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Pensées 1383 à 1387

M :Montesquieu 1726/1727-1755.
D :Bottereau-Duval 1718-1731.
E :1734-1739.
U :1739.
H :1741-1742.
J :1742.
K :1742-1743.
F :1743.
I :1743.
L :1743-1744.
O :1745-1747.
P :Damours 1748-1750.
Q :1750-1751.
R :Saint-Marc 1751-1754.
S :1754-1755.
V :1754.
JB :Jean-Baptiste Secondat ?-1795.
T :écriture des manchettes 1828-1835

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M : Montesquieu.
D : Bottereau-Duval_1721-1731.
H : 1741-1742.
P : Damours_1748-1750.
E : 1734-1739.
L : 1742-1744.
O : 1745-1747.
T : écriture des manchettes
JB : Jean-Baptiste_Secondat.
J : 1742.
K : 1742-1743.
F : 1743.
E2 :
I : 1743.
R : Saint-Marc_1751-1754.

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Pensées, volume II

1383

L’avantage de l’amour

Amour

sur la debauche  c’est la multiplication des plaisirs toutes les pensées touts les gouts touts les sentiments deviennent reciproques dans l’amour vous avés deux corps et deux ames dans la debauche vous avés une ame qui se dégoute meme de son propre corps :

- - - - -

Main principale M

1384

Outre le plaisir que le vin nous fait par lui meme, nous devons encore a la joye des vendanges le plaisir des comedies et des trajedies[1].

- - - - -

Main principale M

1385

Sire… vous m’aidés touts les jours a dire la vérité :

Main principale M

1386

Inscriptions pour une piramide
Que je veux faire elever aux
Confins de ma terre[1]

Tutatis dinastiæ finibus

Repressis prædam quærentibus

Gallici senatus æquitatis monumentum

Hoc

Carolus

In rei memoriam erexit[2] :

- - - - -

Sur l’autre coté

Stat lapis hic donec fluctus girunda recuset

Occeano regi ; generosaque vina britannis[3] :

Infr. 245

- - - - -

Sur le troisieme coté

Deo Terminali

Judici indici testi

Perpetuo

Fines regenti

Dormientibus vigilanti

Hoc sacrum

Juris cultor et pacis amans

Posuit[4] :

Main principale M

1387

{f.199r} La mediocrité[1] : [Passage à la main U] est une vertu de tous les êtats ; car comme elle n’est proprement qu’une oeconomie sage et reglée de la condition presente elle peut non seulement mettre des douceurs dans la vie des moindres particuliers mais faire encore la felicité des rois[2].
C’est ordinairement un malheur d’avoir plus de richesses qu’il ne convient a son êtat parce qu’on ne peut guere les depenser sans insolence ou les garder sans avarice.
Un homme qui est dans la bassesse et qui voudroit avoir de grands biens ne pense pas qu’il n’en pouroit faire que fort peu d’usage et que presque toutes les choses que son argent pouroit lui procurer seroient a son egard comme etoit autrefois la pourpre dont l’usage n’etoit permis qu’aux rois.
Car comme on veut qu’un homme de haute naissance conserve une noble fierté dans la disgrace, on veut de meme qu’un homme de néant conserve de la modestie dans sa fortune.
{f.199v} Sans cela on est sur de perdre le plus pretieux de tous les biens qui est la bienveillance du peuple et de tomber dans un grand malheur qui est le fleau de ridicule dont il couvre ceux qui se sont offerts a ses mepris.
Si un nouveau riche

