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Pensées 1186 à 1190

M :Montesquieu 1726/1727-1755.
D :Bottereau-Duval 1718-1731.
E :1734-1739.
U :1739.
H :1741-1742.
J :1742.
K :1742-1743.
F :1743.
I :1743.
L :1743-1744.
O :1745-1747.
P :Damours 1748-1750.
Q :1750-1751.
R :Saint-Marc 1751-1754.
S :1754-1755.
V :1754.
JB :Jean-Baptiste Secondat ?-1795.
T :écriture des manchettes 1828-1835

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M : Montesquieu.
D : Bottereau-Duval_1721-1731.
H : 1741-1742.
P : Damours_1748-1750.
E : 1734-1739.
L : 1742-1744.
O : 1745-1747.
T : écriture des manchettes
JB : Jean-Baptiste_Secondat.
J : 1742.
K : 1742-1743.
F : 1743.
E2 :
I : 1743.
R : Saint-Marc_1751-1754.

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Pensées, volume II

1186

Je disois ceux qui ont peu de vanité sont plus pres de l’orgueuil que les autres :

- - - - -

Main principale M

1187

{f.87r} [Passage à la main E] Les

Ame, sensations

bouts des fibres de nôtre cerveau[1] recoivent un petit ebranlement qui produit un sentiment ou chatouillement ou sentiment en nous ; cela suffit pour expliquer tout par exemple nous voyons pour la premiere fois un quarré[2] il suffit que nous sentions que nous le voyons pour en avoir une idée[3], car sans cela l’on ne verroit point le quarré pour voir le quarré il faut que nous sentions que quatre angles egaux s’avancent nous avons donné donc une idée des propriétés du carré et des que le chatoüillement du quarré nous vient, tout d’abort une idée de ses proprietés nous vient aussi ; nous ne voyons pas un quarré tout seul, mais d’autres choses. Notre ame qui les voit ensemble ne peut pas s’empêcher de les comparer[4] car si elle ne voyoit pas que le quarré a des angles et que le cercle n’en a pas, elle ne verroit ni le cercle ni le quarré. Pour que notre ame voye des raports effectifs il faut necessairement qu’elle voye qu’il y en a d’autres qui {f.87v} ne sont point. Pour qu’elle voye qu’un quarré a quatre côtés et qu’un cercle n’en a point ; il faut qu’elle voye qu’un carré n’a pas huit côtés et qu’un cercle n’en a pas cinquante. Elle voit donc les rapports qui sont, et elle voit qu’il y a des raports qui n’y sont pas. Quelques fois il y a de certeins raports qu’elle ne voit pas bien, s’ils y sont ou n’y sont pas. Elle voit un quarré et aprés Quelquefois elle se laisse toucher par ce qui lui fait voir qu’ils y sont, et ensuite par ce qui lui fait voir qu’ils n’y sont pas[5]. Elle voit un quarré et aprés un autre, elle dit si celui cy êtoit celui là lorsque je détournerois mes yeux de celui cy, je ne verrois plus celui là ; c’en sont donc deux, un autre c’en sont donc trois et ainsi de suitte. Quand elle ne sait pas combien il y en a elle se sert d’une idée qui repond à celle de confusion et elle voit beaucoup de quarrés ; enfin elle peut se laisser chatoüiller par tous les {f.88r} quarrés qu’elle voit mais aussi par tousles quarrés qui pourront être dans l’espace suivant, elle voit donc des quarrés qui ne sont pas, mais qui sont possibles. Elle peut envisager tous les possibles et elle verra les quarrés en general, c’est à dire le quarré en tant qu’il n’est pas placé là ou j’en ay vû un : pour lors elle fera une abstraction et verra la quadrature comme quand elle verra un cercle en general la rondeur ; or un homme verra une infinité de ces raports a la fois, l’autre en verra peu.
On fera sentir à un homme le chatouillement d’un rapport faux a force de le renouveller et d’y acoutumer l’ame : tout cela n’êtant qu’habitude[6] :

- - - - -

Mais si ce que je viens de dire est bien vray, pourquoy les bêtes ne raisonnent elles pas comme les hommes ?
{f.88v} Une page blanche

Passage de la main M à la main E

1188

{f.89r} Je disois il y a si peu de mauvaises actions qu’un homme qui a trente mille livre de rente ait interêt de les commettre que je ne puis pas concevoir comme on les fait.

- - - - -

Main principale E

1189

Les landes

Dans la carte de l’empire de Charlemagne on ne trouve rien si ce n’est Ager Syrticus depuis Bordeaux jusqu’à l’Adour[1], si ce n’est Basato[2] a l’ouëst et Aire[3] fleuve qui va de l’ouëst au nord dans l’océan coulant paralellement à la Garonne, s’embouchant dans le Medoc est et dans la carte de De L’isle passe a Belin et se jette dans le bassin d’Arcachon[4].
Dans la carte des conciles[5] on trouve dans ces cartiers [plusieurs mots biffés non déchiffrés] une ville Nugariolum[6].

