaos (ce que les Grecs appellent apeiron).
L’auteur de la Rhétorique prend soin de rappeler cet
axiome : « Il faut que la fin soit marquée […] non par le scribe, ni
le signe de ponctuation mais par le rythme » [2].
Avant toute forme de ponctuation, c’est donc le rythme qui structure
et borne la période. Le lien organique qui se noue entre rythme et
achèvement rendrait inutile toute autre forme de terminaison du sens.
Voilà peut-être pourquoi, chez des auteurs classiques formés par cette
tradition rhétorique, la question des limites intradiscursives, dans
la mesure où elle implique une symbiose entre rythme et sens, ne se
pose pas fondamentalement en termes de signes graphiques.
Absent des rares
traités de grammaire du XVIIe siècle, ce qu’il est convenu, à
cette époque, d’appeler « alinéa » ne commence à être mentionné dans
les tables de matières qu’au siècle suivant. C’est ainsi que le
grammairien de l’Encyclopédie, Beauzée, procure quelques
indications sur sa nature et ses règles d’emploi :
Les points
sont les plus fortes des Ponctuations, mais ils ne marquent pas les
distinctions les plus considérables. Les alinéa [sic]
sont des signes de distinction et de repos, qui vont entrer, à la
suite des points, dans le système de la proportion qui doit régler les
intervalles de la prononciation et la subordination des sens partiels
d’un discours. […]
On doit employer ce signe de distinction,
pour différencier, par exemple, les diverses considérations que l’on
peut faire sur un même fait, sur un même projet ; les différentes
affaires dont on parle dans une lettre, dans un mémoire ; en un mot
toutes les fois que l’on passe d’un point de vue dont l’exposition a
eu une certaine étendue, à un autre point de vue qui permet de prendre
entre deux un repos plus considérable que celui du point [3].
Cette présentation
est confirmée par Condillac, qui s’attache, conformément à
l’orientation générale de son propos, à la relation entre le
paragraphe et le mouvement de la pensée :
Vous voyez
par-là que dans le discours écrit, les alinéas contribuent à
distinguer, d’une manière plus sensible, les différentes parties d’une
pensée. Ils marquent où chacune finit, où chacune commence ; et, par
cet artifice, elles se démêlent beaucoup mieux.
S’il faut
distribuer, dans plusieurs alinéas, les différentes parties d’une
pensée ; il faut à plus forte raison, séparer de la même manière
plusieurs pensées différentes.
Cependant, cette précaution,
nécessaire pour plus de clarté, lorsque ce développement a une
certaine étendue, devient inutile, lorsqu’il est fort court. Alors les
pensées sont suffisamment distinguées par les points qui les
terminent. […]
De pareils repos supposent un sens fini. Mais
des sens finis peuvent tenir les uns aux autres, et n’être, tous
ensemble, que les parties d’un même développement. C’est pourquoi les
points, qui sont dans le cours des alinéa [sic], ne
marquent pas un repos aussi grand que ceux qui les terminent.
[…]
Une pensée qui demande un développement d’une certaine
étendue, telle que celle qui nous sert d’exemple, forme ce qu’on
appelle un « paragraphe » [4].
Ainsi l’alinéa
n’est lui-même qu’une excroissance du point, une marque de ponctuation
correspondant à une pause insistante, un « repos plus considérable ».
Tandis que le point sépare les pensées entre elles, l’alinéa, lui,
sépare les « différentes parties d’une pensée », autrement dit, les
différentes étapes d’un discours de longue étendue, quel que soit le
genre considéré. Ainsi que le suggère bien l’exposé de Condillac, le
paragraphe n’étant qu’une marque de ponctuation, les règles qui
régissent son utilisation sont de même nature que celles du point.
