MON REVEREND PERE,
I’ay esté bien-aise de voir les questions que vous dites que vos Geometres, ny Monsieur de Roberval mesme, qui est celuy AT II, 308 que vous estimez le principal d’entr’eux, confessent ne sçavoir pas ; car ie pourray éprouver en les cherchant, si mon Analyse est meilleure que la leur.
La premiere de ces questions est de trouver les tangentes des courbes décrites par le mouvement d’une Roulette. A quoy ie répons que la ligne droite qui passe par le point de la courbe dont on veut trouver la tangente, et par celuy de la base auquel touche la roulette pendant qu’elle le décrit, couppe tousiours cette tangente à angles droits. En sorte que si l’on veut, par exemple, trouver la ligne droite qui touche au point B la courbe ABC, décrite sur la base AD par l’un des points de la circonference de la roulette DNC ; Il faut mener par ce point B la ligne BN parallele à la base AD, puis mener une autre ligne du point N, où cette parallele BN rencontre la roulette DNC vers le point D, où cette roulette touche la base, et apres cela mener BO parallele à ND, et enfin BL qui la rencontre à angles droits ; Car cette ligne B L est la tangente cherchée.
Dequoy ie ne mettray icy qu’une demonstration, qui est fort courte et fort simple. Si on fait rouler un polygone Clerselier III, 351 rectiligne, quel qu’il soit, sur une ligne droite, la courbe décrite par l’un de ses points, quel qu’il soit, sera composée de plusieurs parties de cercles, et les tangentes de tous les points de chacune de ces parties AT II, 309 de cercles coupperont à angles droits les lignes tirées de ces points vers celuy auquel le poligone aura touché la base en décrivant cette partie. En suitte dequoy considerant la roulette circulaire comme un poligone qui a une infinité de costez, on voit clairement qu’elle doit avoir cette mesme proprieté, c’est à dire, que les tangentes de chacun des points qui sont en la courbe qu’elle décrit, doivent coupper à angles droits les lignes tirées de ces points vers ceux de la base qui sont touchez par elle au mesme temps qu’elle les décrit.
Ainsi lors qu’on fait rouler l’hexagone ABCD sur la ligne droite EFGD, son point A décrit la ligne courbe EHI A, composée de l’arc EH, qu’il décrit pendant que cét hexagone touche la base au point F qui est le centre de cét arc ; de l’arc HI, dont le centre est G, et de l’arc I A, dont le centre est D, etc. par lesquels centres passent toutes les lignes qui rencontrent les tangentes de ces arcs à angles droits. Or le mesme arrive à un poligone de cent millions de costez, et par consequent aussi au cercle. Ie pourrois demonstrer cette tangente d’une autre façon, plus belle à mon gré, et plus Geometrrique, mais ie l’obmets pour m’épargner la peine de l’écrire, à cause qu’elle seroit un peu plus longue.
Or il faut remarquer, que lors que la base de cette courbe est égale à la circonference du cercle qu’on imagine rouler sur cette mesme base pour la décrire, ainsi que ie l’ay supposée en l’exemple precedent, cette AT II, 310 courbe n’a que la voûture d’un demy cercle ; C’est à dire qu’en chacun de ses bouts, la tangente de son dernier point est perpendiculaire Clerselier III, 352 sur cette base. Mais lors que sa base est plus courte, ses deux bouts sont repliez en dedans de part et d’autre, en sorte que plusieurs de ces revolutions font une telle figure.
Or pour trouver les tangentes de cette courbe, et sçavoir exactement où elle commence ainsi à se replier, il faut imaginer que le point qui la décrit est au dehors de la roulette, et supposer deux bases, l’une sur laquelle est décrite la courbe, comme icy AE, sur laquelle la courbe ABCD est décrite par le point D, joint par dehors à la roulette FG, en telle sorte qu’il décrit le cercle END au tour du centre de cette roulette, au mesme temps qu’il décrit la courbe ABCD sur le plan AD ; et une autre base, comme BG, sur laquelle se meut la roulette FG, dont la demy circonference doit estre égale à la demy base AE ; Et les tangentes se mesurent icy par le cercle DE, et par le point G, où la roulette FG touche sa base BG ; en sorte que pour trouver la ligne qui touche cette courbe, par exemple au point C, il faut mener CN, parallele à la base, et joindre le point N, qui est dans le cercle DNE au point G, où la roulette touche sa base, puis mener CP parallele à NG, et cette CP est perpendiculaire sur CL qui est la tangente cherchée.
