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Pensées 2033 à 2036

M :Montesquieu 1726/1727-1755.
D :Bottereau-Duval 1718-1731.
E :1734-1739.
U :1739.
H :1741-1742.
J :1742.
K :1742-1743.
F :1743.
I :1743.
L :1743-1744.
O :1745-1747.
P :Damours 1748-1750.
Q :1750-1751.
R :Saint-Marc 1751-1754.
S :1754-1755.
V :1754.
JB :Jean-Baptiste Secondat ?-1795.
T :écriture des manchettes 1828-1835

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M : Montesquieu.
D : Bottereau-Duval_1721-1731.
H : 1741-1742.
P : Damours_1748-1750.
E : 1734-1739.
L : 1742-1744.
O : 1745-1747.
T : écriture des manchettes
JB : Jean-Baptiste_Secondat.
J : 1742.
K : 1742-1743.
F : 1743.
E2 :
I : 1743.
R : Saint-Marc_1751-1754.
Q : 1750-1751.
S : 1754-1755.
V : 1754.

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Pensées, volume III

2033

Preface de l’editeur

Ce qui fait surtout le merite principal des Lettres persannes , c’est qu’on y trouve sans y penser une espece de roman[1]. On en voit le commencement, le progrés, la fin. Les divers personnages sont placés dans une espece de chaine qui les lie ; à mesure {f.321r} qu’il font un plus long sejour en Europe, les mœurs de cette partie du monde prennent dans leur tête un air moins merveilleux et moins bizarre et ils sont plus ou moins frappés de ce bizarre et de ce merveilleux suivant la difference de leurs caracteres. D’un autre côté le desordre croit dans le serrail d’Asie à proportion de la longueur de l’absence d’Usbeck, c’est à dire à mesure que la fureur augmente et que l’amour diminue.
D’ailleurs ces sortes de romans reussisent ordinairement parce que l’on rend compte soi même de sa situation actuelle, ce qui fait plus sentir les passions que tous les recits qu’on en pourroit faire, et c’est une des causes du succés de Pamela et des Lettres peruviennes[2] qui ont paru depuis ouvrages charmans qui ont paru depuis :[3]
Enfin dans les romans ordinaires, les digressions ne peuvent etre permises que lorsqu’elles forment elles mêmes un nouveau roman {f.321v} on n’y sauroit mêler de raisonnements parce qu’aucun des personnages n’y ayant été assemblé pour raisonner, cela choqueroit le dessein et la nature de l’ouvrage ; mais dans la forme de lettre, ou les acteurs ne sont pas choisis, mais forcés et où tous les sujets qu’on traite ne sont dépendants d’aucun dessein ou d’aucun plan deja formé ; l’auteur s’est donné l’avantage de pouvoir joindre de la philosophie, de la politique et de la morale à un roman, et de lier le tout par une chaine secrete et en quelque façon inconnüe.
Les Lettres persannes eurent d’abord un debit si prodigieux que les libraires de Hollande mirent tout en usage pour en avoir des suittes[4]. Ils alloient tirer par la manche tous ceux qu’ils rencontroient. Monsieur, disoient-ils faittes-moi des Lettres persannes.
Mais ce que je viens de dire suffira pour faire voir qu’elles ne sont susceptibles d’aucune suitte, et encor moins d’aucun mêlange avec des lettres écrittes {f.322r} d’une autre main, quelqu’ingenieuse qu’elle puisse etre.
Il y a dans les premieres lettres quelque traits qu’on a jugé trop hardis ; mais on prie de faire attention à la nature de cet ouvrage. Les Persans qui devoient jouer un si grand role dans ces lettres, se trouvoient tout à coup transplantés en Europe. Il y avoit un tems où il falloit les representer pleins d’ignorance et de prejugés ; on n’etoit attentif qu’a faire voir la generation et le progrés de leurs idées. Leurs premieres pensées devoient etre singulieres. Il sembloit qu’on n’avoit rien à faire qu’à leur donner l’espece de singularité qui peut compatir avec de l’esprit (2)[5]. Bien loin qu’on pensat à interesser quelque principe de la relligion, on ne se soupçonnoit pas même d’imprudence. On fait cette justiffication par l’amour que l’on fait profession d’avoir pour les grandes verités, indepandament du respect pour le genre humain que l’on n’est n’a pas {f.322v} certeinement assez malheureux d’avoir voulu voulu frapper dans l’endroit le plus tendre.
On prie de remarquer que ces traits se trouvent toujours liés avec le sentiment de surprise et d’etonnement, jamais avec l’idée d’examen, et encore moins de avec celle de[de] critique. Que si ces raisons n’excusent point l’auteur, il aura du moins la consolation de penser que ceux qui viendront apres lui apprendront par son exemple que les moindres fautes en ce genre sont irreparables en parlant de la notre relligion ces Persans ne devoint pas paraître plus instruits que lorsqu’ils parloint des coutumes et des usages ordinaires de la nation : et s’ils trouvent quelquefois nos dogmes singuliers on avoüera que cette singularite n’est marquée, dans les Lettres persanes a ce que coin qu’elle n’est jamais fondée que sur la parfaite ignorance ou ils sont de la cheine qui lie les dogmes avec nos autres vérités : tout l’agreement(.) (3)[6]
De touttes les editions de ce livre, il n’y a que la premiere qui soit bonne, elle n’a point éprouvé la temerité des libraires, elle parut en 1721 : imprimée à Cologne chez Pierre Marteau[7]. Celle que l’on donne aujourd’huy[8] merite la preference parce qu’on y a corrigé en quelques endroits le stile de la premiere et quelques fautes qui s’etoient glissées dans l’impression. Ces fautes dans les éditions suivantes se sont multipliées sans nombre, parce que cet ouvrage fut abandonné par son autheur dés sa naissance par l’son auteur qui n’y prit plus de part que par le repentir de l’avoir fait qui s’attacha a des choses plus serieuses(1)[9]
Fin
- - - - -

