Chapitre 76

Capitulum LXXVI1caput 75 1536.

Rana marina [la baudroie, la grenouille et le crapaud ?1La baudroie, également appelée lote de mer ou « crapaud pêcheur » (Lophius piscatorius Linné, 1758) est reconnue dès l’Antiquité pour ses qualités gustatives. La description de sa technique de chasse est ici quelque peu approximative. Seul son « filament pêcheur », l’unique appendice mobile situé en avant de ses yeux, lui sert à attirer l’attention de ses proies, mais il ne lui permet pas de les amener jusqu’à ses mâchoires ; elle se soulève en fait d’un coup, à l’aide de ses nageoires abdominales, et engloutit le poisson aventureux qui se trouve entraîné par le courant d’eau ainsi produit. Sa peau molle et son aspect repoussant lui ont valu d’être assimilée à la grenouille et au crapaud (sur la rana marina en latin classique, voir De Saint-Denis 1947, 93-94). Aristote emploie le même terme βάτραχος pour désigner la baudroie et la grenouille. Michel Scot a utilisé le terme rana, qui, lorsqu’il est déterminé par marina, signifie « baudroie », mais, lorsqu’il est employé seul, désigne presque toujours la grenouille. Vincent de Beauvais (VB 17, 85) a juxtaposé des éléments de description correspondant à l’un et l’autre animal, qu’il n’a pu distinguer.] [+][VB 17, 85 De rana marina [-]][+]

Rana marina [+][VB 17, 85 De rana marina [-]][+]

Lieux parallèles : TC, De rana maris (7, 66) ; AM, [Rana marina] (24, 101 (50)).

poisson

[1] [] VB 17, 85, 1Ambroise. [] Ambr. hex. 5, 2, 6 CLa rana [la grenouille ?] suscite l’horreur dans les marais, mais l’admiration dans les flots, où elle l’emporte sur presque tous les aliments.

[1] [] VB 17, 85, 1Ambrosius. [] Ambr. hex. 5, 2, 6, CRana, horrens in paludibus, decora in aquis, omnibus fere praestat alimentis.Rana horrens in paludibus, decora in aquis, in quibus omnibus fere praestat alimentis2alimentis correximus ex Ambr. : elementis 1491 Prüss1 1536 VB..

