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1149, 16 mars – Lisieux

Hugues, archevêque de Rouen, et Rotrou, évêque d’Évreux, règlent un conflit entre Richard, abbé de Troarn, et les Templiers à propos de Robehomme. Après beaucoup d’agitation et de temps, et forts de l’autorité apostolique, ils ont imposé une fin canonique à cette affaire, à Lisieux, après avoir appelé près d’eux Philippe, évêque de Bayeux, et aussi beaucoup d’hommes religieux et sages. Pour que nul ne puisse oublier leur décision, ils ont pris soin de la faire consigner par écrit, pour que cela constitue à la fois un ferme témoignage de cette décision, une protection inexpugnable pour l’abbaye de Troarn et un éternel souvenir pour les hommes futurs. Ayant reçu les lettres du pape conférant à leur office l’autorité apostolique, après plusieurs convocations des deux parties, et après de nombreuses démarches de ladite abbaye, l’archevêque et l’évêque ont fixé une date, à Lisieux, pour la comparution des deux parties. Mais, avant cette date, les Templiers ont renoncé à la possession de Robehomme et, le jour dit, ils ne sont pas venus et ne se sont pas excusés de leur absence. En outre, le comte de Ponthieu, que les Templiers avaient, en présence du pape, présenté comme leur garant, n’a apporté à ces derniers aucune garantie avant de partir à Jérusalem : négligeant cette affaire et contrevenant à l’ordre du pape, il est parti en croisade et, après son retour, il a été incapable de produire aucune garantie. L’abbé, considérant que cette défection du comte et des Templiers était un plein aveu de son bon droit, a tout de même apporté la preuve, par un témoignage suffisant, qu’il possédait bien Robehomme. Lesdits juges, considérant l’ordre reçu du pape, de vive voix et par des lettres, de faire la pleine justice, et sachant que l’affaire avait été provoquée pendant longtemps par le comte et les Templiers, ont rendu publiquement leur sentence : puisque les Templiers ont renoncé à la possession de Robehomme, et puisque le comte qui leur avait donné cette possession n’a pu apporter de garantie, l’archevêque et l’évêque ont adjugé la possession de Robehomme à l’abbé de Troarn et, agissant à la place du pape dont ils ont reçu mandat dans cette affaire, ils l’en ont investi en main propre devant toute l’assemblée. Pour ne pas que cette investiture soit perçue comme constituant l’origine des droits de Troarn, les juges ont déclaré suffisante la preuve qu’avait fournie l’abbé avant cette investiture tant par les mains des clercs que par celles des laïcs. Philippe, évêque de Bayeux, a participé à l’élaboration de ce jugement.

Tableau de la tradition

Original

  • A. Original sur parchemin.

    Format : carta transversa.

    Dimensions : largeur 310 / 315 x hauteur 320 / 335 mm, dont repli 40 / 50 mm.

    Scellement : autrefois scellé de trois sceaux sur double queue de parchemin, tous les sceaux et une queue perdus.

    Au dos, d’une écriture du XIIIe ou XIVe siècle : « Carta de Raimbeshome contra milites Templi » ; d’une écriture du XVIIe siècle : « Jugement rendu par l’evesque de Lisieux (sic) et autres en l’an MCXLIX, sur le differend qui estoit entre Mrs de Trouart et Milites Templi pour l’isle de Robesomme qui fut adjugée aus Mrs de Trouart. Pacquet pour (la suite est barrée et illisible) » ; d’une grande écriture du XVIIIe siècle : « R. Robehomme. 1e liasse, premiers titres, pour le patronnage etc ».

    Arch. dép. Calvados, H 7834.

Copie(s) inutile(s)

  • B. Copie du XIVe siècle dans le chartrier rouge de Troarn, BnF, ms lat. 10086, fol. 108, d’après A.
  • C. Copie du XVe siècle dans le chartrier blanc de Troarn, Arch. dép. Calvados, H 7745, fol. 106.

Édition(s)

Dissertation critique

Cet acte clôt une affaire compliquée, connue par une importante série d’actes copiés dans les cartulaires de Troarn (voir H. Müller, Päpstliche Delegationsgerichtsbarkeit in der Normandie…, p. 4-5 et 100-102, nº 10-12). La terre de Robehomme a été donnée par le comte de Ponthieu aux Templiers, alors qu’elle avait été donnée à Troarn par les ancêtres du comte. Les moines ayant fait appel directement au pape, ce dernier a demandé à Hugues, archevêque de Rouen, d’enquêter et l’a mandaté avec Rotrou, évêque d’Évreux, et Algare, évêque de Coutances, pour régler l’affaire. Malgré la demande de l’archevêque, qui lui avait interdit de partir en croisade avant de s’être expliqué, le comte de Ponthieu n’a pas pris la peine de se justifier avant son départ (R.-N. Sauvage, L’abbaye de Saint-Martin de Troarn…, p. 26-27). L’allusion, dans le texte, à une instruction pontificale reçue viva voce laisse penser que l’archevêque Hugues a pu évoquer l’affaire avec le pape lors du concile de Reims de 1148, auquel il a assisté (GC, XI, col. 46).

