Observations sur le Testament politique du cardinal de Richelieu
Introduction par Laurent Avezou
Établissement, présentation et annotation du texte par Carole Dornier
Introduction : « Le Testament politique de Richelieu, support des projets de l’abbé de Saint-Pierre »
§ 1En 1688, les retombées de la révocation de l’édit de Nantes se font encore sentir en France et la ligue d’Augsbourg s’apprête à contrer Louis XIV, lorsque le Testament politique est publié à Amsterdam par le libraire calviniste Henry Desbordes (1649-1723). Quarante-six ans se sont écoulés depuis la mort de son auteur supposé, le cardinal de Richelieu. Sans doute Desbordes a-t-il eu vent du manuscrit par son coreligionnaire Viguier, comme lui natif de Saumur et gardien du château de Richelieu. Quoi qu’il en soit, il ne cherche pas à justifier le caractère tardif de cette publication, ni à donner un soubassement critique digne de ce nom à son édition. Même si un tel travail lui semble indispensable, il en laisse le soin à d’autres, comme en témoigne l’appel à contribution qui clôt son avertissement liminaire : « S’il y a jamais eu d’ouvrage qui méritât d’être enrichi de remarques, on peut dire que c’est celui-ci »1 . L’abbé de Saint-Pierre est de ceux qui feront écho à cette injonction.
§ 2Desbordes n’en consent pas moins à suggérer les pistes que devraient emprunter, selon lui, les commentaires qu’appelle l’ouvrage. Celles-ci révèlent les motivations sous-jacentes de son édition. Après avoir proposé d’explorer plus avant les intrigues de cour du règne de Louis XIII, il se demande en effet s’il ne serait pas édifiant d’établir le parallèle entre l’état de la France en 1642 et celui auquel elle est parvenue en 1688, dans le but, non avoué, d’instruire le procès du présent, en sollicitant à la barre un passé élevé au rang de paradigme. C’est que Desbordes, émigré depuis 1682, protégé par la relative liberté d’expression en vigueur aux Provinces-Unies, se propose de combattre, par cette publication, l’hégémonisme du Roi Soleil, si communément (et abusivement à ses yeux) présenté par ses thuriféraires comme un émule du cardinal. En montrant combien, au rebours des idées reçues, Louis XIV s’est éloigné de la sage pondération du principal ministre de Louis XIII envers les réformés, Desbordes insère son édition dans une série d’écrits émanant du Refuge protestant hostiles au Grand Roi. Mais, ce faisant, il laisse ouverte la question des conditions d’élaboration de l’œuvre. Premier éditeur du Testament, il s’en fait ainsi également le premier et le plus discret des glossateurs, au nombre desquels se rangera Saint-Pierre, quelque cinquante ans plus tard.
Qu’est-ce que le Testament politique ?
§ 3Le Testament politique est de ces blocs laissés à l’état semi-brut et dont les contours imprécis semblent appeler les rectifications de ciseleurs consciencieux, bien que le dessin général leur en échappe. Seule l’identité prestigieuse de l’artiste initial justifie ces rectifications complémentaires. Depuis plus de trois siècles, ce texte parle à l’imagination des interprètes davantage pour l’idée qu’ils se font de Richelieu qu’en raison de son contenu propre.
§ 4Car il faut convenir que le livre a de quoi dérouter. Il se compose de deux éléments d’inégale longueur, juxtaposés sans logique apparente, et qui ne répondent d’ailleurs pas au plan annoncé dans la table qui suit l’Épître au roi (ou qui la précède, selon les manuscrits). Cette dernière suffit d’ailleurs à mettre en contradiction le texte avec l’Avertissement de 1688. Là où celui-ci affirmait de manière péremptoire que l’ouvrage n’était pas destiné à la publication, celle-là annonce, noir sur blanc : « Cette pièce verra le jour sous le titre de mon Testament politique, parce qu’elle est faite pour servir, après ma mort, à la police et à la conduite de votre royaume »2 . L’Épître explique également que le Testament prend le relais d’une œuvre de plus longue haleine, relatant les « glorieux succès » du roi, que les travaux harassants et la maladie ont empêché le cardinal de mener à son terme, mais dont les matériaux étaient déjà réunis et plusieurs chapitres rédigés. Le dessin de ce qui allait être publié en 1823 chez Petitot sous le titre de Mémoires de Richelieu se trouvait ainsi clairement esquissé et semblait clore à l’avance toute polémique sur leur authenticité. Encore celle du Testament devait-elle être assurée. Or, il s’en fallait de beaucoup.