[2] [] VB 17, 85, 2Aristote. [] Arist. HA 489 b 32-33 MSLa rana marina [la baudroie] a des nageoires comme tous les autres poissons dont l’extrémité du corps est resserrée. [] Arist. HA 505 a 5-8 MSElle a également des branchies inclinées sur le côté2Michel Scot a attribué aux branchies de la baudroie les caractéristiques de l’opercule qui les recouvre selon Aristote : « La baudroie, elle, a les branchies sur le côté ; mais celles-ci ne sont pas recouvertes d’un opercule épineux comme chez les poissons autres que les sélaciens, mais d’un opercule fait de peau » (Louis 1964, 56). Voir aussi Guillaume Rondelet, Libri de piscibus marinis, livre III, ch. 12, « De Branchiis » : Rana piscatrix et squatina plani cum sint cartilagineique pisces, in lateribus etiam sitas [branchias] habent, non spineo quidem integumento, sed […], ut ita dicam, cuticulari opertas, « Comme la baudroie et l’ange sont des poissons plats et cartilagineux, ils ont sur les côtés des branchies, recouvertes non d’un opercule épineux mais, pour ainsi dire, d’une membrane »., piquantes, pareilles à des épines, et elle possède une membrane. [] Arist. HA 538 a 25-27 MSChez la rana [la grenouille], la femelle est de plus grande taille comme chez tous les autres ovipares, par exemple les lézards et les serpents. [] Arist. HA 620 b 13-18 MSLa rana marina [la baudroie] a au-dessus des yeux3Par comparaison, Pline situe ces appendices « au-dessous » des yeux ; voir Plin. nat. 9, 143 : Eminentia sub oculis cornicula turbato limo exerit, adsultantibus pisciculis retrahens, donec tam prope accedant ut adsiliat, « Elle a sous les yeux de petites antennes proéminentes, qu’elle élève hors de la vase qu’elle a troublée ; quand les petits poissons accourent, elle les rétracte, jusqu’à ce qu’ils soient assez près pour qu’elle s’élance sur eux » (De Saint-Denis 1955, 83). Voir aussi Thomas de Cantimpré, Liber de natura rerum (TC 7, 66) : Eminentia cornua habet sub oculis, quibus turbato limo ea exerit ad depredandum, « elle a au-dessous des yeux des petites cornes proéminentes qu’elle élève hors de la vase, qu’elle a troublée, pour saisir ses proies ». Sans doute ces auteurs cherchent-ils à préciser la place du filament par rapport à celle des yeux, alors qu’Aristote, repris par Vincent de Beauvais, voulait souligner que ces appendices se dressent au-dessus de l’épine dorsale et des yeux de l’animal. des appendices qui retombent comme des poils et dont les extrémités sont arrondies : la nature l’en a pourvue pour qu’elle trouve sa subsistance. En effet, quand la rana [la baudroie] remue une eau chargée de vase et de sable, elle redresse alors ces appendices, semblables à des poils, les enroule autour des petits poissons et s’en sert pour les amener jusqu’à sa bouche : c’est ainsi qu’elle se nourrit. [] Arist. HA 620 b 27-33 MSEt si elle ne peut se servir de ces appendices situés au-dessus de ses yeux pour chasser, quand on la capture, on la trouve affaiblie et malade. La rana [la baudroie] fait partie des animaux qui se cachent, et après qu’elle s’est cachée, elle se faufile dans les algues vertes à la surface de l’eau et se nourrit des petits poissons qui s’y trouvent. [] Arist. HA 568 a 21-23 MSLa rana [la grenouille] a des œufs en chapelet, [] Arist. GA 754 a 21-34 MSmais elle n’expulse qu’un œuf complètement formé à la fois4La combinaison d’une information concernant la grenouille et la mauvaise interprétation d’un passage concernant la baudroie aboutissent à une absurdité, là où, en s’aidant d’Aristote, il faut comprendre que « la baudroie est seule à produire un œuf complètement formé », et non qu’elle produit « un seul œuf complètement formé à la fois ».. Celui-ci est pourvu d’une coquille dure, qui lui est nécessaire pour subsister à l’extérieur. C’est à cause de sa conformation, parce que le volume de sa tête fait plusieurs fois celui de son corps et qu’elle est hérissée de piquants, que la rana marina [la baudroie] ne fait pas rentrer ses petits à l’intérieur d’elle-même après leur naissance. [] Arist. HA 564 b 16-18 MSTous les poissons, à l’exception de la rana [la baudroie], nourrissent leurs petits.