Tout comme le point distingue une pensée, un « sens fini » d’un autre,
le paragraphe distingue un ensemble de pensées cohérentes d’un autre
ensemble. Les règles sont donc dictées par la nécessité de borner des
étapes de pensée et de contribuer, de la sorte, à la lisibilité du
message. En d’autres termes, c’est la pensée qui commande le
découpage, et non un choix individuel d’auteur. Bien qu’elle soit
formulée dans une optique rationaliste, cette conception se rattache à
l’héritage rhétorique dont il a été question plus haut. Le discours,
pour parler comme les cartésiens, n’est qu’un tableau de la pensée, et
toutes les segmentations typographiques qu’il fait apparaître sont
celles de la pensée elle-même. Sous la plume de Condillac,
l’expression « sens fini » n’est sans doute pas hasardeuse : elle
insiste, comme le faisait Aristote, sur la nécessité de déterminer le
sens, c’est-à-dire de lui fixer un terme, une limite. C’est en ce sens
qu’on peut parler d’une vision rhétorique du paragraphe, c’est-à-dire
de la nécessité qui s’impose progressivement dans le champ de la
production écrite de fixer une norme graphique permettant de
visualiser les articulations du discours. Sans remettre en cause (de
nombreux textes en témoignent) le principe d’une limitation prosodique
et rythmique, elle présuppose – et se distingue en cela de la
tradition aristotélicienne – qu’il existe en outre deux marques de
limitation sémantique du sens : le point et le paragraphe. Ce dernier
apparaît donc clairement comme un instrument d’agencement des idées et
s’inscrit, de ce point de vue, dans une logique rhétorique qui est
celle de la dispositio.
C’est cette
conception qui semble prévaloir jusqu’au XIXe siècle. Sans exclure d’autres
auteurs ni d’autres genres littéraires qu’une telle communication [5], circonscrite au domaine réaliste, n’a pas permis
d’explorer, on peut penser que le premier nom associé à une
utilisation non rhétorique du paragraphe est celui de Victor Hugo. Non
pas dans son premier roman de jeunesse Han d’Islande, en
tout point conforme à la norme d’usage, mais dans un texte d’une
portée idéologique décisive : Le Dernier Jour d’un
condamné. Tout à la fois plaidoyer contre la peine de mort,
journal intime, roman, ce texte publié en 1829 anticipe sur la
dimension protéiforme des sommes romanesques ultérieures. Il se
présente également comme la matrice formelle inaugurale de la prose
narrative hugolienne. C’est en effet dans ce texte que le jeu des
alinéas et des blancs typographiques marque une rupture avec la norme
héritée de l’âge classique. Une telle initiative formelle se justifie
sans doute par le genre même du journal, affranchi de toute astreinte
à un ordre discursif et en prise directe sur les réactions affectives
du narrateur-personnage. Mais on ne peut être que frappé par ce choix
de paragraphes volontairement concis et concentrés et par la
généralisation corollaire d’une syntaxe averbale qui juxtapose
froidement des séquences dont rien apparemment ne justifie la
dissociation. Observons trois extraits significatifs :
Comptons ce
qui me reste.
Trois jours de délai après l’arrêt prononcé
pour le pourvoi en cassation.
Huit jours d’oubli au parquet
de la cour d’assises, après quoi les pièces, comme ils
disent, sont envoyées au ministre.
Quinze jours d’attente
chez le ministre, qui ne sait seulement pas qu’elles existent, et qui
cependant est supposé les transmettre, après examen, à la cour de
cassation.
Là, classement, numérotage, enregistrement ; car
la guillotine est encombrée, et chacun ne doit passer qu’à son
tour.
Quinze jours pour veiller à ce qu’il ne vous soit pas
fait de passe-droit.
Enfin la cour s’assemble, d’ordinaire
un jeudi, rejette vingt pourvois en masse, et renvoie le tout au
ministre, qui renvoie au procureur général, qui renvoie au bourreau.
Trois jours.
Je viens de
faire mon testament.
À quoi bon ? Je suis condamné aux
frais, et tout ce que j’ai y suffira à peine. La guillotine, c’est
fort cher.
Je laisse une mère, je laisse une femme, je
laisse un enfant.
Une petite fille de trois ans, douce,
rose, frêle, avec de grands yeux noirs et de longs cheveux
châtains.
Elle avait deux ans et un mois quand je l’ai vue
pour la dernière fois.
Ainsi, après ma mort, trois femmes,
sans fils, sans mari, sans père ; trois orphelines de différente
espèce ; trois veuves du fait de la loi.
