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Pensées 1528 à 1532

M :Montesquieu 1726/1727-1755.
D :Bottereau-Duval 1718-1731.
E :1734-1739.
U :1739.
H :1741-1742.
J :1742.
K :1742-1743.
F :1743.
I :1743.
L :1743-1744.
O :1745-1747.
P :Damours 1748-1750.
Q :1750-1751.
R :Saint-Marc 1751-1754.
S :1754-1755.
V :1754.
JB :Jean-Baptiste Secondat ?-1795.
T :écriture des manchettes 1828-1835

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M : Montesquieu.
D : Bottereau-Duval_1721-1731.
H : 1741-1742.
P : Damours_1748-1750.
E : 1734-1739.
L : 1742-1744.
O : 1745-1747.
T : écriture des manchettes
JB : Jean-Baptiste_Secondat.
J : 1742.
K : 1742-1743.
F : 1743.
E2 :
I : 1743.
R : Saint-Marc_1751-1754.

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Pensées, volume II

1528

Toutes armées qui ont vecu delicieusement sont mutines[1] car pour elles le travail est insuportable, mais celles qui sont accoutumées aux exercices obeissent car le combat ne leur est pas penible au contraire elles le souhaittent pour avoir du repos au lieu que les autres le fuient pour ratraper le lieu de leurs delices :

- - - - -

Main principale I

1529

{f.232v} La frayeur nous fit faire a Turin la chose du monde la plus prudente, ce fut d’abandonner l’Italie et de deffendre les Alpes[1] nous avions sujet d’esperer par la nature des choses de faire la guerre superieurement en Espagne nous etions inattaquables en Alsace ; nous n’avions qu’a deffendre la Flandre et laisser ranimer ce feu que tant de malheur avoit eteint

- - - - -

Main principale I

1530

L’humeur des Anglois[1]

Humeur des Anglois

est quelque chose qui est independentent de l’esprit et en est distingué. Comme on le verra par les exemples, cette humeur est distinguée de la plaisanterie et n’est point la plaisanterie, c’est plutot le plaisant de la plaisanterie. Ce n’est point la force comique le vis comica[2], c’est plutot la maniere de la force comique, je la definiray dans la {f.233r} plaisanterie, la maniere de rendre plaisament les choses plaisantes et c’est le sublime de l’humeur ; et dans les choses ingenieuses la maniere de rendre plaisament les choses ingenieuses ; comme ce que les images sont dans la poësie l’humeur est dans la plaisanterie, quand vous metez de la plaisanterie sans humeur, vous sentez quelque chose qui vous manque comme quand vous faites la poësie sans image ; et la difficulté de l’humeur consiste a vous faire trouver un sentiment nouveau dans la chose qui vient pourtant de la chose.
Voicy des exemples. L’epigramme de Rousseau Un qui comence Un mandarin de la societé[3] est ingenieuse plaisante même si est ingenieuse elle est meme plaisante si l’on veut ; il n’y a point d’humeur, celle entre Racine et l’ainé des Corneilles[4] est de meme elle est ingenieuse et plaisante et il n’y a point d’humeur dans celle {f.233v}

Rousseau

de ce moine ou un penitent vient s’accuser d’avoir par la vertu d’une recette fait des choses admirables et a qui le moine dit, or donne moy la joyeuse recepte, je te promets mon absolution[5], l’idée est plaisante et l’auteur y a ajouté de l’humeur par le mot de mon, s’il avoit dit l’absolution, l’epigramme n’etoit plus que plaisante, le moine dit mon absolution pour faire le trocq ; l’autre epigramme de Rousseau de l’yvrogne et du frater[6] est plaisante dans le fond de la chose, Rousseau y ajoute de l’humeur dans la maniere dont il la compte[7], or Hypocras tient pour methode unique vous voyez l’effort du chirurgien de village pour paroitre habile, or le fievreux luy dit Me Clement ce premier point n’est le plus necessaire, ce mot me Clement marque la gravite d’une deliberation, et pour soif la soif ce sera mon affaire ce dernier marque l’importance de la {f.234r} resolution, c’est un plaisant qui est accessoire a la plaisanterie que l’humeur, mais il faut qu’il se trouve dans la chose meme, de méme dans cette epigramme

