Afficher Masquer
Passages biffés :
Sauts de pages :
Changements de mains :
Mots clés en marge
(main T) :
DistinguerIntégrer
Corrections du transcripteur :

Fermer

Accueil|Présentation du projet|Abréviations|Introductions|Texte|Index

Français|English Contacts

Volume I|Volume II|Volume III|Citer le texte et les notes| Écritures|Affichage

Pensées 1259 à 1263

M :Montesquieu 1726/1727-1755.
D :Bottereau-Duval 1718-1731.
E :1734-1739.
U :1739.
H :1741-1742.
J :1742.
K :1742-1743.
F :1743.
I :1743.
L :1743-1744.
O :1745-1747.
P :Damours 1748-1750.
Q :1750-1751.
R :Saint-Marc 1751-1754.
S :1754-1755.
V :1754.
JB :Jean-Baptiste Secondat ?-1795.
T :écriture des manchettes 1828-1835

Fermer

M : Montesquieu.
D : Bottereau-Duval_1721-1731.
H : 1741-1742.
P : Damours_1748-1750.
E : 1734-1739.
L : 1742-1744.
O : 1745-1747.
T : écriture des manchettes
JB : Jean-Baptiste_Secondat.
J : 1742.
K : 1742-1743.
F : 1743.
E2 :
I : 1743.
R : Saint-Marc_1751-1754.

Fermer

Pensées, volume II

1259

Des recompenses[1].

Je n’entends point parler de la postérité de ces six bourgeois de Calais

Recompenses

qui s’offrirent à la mort pour sauver leur patrie, et que Mr de Saci a tiré de l’oubli[2]. Je ne sçai depu qu’est devenue celle de cette femme qui du tems de Charles VIII sauva Amiens[3]. Ces bourgeois sont encore bourgeois, mais s’il y a eû dans notre France quelque {f.110v} insigne fripon comptés surement que sa posterité est dans les honneurs.
Mais la vertu n’en doit pas moins être l’objet eternel de nos poursuittes on l’a laissée presque toujours sans recompense on l’a fuie on l’a crainte on l’a persecutée, il n’est guêre encore arrivé qu’on l’ait meprisé.

- - - - -

Main principale E

1260

De l’histoire[1]

Il est a propos que chacun lise l’histoire surtout celle de son païs, on doit cela a la memoire de ceux qui ont servi leur patrie et on contribue à donner par là aux gens vertueux cette recompense qui leur est düe et qui souvent les a encouragés.
Le sentiment d’admiration que leurs belles actions excitent en nous est une espece de justice que nous leur rendons et l’horreur que nous avons pour les mechans en est une autre. Il n’est pas juste d’accorder aux mechans l’oubli de leur nom et de leurs crimes, il n’est pas juste de laisser les grands hommes dans ce {f.111r} même oubli que les mechans ont paru souhaiter.
Les historiens

Historiens

sont des examinateurs severes des actions de ceux qui ont paru sur la terre, et ils sont une image de ces magistrats d’Egypte qui apelloient en jugement l’ame des morts tous les morts[2].

- - - - -

Main principale E

1261

Ce ne sont pas seulement les lectures serieuses qui sont utiles

Livres agréables

mais aussi les agreables y ayant un tems ou on a besoin d’un delassement honnête. Les sçavans même doivent être payés par le plaisir de leurs fatigues ; les sciences mêmes gagnent a être traitées d’une maniere delicate et avec gout, il est donc bon que l’on ecrive sur tous les sujets et de tous les stile. La philosophie ne doit point être isolée elle a des raports avec tout.

- - - - -

Main principale E

1262

{f.111v} [Passage à la main M] Suite de la p 34
Ce qui retarde encore nos progres c’est le ridicule qu’il y a a sçavoir : [mot biffé non déchiffré] et le bon air de l’ignorance :

- - - - -

Le talent de tourner en ridicule talent si commun dans notre nation que l’on trouvera plus aisement des gens qui l’ont en quelque degré que des gens qui en soyent totalement privés :
Ce gout pour la parodie le prouve bien qu’un sorte d’ouvrage qu’un esprit meme mediocre ne peut pas manquer.
Il faut dans une nation prendre garde au penchant qu’on peut avoir de donner du ridicule aux choses bonnes, il faut garder cela comme une arme contre celles qui ne le sont pas ainsi le phanatisme en Angleterre fut detruit par la[1] ce ne peut donc estre tout au plus estre que pour le bien des hommes que l’on peut faire usage de la malignite humeine :
Cette facon de prouver ou de combatre ne decide de rien parce qu’[u]ne plaisenterie n’est pas une raison : alles a la p 136 de ce vol :