Voici ce que
c’est que mon cachot :
Huit pieds carrés. Quatre murailles
de pierre de taille qui s’appuient à angle droit sur un pavé de dalles
exhaussé d’un degré au-dessus du corridor extérieur.
À
droite de la porte, en entrant, une espèce d’enfoncement qui fait la
dérision d’une alcôve. On y jette une botte de paille où le prisonnier
est censé reposer et dormir, vêtu d’un pantalon de toile et d’une
veste de coutil, hiver comme été.
Au-dessus de ma tête, en
guise de ciel, une noire voûte en ogive – c’est ainsi que
cela s’appelle – à laquelle d’épaisses toiles d’araignées pendent
comme des haillons.
Du reste, pas de fenêtres, pas même de
soupirail ; une porte où le fer cache le bois [6].
Dans le premier
passage, la succession mécanique des paragraphes est associée au
calendrier froidement administratif et arithmétique de la procédure de
pourvoi en cassation ; dans le second, le découpage souligne le
passage de la dérision et de l’ironie amère du début (« [l]a
guillotine, c’est fort cher ») à un registre à la fois plus pathétique
et plus poétique (ainsi qu’en témoigne le parallélisme grammatical du
troisième paragraphe : « [j]e laisse une mère, je laisse une femme, je
laisse un enfant ») ; dans le troisième, le même système de
segmentation s’applique à une topographie de cellule carcérale et
apparente le passage à un descriptif de type technique et
bureaucratique. On voit donc comment la multiplication des paragraphes
est organiquement reliée à un effet de sens séminal, non seulement de
ce texte, mais de toute la littérature hugolienne : le principe de
déshumanisation constitutif du monde juridico-administratif et
industriel moderne, principe qui est au cœur de toute son œuvre. Le
découpage isole chaque cellule de sens, non pour créer des
enchaînements, mais au contraire pour accentuer un effet de
séparation, de coupure et de discontinuité. Dès lors qu’il apparaît
sous la forme d’une succession de paragraphes simplement juxtaposés
les uns aux autres, le réel administratif, juridique, topographique, y
est donné comme inorganique, désarticulé, et révèle ainsi à la fois sa
dérision et son inconsistance absurde. On sait quelle fortune aura,
dans la prose hugolienne ultérieure, cette utilisation de la dimension
symbolique et mimétique du paragraphe.
Un texte tel que
Le Dernier Jour d’un condamné permet, dans ce début de
XIXe siècle, de repérer
une rupture fondamentale avec la tradition classique, rupture qui
articule le passage d’une conception rhétorique à une conception
poétique du paragraphe. Dans la première, on l’a vu, le découpage en
paragraphes est un point superlatif, un marqueur emphatique
d’articulation du sens participant à la cohérence argumentative
d’ensemble du discours ; dans la seconde, c’est maintenant la coupure
elle-même qui fait sens, c’est le blanc typographique qui se charge
d’une consistance d’autant plus problématique qu’elle transite par un
effet de vide. Tandis que le paragraphe rhétorique consolide la
logique du sens, le paragraphe poétique introduit une béance qui la
fait vaciller. Ne donnons pas ici d’autre sens au mot « poétique » que
celui proposé par Jakobson. La fonction poétique, dit-il, « met en
évidence le côté palpable des signes » [7]. Et c’est bien de cela
qu’il s’agit ici : le changement de paragraphe fonctionne comme signe
à part entière, au lieu de n’être qu’un blanc. Ou, si l’on veut, c’est
un blanc qui fait signe.
Peut-être
l’hybridité de la prose hugolienne qui marie volontiers le poétique et
le prosaïque explique-t-elle chez lui la présence de paragraphes
comparables à des strophes, d’alinéas comparables à des vers blancs.
Mais cette tendance à une poétisation de la prose – même si elle peut
jouer un rôle non négligeable dans d’autres proses que la sienne –
n’explique pas tout. Après Hugo, ou en même temps que lui, deux
écrivains réalistes comme Flaubert et Maupassant inaugurent à leur
tour une véritable poétique du paragraphe.
