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Pensées 1606 à 1610

M :Montesquieu 1726/1727-1755.
D :Bottereau-Duval 1718-1731.
E :1734-1739.
U :1739.
H :1741-1742.
J :1742.
K :1742-1743.
F :1743.
I :1743.
L :1743-1744.
O :1745-1747.
P :Damours 1748-1750.
Q :1750-1751.
R :Saint-Marc 1751-1754.
S :1754-1755.
V :1754.
JB :Jean-Baptiste Secondat ?-1795.
T :écriture des manchettes 1828-1835

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M : Montesquieu.
D : Bottereau-Duval_1721-1731.
H : 1741-1742.
P : Damours_1748-1750.
E : 1734-1739.
L : 1742-1744.
O : 1745-1747.
T : écriture des manchettes
JB : Jean-Baptiste_Secondat.
J : 1742.
K : 1742-1743.
F : 1743.
E2 :
I : 1743.
R : Saint-Marc_1751-1754.

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Pensées, volume II

1606

Le monde n’a plus cet air riant[1] qu’il avoit du tems des Grecs, et des Romains : la relligion etoit douce et toujours d’acord avec la nature : une grande gayté dans le culte etoit jointe à une independance entiere dans le dogme {f.460r} dans le dogme.
Les jeux, les dances, les fêtes, les theatres tout ce qui peut emouvoir tout ce qui fait sentir etoit du culte relligieux.
Si la philosophie paiene vouloit affliger l’homme par la vue de ses miseres la theologie etoit bien plus consolante. Tout le monde entroit en foule dans cette ecole des passions : en vain les philosophes appelloient leurs sectateurs qui fuioient ou les laissoit pleurer seuls au milieu da la joye publique.
Aujourd’huy le mahometisme et le christianisme uniquement faits pour l’autre vie aneantisent toute celle cy cy celle ci.
Et pendant que la relligion nous afflige, le despotisme partout repandu nous accable.
Ce n’est pas tout d’affreuses maladies inconnuës à nos peres se sont jettées sur la nature humaine, et ont infecté les sources de la vie et des plaisirs.
On à vu les grandes familles d’Espagne qui avoient echapé a tant de siecles perir en grande partie de nos jours, ravage que la guerre n’a point fait, ce qui ne doit etre attribué qu’à un mal trop commun pour etre honteux et qui n’est plus que funeste[2]

Mis je crois dans les Loix

.

Main principale P

1607

{f.460v} Ce qui me charme dans les premiers tems

Les 1ers tems

c’est une certaine simplicité de moeurs, une naiveté de la nature que je ne trouve que la, et qui n’est plus a present dans le monde au moins que je sache chez aucun peuple policé[1].
J’aime a voir dans l’ame hom̃e lüy même des vertus qu’une certaine education ou relligion n’ont point inspirées, des vices que la molesse et le luxe n’ont point faits.
J’aime à voir l’inocence rester encore dans les coutumes lorsque la grandeur du courage la fierté, la colere l’ont chassée des coeurs mêmes.
J’aime à voir les roys plus forts, plus courageux que les autres hommes, distingués de leurs sujets dans les combats, dans les conseils, hors de la confondus avec eux.
Mais la plus part des gens ne connoisent que leur siecle, un Europeen est choqué des moeurs simples des tems heroiques, comme un Asiatique est choqué des moeurs des Europeens.

- - - - -

Main principale P

1608

On peut remarquer dans les anciennes histoires un certain goust des premiers hommes pour le merveilleux

Le merveilleux

 {f.461r} et un caractere de singularité dans les esprits des princes qui leur faisoit toujours rechercher une espece d’eternité dans leurs entreprises
Si Ninus batit une ville c’est pour faire un ouvrage qui n’eut pas eu de pareil jusqu’a alors et qui n’en peut pas aussi avoir dans l’avenir[1]

Pyramides

Quand les roys d’Egipte elevent leurs immenses pyramides ils se font des difficultées, ils choisisent un terrain sabloneux afin d’etre contraints de faire venir des pieres d’Arabie et que l’on puise dire que la piramide n’a pas eté mise là que par les dieux[2].
Si Semiramis va parcourir l’Azie c’est pour faire des changements continuels dans la nature du terrain applanir les montagnes et en former d’autres dans les lieux pleniers, quarrer des rochers de dix sept stades de haut, et faire une elevation avec les bagages de son armée pour y monter[3]
Voila comment les princes cherchoient toujours le merveilleux l’utile venoit en second, si l’on faisoit des chemins publiques c’etoit a fin qu’ils pasasent au travers des vallées et des precipices si l’on rendoit les rivieres navigables c’etoit pour la gloire qui en devoit revenir au prince, il paroit que du tems d’Alexandre on s’etoit un peu guéri de ce goust pour le merveilleux de cette espece, car dans les premiers siecles {f.461v} un conquerant n’avoit n’auroit jamais refusé la proposition qui lui fut faite de tailler le mont Athos et d’en faire sa statuë[4].
Dans un tems ou les arts etoient inconnus les hommes sans goust appelloient beau tout ce qui etoit grand, tout ce qui etoit difficile, tout ce qui avoit eté fait par un grand nombre de bras.

