Chapitre 53
Capitulum
LIII1caput 52 1536.
Lucius [le brochet1Le lucius est sans aucun
doute le brochet (Esox lucius Linné,
1758).] [+][VB 17, 64 De lucio [-]][+]
Lucius [+][VB 17, 64 De lucio [-]][+]
Lieux parallèles : TC, De
lucio (7, 48) ; AM, [Lucius] (24, 73
(40)).
[1] [•] VB 17, 64, 1L’auteur. [•] VB 17, 64,
1Le brochet est un poisson de rivière à la gueule large et
aux dents extrêmement pointues, qui dévore les poissons plus
petits. La perche cependant, armée d’écailles et de piquants
acérés, lui tient tête sans qu’il ne prenne le dessus et sans
finir sous sa dent. Le brochet se nourrit d’animaux toxiques, par exemple de
crapauds et d’autres animaux de ce genre ; il constitue
cependant, dit-on, un aliment sain pour les malades. Si jamais il
voit la lumière du jour quand on retire de l’eau la nasse dans
laquelle il s’est trouvé enfermé, il est rare, voire impossible,
qu’on l’y conserve ensuite longtemps, mais il trouve le moyen de
s’échapper2On trouve des
remarques de Pline sur le même sujet à propos du lupus (Plin.
nat. 32, 11 ; Plin. nat. 32,
13)..
[1] [•] VB 17, 64, 1Actor. [•] VB 17, 64,
1Lucius est piscis fluvialis ore lato et dentibus
acutissimis, minorum piscium devorator. Cui tamen perca2parca VBd. squamis et
branchiis asperrimis armata resistit, ut non ei praevaleat nec
dentibus ejus praeda fiat. Vescitur autem lucius venenosis, ut bufonibus et hujusmodi, et tamen infirmis dicitur esse
in cibo sanus. Si quando nassa in qua inclusus fuerit ex aqua
levata3levatur et VB., lucem diei viderit, raro vel
numquam accidit ut postea diutius remaneat, sed quaesita sibi via
evadit.
Propriétés et
indications
Operationes
[2] [•] VB 17, 64, 2A. D’après le Liber de natura
rerum. [•] TC 7, 48Le brochet est un poisson qu’on appelle aussi loup de rivière3Selon Thomas de Cantimpré le brochet s’appelle
aussi loup de rivière (lupus aquaticus).
Chez Pline, cependant, le lupus n’est pas
le brochet, mais le bar, aussi appelé loup.. S’il a
suffisamment de place dans la rivière et de nourriture pour vivre,
il atteint au fil du temps une taille considérable4Le brochet peut mesurer plus
d’un mètre de longueur. Les autres espèces du genre unique Esox, toutes américaines, peuvent atteindre
2,50 m.. Il se nourrit de poissons et de tout ce qui rampe,
par exemple de grenouilles. Il mange des poissons qui font presque sa
taille5La voracité du
brochet en fait un redoutable prédateur des rivières. Sa gueule
est munie de 700 dents..
[2] [•] VB 17, 64, 2A. Ex Libro de naturis rerum4Tout ce chapitre suit
de très près le chapitre correspondant de Thomas de
Cantimpré.. [•] TC 7, 48Lucius est piscis qui et lupus aquatilis appellatur. Hic, si fluviales aquas
cibumque pro vita sufficientem habuerit, per successus temporum in
longitudinem maximam evalescit. Cibus ejus sunt pisces et quicquid
ranarum more repit. Piscem ad magnitudinem prope sui
comedit.
[3] [•] VB 17, 64, 2B. [•] TC 7, 48En effet,
quand il a vaincu une proie, il commence par en dévorer la tête ;
quand il l’a digérée, il poursuit peu à peu avec le reste, jusqu’à
ce qu’il ait avalé la proie en entier. Il n’épargne pas non plus,
dans son espèce, les poissons de sa taille, soit parce qu’il est
naturellement cruel, soit parce qu’il est avide de manger et
incapable de se contraindre devant une proie. Il va en effet
jusqu’à pourchasser ses propres alevins quand ils ont pris la
forme d’un poisson.
[3] [•] VB 17, 64, 2B. [•] TC 7, 48Nam ubi
victum subegerit, caput primum5prima Prüss1. ore devorat ; quo digesto paulatim
addit6adit VB. sequentia, donec totum consumat.
Pari quoque generis sui parcere recusat, vel ob naturalem
crudelitatem, vel quia avidus est cibi rapinaeque impatiens. Nam
et propria semina persequitur, ubi piscis formam7forma 1491
Prüss1. susceperint.