De nombreux travaux
sur le style de Flaubert ont, à juste titre, insisté sur une dimension
cardinale de sa prose, à savoir la phrase. Certes, Proust – le premier
peut-être –, commentant le fameux « Il voyagea », avait été sensible à
cette autre particularité de l’écriture de Flaubert qu’est le
blanc :
À mon avis la chose
la plus belle de L’Éducation sentimentale, ce n’est pas
une phrase, mais un blanc [8].
Mais il convient de
noter que cette remarque isolée intervient après plusieurs pages
consacrées à l’art de la phrase. Barthes, à son tour, prolongera cette
approche en insistant sur ces « deux croix » [9] de l’écriture flaubertienne
que sont la répétition et la transition intraphrastique. Le manuscrit
confirme, en effet, la présence de ces deux obsessions, l’une
paradigmatique, l’autre syntagmatique. On voit ainsi Flaubert
substituer un mot à un autre mot pour des raisons prosodiques ou
sémantiques, ou réorganiser des séquences à l’intérieur des phrases
pour gagner en fluidité. Mais un des nombreux enseignements qui se
tirent également de la consultation de ce manuscrit, est qu’il ne fait
apparaître aucune correction sur la disposition en paragraphes. S’il
hésite assez régulièrement sur le choix des mots ou des structures
dans certains passages, en revanche il ordonne son texte et découpe
les séquences avec une indiscutable sûreté. Il peut certes arriver
qu’il supprime un paragraphe entier, mais il n’introduit, ni ne
supprime de coupure dans le fil du discours. Si on en juge à la fois
par l’abondance des paragraphes et par leur différence de volume, on
repère chez Flaubert une attention esthétique, non moins
obsessionnelle que celle qu’il voue à la phrase, à la question de
l’agencement des séquences narratives. Il est certain que, par bien
des aspects, la segmentation du discours dans Madame
Bovary se rattache à une pratique normative de l’écriture
narrative. C’est bien sûr le cas des découpages liés à l’agencement
chronologique des séquences et, plus largement, à l’organisation
spatio-temporelle du récit. Comme d’autres romanciers, Flaubert use du
paragraphe pour signaler une ellipse temporelle ou un sommaire. Et des
expressions du type « deux jours après » ou « le lendemain » abondent
en début de paragraphe. De même pour les séquences descriptives qui
s’ordonnent selon des repères topographiques marqués par les
changements de paragraphe : intérieur / extérieur ou
rez-de-chaussée / premier étage de la maison de Toste, pour ne prendre
que cet exemple.
Mais c’est surtout
par d’autres caractéristiques que l’écriture de Flaubert innove. Non
pas quand le paragraphe se justifie pleinement dans la norme
narrative, mais quand, au contraire, il participe d’un choix
d’écrivain. Quand on sait – Proust, et d’autres après lui, ont insisté
sur cet aspect – l’importance accordée à la fluidité dans sa prose, la
segmentation d’une séquence homogène relève à première vue de
l’anomalie. C’est pourtant ce qui se passe dans une série de scènes
célèbres, dans lesquelles le changement de paragraphe ne se justifie
par aucune raison technique, telle que le détachement d’un descriptif
ou d’un passage au discours rapporté, ou encore la séparation de
différentes scènes narratives.
Dans les extraits
suivants, en effet, le procédé obéit à d’autres exigences :
La fracture
était simple, sans complication d’aucune espèce. Charles n’eût osé en
souhaiter de plus facile. […] tandis que la servante déchirait des
draps pour faire des bandes, et que mademoiselle Emma tâchait de
coudre des coussinets. Comme elle fut longtemps avant de trouver son
étui, son père s’impatienta ; elle ne répondit rien ; mais, tout en
cousant, elle se piquait les doigts, qu’elle portait
ensuite à sa bouche pour les sucer.
Charles fut surpris de
la blancheur de ses ongles. Ils étaient brillants, fins du bout, plus
nettoyés que les ivoires de Dieppe, et taillés en amande.
On parla
d’abord du malade, puis du temps qu’il faisait, des grands froids, des
loups qui couraient les champs, la nuit. […] Comme la salle était
fraîche, elle grelottait tout en mangeant, ce qui découvrait un peu
ses lèvres charnues, qu’elle avait coutume de
mordillonner à ses moments de silence.
