L’originalité du Roman du Mont Saint-Michel
La langue du Roman du Mont Saint-Michel
L’auteur et l’œuvre
L’auteur
Dès les premiers vers du Roman du Mont Saint-Michel, le lecteur a connaissance de tout ce que l’on sait de Guillaume de Saint-Pair.
L’auteur du Roman est présenté comme un jouvenceau, un jeune homme. Il est probablement originaire de Saint-Pair-sur-Mer au nord de la baie du Mont Saint-Michel, dans le diocèse de Coutances. Guillaume de Saint-Pair est un moine de l’abbaye du Mont Saint-Michel ; sa présence y est confirmée par l’apposition de son nom, à côté de celui d’autres moines, au bas de chartes datées de 1155, 1164 et 1172. C’est donc plutôt vers 1155, au début de l’abbatiat de Robert de Torigni, qu’il peut être considéré comme un « jeune homme ». Apte à servir de témoin, il n’était plus un enfant et devait aussi être assez instruit pour commencer la rédaction d’une œuvre littéraire. Vingt ans après, le qualificatif de jovencel ne lui conviendrait plus. On situera donc la rédaction du Roman du Mont Saint-Michel dans la deuxième partie du XIIe siècle, vers 1155.
L’œuvre
Le plan du Roman est exposé avec précision, dans le prologue ; il y est question de la fondation de l’église (v. 22), puis de l’installation des clercs (v. 23) et de celle des moines qui y sont encore (v. 24), et enfin des miracles (v. 25) qui se sont produits au Mont.
Les objectifs de l’auteur sont énoncés dès le premier vers : son œuvre s’adresse aux pèlerins qui demandent, à bon droit, des explications sur la fondation de l’église (v. 1-4). Or ceux qui les renseignent commettent des erreurs (v. 5-8).
Guillaume de Saint-Pair a donc, pour ceux qui ne connaissent pas le latin et ne peuvent consulter les documents originels conservés à l’abbaye, torné, c’est-à-dire « traduit » ou plutôt « transposé » l’histoire du Mont Saint-Michel du latin en français.
L’ouvrage a en effet pour principale source les textes fondateurs du Mont Saint-Michel, rédigés en latin, et dont une copie partielle avait été récemment réalisée, entre 1149 et 1155, peut-être sur ordre de Geoffroy, abbé de mai 1149 à décembre 1150, ou de Robert de Torigni, élu en 1154, dans le Cartulaire du Mont Saint-Michel, recueil de textes et de chartes concernant l’abbaye, conservé à la bibliothèque d’Avranches sous la cote 210.
L’originalité du Roman du Mont Saint-Michel
Le « guide touristique » qu’a composé Guillaume de Saint Pair à l’usage des pèlerins est en réalité une œuvre polémique qui rappelle et défend avec vigueur les privilèges de sa communauté.
Guillaume de Saint-Pair a su adapter les chroniques latines du sanctuaire pour en faire une œuvre originale. Ses précisions et ses ajouts aux ouvrages qui lui ont servi de modèle, grâce à son érudition et à sa connaissance des chartes de l’abbaye, renforcent l’aspect didactique de son texte, mais lui permettent aussi de donner sa vision personnelle des faits. Son goût pour les digressions entraîne le lecteur à la découverte des espèces marines de la baie, le guide sur les chemins entre deux sanctuaires dédiés à l’archange, lui offre une description poétique du Mont contemplé depuis les hauteurs de l’Avranchin…
Les dialogues dont il émaille son œuvre apportent au récit réalisme, véracité et fantaisie. C’est particulièrement dans la troisième partie du Roman que l’on peut apprécier l’art du conteur qu’est Guillaume de Saint-Pair : ainsi, dans le miracle des grèves (v. 3815-3996).
La langue du Roman du Mont Saint-Michel
Le prologue du Roman du Mont Saint-Michel indique que l’œuvre a été composée dans la deuxième partie du XIIe siècle, par un Normand du centre de la Manche.
L’étude de la langue du texte permet de confirmer l’époque de la rédaction et l’origine géolinguistique de l’auteur. Certes, le texte originel est perdu et, des deux copies du Roman dont nous disposons, la plus ancienne a été réalisée plus de cent ans après la composition de l’œuvre. Il est cependant possible de déterminer que le texte a bien des caractéristiques dialectales normandes, qui sont majoritairement le fait de l’auteur ; les «aménagements» des copistes ont été relativement modérés, même si la copie du XIVe siècle (B) présente des remaniements assez nombreux et désordonnés, qui vont dans le sens d’une modernisation et d’une adaptation de la langue du texte aux normes du français commun. L’étude des graphies et des caractéristiques phonétiques et lexicales des deux versions du Roman permet aussi de cerner plus précisément l’origine géolinguistique des copistes.
Les manuscrits
Le texte se lit dans deux manuscrits conservés à Londres à la British Library (BL) et acquis, dans des conditions qui nous sont inconnues, probablement avant la Révolution.
BL Additional 10289 : « manuscrit A »
D’où l’intérêt du second manuscrit qui donne l’intégralité du texte.
BL Additional 26876 : « manuscrit B »
A et B – deux manuscrits interrompus aux mêmes vers (v. 4105-4106) : un flambeau placé devant l’image du Christ et placé dans une lanterne
A 64 r° |
Vne lanterne i a len quis, |
B 105 r° |
Vne lanterne i a len quis, |
Longue de corn ou il est mis |
Longue de ueirre ou il est mis |