Main principale Q

2034

{f.323r} Academica
Fragments d’une Dissertation sur la difference des esprits
[1]

La ressemblance exterieure des enfans à leurs peres, n’est point un raport de la copie à son original
_________________________________________________________________________

Main principale Q

2034bis

[Passage à la main M] (1) Son autheur qui estoit pour lors assez jeune et qui ecrivoit dans un siecle temps ou tout le monde estoit jeune avoit ecrit dans un temps ou il esto estoit asses jeune et avoit publie son ouvrage dans un temps ou tout le monde estoit jeune :[1]
(2) Il semble qu’on n’avoit eu qu’a peindre les sentimens qu’ils avoint eus a chaque chose qui leur avoit paru extraordinaire, bien loin &c.

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(3)Tout l’agrement ne consiste que dans le contraste qu’il y a entre des choses reelles et la maniere dont

Néant

elles sont apercües j’avouray meme que j’aurois aussi bien fait de faire un livre moins bon livre que de toucher ces matieres puis qu’on n’est jamais si sur de la maniere dont les autres sont affe[c]tés que d[e] celle dont on est affecté soy même :
De toutes les éditions… &
[f.323v-327v] Neuf pages blanches

Passage de la main Q à la main M

2035

{f.328r} [Passage à la main Q] Academica[1]
Fragments d’une Dissertation sur la difference des esprits[2]