AT II, 311 En suitte dequoy on voit clairement que le point B, où la seconde base BG rencontre cette courbe, est celuy où elle commence à se replier en dedans ; Car la tangente de ce point est perpendiculaire sur la base AE.
Que si la base de cette courbe est plus longue que la cir-conference Clerselier III, 353 conference du cercle que trace autour du centre de la roulette le point qui la décrit, ses deux bouts sont repliez en dehors ; en sorte que plusieurs de ses revolutions font une telle figure.
Et pour trouver ses tangentes, et sçavoir où elle commence à se replier, il faut imaginer que le point qui la décrit est au dedans de la roulette, et ainsi supposer une seconde base BG, sur laquelle se meut la roulette FG, dont la circonference est égale à cette base, pendant que le point D, qui décrit la courbe sur l’autre base AE, décrit autour du centre de la roulette le cercle DE ; Puis pour trouver la tangente du point C, pris à discretion en cette courbe, il faut mener CN parallele à la base, et joindre le point N, qui est dans le cercle DE au point G, où la roulette touche sa base, puis tirer C P parallele à NG, et CL qu’elle rencontre à angles droits est la tangente cherchée.
En suitte dequoy pour trouver le point H, où la partie de la courbe AH cesse d’estre concave, et HCD d’estre convexe, il ne faut que tirer du point G une ligne comme GR, qui touche le cercle DRE au point R, et de ce point R mener RH parallele à la AT II, 312 base. Et il est à remarquer qu’il ne peut y avoir aucune ligne droite qui touche cette courbe AHCD en ce point H, à cause qu’il fait la separation de ses deux parties, dont l’une est concave, et l’autre convexe. Clerselier III, 354 Or ces determinations si simples et si faciles peuvent estre prises pour la seconde chose que Monsieur vostre habile Geometre a confessé ne sçavoir pas ; Car bien qu’il ait dit en avoir une demonstration, mais qui estoit longue, et qu’il en desiroit seulement une plus courte, il n’a pû toutesfois en avoir qui determinast exactement aucune de ces choses, puis qu’il n’a pû trouver les tangentes.
Au reste il est à remarquer que tant ce que i’ay icy écrit des tangentes, que ce que ie vous avois mandé cy-devant touchant l’espace que contiennent ces lignes décrites par une roulette circulaire, se peut aussi estendre à toutes celles qui sont décrites par des roulettes qui ont d’autres figures, telles quelles puissent estre, excepté seulement que touchant l’espace il faut que les circonferences de ces roulettes soient convexes, et que leurs parties opposées soient semblables ; Comme lors qu’elles ont la figure d’une ellipse, ou de deux hyperboles ajustées l’une contre l’autre, etc. Et il est si aisé de leur appliquer les demonstrations que ie vous ay envoyées, que cela ne vaut pas la peine que ie l’explique. Mesme il n’y faut changer que fort peu de choses, lors que les circonferences de ces roulettes ne sont pas toutes convexes ; Et ainsi ie ne croy pas qu’il y ait gueres rien à dire touchant AT II, 313 ces lignes, qui ne soit compris en ce peu que ie vous en ay écrit.
Il faut aussi remarquer que les courbes décrittes par des roulettes sont des lignes entierement Mechaniques, et du nombre de celles que i’ay rejettées de ma Geometrie ; C’est pourquoy ce n’est pas merveille que leurs tangentes ne se trouvent point par les regles que i’y ay mises.
Mais pour cette autre tangente qu’il avoüe n’avoir pû trouver, à sçavoir celle qui fait l’angle de quarante-cinq degrez avec l’aissieu de la courbe que i’avois cy-devant proposée, il ne faut que suivre ces regles tout simplement pour la connoistre ; Et en voicy la façon.