§ 5Sans explorer plus avant les arguments militant en faveur ou à l’encontre de l’authenticité, on peut convenir d’emblée que l’ouvrage, en dépit, ou plutôt à cause, de son absence de finition, était bien à même de retenir l’attention des générations à venir, par son mélange d’aspirations quasi utopistes et de considérations terre à terre, par son verbe familier, sinon accessible, accueillant le développement technique au même titre qu’une intermittente trivialité. Ce texte présente, en effet, le double caractère, inscrit dans sa structure, d’être tourné vers l’avenir, par le plan de réformation du royaume qu’il avance dans son développement, et ancré dans le passé, avec la « Succincte narration », résumant les années 1624-1638, qui le précède. Sa relative brièveté renforce enfin son impact, qui allait être renforcé par un feu nourri de réimpressions jusqu’à la fin du règne de Louis XIV.
§ 6Jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, les quinze éditions de l’ouvrage sont toutes publiées aux Provinces-Unies et, à une exception près, à Amsterdam. Jusqu’en 1688, elles sont assurées par Henry Desbordes. En fait, les nouvelles éditions annoncées d’un exemplaire à l’autre ne doivent pas faire illusion : il s’agit de simples réimpressions, sans refonte ni appareil critique. Mais leur fréquence est en soi remarquable : quatre en 1688, deux en 1689, une en 1690, 1691 et 1696, puis, après une longue pause, deux en 1708, et deux encore en 1709, ces dernières toujours à Amsterdam, mais venant d’autres officines que celle de Desbordes. La conjonction avec les guerres de la Ligue d’Augsbourg (1689-1697), puis de la succession d’Espagne (1701-1714), n’est pas fortuite : il s’agit bien, dans l’esprit des éditeurs, de tendre un miroir déformant à l’hégémonisme de Louis XIV, auquel est opposée la politique de Richelieu, certes autoritaire, mais fondée sur la recherche de l’équilibre des forces, à l’intérieur, comme à l’extérieur du royaume, du moins tel qu’il ressort de la lecture du Testament.
§ 7Après cette première vague, la fréquence décroît brusquement. L’édition de Desbordes est réimprimée une dernière fois, à Amsterdam, chez les Janssons à Waesberge en 1738, année qui clôt la guerre de la succession de Pologne (1733-1738), dont le cardinal-ministre Fleury avait fait son possible pour limiter les effets sur la France. C’est alors qu’entre en scène l’abbé de Saint-Pierre.
§ 8L’éditeur de 1738 introduit en effet à la suite du texte de Richelieu les Observations historiques et politiques de l’auteur du Projet de paix perpétuelle (1713) et du Discours sur la Polysynodie (1718). Elles seront reprises dans l’édition Van Duren à La Haye (1740). L’abbé de Saint-Pierre les insère dans le dernier tome de ses Ouvrages de morale et de politique paru en 1741.
§ 9La paternité de Richelieu sur l’œuvre pouvait en effet sembler d’autant plus contestable que, à sa suite, la mode des testaments politiques attribués à des hommes d’État de renom s’était répandue : ceux de Colbert (1693) et de Louvois (1695) sont d’ordinaire attribués à Gatien Courtilz de Sandras, par ailleurs auteur des fantaisistes Mémoires de d’Artagnan qui devaient inspirer Dumas. L’ironie veut que ces ouvrages apocryphes n’aient pas suscité de commentaires, tandis que le Testament politique de Richelieu donnait lieu à la plus âpre polémique, en dépit des indices d’authenticité accumulés depuis le XVIIIe siècle. Il faut croire que le prestige prêté à son concepteur explique ce traitement d’exception. Si certains, comme Montesquieu3 , ont accueilli le Testament politique sans en contester l’attribution à Richelieu, d’autres, tel Gilbert Ménage (Menagiana, 1715), faisaient valoir que, dans le cas d’un livre attribué à un ministre d’État disposant de nombreux collaborateurs, la notion d’auteur unique a une valeur bien relative. L’abbé Richard, l’historiographe du père Joseph (l’éminence grise du cardinal) se rallie à cette formule, faisant remarquer, dans son Parallèle de Richelieu et Mazarin, que les deux cardinaux-ministres partagent l’honneur équivoque d’avoir été crédités d’un Testament politique, « auxquels ils n’[avaient] peut-être jamais pensé ni l’un ni l’autre […] ; [et il ajoutait :] ce que l’on peut dire de celui de Richelieu, c’est qu’il est fait sur les mémoires qu’il a laissés, et qu’il peut passer pour un livre qui vient de lui »4 .
§ 10Dès l’origine, cependant, des détracteurs farouches se sont dressés pour rejeter catégoriquement l’attribution au cardinal. Ainsi Antoine Aubery, auteur d’une monumentale Histoire du cardinal de Richelieu parue en 1660, qui ne pouvait sans doute se résoudre à n’avoir pas eu vent de l’existence du Testament politique. Il eut toutefois le temps d’insérer les réflexions que lui inspirait l’édition de Desbordes dans son Histoire du cardinal Mazarin (1688), livrant contre l’attribution à Richelieu les arguments dont s’inspirera Voltaire : le Testament, martèlera ce dernier de 1737 jusqu’à sa mort, serait un ouvrage de doctrine au sens étroit du terme, d’une souscription et d’une datation invraisemblables (alors que celles-ci ont été apposées par l’éditeur en 1688 seulement) et d’une trivialité, dans le style comme dans les matières traitées, jugée indigne de la grandeur du cardinal. Faire mine de considérer le Testament comme un ouvrage achevé (ce qu’il n’était pas) devait être une constante du discours des détracteurs tout au long du XVIIIe siècle, car il était alors loisible de relever les incohérences, les redites et les erreurs d’information qui parsèment le texte.