Son cou sortait d’un
col blanc, rabattu. Ses cheveux, dont les deux bandeaux noirs
semblaient chacun d’un seul morceau, tant ils étaient lisses, étaient
séparés sur le milieu de la tête par une raie fine, qui s’enfonçait
légèrement selon la courbe du crâne ; et, laissant voir à peine le
bout de l’oreille, ils allaient se confondre par derrière en un
chignon abondant, avec un mouvement ondé vers les tempes, que le
médecin de campagne remarqua là pour la première fois de sa vie. Ses
pommettes étaient roses. Elle portait, comme un homme, passé entre
deux boutons de son corsage, un lorgnon d’écaille.
Quant à
Charles, il ne chercha point à se demander pourquoi il venait aux
Bertaux avec plaisir. […] Il aimait à se voir arriver dans la cour, à
sentir contre son épaule la barrière qui tournait, et le coq qui
chantait sur le mur, les garçons qui venaient à sa rencontre. Il
aimait la grange et les écuries ; il aimait le père Rouault, qui lui
tapait dans la main en l’appelant son sauveur ; il aimait les
petits sabots de mademoiselle Emma sur les dalles lavées de la
cuisine ; ses talons hauts la grandissaient un peu, et,
quand elle marchait devant lui, les semelles de bois, se
relevant vite, claquaient avec un bruit sec contre le cuir de la
bottine.
Elle le reconduisait toujours jusqu’à la première
marche du perron. Lorsqu’on n’avait pas encore amené son cheval, elle
restait là.
Il arriva un
jour vers trois heures ; tout le monde était aux champs ; il entra
dans la cuisine, mais n’aperçut point d’abord Emma, les auvents
étaient fermés. […] Entre la fenêtre et le foyer, Emma cousait ; elle
n’avait point de fichu, on voyait sur ses épaules nues de
petites gouttes de sueur.
Selon la mode de la campagne, elle
lui proposa de boire quelque chose. […] Comme il était presque vide,
elle se renversait pour boire ; et, la tête en arrière, les lèvres
avancées, le cou tendu, elle riait de ne rien sentir, tandis que le
bout de sa langue, passant entre ses dents fines, léchait
à petits coups le fond du verre.
Elle se rassit et elle
reprit son ouvrage, qui était un bas de coton blanc où elle faisait
des reprises ; elle travaillait le front baissé ; elle ne parlait pas,
Charles non plus. […] Emma, de temps à autre, se rafraîchissait
les joues en y appliquant la paume de ses
mains, qu’elle refroidissait après cela sur la pomme de fer des
grands chenets [10].
Ces changements de
paragraphes extraits de deux chapitres consécutifs mettent en évidence
la présence d’une technique narrative propre à Flaubert. Elle consiste
à clôturer un paragraphe sur un resserrement de focale qui fixe le
regard sur une partie du corps. Le regard de Charles en l’occurrence
– et celui du lecteur – puisque nous sommes dans un régime de
focalisation interne. Mais ce type de point de vue n’est en rien
requis, ainsi qu’on le voit dans l’extrait suivant du début de la noce
aux Berteaux :
De temps à
autre, on entendait des coups de fouet derrière la haie ; bientôt la
barrière s’ouvrait : c’était une carriole qui entrait. […] Suivant
leur position sociale différente, ils avaient des habits, des
redingotes, des vestes, des habits-vestes […]. Quelques-uns encore
(mais ceux-là, bien sûr, devaient dîner au bas bout de la table)
portaient des blouses de cérémonie, c’est-à-dire dont le col était
rabattu sur les épaules, le dos froncé à petits plis et la taille
attachée très bas par une ceinture cousue.
Et les chemises
sur les poitrines bombaient comme des cuirasses ! Tout le monde était
tondu à neuf, les oreilles s’écartaient des têtes, on était rasé de
près ; quelques-uns même qui s’étaient levés dès avant l’aube, n’ayant
pas vu clair à se faire la barbe, avaient des balafres en diagonale
sous le nez, ou, le long des mâchoires, des pelures d’épiderme larges
comme des écus de trois francs, et qu’avait enflammées le grand air
pendant la route, ce qui marbrait un peu de plaques roses toutes ces
grosses faces blanches épanouies [11].