Soit ACKFA l’une des feüilles qui fait partie de cette courbe dont laissieu est AH, et le plus grand diametre Clerselier III, 355 de la feüille est AK, et l’angle HAK est de quarante-cinq degrez, B 834 ie cherche la tangente FE ou CB, parallele au diametre AK, posant que la proprieté de cette courbe est telle que menant FG à angles droits sur AH, l’aggregat des cubes de FG et AG est égal au parallelipipede des mesmes FG et AG, et d’une autre ligne donnée qui est double de AH. Et ie fais AG||x, GF||y, et le double de AH||n ; D’où i’ay AT II, 314 x3+y3||xyn. Puis ie fais AE||v ; De façon que EG est x–y ; et pour ce que l’angle EFG est de quarante-cinq degrez, GF est aussi x-v, ce que ie substituë, au lieu de y en l’équation precedente, et au lieu de y3, ie substituë son cube qui est x3– 3vxx+3vvx–v3. Si bien que i’ay pour mon équation 2x3–3vxx+3vvx–v3||nxx–nvx. Ce que ie compare avec xx–2ex+ee||o. Multiplié par 2x–2f||o. Et i’ay
2x3–4exx+2eex
– 2fxx+4efx–2eef||o.
De mesme forme que
2x3–3vxx+3vvx–v3||o.
– nxx+nvx.
Et les termes multipliez par xx, me donnent 2f||3v+n–4e, puis les termes multipliez par x me donnent
6ev+2en–6ee||3vv+nv. ou bien
C’est à dire à cause que e est égal à x, que v est , AT II, 315 ce qui determineroit entierement la tangente cherchée, si la quantité x estoit connuë, mais pource qu’elle ne l’est pas, il faut poursuivre en cette sorte.
Puisque y est égal à x–v, et que v vient d’estre trouvé, nous avons aussi , ce qui estant Clerselier III, 356 substitué au lieu de y, et son cube au lieu de y3 en la premiere équation on trouve en la demeslant qu’elle se reduit à ces termes.
Et par ma regle qui est en ma Geometrie page 383. i’écris en leur place
Puis par la page 381. ie trouve la valeur de zz qui est . Au moyen dequoy par la page 383 ie divise l’équation en deux autres qui sont
Et .
Et par la premiere de ces deux équations, ie connois la valeur de x, qui est .
AT II, 316 Enfin à cause que cherchant en mesme façon la ligne AB par la tangente CB, il vient une équation toute semblable, on apprend de là que la ligne AG est , et que AD est ; et par consequent que DG est , et que CF est ; Ce qui est la plus grande largeur de la feüille qu’on demandoit ; En sorte que si la ligne n est 9, CF sera , et si n est 3, CF sera , et ainsi des autres.
Au reste, puisque ie voy qu’il a pris plaisir à considerer la figure de cette ligne, laquelle il nomme un galand, ou une fleur de jasmin, ie luy en veux icy donner une autre, qui ne mérite pas moins que celle-là les mesmes noms, et qui est neantmoins beaucoup plus aisée à décrire, en ce que l’invention de tous ses points ne depend d’aucune équation cubique. Celle-cy donc est telle qu’ayant pris AK pour l’aissieu de l’une de ces feüilles, et en AK le point N à discretion, il faut seulement faire que le quarré de l’ordonnée Clerselier III, 357 LN soit au quarré du segment AN, comme l’autre segment NK, est à l’aggregat de la toute AK et du AT II, 317 triple de AN, et ainsi on aura le point L, c’est à dire, tous ceux de la courbe, puisque le point N se prend à discretion.
Ie pourrois luy donner une infinité d’autres lignes qui ne seroient point d’une nature plus composée que celle-là, et toutesfois representeroient des fleurs ou des galands beaucoup plus doubles et plus beaux ; Mais pour en parler ingenuëment, ie fais si peu d’estat de ces galanteries que i’aurois honte de m’amuser à les écrire ; Et ie m’estonne de ce qu’il semble pretendre quelque gloire pour avoir remarqué en gros la figure d’une ligne dont ie luy avois envoyé la definition ; Car elle se void à l’œil sans aucun esprit ny science, apres qu’on a pris la peine de la tracer.
Il ne reste plus icy à resoudre que sa derniere question qui est telle ; Les costez AD et AE du quadrilatere ADCE estant donnez avec l’angle DAE, et la longueur de la diagonale AC, et enfin la proportion qui est entre les deux lignes AG et AH, perpendiculaires sur les costez inconnus CD et CE, il faut chercher le reste.
A quoy ie répons que ce Probleme estant ainsi generalement proposé, n’est ny plan ny solide, mais qu’il ne laisse pas de pouvoir tousiours estre construit par les regles que i’ay données en ma Geometrie, à cause qu’on le peut toûjours reduire au quarré de cube, ou à moins. Et en voicy la façon.
