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Pensées 1503 à 1507

M :Montesquieu 1726/1727-1755.
D :Bottereau-Duval 1718-1731.
E :1734-1739.
U :1739.
H :1741-1742.
J :1742.
K :1742-1743.
F :1743.
I :1743.
L :1743-1744.
O :1745-1747.
P :Damours 1748-1750.
Q :1750-1751.
R :Saint-Marc 1751-1754.
S :1754-1755.
V :1754.
JB :Jean-Baptiste Secondat ?-1795.
T :écriture des manchettes 1828-1835

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M : Montesquieu.
D : Bottereau-Duval_1721-1731.
H : 1741-1742.
P : Damours_1748-1750.
E : 1734-1739.
L : 1742-1744.
O : 1745-1747.
T : écriture des manchettes
JB : Jean-Baptiste_Secondat.
J : 1742.
K : 1742-1743.
F : 1743.
E2 :
I : 1743.
R : Saint-Marc_1751-1754.

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Pensées, volume II

1503

Baal[1] regna dix ans sur les habitans de Tyr, après quoi divers magistrats qui n’étoient qu’à tems, gouvernerent la ville de Tyr sous le nom de juges ; on les appelloit suffet[2], nom connu chez les Carthaginois. Ce nom est dérivé du mot hébreu shophetim qui signifie juge. P. 168. Hist. des Juifs par Prideaux[3]. P. 11. et 12 Hist. vol. universelle[4] * cela peut expliquer comment ceux de Carthage {f.226r} après Didon changerent leur gouvernement en republique. Tyr leur métropole avoit fait de même. Il falloit que dans les mœurs de ces peuples la royauté

Royauté

ne fût regardée que comme une espece de magistrature qui pouvoit aisément se changer en une autre.

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Main principale F

1504

Annibal

Annibal

Il imagina, entreprit avec hardiesse, un esprit juste mais étendu, réglé, mais fécond, prudent, mais hardi ; son ascendant fut égal sur l’esprit et sur le cœur.
Qu’on se figure un géneral hollandois qui mene à cinq ou six cens lieuës de chez lui des Suisses et des Allemans pendant vingt ans et sans qu’il leur vint dans l’esprit de se plaindre. Annibal fit la seule bonne armée que Carthage ait eu pendant toute la guerre. La jalousie d’une faction contraire lui ôte tous les secours, il les trouve dans son genie. Ces secours tant attendus arrivent enfin, et est ils sont détruits : Annibal reste ferme avec sa vieille armée ; après la paix Annibal se sauve de Carthage. Il trouve par tout les Romains, et les Romains trouvent par tout Annibal. Il va de cour en cour animer des {f.226v} princes lâches, et il semble que sa presence seule, quelques conseils qu’il leur donne, augmente leur puissance, et les rende formidables.

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Main principale F

1505

Harangues

Harangues

[1].

*Il n’y que la premiere qui ait été prononcée.
Sire,
Lorsque V. M.[2] déclara la guerre, les diverses puissances de l’Europe entrerent dans ses desseins, les unes par leurs secours, les autres par leur respect et par leur silence. Votre noblesse accourut de toutes parts désolée, si elle ne trouvoit point quelque place où elle pût repandre son sang pour votre service. Un nouveau feu parut dans vos troupes. Tout ce qui occupoit la nation, ne la touchoia plus, toute autre idée que celle de votre gloire disparut devant elle ; votre clergé prodigua ses biens. Tous vos sujets s’envierent l’un à l’autre la douce satisfaction de vous être utiles ; et surs du desir qu’a V. M. de les faire joüir du superflu, ils auroient supporté sans peine le retranchement du nécessaire.
{f.227r} Vous êtes, Sire, le roy d’un peuple qui vous aime. Les monarques sont aisément adorés, ils ne sont jamais si grands que quand ils sont aimés.
Cette paix que vous nous avez donnée, nous la chérissons pour elle même, et parce qu’elle est un de vos bienfaits. C’est le caractere de notre bonheur de ne pouvoir pas être separé du vôtre. Nous regardons toutes vos vertus comme la plus grande faveur que le ciel ait pû nous faire, et c’est un ravissement pour nous de voir dans votre personne le pere de la patrie et le roi des François.
Madame
Cette paix est aussi glorieuse pour le roi votre pere que triste pour des sujets fidéles qui perdant des yeux leur monarque, ont cru voir la dissolution de leur monarchie.
Fille d’un roy si long tems fameux par ses revers, epouse d’un monarque qui n’a vu que des prosperités, le ciel vous a enfin choisie pour faire le bonheur de l’un, et pour combler celui de l’autre.
{f.227v} Monseigneur,
Nous esperons que de tous les évenemens du glorieux regne du roi votre pere, ce sera de celui de ce jour que vous vous ressouviendrez le mieux.
Mesdames,
Nous éprouvons combien il est difficile de joüir d’une satisfaction entiere, lorsque nous venons vous parler de notre joye, elle est troublée par nos regrets. Mesdames, toute l’Europe attend avec impatience cet âge où peut être loin de nous vous ferez la felicité des princes et des peuples, et nous voudrions, s’il nous étoit possible, en retarder les momens. Mais quelle que soit à cet égard votre destinée, le peuple françois disputera toûjours votre cœur à toutes les nations du monde.