§ 11La question qui se pose à propos des Observations sur le Testament politique adjointes à la huitième édition de l’ouvrage (1738), au moment où Voltaire entamait son long travail de récusation, présente deux facettes complémentaires. Que nous apprennent-elles sur Richelieu ? Que nous disent-elles de l’abbé de Saint-Pierre ? Y a-t-il une vision diachronique du commentateur ? Ou bien le texte commenté n’est-il que prétexte à une prise de position sur des objets bien éloignés des préoccupations de Richelieu ?
§ 12L’illusion est aisée à dissiper et les stratégies rhétoriques transparentes de l’abbé incitent à considérer que Richelieu lui importait comme auteur du Testament dans la seule mesure où il pouvait constituer un tremplin à ses propres projets. On trouvera donc peu d’éclaircissements nouveaux sur Richelieu dans ses Observations, mais d’amples développements sur les obsessions de cet inépuisable faiseur de projets qu’était l’abbé. Pourtant, à y regarder de plus près, il existe bien un espace interstitiel dans lequel se glisse une pensée qui fait le lien entre le siècle de Richelieu et celui de l’abbé de Saint-Pierre.
Des Observations sur Richelieu, mais sans Richelieu
§ 13Saint-Pierre adopte, en quelque sorte, la posture du « nain sur les épaules du géant », un nain rétif, qui ne se contente pas de reposer sur les épaules dudit géant, mais les bourre de coups de poing et se juche sur sa tête afin de jouir d’un angle de vue plus dégagé.
§ 14Certes, la déférence envers Richelieu est de rigueur, mais elle s’enrobe de notations en demi-teintes : « ce grand cardinal » était « grand pour son siècle ». Manière d’introduire à ce qui est l’une des ponctuations lancinantes des Observations : la foi en une courbe parabolique du « progrès de la raison universelle » (Richelieu, § 57)5 . « Nous avons profité des Lumières du siècle précédent, et nous nous en sommes servis pour le surpasser » (§ 82). Il arrive – rarement – à l’abbé de corroborer le point de vue de son devancier : ainsi sur les exemptions de charges ecclésiastiques, auxquelles il est également hostile, car elles encouragent cette plaie qu’est l’absentéisme du clergé (§ 47). Mais, le plus souvent, il prétend le dépasser. Il lui arrive même, à l’occasion, de se moquer du « grand cardinal » : ainsi, quand, en commentant le chapitre 7 sur « l’état présent de la Maison du roi » dans l’édition de 1738, il affecte de prendre cette formule au sens domestique, et non ministériel du terme, ce qui donne : « Il paraît que le cardinal aime la propreté de la Maison du roi ; il a raison, et je crois qu’on pourrait venir à bout de l’y introduire avec un peu de soin, de la part d’un valet de chambre qui seul en serait chargé » (§ 90, variante). Ce paragraphe irrévérencieux disparaîtra de l’édition de 1741.
§ 15D’une analyse proprement historique, peu de traces, et qui ne servent qu’à souligner l’incomplétude de la vision cardinalice. Ainsi l’abbé adopte-t-il le « on dit » (non précisé) selon lequel les 12 sections du chapitre II consacré à la réforme de l’Église auraient été rédigées avant l’accession de Richelieu au ministère, car elles « ne sentent que le théologien » (§ 37). Il procède de même pour supposer une rédaction antérieure à la conspiration de Cinq-Mars (§ 184). En revanche, l’abbé ne se dispense pas d’une appréciation personnelle élogieuse sur l’homme d’État, qui sacrifie à la convention du parallèle Richelieu-Mazarin (aisément déterminée par l’identité d’époque, d’état et de fonction des deux cardinaux-ministres, et abondamment illustrée depuis la profuse littérature pamphlétaire du temps de la Fronde et un fameux passage des Mémoires de Retz, tardivement publiés en 1717, jusqu’au Parallèle de l’abbé Richard, en 1716). L’abbé lui-même rédige avant 1733, à l’occasion de la lecture de l’ouvrage de l’abbé Richard, une Observation sur les deux ministères du Cardinal de Richelieu et du Cardinal Mazarin dont il reprendra certaines remarques dans ses Observations6 . Richelieu, juge Saint-Pierre après eux, eut bien plus fort à faire pour vaincre la défiance de Louis XIII que Mazarin pour gouverner la régente Anne d’Autriche, qui lui était entièrement acquise (§ 89)7 .
