[1] [•] VB 17, 129, 2D’après le Liber de natura
rerum. [•] TC 6, 46,
1-12Les sirènes sont des créatures meurtrières qui, depuis la
tête jusqu’au nombril, ont l’apparence d’une femme de petite
taille, avec un visage effrayant et des cheveux longs et
ébouriffés sur la tête. Elles se montrent avec leurs petits
qu’elles portent dans leurs bras. En effet, elles allaitent leurs
petits avec les mamelles volumineuses que porte leur poitrine.
Lorsque les marins les aperçoivent, ils les craignent beaucoup :
ils leur jettent une bouteille vide et la sirène joue avec, pendant que le navire traverse la
zone. Le reste de leur corps est pareil à celui d’un aigle, et elles ont au bout de leurs pattes des serres
faites pour déchirer. Par ailleurs, elles ont, à l’extrémité de
leur corps, une queue couverte d’écailles, grâce à laquelle elles
nagent dans les abîmes, comme s’il s’agissait d’une rame. Elles
peuvent aussi produire avec leur voix un chant mélodieux et très
agréable. Les navigateurs, séduits et attirés par ce chant,
s’abandonnent au sommeil. Une fois qu’ils sont assoupis, ils sont
mis en pièces par les griffes des sirènes. [•] TC 6, 46, 14-15Mais quelques marins
font preuve de sagesse : ils se bouchent hermétiquement les
oreilles et, ainsi, ils peuvent faire la traversée sains et saufs,
sans que le chant mortel des sirènes les invite au sommeil. [•] TC 6, 46, 12-14Ces
créatures monstrueuses séjournent dans certaines îles aux gouffres
profonds et parfois dans les flots. Nota HSEt quant à ce qu’on
a dit de la bouteille, [•] TC 6, 46, 7ceux qui ont déclaré
l’avoir vu s’en portent garants. [•] TC 6, 46, 16-21Cependant, Isidore a
raconté que ces sirènes ne sont pas en vérité des monstres
<marins>, mais des prostituées qui réduisaient à la misère
les hommes qui croisaient leur chemin. Mais un certain nombre de
philosophes et de commentateurs des saints pensent le contraire,
affirmant qu’il s’agit de véritables monstres marins. [•] TC 8, 38Il y a
aussi des serpents-sirènes, qu’on trouve dans les contrées de
l’Arabie et qui sont plus rapides à la course qu’un cheval. Il en est même qui ont des ailes et peuvent
voler. Leur venin est d’une si foudroyante virulence que, quand on
a été mordu, on est mort avant d’avoir eu mal.
[1] [•] VB 17, 129, 2Ex Libro de naturis rerum4Le texte de Vincent de
Beauvais suit de très près celui de Thomas de
Cantimpré.. [•] TC 6, 46,
1-12Syrenae5sirenae
VB2 syrenes VBd ut semper. sunt
animalia mortifera6Thomas de Cantimpré (TC 6, 46) n’emploie pas
l’adjectif mortifera, mais uocifera, « qui aboient, qui protestent »,
tandis que mortifera se trouve dans le
texte du Physiologus, cité au paragraphe
suivant. Peut-être Vincent de Beauvais a-t-il croisé les deux
sources, étant donné que Thomas de Cantimpré avait précisé qu’il
se plaçait, quant à lui, sous l’autorité du Physiologus., quae a capite usque ad
umbilicum habent figuram mulieris improcerae magnitudinis,
horrenda7horrendae 1536. facie, crinibus capitis
longissimis atque squalentibus. Apparent autem cum fetibus quos in
brachiis portant. Mammis etenim fetus lactant, quas in pectore
magnas habent. Quas8has
VB. quando vident nautae, multum
timent, eisque lagenam vacuam projiciunt, et ipsa cum lagena9ea 1536. ludit donec navis pertranseat10navis pertranseat : naves
pertranseant VBd.. Reliquam vero partem corporis habent ut aquila, et in pedibus ungues ad laniandum11laniendum 1491 Prüss1 VB2. habiles. Porro in fine corporis
habent squamosas piscium caudas, quibus ut remigiis
in gurgitibus natant. Quoddam etiam musicum ac dulcissimum melos
habent in voce, quo delectati navigantes et attracti resolvuntur
in somnum, sopitique sirenarum unguibus dilacerantur. [•] TC 6, 46, 14-15Sed
nonnulli navigantium, sapienti usi consilio, fortiter aures suas
obturant et sic immunes transeunt, ne mortifero sirenarum cantu illiciantur ad somnum. [•] TC 6, 46, 12-14Hae
quidem beluae in quibusdam profundi12profundis 1536.
gurgitis insulis et aliquando in fluctibus commorantur. compil.Et13et — est non hab.