Nulle autre raison
ne semble justifier un blanc typographique au beau milieu de ce
portrait collectif des paysans, sinon un resserrement de perspective
sur les chemises et les visages des convives. Ici, la situation se
complexifie du fait de la présence d’un embrayage énonciatif marqué
par un point d’exclamation. Dans les clausules de paragraphes
précédentes, il se dégage une constante obsédante qui consiste dans un
resserrement du point de vue sur une partie du corps d’Emma. Bon
nombre de commentateurs ont déjà mis en évidence cette érotisation du
regard de Charles, sans qu’il soit besoin d’y insister à nouveau. Mais
il importe d’être sensible au rôle particulier que joue le changement
de paragraphe, qui crée une sorte de point de fixation du sens. Chaque
fin de paragraphe se charge d’une densité signifiante qui oblige en
quelque sorte le lecteur à une pause réflexive. La dernière phrase est
comme suspendue et le blanc typographique crée un véritable appel de
sens. On voit dès lors que la segmentation répond moins à une exigence
d’organisation discursive qu’à une sorte de code herméneutique qui
invite le lecteur à l’approfondissement du contenu signifiant.
Cette fonction
herméneutique du paragraphe est parfois associée à une autre
utilisation. Flaubert use, en effet, fréquemment du paragraphe pour
signaler un changement de perspective ou de point de vue. Le chapitre
des noces aux Berteaux se conclut ainsi sur deux paragraphes très
brefs, dont le premier est justifié par un changement de repères
spatio-temporels :
M. et madame
Charles arrivèrent à Tostes, vers six heures. Les voisins se mirent
aux fenêtres pour voir la nouvelle femme de leur médecin.
La
vieille bonne se présenta, lui fit ses salutations, s’excusa de ce que
le dîner n’était pas prêt, et engagea Madame, en attendant, à prendre
connaissance de sa maison [12].
En un seul
changement de paragraphe, les jeunes époux sont devenus « M. et madame
Charles ». Avant même que l’existence de la bonne soit mentionnée,
c’est son point de vue qui enveloppe déjà la perception que nous avons
des deux héros. Non plus Charles et Emma, mais un couple bourgeois que
l’on désigne par un appellatif de déférence propre à l’idiome de la
domesticité. Ce type de prolepse n’est pas isolé : on se souvient que
l’idiolecte homaisien précède l’apparition du pharmacien au début de
la deuxième partie. Un peu à la manière d’un leitmotiv, le personnage
est annoncé avant sa manifestation.
Signalons pour
finir une autre utilisation suspensive du paragraphe. Elle est
particulièrement sensible dans ces moments romanesques que Genette a
appelés les « silences de Flaubert », c’est-à-dire des passages où
toute action se fige pour laisser place à une pause contemplative,
totalement détachée du contexte immédiat. Il se crée alors un lien
fusionnel ineffable entre le personnage et le paysage.
Puis,
considérant la mine mélancolique du svelte animal qui bâillait avec
lenteur, elle s’attendrissait, et, le comparant à elle-même, lui
parlait tout haut, comme à quelqu’un d’affligé que l’on
console.
Il arrivait parfois des rafales de vent, brises de
la mer qui, roulant d’un bond sur tout le plateau du pays de Caux,
apportaient, jusqu’au loin dans les champs, une fraîcheur salée. Les
joncs sifflaient à ras de terre, et les feuilles des hêtres
bruissaient en un frisson rapide, tandis que les cimes, se balançant
toujours, continuaient leur grand murmure. Emma serrait son châle
contre ses épaules et se levait [13].
La consultation du
manuscrit révèle que Flaubert a abondamment corrigé ce passage. Il
supprime en particulier des paragraphes qui introduisaient davantage
de bruit. Par exemple : « Dans le sentier derrière, elle entendait par
intervalles un pas lourd marcher, le bruit des sabots sur la poussière
coupait d’un rythme lent, le silence de la campagne [sic] »,
etc. Plus loin, il avait prévu de prolonger l’échange verbal avec
Djali, qu’il écourte en définitive. Dans la version finale, c’est en
quelque sorte au blanc typographique qu’il appartient de signaler ce
changement de climat et de matérialiser le silence de la campagne,
fait de sifflements, de bruissements et de murmure.
