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Pensées 1006 à 1010

M :Montesquieu 1726/1727-1755.
D :Bottereau-Duval 1718-1731.
E :1734-1739.
U :1739.
H :1741-1742.
J :1742.
K :1742-1743.
F :1743.
I :1743.
L :1743-1744.
O :1745-1747.
P :Damours 1748-1750.
Q :1750-1751.
R :Saint-Marc 1751-1754.
S :1754-1755.
V :1754.
JB :Jean-Baptiste Secondat ?-1795.
T :écriture des manchettes 1828-1835

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M : Montesquieu.
D : Bottereau-Duval_1721-1731.
H : 1741-1742.
P : Damours_1748-1750.
E : 1734-1739.
L : 1742-1744.
O : 1745-1747.
T : écriture des manchettes
JB : Jean-Baptiste_Secondat.
J : 1742.
K : 1742-1743.
F : 1743.
E2 :
I : 1743.
R : Saint-Marc_1751-1754.

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Pensées, volume II

1006

{f.32r}

Sciences
Belles Lettres

On ne peut pas dire que les lettres

(1)[1]

ne soit qu’un amusement d’une certeine partie des citoyens il faut les regarder sous une autre face on a remarqué que leur prosperite est si intimement attachée a celle des empires qu’elle en est infailliblement le signe ou la cause ; et si l’on vient jetter un coup d’oeil sur ce qui se passe actuelement dans le monde nous verrons que dans la meme raison que l’Europe domine sur les autre trois parties du monde et est dans la prosperité tandis que tout le reste gemit dans l’esclavage et la misere, de meme l’Europe est plus eclairée a proportion que dans les autres parties ou elles sont ensevelies dans une epaisse nuit ; que si nous voulons jetter les yeux sur l’Europe nous verrons que les estats ou les lettres sont les plus cultivees ont aussi a proportion plus de puissance et si nous ne jetons les yeux que sur notre France nous verrons les lettres naitre ou s’ensevelir {f.32v} avec sa gloire donner une lueur sombre sous Charles magne , et puis s’eteindre reparoitre sous François premier et se perfectio s’etendre avec la et suivre l’eclat de notre monarchie et si nous nous bornons au grand regne de Louis 14 nous verrons que le temps de ce regne ou la prosperite fut plus grande le succes des lettres le fut aussi...
Que si vous jettes les yeux sur l’empire romain si vous examines les ouvrages de l’art qui nous sont restes vous verres la sculpture l’architecture et enfin tous les autres arts se pancher

se pancher et tomber comme l’empire

vers la meme ruine que comme l’empire la sculpture et l’architecture croitre depuis Auguste jusques a Hadrien et a Trajan et deperir jusques a Constantin
Que si vous jettes les yeux sur l’empire des califes vous verres que ceux de la famille d’Abbas  dont l’esprit general fut de faire fleurir les sciances Almanzor Rashid Rashid et son fils Alamon & qui surpassa dans cet amour touts ses ancestres qui obtint de l’empereur d’Orient touts les livres grecs les fit {f.33r}

Belles Lettres

traduire de philosophie en fit traduire un grand nombre[2]
Voir cela
Que si vous jettes les yeux sur l’empire des Turcs sur sa foiblesse dans le mesme pais ou l’on a vu avoit vu autre fois un si grand nombre de puissantes nations vous verres que dans ce pais il n’y a rien que l’ignorance qui soit egal a cette foiblesse dont nous parlons et si nous comparons cet estat ou ils sont dans le temps [un mot biffé non déchiffré] ou il est a present avec ceux ou ils eurent le pouvoir de tout conquerir et de tout detruire vous verres que cela part de ce principe certein qu’il ne peut y avoir que deux sortes de peuples véritablement puissans sur la terre ou des pais des nations totalement policées ou des nations totalement barbares

Nations ou totalement policées ou totalement barbares

 :
On scait que ces vastes empires du Perou et du Mexique ne périrent que par leur ignorance[3]