AT II, 318 Puisque les costez AD, AE, et l’angle D AE sont donnez, la base DE est aussi donnée, et sa perpendiculaire AF, et ses segmens DF, FE ; C’est pourquoy ie fais AF||b, DF|| c, FE|| d ie fais aussi AC||a, et que la raison de AG à AH est comme g à h ; Puis ayant mené AB parallele à DE, ie cherche la perpendiculaire CB, que ie nomme y ; Et à cét effet ie prolonge AB iusques à K et L, où elle rencontre CD et CE, sur lesquelles ie mene les perpendiculaires LQ et KN. Or puisque i’ay fait CA||a, Clerselier III, 358 et CB||y, i’ay AB|| ; Et comme CI qui est y – b, est à IE, qui est , Ainsi CB qui est y est à BL, qui par consequent est , et AL est , et LC||. Tout de mesme comme CI||y–b est à ID||. Ainsi CB||y est à BK qui par consequent est , et AK est AT II, 319 et CK est et KL est .
De plus, ie fais AG||gz, et AH||hz, et comme AK est KL, ainsi AG est à LQ ; D’où i’ay LQ||. Et comme AL est à KL, ainsi AH est à KN, ce qui m’apprend que KN est . Enfin comme LQ est à KN, ainsi CL est à CK ; D’où ie conclus que , multipliez par est égal à multipliez par . Et en demeslant cette équation on void clairement qu’il n’y peut venir de plus haut terme que y6. En sorte qu’on la peut tousiours resoudre par ma Geometrie, et il n’est pas besoin que ie passe outre, car il ne faut que le travail d’un apprentif pour l’achever. Mais pour conclusion ie puis dire, que si ie ne contente AT II, 320 vos Geometres avec ces solutions, ie ne les sçaurois iamais contenter, non pas mesme si i’avois le don de faire des miracles. C’est pourquoy ie n’y tascheray iamais plus.
Pour ce qui est de Monsieur de Fermat, ie ne sçay quasi qu’y répondre ; Car apres les complimens qui se sont faits entre nous de part et d’autre, ie serois marry de luy déplaire ; Mais il semble que l’ardeur avec laquelle il continuë à exalter sa Methode, et à vouloir persuader que ie ne l’ay pas entenduë, Clerselier III, 359 et que i’ay failly en ce que ie vous en ay écrit, m’oblige à mettre icy quelques veritez, qui me semblent ne luy estre pas avantageuses.
Vous m’envoyastes l’hyver passé de sa part une regle pour trouver les plus grandes et les moindres en Geometrie, laquelle i’assuray estre défectueuse, et ie le verifiay tres clairement, par l’exemple mesme qu’il avoit donné ; Mais i’adjoûtay qu’en la corrigeant on la pouvoit rendre assez bonne, bien que non pas si generale que son Autheur pretendoit, et qu’on ne pourroit pas mesme s’en servir en la façon qu’elle estoit dictée, pour trouver la tangente d’une certaine ligne que ie nommay. I’adjoûtay aussi que plusieurs raisons me faisoient iuger qu’il ne l’avoit trouvée qu’à tâtons ; Et enfin que s’il avoit envie de s’éprouver en Geometrie, ce ne devoit pas estre en ce sujet, lequel n’est pas des plus difficiles, mais en trois ou quatre autres que ie luy proposay, qui sont toutes choses ausquelles il auroit AT II, 321 sans doute répondu depuis, s’il eust eu dequoy. Mais au lieu de cela, quelqu’un de Paris, qui favorisoit son party, ayant veu mon Escrit entre vos mains, tascha de vous persuader que ie m’étois méconté, et vous pria de surseoir à le luy envoyer. Vous me le mandastes, et ie vous assuray que ie ne craignois rien de ce costé-là. Vous m’envoyastes quelque temps apres une Réponse faite pour luy, par ce mesme homme de Paris qui soûtenoit son party, en laquelle ne trouvant autre chose, sinon qu’il ne vouloit pas qu’une certaine ligne EB pust estre nommée la plus grande, il me fit souvenir de ces Avocats, qui pour Clerselier III, 360 faire durer un procez, cherchent à redire en des formalitez, qui ne servent de rien du tout à la cause. Ie vous averty deslors, que ie voyois bien qu’il n’usoit de cette procedure, que pour donner plus de loisir à ma partie de penser à me répondre ; Car bien que vous ne luy eussiez pas encore envoyé ma Lettre, ie