La ressemblance exterieure des enfans à leurs peres[3], n’est point un raport de la copie à son original, comme si l’imagination des peres ou quelque cause secrette pouvoit imprimer sur le visage des enfants les traits qu’ils ont eux mêmes. Cela seroit entierrement inexplicable à la phisique. Cette ressemblance est uniquemt fondée sur ce que l’enfant étant formé de la substance du pere, et ayant eu neuf mois de suitte une vie comune avec la mere, il y a dans les uns et dans les autres un raport dans les fluides et les solides : ainsi cette qualité ou cette combinaison d’humeurs qui donne des cheveux noirs une peau blanche, de belles {f.328v} dents, une grande taille ou des traits delicats au pere ou à la mere, les donnera de même a l’enfant. Les peintres savent combien il faut peu de chose pour qu’un visage paroisse à peu prés ressembler à un autre, et à quel point un raport dans une partie frape dans le tout. Un trait seul regnera sur toute une phisionomie.
Comme les vices et les vertus humaines sont ordinairement l’effet des passions, et les passions l’effet d’un certain état de la machine (je parle du materiel des passions et non pas du formel, c’est à dire de cette complaisance que l’ame sent à suivre les mouvements de sa machine, par la douceur qu’elle y trouve ) il y a des maladies qui peuvent nous mettre dans la situation où l’on est lors de la passion même. Celles qui donneront à notre sang la disposition où est celui d’un homme hardi, nous rendront courageux ; celles qui nous {f.329r} mettront dans un état contraire, nous rendront timides : les medecins savent que de certainnes maladies rendent un homme bizarre, inquiet, et emporté ; état deplorable qui nous prouve que nous sommes tombés d’un état plus parfait.
Lorsque les medecins et les auteurs moraux traittent des passions, ils ne parlent jamais la même langue ; les moraux mettent trop sur le compte de l’ame[4] ; les autres trop sur celui du corps ; les uns regardent plus l’homme comme un esprit ; les autres plus comme la machine d’un artisan ; mais l’home est égallement composé de deux substances qui chacune comme par un flux et reflux exercent et souffrent l’empire.

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[f.329v-333v] Neuf pages blanches

Passage de la main M à la main Q

2036

{f.334r} * Je remarque que quand les Barbares inonderent l’empire romain, ils n’exercerent point de cruauté particuliere contre les ecclesiastiques, et ne firent pas paroitre de zele de relligion, uniquement curieux du butin et de la subsistance ; mais les mêmes Barbares qui inonderent l’empire de Charlemagne exercerent d’etranges barbaries contre les ecclesiastiques, l’eglise les monasteres[1].
Quand les Romains chasserent les Barbares et les obligerent par fraieur de refouler vers la Scandinavie, ils ne leur parlerent point de relligion, mais de prendre les mœurs romaines, de payer des tributs, d’obeir. Quand les Francs rentrerent dans la Germanie, ils ne leur parlerent que de baptême, d’eglises de monasteres, de prêtres, de sorte que les Saxons et autres peuples, qui refluerent, se retirerent enragés contre la relligion chretienne et s’attacherent d’autant plus à leur culte qu’on avoit voulu les faire changer, et ils {f.334v} établirent une rude inquisition parmi eux ; ainsi quand ils sortirent, ils sortirent avec leur haine et leurs prejugés ; ainsi les mêmes peuples differerent de conduite et de fureur dans leurs invasions.
On ne peut douter que les Germains n’ayent été se mêler avec les Scandinaviens. Tacite parle des Suions[2] l’ancienne langue suedoise et l’ancienne langue danoise ont de la conformité avec l’ancienne langue germaine, soit que ce fut le même peuple qui se fut grossi par les raisons susdittes, soit qu’en se retirant en foule dans le fond du Nord, ils soient devenus la principale partie de la nation.

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Main principale Q


2033

n1.

L’introduction en tête de l’édition de 1721 utilisait, comme plus tard dans le Temple de Gnide [1725], le procédé dit du manuscrit trouvé, en présentant l’auteur comme traducteur de lettres recopiées (LP, p. 137-139 ; sur ce procédé, voir Le Topos du manuscrit trouvé, J. Herman, F. Hallyn et K. Peeters (éd.), Louvain – Paris, Peeters, 1999). L’effacement de l’origine fictionnelle allait de pair avec l’anonymat tandis que le disparate se trouvait ainsi justifié. La « Preface » transcrite ici revendique en revanche l’appartenance au genre romanesque, introduit la célèbre métaphore de la chaîne, employée ici trois fois, et du même coup la question de l’intrigue (« le commencement, le progrès, la fin ») et de l’unité plus ou moins implicite de l’ouvrage, interprétée diversement par la critique ; voir Carole Dornier, « Introduction : interpréter les Lettres persanes », dans Lectures de Montesquieu, C. Dornier (dir.), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013, p. 13-17.