Voir ce que j’en ay dit dans un morceau à part :

et il y a aparance qu’ils se seroint deffendus contre nos arts si cette mesme ignorance n’avoint mis dans leur coeur une superstition qui leur faisoit {f.33v} sans cesse esperer ce qu’ils ne devoint pas esperer et creindre ce qu’ils ne devoint pas creindre et une preuve certeine de cela c’est que les petits peuples barbares qui ce trouverent dans ce vaste continent ne purent estre sommis et ne le sont et la plus part ne le sont pas encore :
Il ne faut donc pas regarder dans une grand nation les sciances come une occupation veine c’est un objet serieux :
Et nous n’avons pas a nous reprocher que notre nation n’y ait travaillé sans relache avec soin mais il faut faire icy des refl come dans les estats empires rien n’aproche plus de la decadance qu’une grande prospérite aussi dans notre republique litteraire il est a creindre que la prosperite ne mene a la decadance et il faut que je parle icy des nous n’avons que les inconvénients que nous trouvons a present uniquement causes par dans notre prosperite même hureux de n’estre plus dans ces temps ou l’on n’estoit pouvoit creindre ne trouvoit trouvoit que ceux qui estoint produits par une cause contraire :
{f.34r} Le scavoir

Bel esprit

, par les secours de toutes les especes que nous avons eues, a pris parmi nous un air aise une aparance de facilité qui fait que tout le monde se jujge scavant ou bel esprit et avoir acquis le droit de mépriser les autres. De là cette négligeance d’aprandre ce qu’on croit scavoir ; de là cette sotte confiance dans ses propres forces qui fait entreprendre ce qu’on n’est pas capable d’executer : de là cette fureur de jujer cette honte de ne jujer pas pas decider cet air de mepris sur tout ce qu’on ne coñoit pas ; cette envie de ravaler tout ce qui se trouve trop haut dans un siecle ou chacun se croit ou se voit un personage important.
De là dans ceux qui se croyent estre obliges d’estre de beaux esprits et qui ne peuvent s’empecher de sentir leur mérite inferieur, cette fureur pour la satire qui a fait multiplier parmi nous les ecrits de cette espece qui produisent deux sortes de mauvais effets en decourageant les talents de ceux qui en ont et en produisant la malice [mot biffé non déchiffré] stupide de ceux qui n’en ont pas
Voyes la p 64 voy . aussi la p 172 p 243 v.º
{f.34v} De la ce ton continuel qui consiste a tourner en ridicule les choses bonnes et memes et les vertueuses[4] les esprits de l tout le monde s’en est meslé et on a confondu le gout o malheur nous n’avons parce que nous si nous n’avons plus de Socrate nous devrions au moins avoir des Aristophanes : a force de dire qu’on le cherchoit on l’a fait disparoitre et si nous n’avons plus de Socrate, nous avons encore moins des Aristophanes
Virgile et Horace sentirent dans leur temps le poids de l’envie nous le scavons, et nous ne le scavons que par les ouvrages de ces grands homes. Les ecrits satiriques faits contre eux ont péri

Critique

et les ouvrages qu’ils ont attaques sont eternels[5] ainsi meurent les insectes qui ont fait secher les feuilles des arbres qui au retour du printemps reparoissent toujours verds :
Une certaine delicatesse a fait que l’on n’s’est tellement acoutume rendu extremement difficile sur tout ce qui n’a pas cette perfection dont la nature humaine n’est pas capable et a force de trop demender on decourage les talents

- - - - -

Enfin de grandes decouvertes qu’on a faites dans ces derniers temps faît qu’on regarde come ridicule frivole tout ce qui ne porte pas avec soy un air d’utilite presente sans songer que tout est lie et que tout se tient : * Voir mon ouvrage sur la critique[6] : voy aussi la p.17 v. de ce volume voyes aussi la page 110 et 111 de ce volume et suiv.