ne doutois point que d’autres ne luy en eussent mandé le contenu ; Et l’evenement monstre assez que mes conjectures ont esté vrayes. Or apres avoir esté ennuyé de ce que la chicanerie de la ligne EB duroit trop long-temps, ie leur ay enfin mandé tout au long ce qui devoit estre adjoûté à la regle, dont il estoit question, pour la rendre vraye, sans pour cela changer la façon dont elle estoit conceuë, et suivant laquelle i’avois dit qu’on ne pouvoit s’en servir pour trouver la tangente que i’avois proposée. Depuis ce AT II, 322 temps-là, soit que ce que i’avois corrigé en cette regle luy ait donné plus de lumiere, soit qu’il ait eu plus de bonheur qu’auparavant, enfin Quod felix faustumque sit, apres six mois de delay, il a trouvé moyen de la tourner d’un nouveau biais, par l’aide duquel il exprime en quelque façon cette tangente. Io triumphe, ne voila pas une chose qui vaut bien la peine de chanter si haut sa victoire. Ie ne m’arresteray point icy à dire que ce nouveau biais qu’il a trouvé estoit tres-facile à rencontrer, et qu’il l’a pû tirer de ma Geometrie, où ie me sers d’un semblable moyen, pour éviter l’embaras qui rend sa premiere regle inutile en cét exemple ; Et que par là il n’a point satisfait à ce que ie luy avois proposé, qui n’estoit pas de trouver cette tangente, veu qu’il la pouvoit avoir de ma Geometrie, mais de la trouver en ne se servant que de sa premiere regle, puis qu’il l’estimoit si generale et si excellente ; Et enfin, que ce n’est pas trouver parfaitement les tangentes, que de les exprimer par les deux quantitez indeterminées x et y, comme il a fait ; Car ces quantitez X et Y ne sont point données separément, mais on doit chercher l’une par l’autre. Et ceux qui ont voulu depuis employer sa regle à chercher la tangente, qui fait l’angle de quarante-cinq degrez, avec l’aissieu de Clerselier III, 361 cette courbe, ont assez pû connoistre ce défaut par experience. Ie ne veux pas, dis-ie, m’arrester à toutes ces choses, Mais ie diray seulement qu’il luy eust esté, AT II, 323 ce me semble, plus avantageux, de ne point du tout parler de cette tangente, à cause que le grand bruit qu’il en fait donne sujet à un chacun de penser qu’il a eu beaucoup de peine à la trouver, et de remarquer que puis qu’il s’est teu cependant de toutes les autres choses que ie luy ay objectées, c’est un témoignage qu’il n’a rien eu du tout à y répondre ; et mesme qu’il ne sçait pas encore bien le fondement de sa regle, puis qu’il n’en a point envoyé la demonstration, nonobstant que vous l’en ayez cy-devant pressé, et qu’il l’eust promise, et que ce fust l’unique moyen de prouver sa certitude, laquelle il a tasché inutilement de persuader par tant d’autres voyes. Il est vray que depuis qu’il a veu ce que i’ay mandé y devoir estre corrigé, il ne peut plus ignorer le moyen de s’en servir, mais s’il n’a point eu de communication de ce que i’ay mandé depuis à Monsieur Hardy touchant la cause de l’elision de certains termes, qui semble s’y faire gratis, ie le supplie tres-humblement de m’excuser, si ie suis encore d’opinion qu’il ne la sçauroit demonstrer. Au reste, ie m’estonne extrémement de ce qu’il veut tascher de persuader que la façon dont il trouve de cette tangente est la mesme qu’il avoit proposée au commencement, et de ce qu’il apporte pour preuve de cela qu’il s’y sert de la mesme figure, comme s’il avoit affaire à des personnes, qui ne sceussent pas seulement lire ; Car il n’est besoin que de lire l’un et l’autre Escrit, pour connoistre qu’ils sont tres-differens. Ie m’estonne AT II, 324 aussi de ce que nonobstant que i’aye clairement demonstré, tout ce que i’ay dit devoir estre corrigé en sa regle, et qu’il n’ait donné aucune raison à l’encontre, il ne laisse pas de dire que i’y ay mal reüssi, au lieu dequoy ie me persuade qu’il m’en