2033

n2.

Samuel Richardson, Pamela, or Virtue Rewarded, in a Series of Familiar Letters from a Beautiful Young Damsel to her Parents […] [1740], traduit en français dès 1741 ; sur le succès éditorial et les premières versions françaises, voir l’introduction de Thomas Cary Duncan Eaves et Ben Drew Kimpel à leur édition du roman (Boston, Houghton Mifflin Company, 1971, p. v-vii). Les Lettres d’une Péruvienne [1747] de Mme de Graffigny connurent quatorze éditions en cinq ans : voir David Smith, « The Popularity of Mme de Graffigny’s Lettres d’une Péruvienne : The Bibliographical Evidence », Eighteenth-Century Fiction, vol. 3, nº 1, 1990, p. 1-20.

2033

n3.

Voir nº 1621 (in fine).

2033

n4.

Les deux éditeurs amstellodamois qui disposaient du droit de copie pour l’ouvrage étaient Susanne de Caux, veuve de Jacques Desbordes, et Pierre Brunel. De 1721 à 1730, les rééditions et contrefaçons se succédèrent : voir LP, introduction, p. 16-24. Sur ce succès et le nombre des éditions, voir Edgar Mass, « Les éditions des Lettres persanes », Revue française d’histoire du livre, nº 102-103, 1999, p. 19-55 ; Françoise Weil, Livres interdits, livres persécutés, 1720-1770, Oxford, Voltaire Foundation, 1999, p. 98-99.

2033

n5.

Voir nº 2034 bis.

2033

n6.

Voir nº 2034 bis.

2033

n7.

Il s’agit de l’édition parue sous une fausse adresse, avec le nom fictif de Pierre Marteau, à Amsterdam, chez l’éditeur Jacques Desbordes, dont la veuve Susanne de Caux avait poursuivi l’activité (LP, bibliographie, p. 84-87).

2033

n8.

Cette édition corrigée est préparée dès 1750, d’après une note de La Beaumelle du 31 juillet de cette année (publiée dans CM, nº 3, 1996, Montesquieu et le « montesquieusisme », C. Lauriol (éd.), p. 92). Les corrections du texte et les additions seront publiées dans les Œuvres de Montesquieu de 1758 (Amsterdam – Leipzig, Arkstée et Merkus) : voir LP, introduction, p. 28-43.

2033

n9.

Voir nº 2034 bis.

2034

n1.

Voir nº 2035.

2034bis

n1.

Les trois paragraphes numérotés consignés ici sont des intercalations autographes prévues pour être insérées dans le nº 2033, la numérotation correspondant aux appels contenus dans cet article : le (1), finalement supprimé, prenait place à la fin de l’article, le (2) après « compatir avec de l’esprit », le (3), en partie supprimé, après « nos autres vérités ».

2035

n1.

Sur ce titre, qu’on a pu interpréter comme celui d’un recueil de dissertations académiques, voir Catherine Volpilhac-Auger, « L’ombre d’une bibliothèque : les cahiers d’extraits de Montesquieu », dans Lire, copier, écrire : les bibliothèques manuscrites et leurs usages au XVIIIe siècle, É. Décultot (dir.), Paris, CNRS Éditions, 2003, p. 81, note 8.

2035

n2.

Voir nº 6, note 1.

2035

n3.

Voir l’Essai sur les causes qui peuvent affecter les esprits et les caractères (OC, t. 9, p. 264).

2035

n4.

Cf. nº 6.

2036

n1.

Montesquieu attribue aux envahisseurs normands ce désir de se venger des violences perpétrées par Charlemagne au nom de la religion : EL, XXXI, 10 ; voir aussi nº 198.

2036

n2.

Tacite, La Germanie, XLIV.