IntitulationHugo Dei gratia Rothomagensis archiepiscopus etaLes lettres figurant en gras sont deux fois plus hautes que les autres, A Rotrodus Ebroicensis episcopus,
Adresseuniversis sancte matris Ecclesie filiis tam presentibus quam futuris.
DispositifDe causa que inter Ricardum abbatem Troarni et milites Templi orta est ||2 super Rainbertiulmo, post multas vexationes et intervalla temporum, tandem apud Lexovium, evocato ex latere venerabili fratre nostro Philippo Bajocensi episcopo, multis etiam religiosis et sapientibus viris pariter convocatis, ||3 auctoritate apostolica freti, ordine judiciario finem canonicum ipsi negocio imposuimus. Quod, ut nulla delere possit oblivio, in scriptum redigere et litteris annotare curavimus, ut sit operis ||4 nostri firmum testimonium et predicti monasterii inexpugnabile munimentum, simul etiam ad posteros memoriale sempiternum.
ExposéAcceptis itaque litteris domini pape, et adjuncta officio nostro ||5 auctoritate apostolica, post plures evocationes utriusque partis, post labores multos Troarnensis monasterii, apud Lexovium diem utrique parti prefiximus. Sed, ante diem placiti, milites possessioni de Rainberti- ||6 -ulmo renunciaverunt et, ad diem statutum, neque venerunt neque excusaverunt. Comes vero Pontivorum, quem milites guarandum suum in presencia domini pape predixerant, ante iter Jerosolimita- ||7 -num non guarantivit eos sed, contra preceptum domini pape, causa neglecta, iter illud arripuit et, post reditum, a guarantia penitus defecit. Abbas vero, licet sibi videretur, ut dicebat, quod defectus ||8 tam comitis quam militum sui juris esset plena confessio, tamen obtulit sufficienti testimonio probare suam investituram.
Nos igitur, super hoc negocio habentes preceptum domini pape tam ||9 viva voce quam litteris de plena justicia facienda, et de comite et de militibus causam diu agitatam, tali sententia in medium prolata decidimus scilicet, quia milites Templi possessio- ||10 -ni de Rainbertiulmo renunciaverant, et comes qui possessionem dederat a guarantia deficiebat, adjudicavimus abbati Troarnensi investituram de Rainbertiulmo, et eum, vice domini ||11 pape cujus legatione in hoc negocio fungebamur, in conspectu totius conventus manu propria investivimus, et tamen, ne occasione aliqua investitura ista videretur initium habuisse, ante ipsam ||12 investituram probationem quam abbas obtulerat per manus tam clericorum quam laicorum suficientembSic A suscepimus.
Clause de corroborationUt autem auctoritate firma nitatur, imperpetuum eam sigilli nostri impressione ||13 firmavimus, ac venerabilium personarum que presentes affuerant, subscriptione voluimus roborare.
Liste témoinsPresentes autem et testes fuerunt judicii et investiture primo dominus Bajocensis Philippus, ||14 nobiscum cooperator judicii, abbas Sancti Wandregisili donnus Walterus, abbas Cadom. donnus Alanus, abbas de Fonteneio donnus Robertus, de clericitiscSic A, comprendre clericis, comprendre clericis : decanus Rothomagensis Gaufridus, cantor Bajocensis ||15 Herbertus, archidiaconus Baiocensis Rogerus, magister Hunfredus, archidiaconus Lexoviensis Normannus, canonici Rothomagenses Rainaldus, Ivo, Eraldus ; de clericis Ebroicensibus : Willelmus decanus, Richardus ||16 archidiaconus, Herbertus et Daniel canonici ; de monachis de Sancto Wandregesilo : Lambertus et Willelmus ; de Sancto Stephano de Cadomo : Nigellus, Robertus, Geroldus. Testes autem qui juraverunt fue- ||17 -runt hi : Vincentius monachus de Troarno, Herfredus capellanus comitis Ebroicensis, Lambertus Faber, Anschetillus filius Acardi.
||18
Date de lieuActum est hoc apud Lexovium publice,
Date de tempsanno ab incarnatione Domini Mo Co XLo IXo, Eugenii pape anno Vo, XVII kalendas aprilis, principante in Normannia duce Gaufredo.
(a) Les lettres figurant en gras sont deux fois plus hautes que les autres, A. — (b) Sic A. — (c) Sic A, comprendre clericis.