[2] [] VB 17, 85, 2Aristoteles. [] Arist. HA 489 b 32-33 MSRana vero marina habet alas <sicut> et omnia, quorum finis amplitudinis declinat ad stricturam.Rana marina habet alas sicut et omnia cetera, quorum finis3fines 1536. tendit ad stricturam. [] Arist. HA 505 a 5-8 MSRana vero marina habet brancos coopertos declinantes ad unam partem et habet coopertorium et sunt asperi similes spinis. Celeti uero branchi non habent cooperterium [sic] subtile, sed simile corio spisso cooperit brancos eius.Habet etiam brancos4branchos 1536 VB2 branchias VBd. ad unam partem declinantes asperos, spinis similes et5et om. 1536. coopertorium habet. [] Arist. HA 538 a 25-27 MSIn ovantibus vero et generantibus vermes femina est maior, ut in lacertis et ranis et serpentibus et araneis.In ranis major est femina sicut et in ceteris ovantibus, ut in lacertis ac6post ac add. in 1536. serpentibus. [] Arist. HA 620 b 13-18 MSRana habet super occulos partes pendentes longas quasi pili, et eorum capita sunt rotunda. Et ista preparavit natura causa cibi, quoniam rane, quando movent quid aquosum cum luto et harena, erigit tunc istas partes, que sunt quasi pili, et inuoluit eas <…> cum piscibus paruis et adducit eos ad suum orificium et sic cibatur.Habet rana marina supra oculos partes pendentes quasi pilos, habentes7post habentes add. etiam 1536. capita rotunda, quas ei8quas ei : quae eis 1536. praeparat natura cibi causa. Cum enim rana movet aliquid aquosum cum luto et arena, tunc partes illas, quae sunt quasi pili, erigit easque cum piscibus parvis involvit et ad ori[Prüss1/vue 37] ficium suum cum eis adducit, sicque comedit. [] Arist. HA 620 b 27-33 MSEt rana etiam, si non venatur per istas partes, que sunt super occulos, invenitur, quando deprehenditur, debilis, egra. [Et operatio piscis, qui dicitur barkiz, manifestum est, quod stupefacit manus.] Et de eis etiam, que latent, est honos et rana et kistaoni. [Et cum latuerint, habent in orificiis quandam partem, cuius figura est sicut virga ; et venatores clamant ipsam deideci. Et quando habent illam], vadunt ad viride super aquam et cibantur ex piscibus parvis, qui sunt in eo.Et si per partes illas quae sunt super oculos non venatur, quando deprehenditur, debilis et aegra invenitur. Ex his etiam quae latent est rana, cumque latuerit, vadit ad9et 1536. viride super aquam et cibatur piscibus parvis qui sunt in eo10ea VBd.11Le terme rana que nous avons souligné dans la traduction de Michel Scot a été employé au lieu de raia, « la raie », qui fait partie des animaux qui se cachent sous le sable cités par Aristote. En outre, les parties délimitées par les crochets n’ont pas été citées par Vincent de Beauvais, qui fausse du coup considérablement la pensée du savant grec, déjà bien malmenée par Michel Scot : « Se cachent également dans le sable la merluche, la raie, la plie et l’ange ; et une fois qu’ils se sont rendus invisibles, ils tendent les filaments qu’ils ont au museau, et que les marins appellent leurs petites lignes à pêche. Les poissons s’en approchent en les prenant pour les algues dont ils se nourrissent » (Louis 1969, 104).. [] Arist. HA 568 a 21-23 MSEt animal quod dicitur begniz et berica, sunt continue generationis, ut rana.Rana continuae generationis est [] Arist. GA 754 a 21-34 MSEt etiam genus piscium facit ova incompleta propter causam quam diximus superius, celeti autem ovat intra ovum completum et parit extra animal, praeter modum qui dicitur rana, qui ovat extra unum ovum tantum completum. Et causa illius est natura sui corporis, quoniam caput eius est multiplex ad suum corpus, et caput eius est spinosum. Et propter hoc non recipit suos pullos in ultimo [utero ? P (= Parisinus 17843), voir Van Oppenraaij 1992, 131], neque animal in principio quod generat, quoniam magnitudo capitis eius et sua asperitas prohibent hoc, et sicut prohibet hoc pullos ab exitu ita prohibet ab introitu. Et quia ova omnium animalium quae assimilantur celeti sunt mollia, quoniam non possunt dissicari et durificari extra quoniam sunt frigidiora ovis avium, remanent sic mollia, ova autem ranarum sunt dura fortia propter salutem quae indigent exterius. (Nous avons souligné dans la traduction de Michel Scot les éléments empruntés au texte d’Aristote, cité de manière morcelée dans l’Hortus sanitatis.)et ovat extra unum ovum completum tantum. Et est durae testae propter salutem qua exterius indiget. Hujus causa est natura sui corporis, quia caput12caput om. Prüss1. ejus est in quantitate multiplex ad suum corpus et est spinosum. Ideoque non recipit pullos13post pullos hab. suos VB. in ultimo14Arist. GA 754 a 25-34 : « [Les sélaciens] mettent au monde un petit vivant, à l’exception de celui qu’on appelle la baudroie : c’est le seul qui ponde un œuf achevé. La cause en est la conformation de son corps, et elle est hérissée de piquants et très rugueuse. Voilà pourquoi la baudroie ne reprend pas ses petits après leur naissance et ne les met pas au monde vivants. Mais tandis que l’œuf des sélaciens a une coquille molle (ils ne peuvent en durcir l’enveloppe ni la dessécher, car ils sont plus froids que les oiseaux), celui des baudroies est le seul à être dur et résistant, afin de pouvoir se conserver au dehors » (Louis 1961, 109). Voir aussi Arist. HA 565 b 29-31 MS : Et nulla rana reddit suum pullum ad suum interius propter magnitudinem capitis et spine ; Arist. HA 564 b 15-18. La traduction de in ultimo fait problème : nous avons repris celle de Louis 1961, 109, cité supra, car les mots latins sont la traduction littérale du grec οὐ δ’ὕστερον, qui s’oppose à la fin de la phrase à οὐ δ’ἐξ ἀρχῆς. Il semble que Michel Scot n’ait pas compris le texte grec (Théodore Gaza traduit l’expression par les mots nec postea) ni l’opposition exprimée par Aristote, qui n’apparaît même plus chez Vincent de Beauvais.. [] Arist. HA 564 b 16-18 MSOmnes pisces nutriunt suos filios preter ranas.Omnes autem pisces nutriunt filios15post filios hab. suos VB. praeter ranas16ranam VBd..