VB. quod de lagena dictum est, [•] TC 6, 46, 7illi
testati sunt qui eas se14se om. 1536.
vidisse dixerunt. [•] TC 6, 46, 16-21Sirenas tamen has non in veritate beluas sed meretrices
quasdam Isidorus15D’après Isid. orig. 11, 3, 30-32 : Sirenas tres fingunt fuisse ex parte uirgines, ex
parte uolucres, habentes alas et ungulas : quarum una uoce, altera
tibiis, tertia lyra canebant. Quae inlectos nauigantes sub cantu
in naufragium trahebant. Secundum ueritatem autem meretrices
fuerunt, quae transeuntes quoniam deducebant ad egestatem, his
fictae sunt inferre naufragia. Alas autem habuisse et ungulas,
quia amor et uolat et uulnerat. fuisse descripsit,
quae transeuntes ad egestatem deducebant. Sed et philosophi et
sanctorum expositorum16expositorium Prüss1. nonnulli contrarium sentiunt17sensiunt Prüss1., vera
monstra marina esse dicentes. [•] TC 8, 38Sunt et sirenae serpentes in Arabiae partibus habitantes, equis18equi 1491 Prüss1 1536 VB. cursu validiores19Cet extrait est tiré du livre 8 du Liber de natura rerum de Thomas de Cantimpré
qui traite des serpents. Au début du chapitre 38, intitulé De syrenis, Thomas de Cantimpré fait une
comparaison entre le monstre marin, nommé la sirène, et les
serpents-sirènes, au sujet desquels, se référant à l’Experimentator, il explique : In partibus Arabie habitant et cursu validiores
equis sunt. Nonulli ex eis sunt, qui habentes alas volare possunt.
Horum tantum virus est et ita efficacissimum ad inferendam mortem,
ut morsum ante mors quam dolor sequatur.. Quarum
etiam quaedam20quidam VBd. alas habentes
volare possunt. Harum tantum virus21tantum virus : tantum virtus Prüss1 virus tam 1536. est efficacissimum22ante
efficacissimum hab. et sic VB. ad nocendum ut23ut post morsum hab. VBd. morsum
ante mors quam dolor sequatur.
[2] [•] VB 17, 129, 1Physiologus. [•] Physiol. B
12Les sirènes sont des créatures meurtrières, qui ont jusqu’au
nombril une apparence humaine ; mais la partie inférieure de leur
corps, jusqu’aux pieds, leur donne l’apparence d’un oiseau et d’un
poisson. Elles produisent un chant vraiment mélodieux aux accents
suaves, si bien qu’elles se font entendre des hommes qui naviguent
au loin et les attirent à elles. Et ainsi, charmant par l’extrême
douceur de cette longue mélopée les oreilles et les sens de ces
marins, elles les plongent dans le sommeil. Alors seulement, quand
elles voient qu’ils sont plongés dans un sommeil très profond,
elles se jettent sur ces hommes ignorants, abusés par leur
sottise, et elles déchirent leurs chairs.
[2] [•] VB 17, 129, 1Physiologus. [•] Physiol. B
12, 2-6
— Sirenae (inquit) animalia sunt mortifera ; quae a
capite usque ad umbilicum figuram hominis habent, extrema uero
pars usque ad pedes uolatilis habent figuram ; et musicum quoddam
ac dulcissimum melodiae carmen canunt, ita ut per suauitatem uocis
auditus hominum a longe nauigantium mulceant et ad se trahant, ac
nimia suauitate modulationis prolixae aures ac sensus eorum
delinientes in somnum uertunt. Tunc deinde, cum uiderint eos
grauissimo somno sopitos, inuadunt eos et dilaniant carnes
eorum.Sirenae sunt animalia mortifera, usque ad umbilicum
figuram hominis habentia ; extrema vero pars usque ad pedes
volatilis et piscis habet24habent 1536.
figuram. Musicum quoddam ac dulcisonum melodiae carmen canunt, ita
ut auditus hominum longe navigantium ad se trahant25La construction étrange
qu’offre l’Hortus sanitatis, à la suite de
Vincent de Beauvais, auditus trahant,
« elles attirent les oreilles », s’explique par l’omission du
verbe mulceant présent dans le texte
original du Physiologus : « [littéralement]
elles charment les oreilles des hommes qui naviguent au loin et
les attirent à elles »., nimiaque suavitate prolixae
modulationis aures eorum ac sensus delinientes in somnum vertant.