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Main principale F

1506

J’aime bien que le nouveau roy
{f.228r} J’aime bien que le nouveau roy de Prusse[1]

Le roi de Prusse

ait traité le sujet de l’antimachiavelisme, et il est beau que ces maximes qui ont fait jusques icy horreur aux sujets, fassent encore horreur aux princes. Un roy qui fait un pareil ouvrage fait une espece de serment de bien regner ; il est bien plus fort que ceux que l’usage établit, puisque ce serment est fait à lui même[2].

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Main principale F

1507

Le peuple ne suit point les raisonnemens des orateurs

Peuple n’est frappé que par des actions

. Il peut être frappé par les images et par une éloquence qui a des mouvemens, mais rien ne le détermine bien que les spectacles, et si l’on suit l’histoire des passions du peuple dominateur ; on verra que tous les ces grands mouvemens ne sont venus que par la vûe de quelque action inopinée[1].
La mort de Lucrece fait chasser Tarquin. L’action de Brutus qui fait mourir ses enfans, établit la liberté[2]. La vûe de Virginie tuée par son pere fait chasser les decemvirs[3]. Le spectacle de ce débiteur qui sort des prisons déchiré de coups fait retirer le peuple de la ville. Celui de ce jeune homme à la pudicité de qui un créancier a {f.228v} attenté fait faire des loix nouvelles[4]. Quand Manlius est accusé, le peuple qui le voit tendre les mains vers le Capitole qu’il avait sauvé, ne peut se résoudre à le trouver coupable, et il faut faire l’assemblée dans un lieu d’oú l’on ne puisse voir ce grand objet pour qu’ils soit condamné[5]. La robe ensanglantée de Cesar mit le peuple en fureur, et causa mille maux et perdit tout[6].

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Main principale F


1503

n1.

Baal, successeur d’Ithobal, sur le trône de Tyr, en 573 av. J.-C., d’après Prideaux, que Montesquieu suit ici : voir nº 1503, note 3.

1503

n2.

Prideaux écrit suffète : voir nº 1503, note 3.

1503

n3.

Humphrey Prideaux, Histoire des Juifs et des peuples voisins, Amsterdam, H. du Sauzet, 1728, t. I, p. 168 – Catalogue, nº 3189.

1503

n4.

Sur le titre Histoire universelle, voir nº 1313.

1505

n1.

Cf. nº 1281-1284 : Montesquieu y parle d’une seule harangue.

1505

n2.

Abréviation pour : Votre Majesté.

1506

n1.

Frédéric II de Prusse, auteur de l’Anti-Machiavel, ou Essai de critique sur « Le Prince » de Machiavel, publié par M. de Voltaire (La Haye, [P. Paupie], 1740), qui réfute la pensée du Florentin en condamnant la force et la violence du prince.

1506

n2.

L’invasion de la Silésie par l’armée prussienne le 16 décembre 1740 mit en contradiction l’ouvrage et la politique de conquête du monarque, comme le soulignait la lettre de Mme du Châtelet à Voltaire du 7 janvier 1741 (Correspondence and Related Documents, dans Œuvres complètes de Voltaire, T. Besterman (éd.), Oxford, Voltaire Foundation, 1968, lettre nº D2399).

1507

n1.

Cette réflexion concernant l’influence des spectacles sur le peuple, comparée à celle de l’éloquence politique, sera en grande partie reprise dans le livre de L’Esprit des lois consacré à la liberté politique dans son rapport avec la Constitution (EL, XI, 15).

1507

n2.

Tite-Live, II, 5.

1507

n3.

Tite-Live, III, 48, 54.

1507

n4.

Tite-Live, II, 23 et VIII, 28. L’indignation du peuple et du Sénat à l’égard des mauvais traitements infligés par les créanciers sur la personne des débiteurs, par suite de la pratique du nexum (esclavage pour dette), conduisit à la loi Pœtelia Papiria (326 av. J.-C.) ; voir André Magdelain, « La loi Pœtelia Papiria et la loi Julia de pecuniis mutuis », dans Jus imperium auctoritas. Études en droit romain, Rome, École française de Rome, 1990, p. 707-711.

1507

n5.

Tite-Live, VI, 20.

1507

n6.

Cf. Romains, p. 177, l. 35-37.