§ 16Il est tout aussi ordinaire que l’estime envers l’homme d’État s’articule avec la dénonciation de son ambition personnelle. Saint-Pierre y sacrifie après tant d’autres, regrettant que le cardinal, « trop vif et trop présomptueux pour être assez docile » (§ 173), jaloux de « se réserver les nominations et les promotions, au lieu de laisser ce jugement au scrutin des pareils » (§ 188), qui « désirait plus la puissance pour se faire craindre que pour se faire aimer » (§ 189), ait montré son courage face à l’adversité « dans des affaires qui regardaient beaucoup plus son bien personnel que le bien de l’État » (§ 124). L’abbé peut avoir ici en tête bien des parallèles, comme celui entre la hardiesse que manifesta le personnage pour déjouer la menace de disgrâce qui pesa sur lui au moment de la journée des Dupes, en 1630, et l’affolement qui le prit lors du danger d’invasion espagnole qui menaça Paris en 1636, le père Joseph allant alors jusqu’à le traiter de « poule mouillée » pour lui en faire reproche8 .
§ 17Finalement, Richelieu compte pour peu de choses dans les Observations que Saint-Pierre est censé consacrer à son Testament politique. Mais le cardinal d’hier servirait-il de paravent au cardinal du jour ? En d’autres termes, se pourrait-il que les Observations contiennent une charge occulte contre le vieux cardinal de Fleury, ministre dirigeant de Louis XV au temps de leur rédaction ? Tout au plus peut-on y déceler une invitation à l’émulation, concernant, par exemple, la lutte à mener contre la faveur courtisane. Pour le reste, l’abbé de Saint-Pierre n’était pas d’esprit revanchard, même après la dissolution, à l’instigation de Fleury, du Club de l’Entresol en 17319 , qui l’avait pourtant privé d’un espace d’expression privilégié. Assurément, et de manière plus décisive, les Observations servent de caisse de résonance à plusieurs des causes publiques pour lesquelles militait l’abbé de Saint-Pierre depuis la Régence : la paix perpétuelle, la polysynodie et la taille tarifée, entre autres.
Les projets revisités de l’abbé
§ 18Le fil conducteur auquel se rattachent ces trois thèmes, c’est la méthode du scrutin. Tout en procède. Tout y revient. Et elle s’applique à tous les objets : la collation des bénéfices ecclésiastiques (§ 66), la promotion dans l’enseignement (§ 65), aux charges militaires (§ 70), à la magistrature (§ 81), à la Maison du roi (§ 97), au ministère (§ 126), etc. On en connaît le principe général, appliqué par exemple au recrutement épiscopal : qu’un siège se trouve vacant, parmi les 30 d’une même classe, et les 29 titulaires restants seront tenus de choisir son remplaçant parmi les trois candidats choisis entre les 30 de la classe épiscopale inférieure. Modèle déclinable à l’envi, et qui permettra, pense l’abbé, d’employer chacun suivant ses capacités. Le thème clôt d’ailleurs les Observations, comme un delenda Carthago catonien. Conscient de ses redondances, Saint-Pierre, dans la première édition, termine en effet abruptement son exposé comme suit : « Je demande pardon au lecteur si de toutes parts je reviens à la méthode du scrutin, mais c’est la nécessité dont elle est pour un bon gouvernement qui m’y ramène toujours » (§ 219, variante) et qui, est-on tenté d’ajouter, l’a symétriquement éloigné du Testament politique. On peut passer en revue les allusions aux divers projets de l’abbé autoréférencés par ses soins dans les Observations, en les prenant par ordre de publication :
§ 191o L’auteur du Projet de paix perpétuelle de 1713 se rappelle au souvenir du lecteur, à travers deux allusions bien ténues : d’abord en proposant l’arbitrage de la Diète européenne, « dont Henri le Grand nous a proposé l’établissement » (§ 143), pour un objet quelque peu inattendu : comme un recours face à un péril de politique intérieure – en l’occurrence, la crainte qu’un ministre trop puissant ne s’interpose entre le roi et ses sujets. Plus loin, c’est l’arbitrage instauré entre puissances européennes qui est prôné comme idéal à poursuivre (§ 198). Le modèle disponible est la Diète du Saint Empire romain germanique, que Saint-Pierre désespère de voir adopter par les cours européennes. On approche, au moment de la rédaction des Observations, de la signature du traité de Vienne (1738) qui conclura la guerre de succession de Pologne : signer un projet de paix européen serait faire un pas considérable à une raison humaine encore dans l’enfance (§ 201).
