M : | Montesquieu 1726/1727-1755. |
D : | Bottereau-Duval 1718-1731. |
E : | 1734-1739. |
U : | 1739. |
H : | 1741-1742. |
J : | 1742. |
K : | 1742-1743. |
F : | 1743. |
I : | 1743. |
L : | 1743-1744. |
O : | 1745-1747. |
P : | Damours 1748-1750. |
Q : | 1750-1751. |
R : | Saint-Marc 1751-1754. |
S : | 1754-1755. |
V : | 1754. |
JB : | Jean-Baptiste Secondat ?-1795. |
T : | écriture des manchettes 1828-1835 |
M : | Montesquieu. |
D : | Bottereau-Duval_1721-1731. |
H : | 1741-1742. |
P : | Damours_1748-1750. |
E : | 1734-1739. |
L : | 1742-1744. |
O : | 1745-1747. |
T : |
écriture des manchettes |
JB : | Jean-Baptiste_Secondat. |
J : | 1742. |
K : | 1742-1743. |
F : | 1743. |
E2 : | |
I : | 1743. |
R : | Saint-Marc_1751-1754. |
Q : | 1750-1751. |
S : | 1754-1755. |
V : | 1754. |
Pensées, volume III
1992 Dans les cours des princes on à ordinairement une tres fause idée du pouvoir. Le roy d’Angleterre est reelement plus absolu que le grand seigneur, il s’en faut bien que le parlement y soit aussi incomode aux roys et aux ministres que la milice ou le peuple de Constantinople ne le sont au serail et au divan, il s’en faut bien que ceux qui gouvernent l’Irlande et l’Ecosse y donnent la millieme partie des chagrins que donnent au grand seigneur les bachats d’Anatolye et du Ker[1]. Enfin c’est en Turquie que les loix de l’Etat c’est a dire les coutumes peuvent etre voiolées {f.286r} moins impunement que dans aucun lieu du monde (je crois que cela est mis dans les Romains)[2].
|
Main principale P |
1993 Comme la condition des princes les affranchit de la creinte des loix il est presque impossible qu’ils ne soient totalement mechans sans quelque sistheme de croiance cela se prouve par cette suite des roys successeurs d’Alexandre, en Egipte en Azie, en Macedoine, cela se prouve par ces empereurs romains qui vivans dans une religion qui n’avoit point de sistheme furent tous des monstres, à cinq ou six pres qui presque tous durent leur vertu a la philosophie sthoique[1]
Je ne puis soufrir qu’un auteur fameux ait soutenu qu’une religion {f.286v} ne peut etre un motif reprimant[2], je scais bien qu’elle n’arete pas toujours un homme dans la foug[u]e des passions, mais y sommes nous toujours, si elle ne reprime pas toujours des moments elle reprime au moins une vie.
A l’egard de la devotion des princes je les avertis qu’ils doivent s’en mefier extremement car il leur est tres aisé de se croire melieurs qu’ils ne sont en effet, comme par un malentendu la devotion leur permet la politique et la politique presque tous les vices qu’ils veulent, comme l’avarice l’orgueil, la soif du bien d’autruy l’ambition, la vengeance, il ne leur {f.287r} en coute presque rien pour etre devots au lieu que nous qui n’avons pas des raisons d’etat pour satisfaire nos passions somme obligés de les sacrifier presques toutes. D’ailleurs leur etat l’habitude et les regards de tout le monde demandent qu’ils se composent dans la plus part de leurs actions, or se tenir dans un temple avec gravité et decence, s’appelle chez la plus part des gens etre devot
On demande si un prince doit mettre les affaires de son etat entre les mains de son confesseur, il n’y a rien de si dangereux, car ceux {f.287v} qui ont l’esprit du monde sont entierement incapables de gouverner sa conscience et ceux qui n’ont pas cet esprit sont incapables de gouverner son etat. Un directeur est etabli pour l’avertir des fautes qu’il fait, mais comment l’avertira-t-il de celles qu’il luy faira faire le prince ne s’acquite pas de ses devoirs, et il empesche l’autre de s’acquitter des siens.
La creinte et la timidité ont toujours des ruses, les princes superstitieux veulent capituler avec Dieu pour qu’il damne leur confesseur a leur place, je mets cela disent-ils sur v votre conscience, mais Dieu n’a point mis {f.288r} cela sur cette conscience, et n’aprouve point ces sortes de conventions.
Un prince ne doit pas surtout consulter son directeur sur le choix, des personnes qu’il doit elever aux dignitées, cela seroit sujet à mille inconveniens, car comme le choix des uns entraine necesairement l’exclusion des autres, et qu’on n’exclue personne sans en donner la raison, il arriveroit que chacun seroit jugé dans un tribunal secret, sans avoir un seul moyen de se justifier.