- - - - -

Main principale E

1190

Un ministre de l’Evangile qui est actuellement a Berlin[1] n’avoit jamais êté poëte, il tombe dans une fievre chaude il ne parle plus qu’en vers

Poete par maladie

 ; cette fievre guerie cachoit une bonne sante eut caché ses talens
{f.89v} Donnés lui tel sujét que vous voudrés il le dictera aussitôt viste qu’on pourroit lire. Il y a un volume de ses œuvres impromptues imprimées.
Il falloit qu’il fut autrefois né poëte sans s’en apercevoir, et cette fievre lui ayant donné de la hardiesse a decouvert le talent et l’homme l’a fait valoir ; car on aime a faire une chose extraordinaire et le ministre a attribué a la fievre ce qui n’êtoit que l’effet de la nature. Car la chose en elle même n’est pas extraordinaire temoins les [Passage à la main M] improviseurs [Passage à la main E] d’Italie[2]

- - - - -

Passage de la main E à la main M


1187

n1.

Sur la dynamique fibrillaire et le sensualisme de Montesquieu, voir Essai sur les causes qui peuvent affecter les esprits et les caractères, OC, t. 9, p. 219-245 ; Denis de Casabianca, Montesquieu. De l’étude des sciences à l’esprit des lois, Paris, H. Champion, 2008, p. 754-768.

1187

n2.

L’exemple du carré, présent chez Malebranche pour souligner que seul l’entendement pur permet d’acquérir les connaissances des propriétés universelles d’une figure géométrique (De la recherche de la vérité, liv. III, 2e partie, chap. VI, § 439), est ici repris pour montrer le rôle des sens, de la mémoire et de l’imagination dans cette acquisition : voir Céline Spector, « Montesquieu et la métaphysique dans les Pensées », RM, nº 7, 2004, p. 129-131. Sur la critique de la vision en Dieu de Malebranche, cf. nº 157.

1187

n3.

Ce lien entre sentiment, perception et idée est développé dans l’Essai sur le goût, OC, t. 9, p. 490, l. 97-101.

1187

n4.

Sur le rôle de la comparaison dans le raisonnement, voir l’Essai sur les causes qui peuvent affecter les esprits et les caractères, OC, t. 9, p. 249, l. 512-513.

1187

n5.

Locke utilise l’exemple d’un triangle pour expliquer la perception des rapports et l’idée de convenance (Essai philosophique concernant l’entendement humain, liv. IV, chap. I, § 2). Voir Denis de Casabianca, Montesquieu. De l’étude des sciences à l’esprit des lois, Paris, H. Champion, 2008, p. 788-790.

1187

n6.

Le rôle des habitudes dans la formation des idées et des jugements est illustré dans l’Essai sur les causes qui peuvent affecter les esprits et les caractères (OC, t. 9, p. 261-262).

1189

n1.

L’appellation Ager Syrticus figure sur la carte intitulée Imperium Caroli magni, éditée à Amsterdam chez Jean Janson entre 1600 et 1699, pour désigner le territoire du littoral atlantique situé entre l’embouchure de la Garonne au nord (« Garumna fl. ») et celle de l’Adour (« Atirus fl. ») [carte en ligne à l’adresse suivante : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b5963712v/f1.zoom.r=imperium+caroli+magni.langFR].

1189

n2.

« Basate » sur la carte Imperium Caroli magni (Amsterdam, J. Janson, 1600-1699), c’est-à-dire Bazas, ville de Gascogne, limite occidentale des petites Landes.

1189

n3.

L’Aire ou Eyre, rivière de Gascogne.

1189

n4.

Voir la ville de Belin, au bord de l’Eyre, sur la carte de Guillaume Delisle (1672-1726) (Carte du Bordelais, du Périgord et des provinces voisines, Paris, chez l’auteur, 1714 [carte en ligne à l’adresse suivante : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b77106035/f1.item.r=guillaume+Del%27Isle.langFR]).

1189

n5.

Voir Guillaume Sanson, Geographia synodica, Paris, Mariette, 1667 [carte en ligne à l’adresse suivante : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b5963605c/f1.zoom.r=.langFR].

1189

n6.

Nom latin, qui figure sur la carte mentionnée ci-dessus, de Nogaro, en Armagnac, où eurent lieu trois conciles (Moreri, 1732, art. « Nogaro »).

1190

n1.

Personnage non identifié.

1190

n2.

Le président de Brosses, qui a assisté à Sienne, en 1739, à la performance de Bernardino Perfetti, l’un des plus célèbres de ces improvisateurs italiens, les définit comme des « poètes qui se font un jeu de composer sur le champ un poème impromptu, sur un sujet quodlibétique qu’on leur propose » (Charles de Brosses, Lettres d’Italie, F. d’Agay (éd.), Paris, Mercure de France, 1986, t. I, p. 363).