§ 20La sensibilité de l’abbé aux questions de paix générale l’avait déjà conduit à placer son Projet de paix perpétuelle sous la caution d’Henri IV et de Sully : le troisième tome, daté de 171710 , donnant des extraits des Mémoires du Duc de Sully sur le grand projet de Henri le Grand, était présenté comme un simple éclaircissement du Grand Dessein attribué à Henri IV (Paix 3, § 31), l’ouvrage était en réalité beaucoup plus développé que les allusions au projet dispersées dans les Mémoires de ce dernier. Les conceptions en étaient tout aussi dissemblables. L’abbé ne prévoyait pas de remaniement territorial forcé comme préalable à la paix universelle, jugeant avec bon sens que c’eût été une étrange manière de l’inaugurer : l’entente devait être fondée sur le statu quo territorial. Il n’adoptait pas davantage le ton dogmatique imprégnant l’ensemble de l’exposé de Sully. En revanche, comme lui, il projetait bien d’établir une Diète européenne assortie d’un Congrès permanent d’arbitrage. Il est surtout significatif que l’abbé de Saint-Pierre ait décidé de placer son projet sous la caution morale du Grand Dessein, sachant bien que cette clause de style lui gagnerait les suffrages du public qu’il voulait toucher, à une date où le succès de la Henriade de Voltaire avait ravivé dans les belles-lettres les cendres du Vert-Galant11 . En 1761, Rousseau, qui avait côtoyé l’abbé chez madame Dupin, décidait de donner un condensé de son Abrégé, qu’il jugeait encore trop diffus. Il en profita pour y adjoindre un Jugement, dans lequel il distinguait soigneusement la sagesse de la construction théorique du Grand Dessein et la faiblesse des moyens proposés par Sully et Henri IV pour la mener à bien : « Qu’on nous rende un Henri IV et un Sully, la paix perpétuelle redeviendra un projet raisonnable ; ou plutôt, admirons un si beau plan, mais consolons-nous de ne pas le voir exécuter ; car cela ne peut se faire que par des moyens violents et redoutables à l’humanité »12 .
§ 21Voltaire accueillit, paraît-il, la lecture du Jugement par des éclats de rire. Dans le Journal encyclopédique du 1er mai 1761, il entreprit d’y répliquer sous la forme d’une satire : le Rescrit de l’empereur de Chine à l’occasion du projet de paix perpétuelle. Le préambule en est assez éloquent sur le peu de crédit qu’accorde l’auteur au Grand Dessein : « Nous avons lu attentivement la brochure de notre amé Jean-Jacques, citoyen de Genève, lequel Jean-Jacques a extrait un projet de paix perpétuelle du bonze Saint-Pierre, lequel bonze Saint-Pierre l’avait extrait d’un clerc du mandarin marquis de Rosny, duc de Sully, excellent économe, lequel l’avait extrait du creux de son cerveau »13 . En 1772 encore, dans son poème La Tactique, Voltaire devait ironiser sur « l’impraticable paix de l’abbé de Saint-Pierre »14 .
§ 222o Pour la réforme du gouvernement, Saint-Pierre, auteur du Discours sur la Polysynodie ou la Pluralité des conseils (1718) est bien à son affaire, dans les Observations. Expulsé de l’Académie française l’année même de la publication de la Polysynodie, parce que le Régent voulait donner un signal aux partisans de la restauration imminente de l’ancien système des secrétaires d’État, après trois ans de gouvernement polysynodique, l’abbé n’a rien abdiqué en 1737 de ses conceptions du temps. Il les réexpose au fil des Observations.
§ 23Au niveau central, Saint-Pierre préconise le modèle trinitaire du ministre unique en trois personnes : un ministre général entouré de trois ministres particuliers (l’un pour les affaires étrangères, le second pour les finances, le troisième pour la « police générale », entendons l’administration intérieure). Au niveau particulier, chaque secrétaire d’État sera assisté d’un conseil, lui-même relayé par trois bureaux (de douze membres chacun, selon le modèle apostolique, cette fois), qui doivent suppléer à la versatilité des ministres ; composés pour une moitié de conseillers d’État, pour l’autre de Maîtres des Requêtes, ces douze bureaux permettront à l’État de passer au travers des défaillances individuelles. Voilà une reprise adaptée du système polysynodique, élément décisif de la prise de pouvoir par Philippe d’Orléans, qui avait offert un certain nombre de places dans les conseils à une haute noblesse impatiente de revenir aux affaires. Mais dans l’esprit de l’abbé, et en deçà de l’expérience de la polysynodie, il s’agit plutôt d’un retour au plan du « Dauphin Bourgogne » (§ 136), soit aux Tables de Chaulnes, conçues en novembre 1711 à destination de ce petit-fils du Roi Soleil, éphémère dauphin de 1711 à 1712, et sur lequel Fénelon fondait ses espoirs de réformation de la monarchie.
§ 243o Enfin, Saint-Pierre, qui vient de publier une nouvelle édition du Projet de taille tarifée en 173715 , l’année précédant la sortie des Observations, se montre pourtant discret au sujet de cette réforme de l’impôt, qui sera reprise par les physiocrates : une allusion, très lapidaire, à son établissement y suffit (§ 216). Saint-Pierre préconisait la rupture avec l’impôt de répartition (dans lequel la recette totale est fixée a priori, avant d’être répartie jusqu’aux paroisses) pour y substituer l’impôt de quotité (où le taux de prélèvement est calculé sur les revenus, ce qui permet au contribuable d’estimer d’avance ce qu’il aura à régler).