Une étude des
spécificités esthétiques du paragraphe flaubertien exigerait bien sûr
un parcours beaucoup plus approfondi. Mais, si incomplet soit-il,
l’examen qui précède permet déjà – espérons-le – d’en mesurer
l’intérêt et l’importance.
Si elle est
nettement moins sensible chez des héritiers tels que les Goncourt ou
Zola, cette poétique du paragraphe s’épanouit de façon spectaculaire
dans les nouvelles de Maupassant. Il est vrai que l’économie narrative
n’est plus la même : la concision impose au nouvelliste une
parcimonie, un art de l’ellipse et du sommaire, un agencement
rigoureux des séquences narratives. On comprend dès lors quel rôle
éminemment structurant peut jouer le paragraphe dans un tel genre.
Le paragraphe de
Maupassant fonctionne bien sûr comme outil d’enchaînement
chronologique de séquences narratives :
Loiseau, sous
prétexte de se dégourdir les jambes, alla placer du vin aux débitants
du pays. Le comte et le manufacturier se mirent à causer politique.
Ils prévoyaient l’avenir de la France. L’un croyait aux d’Orléans,
l’autre à un sauveur inconnu, un héros qui se révélerait quand tout
serait désespéré : un Du Guesclin, une Jeanne d’Arc peut-être ? ou un
autre Napoléon Ier ?
Ah ! si le prince impérial n’était pas si jeune ! Cornudet, les
écoutant, souriait en homme qui sait le mot des destinées. Sa pipe
embaumait la cuisine.
Comme dix heures sonnaient,
M. Follenvie parut. On l’interrogea bien vite ; mais il ne put que
répéter deux ou trois fois, sans une variante, ces paroles :
« L’officier m’a dit comme ça : “Monsieur Follenvie, vous défendrez
qu’on attelle demain la voiture de ces voyageurs. Je ne veux pas
qu’ils partent sans mon ordre. Vous entendez. Ça
suffit” ».
Alors on voulut voir l’officier. Le comte lui
envoya sa carte où M. Carré-Lamadon ajouta son nom et tous ses titres.
Le Prussien fit répondre qu’il admettrait ces deux hommes à lui parler
quand il aurait déjeuné, c’est-à-dire vers une heure.
Les
dames reparurent et l’on mangea quelque peu, malgré l’inquiétude.
Boule de suif semblait malade et prodigieusement
troublée.
On achevait le café quand l’ordonnance vint
chercher ces messieurs.
Loiseau se joignit aux deux
premiers ; mais comme on essayait d’entraîner Cornudet pour donner
plus de solennité à leur démarche, il déclara fièrement qu’il
entendait n’avoir jamais aucun rapport avec les Allemands ; et il se
remit dans sa cheminée, demandant une autre canette [14].
Non seulement le
paragraphe permet de distinguer les séquences de discours rapporté des
événements narratifs au passé simple, mais la succession très
resserrée de brefs paragraphes crée un effet d’accélération du tempo
et de concentration de la durée très caractéristique de la prose des
nouvelles de Maupassant.
Dans le sillage de
Flaubert, Maupassant se plaît également à créer de brusques
changements de climat, en ménageant des îlots méditatifs liés à une
contemplation du paysage. Il arrive fréquemment que le changement de
paragraphe corresponde à un changement de point de vue, voire à un
point de vue indécis et flottant. Ainsi, dans l’exemple suivant
extrait de Boule de suif, l’hypothèse selon laquelle le
spectacle dépeint dans le paragraphe central est perçu du point de
vue des occupants de la voiture n’est pas à exclure :
La porte
subitement se ferma. Tout bruit cessa. Les bourgeois, gelés, s’étaient
tus : ils demeuraient immobiles et roidis.
Un rideau de
flocons blancs ininterrompu miroitait sans cesse en descendant vers la
terre ; il effaçait les formes, poudrait les choses d’une mousse de
glace ; et l’on n’entendait plus, dans le grand silence de la ville
calme et ensevelie sous l’hiver, que ce froissement vague, innommable
et flottant de la neige qui tombe, plutôt sensation que bruit,
entremêlement d’atomes légers qui semblaient emplir l’espace, couvrir
le monde.