Propriétés et indications

Operationes

[3] [] VB 17, 85, 5A. Avicenne, dans le troisième livre du Canon. [] Avic. canon 4, 6, 5, 27La rana marina [le crapaud ?] rouge, comme l’ont rapporté les savants, est une créature agressive, qui s’attaque aux animaux. Car elle saute de loin pour les mordre et, si elle ne peut pas les mordre, elle souffle vers eux son haleine nocive5Il existe une similitude troublante entre la notice consacrée par Avicenne à la rana marina rubea et celle qu’on peut lire chez Rondelet sur le crapaud (terrestre) dénommé rana rubeta et empruntée à Aetius d’Amide : ad laedendum itaque manifeste insurgit et saltibus interpositum spatium contrahit, raro quidem morsum infligens, verum anhelitum consuescit vehementer virulentum inducere, adeo ut etiam si anhelitu contingat eos qui prope sunt laedat. Caeterum qui ab eis laesi sunt, his omne corpus intumescit et diffunditur, ac cito omnino pereunt (Guillaume Rondelet, Aquatilium historiae pars II, De palestribus liber, 4 De rubeta sive phryno), « c’est pourquoi il se montre pour attaquer, et franchit par ses bonds l’espace qui le sépare de sa proie ; il mord rarement, mais il exhale d’ordinaire un souffle si venimeux que celui-ci blesse ceux qui sont à proximité. Ceux qui sont blessés par cet animal voient leur corps gonfler et se dilater, et ils meurent en très peu de temps »..

[3] [] VB 17, 85, 5A. Avicenna in tertio canone. [] Avic. canon 4, 6, 5, 27Narrauerunt plures sapientum quod ipsa est maligna, mala, inuadens animalia, et corpora, et salit ad ea ex longinquo ut mordeat ea ; et si non potest mordere, sufflat ad ipsa exufflationem nociuam (éd. Venise, 1555, p. 25).Rana marina rubea, sicut narraverunt sapientes, maligna est, invadens animalia. Nam ex longinquo ad ea salit ut mordeat, et si mordere non potest, exufflationem nocivam ad ea sufflat.

[4] [] VB 17, 85, 5B. [] Avic. canon 4, 6, 5, 27Sa morsure entraîne un gros abcès puis une dégénérescence rapide.

[4] [] VB 17, 85, 5B. [] Avic. canon 4, 6, 5, 27Et accidunt ex morsu eius apostema magnum, et perditio uelox (éd. Venise, 1555, p. 25).Ex ejus morsu accidit apostema magnum et perditio velox.

[5] [] VB 17, 85, 5C. [] Avic. canon 4, 6, 5, 27On soigne cela avec une puissante thériaque et des remèdes du même genre.

[5] [] VB 17, 85, 5C. [] Avic. canon 4, 6, 5, 27Dico simile est ut sit cura eius cum tyriaca magna et quod est eius generis (éd. Venise, 1555, p. 25).Cura17crura 1491. ejus est18est om. Prüss1 1536. cum19cum om. 1491 Prüss1 1536. tyriaca20tiriaca VB2 theriaca VBd. magna et quod est ejus generis21Dans l’édition Prüss1, cette phrase ne fait pas l’objet d’une operatio particulière, mais apparaît à la suite de l’operatio B..

[6] [] VB 17, 85, 6D. L’auteur. [] VB 17, 85, 6La rana marina [le crapaud ?] rouge est venimeuse et, lorsqu’on la prend en boisson, le teint se met à noircir et il survient beaucoup d’autres désagréments.

[6] [] VB 17, 85, 6D. Actor. [] VB 17, 85, 6Rana marina rubea venenosa22post venenosa hab. est VB., et ejus potu23ejus potu : ejus potus 1491 Prüss1 ad ejus potum 1536. accidit obfuscatio24obfucatio 1536. corporis25ante corporis hab. coloris et apostematio VB. et alia multa incommoda.

[7] [] VB 17, 85, 7E. Du même. [] VB 17, 85, 7Cette espèce et les autres espèces de ranae [grenouilles] Nota HSont été décrites plus haut, dans le traité Sur les animaux, chapitre 1226L’auteur de l’Hortus santitatis a adapté à son œuvre le renvoi interne écrit par Vincent de Beauvais. Celui-ci annonce un chapitre consacré à la rana dans son traité sur les vermes (et de fait, les chapitres 59 à 61 du livre 20 du Speculum naturale décrivent la rana), tandis que la grenouille a déjà été décrite au chapitre 122 du De animalibus vitam in terris ducentibus de l’Hortus sanitatis. Le bois qui a servi à illustrer la notice Rana a été repris à l’identique pour la rana marina..