La réforme de la société
§ 25L’abbé s’est donc bien moins oublié lui-même qu’il n’a oublié Richelieu. Mais, sans forcer le trait à l’excès en faisant de Saint-Pierre une sorte de Richelieu adouci qui ouvrirait les portes du paradis terrestre, dont le cardinal aurait au contraire jalousement gardé les clefs, on peut souligner des traits de continuité objective entre les plans de réformation générale de la société que préconisaient l’homme d’État pragmatique du XVIIe siècle et l’idéaliste faiseur de projets du XVIIIe qui prétend lui servir d’observateur, en particulier dans la réforme de l’Église, de l’éducation, de la magistrature, de la noblesse et du commerce extérieur.
Un gallicanisme tourné vers l’utilité publique
§ 26L’examen de ses écrits sur la religion révèle chez l’abbé un déisme à peine voilé, celui qui se manifeste à la fin de son développement sur la réformation de l’Église : « Aimer Dieu sur toutes choses et notre prochain comme nous-mêmes », précepte qui disparaît d’ailleurs dans l’édition de 1741, au profit du fondement du droit naturel invoqué ad nauseam par l’auteur : « Faire pour les autres ce que nous voudrions qu’ils fissent pour nous suivant saint Matthieu, 7, 12 » (§ 52, et variante). Il est, de toute manière, difficile de cerner les véritables convictions de Saint-Pierre (si tant est qu’il en ait), en matière d’ecclésiologie. Mais, quand il assène que le salut se gagne par la foi dans le credo, éventuellement assortie de la soumission – très subsidiaire – aux décisions des conciles, on frise le calvinisme rebouilli, comme Mazarin croyait pouvoir jadis interpréter le jansénisme. Pourtant, ce dernier, plus que jamais d’actualité en 1737, ne suscite aucun attrait dans l’esprit de l’abbé, si l’on en croit son aspiration à obtenir « le silence des disputes entre théologiens » (§ 51)16 . Cinq ans s’étaient alors écoulés depuis la dernière crise aiguë suscitée dans le clergé et les parlements par ce courant augustinien, puis jugulée sans trop de dégâts par Fleury, qui avait réussi à faire passer le jansénisme pour un fauteur de troubles bien plus que pour un mouvement légitime de contestation17 .
§ 27Le conciliarisme, selon lequel les décisions des conciles œcuméniques devaient l’emporter sur celles du pape (dont le népotisme, négation de la méthode du scrutin, est épinglé, § 117), n’est d’ailleurs postulé par l’abbé que pour mieux stigmatiser la prérogative pontificale. Il passe d’ailleurs presque aussitôt au gallicanisme de combat, et de là au régalisme : en d’autres termes, le pape ne doit avoir nulle autre puissance que celle que lui reconnaît le roi. C’est ce qui étaye enfin la recommandation faite aux jésuites d’élire un général français, et non plus un maître résidant à Rome18 . D’ailleurs, la diversité des coutumes rend quasiment superflue, à ses yeux, le maintien d’un « chef unique » (§ 56).
§ 28La foi en la prérogative royale ne se répercute pas qu’à l’extérieur, dans les relations avec le pape, mais aussi à l’intérieur, dans l’injonction à supprimer la juridiction ecclésiastique, qui empiète abusivement sur la justice royale. En cas de faute d’un prêtre, les trente desservants du doyenné statueront, aux trois quarts des voix, sur la sanction qui doit lui être appliquée (§ 41).
§ 29C’est enfin dans le domaine du recrutement ecclésiastique que se révèle la démarche utilitariste de l’abbé, lorsqu’il préconise la division de l’épiscopat en « trois ou quatre classes de 30 ecclésiastiques nobles », et que, en cas de vacance épiscopale, au sein de la classe concernée, trois candidats soient choisis parmi les 29 restants et soumis à la sélection du promoteur. Même méthode en cas de vacance de cure : que les 29 restants en choisissent trois à proposer au promoteur (dont le libre choix ne sera pas ainsi nié, mais canalisé). Doivent s’y ajouter le rééquilibrage des revenus des évêchés, le retour au mariage paléochrétien des prêtres et des évêques19 (« pour augmenter le nombre de ses sujets et des familles catholiques », précise – sans rire – le tendre abbé, en ces temps de crainte infondée de dépopulation, § 213) et enfin l’effort pour rendre les monastères « encore plus utiles à la société chrétienne » (§ 215), ce qui sous-entend que cette utilité n’est guère manifeste)20 .