[4] [•] VB 17, 64, 2C. [•] TC 7, 48Il existe
un poisson6Il s’agit
probablement de la perche, dont les piquants acérés constituent
une protection efficace contre le brochet. Albert le Grand (AM 24,
73 (40)) écrit : Si tamen aliquando piscem
asperae squamae inveniat et acutae spinae, sicut est perca, hunc
apprehenso capite devorat ; sed si per caudam apprehenderit,
glutire non potest, eo quod tunc et squama et spinae in contrarium
dispositae impediant ; ego tamen vidi et consideravi quod, cum
piscem capit, primo in ore per transversum dentibus perforatum diu
portat et tunc mortuum glutit, « Si cependant il lui arrive
de trouver un poisson pourvu d’écailles acérées et d’épines
pointues, comme la perche, il le dévore en commençant par la
tête ; si au contraire il le prenait par la queue, il ne pourrait
l’avaler, parce qu’alors les écailles et les épines se
rebrousseraient et l’en empêcheraient. Pour ma part, cependant,
voici ce que j’ai vu et observé : quand le brochet saisit un
poisson par le travers, il le transperce de ses dents et le
transporte d’abord longtemps dans sa gueule ; puis, quand il est
mort, il l’avale ». qui a des écailles acérées et des
nageoires piquantes : si le loup de rivière le saisit par la tête, il a vite fait de
l’engloutir ; mais s’il commence par la queue, il n’y arrive pas,
parce que les écailles se hérissent en sens contraire.
[4] [•] VB 17, 64, 2C. [•] TC 7, 48Est autem
piscis quidam habens acres squamas et pinnulas acutas quem, si
lupus aquaticus per ca[1491/vue 32] put
apprehenderit, cito transglutit. Si vero a parte caudae, non
potest, quoniam in contrarium aspera rigescunt.
[5] [•] VB 17, 64, 2D. [•] TC 7, 48Le brochet porte dans la tête une pierre semblable à du
cristal, mais seulement s’il a vécu très vieux7Il s’agit des otolithes. Voir
Amnis, ch. 9, Hamius, ch. 43, 3 et Lupus
marinus, ch. 54, 3. Voir aussi Plin. nat. 9, 57 : Praegelidam hiemem omnes sentiunt, sed maxime qui
lapidem in capite habere existimantur, ut lupi, chromis, sciaena,
pagri, « Tous sont sensibles aux grands froids de l’hiver,
mais surtout ceux qui passent pour avoir une pierre dans la tête
comme les loups, le chromis, la sciène, les pagres » (De
Saint-Denis 1955, 56). Notons que le brochet peut vivre
10 ans.. Selon les dires d’Aristote, ce poisson se
reproduit8Le verbe impinguatur, « engraisse », a été déformé dans
la tradition de Thomas de Cantimpré en impregnatur, « se reproduit ». lorsque
souffle le vent du nord, et tous les poissons qui croissent en
longueur pareillement. Lorsqu’elle est pleine, la femelle remonte
les fleuves aussi loin que possible du lieu où elle séjourne
habituellement, et c’est là qu’elle pond ses œufs, afin que ses
petits ne la gênent pas quand elle part en chasse.
[5] [•] VB 17, 64, 2D. [•] TC 7, 48Lucius in cerebro lapidem crystallo similem gerit, sed
hoc cum aevum in longum duxerit. Impregnatur hic piscis, ut dicit
Aristoteles8D’après
Arist. HA 602 a 24-27 MS : Et pisces longi impinguantur vento
septentrionali [flante].,
flante vento septentrionali, similiter et pisces qui in
longitudinem evalescunt. Femina praegnans aquas ascendit quanto
potest remotius a loco suo in quo habitare consuevit, ibique ova
parit ut filii sui non sint ei impedimentum praedae.
[6] [•] VB 17, 64, 2E. [•] TC 7, 48Et cela à
cause de sa cruauté naturelle ou de son agressivité s’agissant de
nourriture et de proies.
[6] [•] VB 17, 64, 2E. [•] TC 7, 48Et hoc
propter crudelitatem9crudelitate Prüss1. naturalem vel propter cibi
rapinaeque invidiam.
[7] [•] VB 17, 64, 2F. [•] TC 7, 48D’aucuns
ont prétendu que la femelle remonte la rivière à la recherche
d’une eau plus douce9Nombreux sont les poissons chez qui on remarque
cette particularité, par exemple l’anguille ou le saumon. Albert
le Grand signale et explique le phénomène (AM 24, 73 (40)) : Femina huius piscis, cum ova spargit, multum ad
originem aquarum ascendit propter dulcedinem aquarum, quae
convenit ovis imperfectis, quae in aquam proiecta incrementum
debent accipere, « La femelle de ce poisson, lorsqu’elle
répand ses œufs, remonte souvent vers la source des rivières à
cause de la douceur de l’eau, qui convient aux œufs immatures ;
ceux-ci, une fois pondus dans l’eau, doivent s’y développer ».
puisque l’eau est toujours d’autant plus douce qu’on
approche de la source. Le brochet est tellement vorace que s’il ne peut manger,
dans sa totalité, un poisson trop grand pour lui, il en dévore
quand même la moitié.