[7] [] VB 17, 85, 7E. Idem. [] VB 17, 85, 7De hac et aliis ranarum speciebus compil.dictum26dictum — capitulo CXXII : dicetur infra plenius in tractatu de vermibus VB. est supra in tractatu De animalibus capitulo CXXII.

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1La baudroie, également appelée lote de mer ou « crapaud pêcheur » (Lophius piscatorius Linné, 1758) est reconnue dès l’Antiquité pour ses qualités gustatives. La description de sa technique de chasse est ici quelque peu approximative. Seul son « filament pêcheur », l’unique appendice mobile situé en avant de ses yeux, lui sert à attirer l’attention de ses proies, mais il ne lui permet pas de les amener jusqu’à ses mâchoires ; elle se soulève en fait d’un coup, à l’aide de ses nageoires abdominales, et engloutit le poisson aventureux qui se trouve entraîné par le courant d’eau ainsi produit. Sa peau molle et son aspect repoussant lui ont valu d’être assimilée à la grenouille et au crapaud (sur la rana marina en latin classique, voir De Saint-Denis 1947, 93-94). Aristote emploie le même terme βάτραχος pour désigner la baudroie et la grenouille. Michel Scot a utilisé le terme rana, qui, lorsqu’il est déterminé par marina, signifie « baudroie », mais, lorsqu’il est employé seul, désigne presque toujours la grenouille. Vincent de Beauvais (VB 17, 85) a juxtaposé des éléments de description correspondant à l’un et l’autre animal, qu’il n’a pu distinguer.

2Michel Scot a attribué aux branchies de la baudroie les caractéristiques de l’opercule qui les recouvre selon Aristote : « La baudroie, elle, a les branchies sur le côté ; mais celles-ci ne sont pas recouvertes d’un opercule épineux comme chez les poissons autres que les sélaciens, mais d’un opercule fait de peau » (Louis 1964, 56). Voir aussi Guillaume Rondelet, Libri de piscibus marinis, livre III, ch. 12, « De Branchiis » : Rana piscatrix et squatina plani cum sint cartilagineique pisces, in lateribus etiam sitas [branchias] habent, non spineo quidem integumento, sed […], ut ita dicam, cuticulari opertas, « Comme la baudroie et l’ange sont des poissons plats et cartilagineux, ils ont sur les côtés des branchies, recouvertes non d’un opercule épineux mais, pour ainsi dire, d’une membrane ».

3Par comparaison, Pline situe ces appendices « au-dessous » des yeux ; voir Plin. nat. 9, 143 : Eminentia sub oculis cornicula turbato limo exerit, adsultantibus pisciculis retrahens, donec tam prope accedant ut adsiliat, « Elle a sous les yeux de petites antennes proéminentes, qu’elle élève hors de la vase qu’elle a troublée ; quand les petits poissons accourent, elle les rétracte, jusqu’à ce qu’ils soient assez près pour qu’elle s’élance sur eux » (De Saint-Denis 1955, 83). Voir aussi Thomas de Cantimpré, Liber de natura rerum (TC 7, 66) : Eminentia cornua habet sub oculis, quibus turbato limo ea exerit ad depredandum, « elle a au-dessous des yeux des petites cornes proéminentes qu’elle élève hors de la vase, qu’elle a troublée, pour saisir ses proies ». Sans doute ces auteurs cherchent-ils à préciser la place du filament par rapport à celle des yeux, alors qu’Aristote, repris par Vincent de Beauvais, voulait souligner que ces appendices se dressent au-dessus de l’épine dorsale et des yeux de l’animal.

4La combinaison d’une information concernant la grenouille et la mauvaise interprétation d’un passage concernant la baudroie aboutissent à une absurdité, là où, en s’aidant d’Aristote, il faut comprendre que « la baudroie est seule à produire un œuf complètement formé », et non qu’elle produit « un seul œuf complètement formé à la fois ».