Main principale M

1007

{ f.35r} Maximes generales de politique

1

Maximes de politique

Les princes ne doivent jamais faire d’apologie, ils sont toujours forts quand ils decident et foibles quand ils disputent
2
Il faut qu’ils fassent toujours des choses raisonables et qu’ils raisonent tres peu
3
Les preambules des edits de Louis 14 furent plus insuportables aux peuples que ses edits memes[1]
4
Il ne faut point faire par les loix ce que l’on peut faire par les moeurs[2]
5
La creinte est un ressort qu’il faut ménager : il ne faut jamais faire de loy severe lors qu’une plus douce suffit
6
Les loix inutiles affaiblissent celles qui sont les necessaires
7
Celles qu’on peut eluder affaiblisent la legislation.
8
Quand il suffit de corriger il ne faut point otter.
9
{f.35v} Le prince doit avoir l’œil sur l’honetete publique, jamais sur la particuliere
10
Le ciel seul peut faire les devots les princes font les hipocrites
11
Une grande preuve que les loix humeines ne doivent point gesner celles de la relligion, c’est que les maximes de relligion sont tres pernicieuses quand on les fait entrer dans la politique humeine
12
Il y a une infinité de choses ou le moins mal est le meilleur :
13
Le mieux est le mortel ennemi du bien.
14
Corriger suppose du temps
15
Le succes de la pluspart des choses depend de bien scavoir combien il faut de temps pour reussir
16
La plus part des princes et des ministres ont bonne volonte, ils ne scavent coment s’y prendre
17
Hair l’esprit et en faire trop de cas deux choses qu’un prince doit eviter eviter.
18
{f.36r} Il faut bien connoitre les prejujes de son siecle affin de ne les choquer pas trop ny trop les suivre :
19
Il ne faut rien faire que de raisonable mais il faut bien se garder de faire toutes les choses qui le sont
20
J’ay vu toute ma vie des gens qui perdoint leur fortune par embition et se ruinoint par avarice
21
A voir la maniere dont on eleve les princes vous diriés qu’ils ont touts leur fortune a faire :
Voy. p. 66 article troisieme voy la meme p. vº. art. dernier
Voy. p. 67 art dernier ibid vº. art. 2d
Voy. p.68 art 1r. Voy. aussi p. 86. vº. art dernier
{f.36v} Une page blanche

Main principale M

1008

{f.37r} Presque toutes les vertus

Vertus

sont un raport particulier d’un certein homme a un autre par exemple l’amitié l’amour de la patrie la pitié sont des raports particuliers mais la justice est un raport general or toutes les vertus qui detruisent ce raport general ne sont pas des vertus :

- - - - -

Main principale M

1009

Je disois je suis ami de presque touts les esprits et ennemi de presque touts les coeurs :

- - - - -

Main principale M

1010

[Passage à la main E] Dans les points peu importants de controverse querelles ou la religion se fait la guerre a elle même.

Passage de la main M à la main E


1006

n1.

Voir nº 1003, note 11.

1006

n2.

Voir nº 723. La dynastie des califes abbassides, descendants d’‛Abbās, oncle de Mahomet, parmi lesquels on compte Abū Ja‛far al-Mansūr (« Almanzor », calife de 754 à 775), Hārūn al-Rachīd (« Rachid », calife de 786 à 809) et son fils al-Ma’mūn (« Alamon », calife de 813 à 833), était considérée comme l’apogée de la civilisation arabe ; voir d’Herbelot, Bibliothèque orientale […], Paris, Compagnie des libraires, 1697, art. « Abbassides » – Catalogue, nº 2487).

1006

n3.

Voir le Discours sur les motifs qui doivent nous encourager aux sciences [1725], OC, t. 8, p. 495-497 ; cf. nº 1265.

1006

n4.

Cf. nº 1262, 1542.

1006

n5.

Cf. nº 926.

1006

n6.

Cf. le titre de la séquence nº 510-513 et voir l’introduction de l’Essai sur le goût, OC, t. 9, p. 468.

1007

n1.

Allusion possible au très long préambule de l’édit de Fontainebleau dans lequel Louis XIV justifiait la révocation de l’édit de Nantes (1685).

1007

n2.

Sur les dangers du volontarisme législatif, voir Céline Spector, Dictionnaire électronique Montesquieu, art. « Coutumes, mœurs, manières » [en ligne à l’adresse suivante : http://dictionnaire-montesquieu.ens-lyon.fr/index.php?id=234].