devroit remercier ; Et mesme il adjoûte que i’ay failly, pour avoir dit qu’il falloit donner deux noms à la ligne qu’il nomme B, etc. Ce qui ne reüssit, dit-il, qu’aux questions qui sont aisées, au lieu qu’il devroit dire que c’est donc luy-mesme Clerselier III, 362 qui avoit failly, à cause que i’ay suivy en cela son texte mot pour mot, ainsi que i’ay dû faire pour le corriger. Est-ce pas une chose bien admirable, qu’il veüille que i’aye trouvé en sa regle, il y a six mois, ce qu’il n’y a changé que depuis trois iours ; et que i’aye failly de ce que ie n’y ay pas corrigé une chose, qui ne la rend nullement fausse ; Car, comme il dit, estant prise en ce sens là, elle reüssit aux questions aisées, bien qu’elle ne reüssisse pas aux autres, ce qui vient de ce qu’elle ne leur peut estre appliquée, et s’accorde entierement avec ce que i’en avois écrit. Et afin qu’il sçache que son nouveau biais ne s’estend point si loin qu’il s’imagine, qu’il tasche, s’il luy plaist, de s’en servir à trouver la tangente d’une ligne courbe qui a cette proprieté, que l’aggregat des quatre lignes tirées de chacun de ses points vers quatre autres points donnez, comme vers A, B, C, D, est tousiours égal à une ligne donnée, et ie m’assure qu’il ne s’y trouvera pas moins empesché, que s’il se servoit AT II, 325 du premier, bien qu’elle soit incomparablement moins composée que son X10+B X9 etc. qu’il allegue. Ie m’estonne aussi de ce qu’il s’attribuë si particulierement cette methode, qu’il semble à l’en ouïr parler qu’elle soit quelque grand secret, qui n’ait iamais pû estre trouvé que de luy seul ; Car à le bien prendre, il n’y a rien du tout en elle, qu’il se puisse approprier à meilleur droit, que le feu et l’eau, et les grands chemins, sinon les défectuositez avec lesquelles il l’a proposée. En tout ce qu’elle a de bon, elle est si simple et si facile à rencontrer, qu’il n’y a personne qui se mesle de l’Analyse qui n’en soit capable, pourveu seulement qu’on luy propose, ou bien qu’il se propose luy-mesme par hazard certaines questions qui y conduisent ; Et s’il y en a quelques-uns qui puissent y pretendre plus de droit que les autres, se doivent sans doute estre ceux qui en sçavent les fondemens et les raisons, du nombre desquels ie n’ay pû connoistre iusques icy qu’il fust. Ie n’adjoûte point que ie m’estonne, de ce Clerselier III, 363 qu’il continuë à vouloir soûtenir les objections qu’il a cy-devant faites contre ma Dioptrique ; Car ie m’assure qu’il y en a plusieurs autres qui s’en estonnent aussi bien que moy, et ie serois marry de le détourner d’un exercice que ie sçay ne me pouvoir estre qu’avantageux. Mais i’admire sur tout le raisonnement dont il use à la fin de sa Lettre, dont voicy les propres mots : Pour ce que ie voy que ie n’ay rien encore proposé, à quoy son écolier AT II, 326 n’ait satisfait comme il vous écrit, il est juste qu’il travaille à son tour aux propositions suivantes. Et en suitte de ces mots il me propose quatre Problemes ausquels ie répons, qu’encore mesme qu’ils valussent la peine qu’on les cherchast, ce que ie n’ay nullement iugé en passant les yeux par-dessus ; ou encore que ie les sceusse desia, ce que ie ne voudrois pas dire estre vray, de peur qu’on pensast que ie voulusse tirer vanité de si peu de chose ; Et enfin encore que ie n’eusse point d’autre meilleur exercice pour me divertir, ie ne voudrois pas toutesfois luy en envoyer les solutions, de peur de sembler par là luy accorder, qu’il est juste que i’y travaille, et donner ainsi le pouvoir de me faire perdre du temps, à tous ceux qui en peuvent avoir envie. Au reste, ie ne laisseray pas, s’il luy plaist, d’estre tousiours son tres-humble serviteur, aussi bien qu’à ceux qui ont tasché de le deffendre. Et ie me promets qu’enfin la force de la verité les convertira.
Ie suis,