La réforme de l’éducation
§ 30Saint-Pierre est bien ce Moderne qui avait quelque peu forcé les portes de l’Académie en 1695 (grâce à l’appui de Fontenelle), quand il vitupère contre l’antipédagogisme des Jésuites et des docteurs de l’Université, dont la focalisation sur les ouvrages en langues mortes ne se justifie plus, maintenant que l’on dispose de leur traduction en français et, à l’en croire, de beaucoup de meilleurs dans cette même langue sur les sujets qu’ils abordent (§ 62). Or, l’éducation doit privilégier la morale et les vertus sur les humanités : les premières sont prônées par les « citoyens vertueux », les seconds par « des savants vicieux » (§ 60). Ce n’est là que le moyen de la fin à poursuivre en matière éducative, que Richelieu n’aurait pas démenti, sans pour autant se défier des auctoritates : rétablir un esprit d’émulation entre les élèves, dans la perspective du service du roi. Une première sélection devrait se faire au niveau du collège, puis parmi les pages, qui seront ensuite répartis entre la Chambre et l’Écurie (pour les plus vertueux) ou la cavalerie et l’infanterie de la Maison du roi (pour les plus méritants).
La vénalité des charges
§ 31L’hostilité de Saint-Pierre envers la vénalité des charges de la magistrature (officialisée depuis 1604) lui fait balayer d’un revers de main l’objection de Richelieu soulignant l’impossibilité matérielle de rembourser d’un coup tous les offices : l’abbé préconise tout simplement d’en étaler le remboursement. Ce serait un préalable à ce qui est, à ses yeux, l’essentiel : le renouvellement des rangs de la magistrature par la méthode du scrutin et la gratuité de la justice pour les plus pauvres. Pourtant, les réticences à l’abolition de la vénalité n’étaient pas le fait du seul Richelieu. Un contemporain de l’abbé, le jurisconsulte d’Aguesseau (chancelier de France de 1717 à 1750), tout en soulignant les défauts de la vénalité des offices, craignait que son abandon pur et simple ne se traduisît par une pénurie du recrutement dans la magistrature21 .
La noblesse utile
§ 32L’émulation concerne aussi les nobles, dont les titres devront être remis en jeu de génération en génération, selon les mérites des détenteurs. Et la noblesse, insiste l’abbé, doit être démilitarisée, car l’épée « sent encore la barbarie de nos malheureux temps de guerre civile » (§ 72). Ce sont là des propos que n’aurait pas démentis Richelieu, confronté durant tout son ministériat à l’urgence du « devoir de révolte » ressenti par la noblesse, mais qui, bien loin de souhaiter un désengagement militaire intégral, aurait voulu que le deuxième ordre dirige exclusivement ses armes contre les ennemis du royaume. D’ailleurs, il y a noblesse et noblesse. Saint-Pierre, aiguillonné, comme beaucoup d’autres en son temps, par le modèle britannique (dont les Lettres philosophiques ou anglaises de Voltaire parues en 1734 sont une manifestation fameuse), disserte sur l’utilité des colonies et du commerce maritime en des termes qui étaient déjà d’actualité, à l’époque où Richelieu avait entrepris de réveiller les potentialités navales du royaume, par la création de compagnies à monopole et les encouragements faits à la noblesse française à s’engager dans les voies du négoce sans crainte de déroger. Pour stimuler le commerce extérieur, Saint-Pierre préconise, comme il l’avait déjà fait en 1733 dans son Projet pour perfectionner le commerce de France, d’accorder l’anoblissement aux négociants, à charge, pour leurs descendants, de ne pas quitter le négoce durant un siècle, sous peine de dérogeance22 . Pertinente inversion des paramètres.
Conclusion
§ 33Les Observations ne relèvent ni du commentaire historique ni du commentaire philologique. Il s’agit plutôt d’un manifeste réunissant les différents combats menés par un faiseur de projets enthousiaste et opiniâtre : des combats à fleuret moucheté, qui piquent plus qu’ils ne tranchent et virevoltent autour de l’objet du Testament sans jamais l’appréhender comme un sujet. On y retrouve bien ici et là cette réputation de naïveté qui suit l’abbé à la trace, rehaussée de cette pose de sagesse chinoise qui bat son plein dans le second quart du XVIIIe siècle (et que relèvera Voltaire en 1761, dans son satirique Rescrit de l’empereur de Chine, en qualifiant l’abbé de « bonze »), quand il expose tout benoîtement le but qu’il s’est assigné : « jeter les fondements du palais de la vertu voluptueuse ou de la volupté vertueuse, qui ne peut s’achever entièrement qu’en plusieurs règnes sages de suite » (§ 107).
§ 34Pourtant, le décocheur de traits n’a pas choisi son propulseur au hasard : les ressources de pragmatisme du grand improvisateur qu’était Richelieu se révèlent à merveille dans son Testament politique comme une suite de pages inachevées. Elles ouvraient un champ d’inspiration fertile à un penseur comme l’abbé de Saint-Pierre, si fidèle à ce trait de pensée de la sagesse d’Ancien Régime : faire du neuf avec du vieux.