En un mot de tous ceux qui approchent de la personne du prince, le confesseur est celuy qui doit avoir {f.288v} le plus de credit, et celuy qui en doit avoir le moins.
Je ne crois pas même que le prince doive prendre pour cet employ une personne attachée à un corps particulier monastique de cela il y à de tres bonnes raisons entre autres celle-ci, c’est que cela afflige une nation et y met a certains egards un esprit de servitude car comme celuy que le prince va chercher dans un corps pour luy donner sa confience est respécté a la cour, ceux qui sont du même corps sont respectés de même a la ville et dans les provinces, et le moindre d’entre eux etant un {f.289r} personnage important, on trouve sur sa tête mille favoris au lieu d’un, et l’on ne voit de tous cotez que des maitres[3].
|
Main principale P |
1994 Il faut que l’autorité du souverain soit communiquée à autant de gens qu’il est necesaire, et a aussi peu qu’il est possible. Le prince en doit faire part a ses ministres, mais il faut qu’elle reste dans leurs mains et ne passe pas dans d’autres.
Il faut surtout que le prince se garde des affections particulieres ; un certain corps, de certains hommes de certains habits, de certaines {f.289v} opinions, sans cela il se retrecit à faire pitié, la providence l’avoit fait pour avoir une affection generalle elle luy avoit donné de grands objets, on ne dit pas qu’il renonce a son coeur, il ne le doit ni ne le peut, mais a ses fantaisies.
Le premier talent d’un grand prince est celuy de sçavoir bien choisir les hommes, car comme de quelque facon qu’il s’y prenne ses ministres ou ses officiers auront plus de part dans ses affaires que luy, il ne scauroit les avoir trop habiles, ni trop gens de bien. Il faut donc qu’il se mette {f.290r} dans l’esprit que ce choix n’est pas une affaire de goust, mais de raison, qu’un homme qui luy plait n’est pas ordinairement un plus habile homme qu’un homme qui ne luy plait pas. Et que quelque tems qu’on perde a luy faire sa cour, on n’en vaut pas mieux et que tres souvent on en vaut moins.
Il doit etre d’autant plus jaloux du choix de ses ministres que c’est presque la seule action de la royauté qui luy soit propre, les ministres qu’il a une fois choisi prenant part a toutes les autres.
{f.290v} Il ne doit point telement priver ses ministres de sa confience, qu’il leur fasse juger qu’ils sont en peril, car pour lors ils ne songent plus qu’a se maintenir et a combatre par leurs finesses, ses inquietudes.
Il ne doit pas les soumetre à un conseil interieur de quelque favori ou de quelques domestiques, le peubleme[1] une authorité visible, il ne peut souffrir un gouvernement secret, ni à etre conduit comme par des intelligences.
Il ne faut pas qu’il les change avec legerté, car il est sure {f.291r} qu’un nouveau ministre formera de nouveaux projets, et le plans le plus opposé a ce qu’il trouvera etabli sera surement celuy qui luy plaira le mieux. Chaque homme est aussi enemi des idées des autres [;] qu’il est amoureux des siennes. On voit cela dans les batimens, qu’un successeur n’acheva presque jamais,
Du reste je ne scaurois envier la condition de ce troisieme genre d’hommes qui est entre le souverain et les sujets, qui n’ont que les malheurs de la condition des princes, et ne jouïssent ni de la realité de la souverainté {f.291v} ni des avantages de la vie privée, je leur conseille de ne point faire de mauvaises actions pour se maintenir dans un poste malheureux, d’y entrer avec honneur ; de s’y conserver avec inocence, d’en sortir avec dignité, et quand on en est sorti de n’y rentrer jamais.
Si l’on sçavoit bien sentir l’honneur et la gloire qui attendent ceux qui soufrent pour avoir fait leur devoir, il n’y à pas d’ame bien faite qui ne preferat une grande chute a la jouisance certaine des emplois les plus eclatans.
|
Main principale P |
1995 A l’egard de la flaterie on peut {f.292r} avertir tous les princes, il y a une conjuration universelle formée contre eux pour leur cacher la verité, on peut avertir les courtisans que lorsqu’ils y pensent le moins ils commetent de grands crimes, c’est à dire de ces crimes sourds qui extorquent le pardon parce qu’ils frapent tout bas, que si les courtisans sont coupables lorsque par de basses flateries ils endorment la conscience des princes les magistrats plus obligés par leur etat a leur dire la verité le sont encore davantage. Caracalla aiant fait tuer son frere Getta, ordonna a Papinien de chercher {f.292v} des excuses pour ce crime, un paricide repondit-il n’est pas si aisé à excuser qu’a commettre[1]. On ne peut s’empescher s’empescher de s’indigner contre le P. president de Thou qui lorsque Charles IX. alla faire part au parlement de ce qui s’etoit passé à la St Barthelemy voulut justifier cette action en disant que qui ne sçavoit pas dissimuler ne sçavoit pas regner[2]. Ce fut un plus grand crime a un magistrat de sang froid d’avoir justifié cette action qu’a un conseil violent de l’avoir resolue, et a des soldats {f.293r} furieux de l’avoir executée.