Nouveaux riches

va d’abord batir une maison superbe il offensera les yeux de tous ceux qui la verront ; c’est comme s’il faisoit au peuple cette declaration.
« Je vous avertis que moy qui êtois autrefois le plus trivial de tous les hommes je me fais aujourd’huy un homme de consequence, je vais mettre entre vous et moy une vaste cour et cinq pieces de plein pied ; vous espererés en vain de me trouver plutôt, car je ferai ma residence a la sixiéme, j’aurai des gens mieux habillés que vous, que vous trouverés sur vôtre chemin comme de nouveaux obstacles jusqu’à moi : au lieu de mes vilains habits gris je vais me vêtir des plus riches etoffes. Enfin vous ne trouverés plus de moi qu’une assés laide figure je n’ai pu la changer mais pour mon nom ce nom qui m’etoit {f.200r} si cher je le quitterai puisse-je en perdre la memoire et puissiés vous la perdre aussi [»].
Aprés les grandes maisons qui n’ont point d’origine et semblent pour ainsi dire être nées dans le ciel les meilleures familles sont celles qui sont insensiblement sorties de la bassesse ou elles êtoient et dont les premiers fondateurs n’ont pas eu l’insolence de se faire remarquer. Car rien ne deshonore une famille comme une anecdote eternelle, un bruit populaire et si j’ose me servir de ce terme une catastrophe dans l’origine.
Ceux qui rougissoient de leur pauvreté, devenus riches ont pour lors a rougir de leur naissance[3] beaucoup plus mortifiés parce qu’ils ne croyent plus être faits pour l’etre.
Les enfans qui succedent a une si grande fortune portent le poids de la mémoire de celui a qui ils doivent tant ; et cela est si vray que rien ne paroit si heroïque sur nos théatres que l’action d’un prince qui dans sa gloire retrouve avec plaisir un berger qu’il croit être son pere et dont il ne rougit pas.
{f.200v} J’avoüe que j’ai trop de vanité pour souhaiter que mes enfans fissent un jour une grande fortune. Ce ne seroit qu’a force de raison qu’ils pourroint soutenir l’idée de moi. Ils auroint besoin de toute leur vertu pour m’avoüer ils regarderoint mon tombeau comme le monument de leur honte ; je puis croire qu’ils ne le detruiroient pas de leurs propres mains, mais ils ne le releveroint pas sans doute s’il etoit tombé a terre. Je serois l’achopement eternel de la flatterie et je mettrois dans l’embaras ses courtisans vingt fois par jour ma memoire seroit incommode et mon ombre malheureuse tourmenteroit sans cesse les vivans.
Ceux donc qui ont tant d’ambition et qui l’ont si sotte pensent aussi folement qu’Agrippine qui disoit aux devins que je meure pourvu que mon fils soit empereur[4].

- - - - -

Passage de la main M à la main U


1384

n1.

Voir Athénée, Les Deipnosophistes ou Le Banquet des sophistes, II, 11 (Catalogue, nº 1821 : I. Casaubon (éd.), avec trad. latine de J. Dalechamps, Lyon, J. A. Huguetan et M. A. Ravaud, 1657).

1386

n1.

Une lettre du 13 août 1737 de Daniel Grenoilleau, avocat bordelais qui défendait Montesquieu dans le procès qui l’opposa à M. de Licterie, conseiller au parlement de Bordeaux, et aux jurats de la même ville, pour un bornage concernant la seigneurie de Martillac, nous apprend que Montesquieu avait gagné cette affaire « au possessoire » (Masson, t. III, p. 983-984) ; sur la distinction entre possessoire et pétitoire, voir nº 471. Cet article nº 1386, écrit par Montesquieu dans une séquence qui se situe entre 1739 et 1741, peut donc dater de cette période ou avoir été intercalé plus tard, à la suite de l’arrêt du parlement du 28 août 1743 qui lui donnera définitivement gain de cause : voir la lettre de son avocat parisien Cadet du 1er juin 1743 (Masson, t. III, p. 1037-1038).

1386

n2.

« Charles a érigé en souvenir ce monument de l’équité du Parlement de France pour avoir protégé les limites de son domaine et avoir repoussé ceux qui cherchaient à s’en emparer » (nous traduisons).

1386

n3.

« [Que] cette pierre se dresse jusqu’à ce que la Gironde refuse ses flots au roi Océan et ses vins de bon cru aux Anglais » (nous traduisons). Le procès concernait un domaine dont le vignoble donnait un Graves rouge très prisé ; ces vins se vendaient en particulier sur le marché anglais : voir Shackleton, p. 155, 158.

1386

n4.

« Un adorateur du droit et un amoureux de la paix a élevé ce temple au dieu des Frontières, juge, preuve et témoin, qui fixe sans cesse les limites et veille quand on dort » (nous traduisons).

1387

n1.

La médiocrité, sans connotation péjorative, désigne ce « qui n’a ni excés, ni defaut » (Furetière, 1690, art. « Mediocrité »).

1387

n2.

Sur la nécessité de la médiocrité des richesses pour maintenir une certaine égalité, voir EL, V, 5 : Derathé, t. I, p. 53.

1387

n3.

Montesquieu se félicite à plusieurs reprises de n’avoir ni à rougir de sa naissance ni à faire rougir ses enfants : voir nº 5, 1183, 1659, 2038.

1387

n4.

Tacite, Annales, XIV, 9.