V. p 136

Passage de la main E à la main M

1263

{f.112r} [Passage à la main E] Ciceron divise l’honnête en quatre chefs l’attachement aux sciences et la recherche de la verité le maintien de la societé civile la grandeur d’ame et une certaine convenance d’actions secundum ordinem et modum[1].
Il croit qu’un bon citoyen doit plutôt s’employer pour sa patrie que de s’attacher à acquerir des connoissances[2], mais il ne fait pas attention que les scavans sont trés utiles a leur patrie et d’autant plus estimables qu’ils la servent presque toujours sans interêt n’êtant dedommagés de leurs peines ni par les recompenses pecuniaires ni par les dignités.
{f.112v} La seule difference[3] qu’il y a entre les peuples policés et les peuples barbares c’est que les uns se sont appliqués aux sciences

Sciences

les autres les ont absolument negligées.
C’est peut être de a ces connoissances que nous avons et que les peuples sauvages ignorent, que la plupart des nations doivent leur existance.
Si nous avions les mœurs des peuples de l’Amerique, deux ou trois nations de l’Europe auroient bientot exterminé ou mangé toutes les autres.

- - - - -

Passage de la main M à la main E


1259

n1.

La numérotation de Barckhausen découpe en trois articles différents (nº 1258-1260) une réflexion sur le rôle de l’histoire dans la reconnaissance du mérite et de la vertu.

1259

n2.

Sur Louis-Silvestre de Sacy, voir nº 299. L’hommage aux bourgeois de Calais se trouve dans son Traité de l’amitié [1703] (Paris, Compagnie des libraires, 1727, p. 174-175).

1259

n3.

Lors d’une attaque nocturne de Maximilien d’Autriche contre Amiens en 1492, une habitante du faubourg, Catherine de Lice, donna l’alarme et permit à la défense de s’organiser (Mézeray, Histoire de France depuis Faramond […], Paris, J. Guignard et C. Barbin, 1685, t. II, p. 770).

1260

n1.

Montesquieu associe, selon une tradition bien établie, l’écriture de l’histoire à la célébration des grands hommes et à l’idée du tribunal de la postérité ; voir Bodin (Methodus ad facilem historiarum cognitionem [1566], dans Artis historicae penus octodecim Scriptorum tam veterum quàm recentiorum monumentis, Bâle, P. Perna, 1579, p. 2-3 – Catalogue, nº 2657), La Mothe Le Vayer (Discours de l’histoire, dans Œuvres [1653], Dresde, M. Groell, 1756, t. IV, partie I, p. 281-282 – Catalogue, nº 2338, éd. de 1656), Le Moyne (De l’Histoire, Paris, L. Billaine, 1670, p. 41-47), Charles Sorel (De la connaissance des bons livres [1671], Amsterdam, H. et T. Boom, 1672, traité II, chap. 1, « De l’Histoire et des romans », p. 78) ; voir nº 1258, note 1.

1260

n2.

Diodore de Sicile rapportait qu’en Égypte, entre la momification et l’enterrement, l’âme du défunt, confrontée à des accusateurs, était jugée par quarante-deux magistrats (I, 92).

1262

n1.

Dans sa Lettre sur l’enthousiame (1708), Shaftesbury proposa d’utiliser la plaisanterie (wit), et non la persécution, contre le fanatisme des prophètes cévenols qui troublaient Londres (Characteristicks of Men, Manners, Opinions, Times, vol. 1 – Catalogue, nº 696, éd. de Londres, 1714).

1263

n1.

« En suivant la règle et la juste mesure » (nous traduisons). Montesquieu paraphrase un passage de Cicéron (Des devoirs, I, 5).

1263

n2.

Cicéron, Des devoirs, I, 6.

1263

n3.

Ce passage reprend le début du Discours sur les motifs qui doivent nous encourager aux sciences prononcé en novembre 1725 (OC, t. 8, p. 495, l. 1-7).