Note sur l’établissement du texte
Manuscrits
Observations sur le Testament politique du cardinal de Richelieu sur le premier chapitre ou introduction, archives départementales du Calvados, 38 F 44 (ancienne liasse 6), p. [1-4] (C).
Trois versions successives de deux Observations (numérotées 2 et 3) sur le chapitre 1 de la Première Partie du Testament qui sont absentes des autres versions du texte : autographe avec corrections ; copie d’un secrétaire avec corrections intégrées et nouvelles corrections autographes ; mise au net d’un secrétaire, avec les nouvelles corrections autographes intégrées.
Observations sur le testament politique du Cardinal de Richelieu, BPU Neuchâtel, ms. R180, p. 1-48.
Copie du texte publié en 1738, comprenant l’Avertissement, corrigé en 1740 pour l’édition de 1741. Corrections et additions autographes.
Imprimés
« Observations de Mr l’abbé de S. Pierre », in Testament politique d’Armand du Plessis, cardinal, duc de Richelieu, 8e éd., Amsterdam, Les Janssons à Waesberge, 1738, t. II, in-8o, Seconde Partie, p. 241-296 (A).
« Observations de Mr l’abbé de S. Pierre », in Testament politique d’Armand du Plessis, cardinal, duc de Richelieu, 8e éd., La Haye, Jean van Buren, 1740, t. II, in-8o, p. 241-296.
Reprend l’édition de 1738 (imprimé sur la même composition typographique)
Observations sur le Testament politique du cardinal de Richelieu, in OPM, Rotterdam, J. D. Beman, 1741, t. XVI, in-12, p. 1-76 (B).
Correspond au texte du manuscrit BPU Neuchâtel, ms. R180, p. 1-48. Avertissement en tête des Observations, Sous-titres définissant le contenu thématique de chaque observation, légères suppressions et modifications.
Manuscrits du parallèle entre Richelieu et Mazarin
Observation sur les deux ministères du Cardinal de Richelieu et du Cardinal Mazarin, BPU Neuchâtel, ms. R249. P. 1, autographe : « Revu et corrigé 12 février 1733 ». P. 1-11.
Discours sur les deux ministères du cardinal de Richelieu et du cardinal Mazarin, BNF, N. A. fr. 11231, Papiers de Charles-Irénée Castel de Saint-Pierre, t. I, f. 83r-88v. Avec des corrections autographes.
Observations sur les deux ministères du Cardinal de Richelieu et du Cardinal Mazarin, BNF, N. A. fr. 11231, Papiers de Charles-Irenée Castel de Saint-Pierre, t. I, f. 89r-94r.
Les Observations politiques de l’abbé de Saint-Pierre ont été rédigées en 173723 et sont parues pour la première fois en 1738 dans l’édition du Testament politique d’Armand du Plessis, cardinal, duc de Richelieu (Amsterdam chez les Janssons à Waesberge). L’auteur avait composé auparavant, avant 1733, un parallèle entre le ministère de Richelieu et celui de Mazarin, écrit, selon l’abbé lui-même, à l’occasion de la lecture de l’ouvrage de l’abbé Richard et intitulé Observations sur les deux ministères du cardinal de Richelieu et du cardinal de Mazarin24 . Ce parallèle s’appuyait sur la réflexion entamée dans le Discours sur la véritable grandeur et sur la différence entre le grand homme et l’homme illustre et dans les écrits que Saint-Pierre consacre au perfectionnement du modèle des Vies illustres de Plutarque25 . Saint-Pierre y était sévère à l’égard des deux ministres qui n’auraient pas su appliquer les principes de paix et de bon gouvernement prônés par lui-même et qui n’auraient que peu œuvré au bonheur de leur peuple.
§ 40Les Observations de 1738 s’inscrivent dans une perspective très différente de celle de ce parallèle26 et c’est dans le cadre d’une réédition de cet ouvrage que Saint-Pierre fait paraître son commentaire qui vise à perfectionner les vues du cardinal. En 1740 l’auteur reprendra ses Observations pour les publier indépendamment de l’écrit commenté et les insérer dans le seizième et dernier tome de ses Ouvrages de morale et de politique27 . Il a ajouté un Avertissement, des sous-titres indiquant le contenu thématique de chaque observation, procédé à de légères corrections. Celles de l’Observation sur le chapitre IX de la Seconde partie montrent qu’en 1740 l’abbé limite les remarques à destination du pouvoir royal de son temps : les conseils au roi ou à ses ministres exprimés par le conditionnel potentiel laissent place à un irréel du passé, transformant l’appel aux réformes en regrets sur les limites de l’action de Richelieu (§ 209-217).
§ 41C’est ce dernier texte, publié en 1741 (B) que nous présentons, avec un choix de variantes de l’édition de 1738 (A) et un fragment non daté (C) contenant deux observations (numérotées 2 et 3) sur le chapitre 1 de la première partie du Testament, fragment qui ne figure pas dans les autres versions des Observations.