Tunc demum cum vident eos gravissimo somno sopitos, ignaros ac per
insipientiam26insipentiam
1536. suam deceptos invadunt et
carnes eorum dilaniant.
~
1Aucun problème d’identification ne se pose ici,
même si le terme sirena, dérivé du latin
classique siren, n’apparaît que chez les
poètes, et en premier lieu dans l’Odyssée. Il
désigne tout d’abord la sirène ailée, cette créature fabuleuse à
corps d’oiseau et à tête de femme, qui, de son chant, attirait pour
leur perte les marins téméraires. Dans la mythologie gréco-romaine,
les sirènes sont les filles du dieu-fleuve Achéloos et elles
habitent une île de la Méditerranée, sur les rochers de laquelle les
navires venaient se briser. La sirène pisciforme apparaîtra plus
tardivement au Moyen Âge, par confusion probable avec certains
animaux réels, comme le lamantin ou le dugong. Vers le XVe siècle, l’image de la sirène moderne est fixée,
notamment à travers les bestiaires et l’art ornemental : la sirène à
queue simple ou double devient un motif très courant de la sculpture
médiévale. Vincent de Beauvais (VB 17, 129) amalgame ici les deux
catégories de sirènes, en rangeant parmi les poissons et les
créatures subaquatiques un animal qu’il décrit, conformément à ses
sources anciennes, comme la sirène-oiseau.
~
1caput 82 1536.
2syrena 1491 Prüss1 ut saepe.
3syrene VBd ut semper.
4Le texte de Vincent de
Beauvais suit de très près celui de Thomas de
Cantimpré.
5sirenae
VB2 syrenes VBd ut semper.
6Thomas de Cantimpré (TC 6, 46) n’emploie pas
l’adjectif mortifera, mais uocifera, « qui aboient, qui protestent »,
tandis que mortifera se trouve dans le
texte du Physiologus, cité au paragraphe
suivant. Peut-être Vincent de Beauvais a-t-il croisé les deux
sources, étant donné que Thomas de Cantimpré avait précisé qu’il
se plaçait, quant à lui, sous l’autorité du Physiologus.
7horrendae 1536.
8has
VB.
9ea 1536.
10navis pertranseat : naves
pertranseant VBd.
11laniendum 1491 Prüss1 VB2.
12profundis 1536.
13et — est non hab.
VB.
14se om. 1536.
15D’après Isid. orig. 11, 3, 30-32 : Sirenas tres fingunt fuisse ex parte uirgines, ex
parte uolucres, habentes alas et ungulas : quarum una uoce, altera
tibiis, tertia lyra canebant. Quae inlectos nauigantes sub cantu
in naufragium trahebant. Secundum ueritatem autem meretrices
fuerunt, quae transeuntes quoniam deducebant ad egestatem, his
fictae sunt inferre naufragia. Alas autem habuisse et ungulas,
quia amor et uolat et uulnerat.
16expositorium Prüss1.
17sensiunt Prüss1.
18equi 1491 Prüss1 1536 VB.
19Cet extrait est tiré du livre 8 du Liber de natura rerum de Thomas de Cantimpré
qui traite des serpents. Au début du chapitre 38, intitulé De syrenis, Thomas de Cantimpré fait une
comparaison entre le monstre marin, nommé la sirène, et les
serpents-sirènes, au sujet desquels, se référant à l’Experimentator, il explique : In partibus Arabie habitant et cursu validiores
equis sunt. Nonulli ex eis sunt, qui habentes alas volare possunt.
Horum tantum virus est et ita efficacissimum ad inferendam mortem,
ut morsum ante mors quam dolor sequatur.
20quidam VBd.
21tantum virus : tantum virtus Prüss1 virus tam 1536.
22ante
efficacissimum hab. et sic VB.
23ut post morsum hab. VBd.
24habent 1536.
25La construction étrange
qu’offre l’Hortus sanitatis, à la suite de
Vincent de Beauvais, auditus trahant,
« elles attirent les oreilles », s’explique par l’omission du
verbe mulceant présent dans le texte
original du Physiologus : « [littéralement]
elles charment les oreilles des hommes qui naviguent au loin et
les attirent à elles ».
26insipentiam
1536.