5Il existe une similitude troublante entre la notice consacrée par Avicenne à la rana marina rubea et celle qu’on peut lire chez Rondelet sur le crapaud (terrestre) dénommé rana rubeta et empruntée à Aetius d’Amide : ad laedendum itaque manifeste insurgit et saltibus interpositum spatium contrahit, raro quidem morsum infligens, verum anhelitum consuescit vehementer virulentum inducere, adeo ut etiam si anhelitu contingat eos qui prope sunt laedat. Caeterum qui ab eis laesi sunt, his omne corpus intumescit et diffunditur, ac cito omnino pereunt (Guillaume Rondelet, Aquatilium historiae pars II, De palestribus liber, 4 De rubeta sive phryno), « c’est pourquoi il se montre pour attaquer, et franchit par ses bonds l’espace qui le sépare de sa proie ; il mord rarement, mais il exhale d’ordinaire un souffle si venimeux que celui-ci blesse ceux qui sont à proximité. Ceux qui sont blessés par cet animal voient leur corps gonfler et se dilater, et ils meurent en très peu de temps ».

6L’auteur de l’Hortus santitatis a adapté à son œuvre le renvoi interne écrit par Vincent de Beauvais. Celui-ci annonce un chapitre consacré à la rana dans son traité sur les vermes (et de fait, les chapitres 59 à 61 du livre 20 du Speculum naturale décrivent la rana), tandis que la grenouille a déjà été décrite au chapitre 122 du De animalibus vitam in terris ducentibus de l’Hortus sanitatis. Le bois qui a servi à illustrer la notice Rana a été repris à l’identique pour la rana marina.

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1caput 75 1536.

2alimentis correximus ex Ambr. : elementis 1491 Prüss1 1536 VB.

3fines 1536.

4branchos 1536 VB2 branchias VBd.

5et om. 1536.

6post ac add. in 1536.

7post habentes add. etiam 1536.

8quas ei : quae eis 1536.

9et 1536.

10ea VBd.

11Le terme rana que nous avons souligné dans la traduction de Michel Scot a été employé au lieu de raia, « la raie », qui fait partie des animaux qui se cachent sous le sable cités par Aristote. En outre, les parties délimitées par les crochets n’ont pas été citées par Vincent de Beauvais, qui fausse du coup considérablement la pensée du savant grec, déjà bien malmenée par Michel Scot : « Se cachent également dans le sable la merluche, la raie, la plie et l’ange ; et une fois qu’ils se sont rendus invisibles, ils tendent les filaments qu’ils ont au museau, et que les marins appellent leurs petites lignes à pêche. Les poissons s’en approchent en les prenant pour les algues dont ils se nourrissent » (Louis 1969, 104).

12caput om. Prüss1.

13post pullos hab. suos VB.

14Arist. GA 754 a 25-34 : « [Les sélaciens] mettent au monde un petit vivant, à l’exception de celui qu’on appelle la baudroie : c’est le seul qui ponde un œuf achevé. La cause en est la conformation de son corps, et elle est hérissée de piquants et très rugueuse. Voilà pourquoi la baudroie ne reprend pas ses petits après leur naissance et ne les met pas au monde vivants. Mais tandis que l’œuf des sélaciens a une coquille molle (ils ne peuvent en durcir l’enveloppe ni la dessécher, car ils sont plus froids que les oiseaux), celui des baudroies est le seul à être dur et résistant, afin de pouvoir se conserver au dehors » (Louis 1961, 109). Voir aussi Arist. HA 565 b 29-31 MS : Et nulla rana reddit suum pullum ad suum interius propter magnitudinem capitis et spine ; Arist. HA 564 b 15-18. La traduction de in ultimo fait problème : nous avons repris celle de Louis 1961, 109, cité supra, car les mots latins sont la traduction littérale du grec οὐ δ’ὕστερον, qui s’oppose à la fin de la phrase à οὐ δ’ἐξ ἀρχῆς. Il semble que Michel Scot n’ait pas compris le texte grec (Théodore Gaza traduit l’expression par les mots nec postea) ni l’opposition exprimée par Aristote, qui n’apparaît même plus chez Vincent de Beauvais.

15post filios hab. suos VB.

16ranam VBd.

17crura 1491.

18est om. Prüss1 1536.

19cum om. 1491 Prüss1 1536.

20tiriaca VB2 theriaca VBd.

21Dans l’édition Prüss1, cette phrase ne fait pas l’objet d’une operatio particulière, mais apparaît à la suite de l’operatio B.

22post venenosa hab. est VB.

23ejus potu : ejus potus 1491 Prüss1 ad ejus potum 1536.

24obfucatio 1536.

25ante corporis hab. coloris et apostematio VB.

26dictum — capitulo CXXII : dicetur infra plenius in tractatu de vermibus VB.

Annotations scientifiques

  • Donec tempor euismod sagittis
  • Cum sociis natoque penatibus
  • Morbi tempus nulla sed quam vestibulum
  • Donec eleifend aliquam interdum