Main principale P

1609

{f.462r} [Passage à la main M] Fragmens de vieux materiaux des Lettres persanes[1] que je n’ay n’y j’ay jetté nyles les autres ou mis ailleurs

Fragmens
Lettres persanes

_______
Le roy du Tybeth[2] a la congregation
De la propagande a Rome[3]

[Passage à la main P] Vous m’avez envoié icy un homme qui m’a dit que sa relligion exigeoit qu’il fut habillé de noir, vous m’en avez envoié un autre qui se vante de ce qu’il est vetu de gris[4], ils se haisent si fort que quoy qu’ils soient a tant de milliers de lieuës de leur pays ; ils ne se voient que pour se dire des injures, et bien que mon empire soit d’une prodigieuse etendue, ils n’y peuvent vivre tous deux, je leurs ay dit qu’ils pouvoient se le partager, et s’en aller l’un a l’orient, l’autre a l’occident, mais ils ne veulent pas que l’un soit dans un endroit ou l’autre n’ira jamais, j’avoue qu’ils ont quelque connoissance des mathematiques, mais ne pouroient ils pas etre aussi scavans sans etre aussi fols ? Comme ils m’ont {f.462v} dit que c’étoit leur habit qui leurs inspiroit une fureur si grande je les ay fait depouiller et ay voulu qu’ils fusent vetus comme deux mandarins, d’ailleurs je me suis imaginé que comme ils n’avoient point de commerce avec les femmes cela leur donnoit un esprit rude ; ainsi j’ay resolu de les marier et de leurs en donner a chacun d’eux. &c[5]

- - - - -

Passage de la main P à la main M

1610

Enfin on vient de publier l’arrest qui met l’etranger[1] aux petites maisons[2], et tous les Francois a l’hopital[3]. Les actions et les billets de banque

Billets de banque

perdent de moitie, on ote aux sujets trente fois cent millions d’un coup de plume, c’est a dire une somme qui n’existe pas a peine dans le monde et avec lequel on pouroit achepter trois fois tous les fonds du royaume de Perse toute la nation est en larmes la nuit[,] et le deuil couvrent ce malheureux royaume, il ressemble à une ville prise d’assaut, ou ravagée par les flames : au milieu de tant de malheurs l’etranger seul parait content de luy même, et parle encore de soutenir son funeste sistheme : j’habite icy le pays du desespoir : mes yeux ne voient que malheurs qui accablent les infidelles, un vent s’eleve et emporte leurs richesses leur fausse abondance disparait comme unun fphantome

Main principale P


1606

n1.

Cf. nº 108.

1606

n2.

Cf. EL, XIV, 11 ; nº 113.

1607

n1.

Voir nº 108.

1608

n1.

Diodore de Sicile, II, 3.

1608

n2.

Diodore de Sicile, I, 63.

1608

n3.

Cf. nº 1372.

1608

n4.

Ce projet aurait été proposé à Alexandre par l’architecte Dinocrate, selon une anecdote racontée par Vitruve (De architectura, préface du livre II – Catalogue, nº 1717-1721).

1609

n1.

Les articles nº 1609-1619 (reproduits dans LP, p. 600-607), rejets des Lettres persanes, sont à rapprocher des lettres publiées en 1745 dans Le Fantasque : voir LP, p. 583-592.

1609

n2.

Ce fragment devait s’insérer dans le chapitre de L’Esprit des lois sur la « propagation de la religion » (EL, XXV, 15) et figure dans le manuscrit (De l’esprit des loix (manuscrits), II, OC, t. 4, p. 701). Il concerne les querelles entre missionnaires (cf. nº 55) et plus particulièrement entre jésuites et capucins qui cherchent à s’implanter au Tibet au début du XVIIIe siècle : voir nº 1609, note 3.

1609

n3.

La congrégation de la Propagande ou de Propaganda fide, instance pontificale chargée de l’envoi de missionnaires, avait condamné les jésuites dans l’affaire de la querelle des rites (1703) et confié officiellement la mission du Tibet aux capucins. De 1706 à 1732, date à laquelle la congrégation trancha définitivement en faveur des capucins, les jésuites cherchèrent à rétablir leur présence dans le pays : voir Michael J. Sweet, « Desperately Seeking Capuchins: Manoel Freyre’s Report on the Tibets and their Routes (Tibetorum ac eorum Relatio Viarum) and the Desideri Mission to Tibet », Journal of the International Association of Tibetan Studies, nº 2, août, 2006, p. 2-3 [en ligne à l’adresse suivante : http://www.thlib.org?tid=T2722].

1609

n4.

Il s’agit du froc gris des capucins. L’habit noir était en usage chez les jésuites.

1609

n5.

Recopié ici entre 1748 et 1750 par le secrétaire P, ce fragment transcrit par le secrétaire H (1741-1742) dans le manuscrit de L’Esprit des lois est raccourci de quelques lignes : voir De l’esprit des loix (manuscrits), II, OC, t. 4, p. 701, l. 45-52.

1610

n1.

Montesquieu reprend la périphrase qui désigne John Law dans les Lettres persanes (LP, 132 [138], p. 499). Sur cet arrêt, voir nº 1611.

1610

n2.

Voir nº 872, note 2.

1610

n3.

« Lieu pieux et charitable où on reçoit les pauvres pour les soulager en leur necessitez » (Furetière, 1690, art. « Hopital ») ; le terme est utilisé dans les Lettres persanes pour évoquer les conséquences du Système (LP, 126 [132], p. 481).