L’homme reparut, avec sa lanterne, tirant au bout
d’une corde un cheval triste qui ne venait pas volontiers [15].
Comme chez
Flaubert, ces enclaves ouvrent, au beau milieu d’une scène homogène,
une fenêtre sur une perception inspirée du paysage, comme si le
sublime s’invitait au beau milieu du prosaïsme social. Ainsi qu’en
témoigne ce paragraphe-phrase consacré au paysage enneigé, le registre
stylistique de la prose s’élève lui-même et contraste nettement avec
le minimalisme grammatical du paragraphe précédent.
Enfin, si
l’écriture de Maupassant contribue à enrichir ce qu’il appelle
« l’illusion réaliste » dans la préface de Pierre et
Jean, c’est sans doute par l’importance qu’il confère à la
dimension visuelle dans la restitution des scènes ou des tableaux.
Dans cette perspective, le paragraphe joue chez lui un rôle
crucial :
Le cocher avait
allumé ses lanternes. Elles éclairaient d’une lueur vive un nuage de
buée au-dessus de la croupe en sueur des timoniers, et, des deux côtés
de la route, la neige qui semblait se dérouler sous le reflet mobile
des lumières.
On ne distinguait plus rien dans la voiture ;
mais tout à coup un mouvement se fit entre Boule de suif et Cornudet ;
et Loiseau, dont l’œil fouillait l’ombre, crut voir l’homme à la
grande barbe s’écarter vivement comme s’il eût reçu quelque bon coup
lancé sans bruit.
Des petits points de feu parurent en avant
sur la route. C’était Tôtes. On avait marché onze heures, ce qui, avec
les deux heures de repos laissées en quatre fois aux chevaux pour
manger l’avoine et souffler, faisait quatorze. On entra dans le bourg,
et devant l’Hôtel du Commerce on s’arrêta.
La portière
s’ouvrit. Un bruit bien connu fit tressaillir tous les voyageurs :
c’étaient les heurts d’un fourreau de sabre sur le sol. Aussitôt la
voix d’un Allemand cria quelque chose.
Bien que la diligence
fût immobile, personne ne descendait, comme si l’on se fût attendu à
être massacré à la sortie. Alors le conducteur apparut, tenant à la
main une de ses lanternes, qui éclaira subitement jusqu’au fond de la
voiture les deux rangs de têtes effarées, dont les bouches étaient
ouvertes et les yeux écarquillés de surprise et d’épouvante [16].
Pour qui
souhaiterait transposer un tel épisode au cinéma, nul besoin de
script : l’écriture de Maupassant donne toutes les informations
utiles. Elle précise les éclairages, les sources de lumière, les
points de vue, les angles, bref tout ce qui est indispensable à une
visualisation de la scène. Les segmentations de paragraphes
orchestrent tous les changements de plans. C’est ainsi que les points
de vue du cocher et des passagers alternent, la scène s’achevant sur
le point de vue conjoint de l’aubergiste et de l’officier qui scrutent
l’intérieur de la voiture. C’est à la lecture de ce type de passage
que l’on mesure à quel point Maupassant a radicalisé le principe du
réalisme subjectif initié par Flaubert.
Impossible dans
l’espace de cette contribution d’envisager une étude plus approfondie
et plus complète. Nous nous bornerons pour conclure à repréciser la
perspective d’analyse qui fut la nôtre. Tandis que le blanc
typographique fonctionnait comme simple indicateur de liaison et
d’enchaînement du sens dans la conception que nous avons nommée
« rhétorique » du paragraphe, la prose du XIXe siècle invente une autre
stratification du sens. La segmentation en paragraphes fonctionne
comme un véritable indicateur métadiscursif qui signale un certain
nombre d’opérations formelles caractéristiques de la narrativité
moderne. Il peut arriver, dès lors qu’elle correspond à un code
herméneutique, que cette segmentation devienne elle-même vectrice
d’une tension constitutive de l’écriture réaliste de Flaubert et
Maupassant, à savoir la tension entre l’enlisement dans le prosaïsme
et le détachement contemplatif, entre réalisme romanesque et
méditation.