[7] [•] VB 17, 64, 2F. [•] TC 7, 48Alii
dixerunt quod ascenderet propter dulciorem aquam, quoniam aqua
tanto semper est dulcior quanto fonti proximior. Lucius tantae aviditatis est ut piscem, quem totum
quantitas ejus deglutire10deglutinare 1536. non sustinet, dimidium incorporet.
~
1Le lucius est sans aucun
doute le brochet (Esox lucius Linné,
1758).
2On trouve des
remarques de Pline sur le même sujet à propos du lupus (Plin.
nat. 32, 11 ; Plin. nat. 32,
13).
3Selon Thomas de Cantimpré le brochet s’appelle
aussi loup de rivière (lupus aquaticus).
Chez Pline, cependant, le lupus n’est pas
le brochet, mais le bar, aussi appelé loup.
4Le brochet peut mesurer plus
d’un mètre de longueur. Les autres espèces du genre unique Esox, toutes américaines, peuvent atteindre
2,50 m.
5La voracité du
brochet en fait un redoutable prédateur des rivières. Sa gueule
est munie de 700 dents.
6Il s’agit
probablement de la perche, dont les piquants acérés constituent
une protection efficace contre le brochet. Albert le Grand (AM 24,
73 (40)) écrit : Si tamen aliquando piscem
asperae squamae inveniat et acutae spinae, sicut est perca, hunc
apprehenso capite devorat ; sed si per caudam apprehenderit,
glutire non potest, eo quod tunc et squama et spinae in contrarium
dispositae impediant ; ego tamen vidi et consideravi quod, cum
piscem capit, primo in ore per transversum dentibus perforatum diu
portat et tunc mortuum glutit, « Si cependant il lui arrive
de trouver un poisson pourvu d’écailles acérées et d’épines
pointues, comme la perche, il le dévore en commençant par la
tête ; si au contraire il le prenait par la queue, il ne pourrait
l’avaler, parce qu’alors les écailles et les épines se
rebrousseraient et l’en empêcheraient. Pour ma part, cependant,
voici ce que j’ai vu et observé : quand le brochet saisit un
poisson par le travers, il le transperce de ses dents et le
transporte d’abord longtemps dans sa gueule ; puis, quand il est
mort, il l’avale ».
7Il s’agit des otolithes. Voir
Amnis, ch. 9, Hamius, ch. 43, 3 et Lupus
marinus, ch. 54, 3. Voir aussi Plin. nat. 9, 57 : Praegelidam hiemem omnes sentiunt, sed maxime qui
lapidem in capite habere existimantur, ut lupi, chromis, sciaena,
pagri, « Tous sont sensibles aux grands froids de l’hiver,
mais surtout ceux qui passent pour avoir une pierre dans la tête
comme les loups, le chromis, la sciène, les pagres » (De
Saint-Denis 1955, 56). Notons que le brochet peut vivre
10 ans.
8Le verbe impinguatur, « engraisse », a été déformé dans
la tradition de Thomas de Cantimpré en impregnatur, « se reproduit ».
9Nombreux sont les poissons chez qui on remarque
cette particularité, par exemple l’anguille ou le saumon. Albert
le Grand signale et explique le phénomène (AM 24, 73 (40)) : Femina huius piscis, cum ova spargit, multum ad
originem aquarum ascendit propter dulcedinem aquarum, quae
convenit ovis imperfectis, quae in aquam proiecta incrementum
debent accipere, « La femelle de ce poisson, lorsqu’elle
répand ses œufs, remonte souvent vers la source des rivières à
cause de la douceur de l’eau, qui convient aux œufs immatures ;
ceux-ci, une fois pondus dans l’eau, doivent s’y développer ».
~
1caput 52 1536.
2parca VBd.
3levatur et VB.
4Tout ce chapitre suit
de très près le chapitre correspondant de Thomas de
Cantimpré.
5prima Prüss1.
6adit VB.
7forma 1491
Prüss1.
8D’après
Arist. HA 602 a 24-27 MS : Et pisces longi impinguantur vento
septentrionali [flante].
9crudelitate Prüss1.
10deglutinare 1536.