Les crimes des sujets sont puni par des supplices et on les y condamne. Ces princes ne peuvent etre punis que par les remords et on les en soulage. OnJe p conjure ceux qui approchent des princes de comparer le mal qu’ils font lorsqu’ils violent leurs devoirs a l’egard de quelqu’un de leurs concitoyens avec celuy qu’ils font lorsqu’ils les violent a l’egard de leur patrie ; les citoyens sont tous mortels, et la patrie est eternel, encore un peu de tems et l’on verra finir le mal qui leur a eté fait, leurs reproches et leurs larmes, celuy qui aujourd’huy est opprimé disparoitera[3] bientot peut etre avant le coupable, mais {f.293v} le crime qui change en pis la constitution d’un etat survit a son autheur a son repentir et a ses remords, apres quoy il ajoute tout courtisan tout ministre qui pour une malheurureuse pension, pour une petite augmentation de fortune sacrifie le bien public est un lache fripon qui aiant une fausse clef d’un tresor dcommun en escamote une partie et renonce a partager legitimement ce qu’il aime mieux derober tout entier.
Mais pourquoy dans tous les tems et dans tous les pays les favoris ont-ils eté si odieux c’est que les princes etant etablis pour nous gouverner nous soufrons le mal qu’ils nous font quelque fois par la cons consideration du bien qu’ils nous font toujours, mais les {f.294r} favoris se trouvent au dessus des autres pour leur utilité seule et particuliere,
|
Main principale P |
1996 Il faut parler de la magnificence des princes ils doivent paroitre avec un certain eclat exterieur, car comme notre devoir est de les respecter ils doivent de leur coté chercher a se rendre respectables, mais il est moins necesaire de les avertir de cela que de la moderation qu’ils doivent avoir. Si
Si je voulois connoitre la puissance d’un prince je n’aurois que faire d’entrer dans son palais de voir la beauté de ses jardins, la richesse de ses equipages, les bassesses de ses courtisans, il n’y a rien de si equivoque, le moindre village {f.294v} m’apprenderoit mieux quelles sont ses veritables forces[1].
Le faste royal est commence par ces deux des citoyens riches et des soldats bien paiés.
L
Le faste royal commence ptoujours par ces deux points, des citoyens riches, et des soldats bien paiés.
Un palais delabré doit moins faire rougir un prince que quatre lieues de pays abandonné et incultes
Un roy superbe d’un peuple pauvre, resemble a un homme habillé de pourpre qui se promeneroit fierement dans les rües avec sa femme et ses enfants couverts de haillons.
|
Main principale P |
1992 |
n1. |
Lire : d’Anatolie et du Caire. |
1992 |
n2. |
Les Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence parlent seulement de la faiblesse de l’Empire turc (Romains, XXXIII, p. 280, l. 41-42) ; sur la faiblesse réelle du prince en Turquie, voir LP, 78 (80), p. 353, l. 30-31. |
1993 |
n1. |
Comprendre : stoïcienne ; voir EL, XXIV, 10. |
1993 |
n2. |
Pierre Bayle : voir EL, XXIV, 2 ; nº 1946. |
1993 |
n3. |
Cf. nº 1958, note 1. |
1994 |
n1. |
Lire : le peuple aime (erreur de copie du secrétaire). |
1995 |
n1. |
Histoire Auguste, Aelius Spartianus, Vie de Caracalla, VIII, 5 (Catalogue, nº 2842 : Historiæ Augustæ scriptores sex. […], Paris, H. Drouart, 1603). |
1995 |
n2. |
Selon son fils, l’historien Jacques-Auguste, le président Christophe de Thou aurait emprunté ces paroles fameuses à Louis XI (Histoire universelle de Jacques-Auguste de Thou depuis 1543 jusqu’en 1607, traduite sur l’édition latine de Londres, Londres [Paris], 1734, t. VI, liv. LII, p. 419). |
1995 |
n3. |
Lire : disparaîtra. |
1996 |
n1. |
Cf. Arsace et Isménie [env. 1748-1754], OC, t. 9, p. 358. |