N’etoit elle point endormie

La malheureuse accademie

Quand elle prit Jean Chamillard[8]

C’est le mot de Jean qui est l’humeur et il n’y en auroit point eu si on avoit mis quand elle choisit Chamilard enfin l’humeur est le sentiment plaisant ajouté au sentiment plaisant, comme les epithetes sont l’image particuliere ajoutee a l’image generale

- - - - -

Main principale I

1531

[Passage à la main M] Anglois
A
Anglois
[Passage à la main I] Anglois

Anglois

ils parlent peu et cependant ils veulent etre ecoutés, chez eux la simplicite la modestie, la retenue ne sont jamais ridicules ils font cas du merite personnel {f.234v} plus qu’aucune nation du monde : ils ont leurs caprices mais ils en reviennent si vous leur envoyez de petites gens ils croyent que vous voulez les tromper ; ils sont vrais et ouverts et meme indiscrets, mais ils ne peuvent souffrir d’etre trompez. Tout ce qui s’apelle air leur deplait ; ils aiment a voir la simplicité et la decence ; ils aiment a raisonner plus qu’a converser, naturelement honnête gens si la cour et le besoin ne les a pas corrompus, braves sans estimer la bravoure, egalement capables de mepriser l’argent et de l’aimer, incapables de sce divertir, ils aiment qu’on les divertisse. Quand les étrangers n’ont pas les deffauts qu’ils leur croyent ils sont gens à les aimer a la folie, ils aiment les talents et n’en sont point jaloux tout cela est couvert d’une bisarrerie qui est comme l’habit qui envelope toutes leurs vertus.
* Voila pour les particuliers voicy la nation et le ministere.
Trompés les. Comme ils n’esperent pas de pouvoir vous le rendre, vous les mettez au desespoir.
{f.235r} La nation insolente les particuliers modestes.

- - - - -

Ne
Ne craignent craignons jamais un roy d’Angleterre qui n’aura pas de merite personnel

- - - - -

Passage de la main I à la main M

1532

Articles retranchés du livre de la Consideration sur la grandeur des Romains dans la nouvelle edition[1] que j’en donnerai ou qui n’ont pu entrer dans les augmentations, ce qui est imprimé est marqué par une croix

Consid sur les Rom.

.
Mais la grandeur de Rome parut bientot dans les edifices publics, les ouvrages* qui ont donné et donnent encore aujourd’hui la plus haute idée de la puissance ont été faits sous les roys, on commençoit deja a batir la {f.235v} ville eternelle
Note* ses egouts ses murailles voyez l’etonnement de Denis D’Hallicarn. liv. 3[2].
Note p. 7 les Romains regardoient les etrangers comme des ennemis : hostis selon Varron De lingua latina liv. 4 signifioit au commencement un etranger qui vivoit sous ses propres loix
P. 9 il etoit arrivé à l’Italie ce que l’Amerique a eprouvé de nos jours. Les naturels du païs foible et dispersé ayant cedé leurs terres a de nouveaux habitans elle etoit peuplée par trois differentes nations les Toscans, les Gaulois et les Grecs les Gaulois n’avoient aucune relation avec les Grecs ny avec les Toscans ceux ci composoient une association qui avoient une langue des manieres et des moeurs particuliers et les colonies grecques qui tiroient leur origine de differents peuples souvent ennemis avoient des interets assez separés.
{f.236r} Note †. On ne sait bien s’ils etoient du païs ou venus d’ailleurs Denis d’Hallicarn. les croit naturels d’Italie liv. I.
†. Le monde de ce tems là n’etoit pas comme nôtre monde d’aujourd’huy, les voyages, les conquêtes, le commerce, l’établissement des grands etats, les inventions, des postes de la boussole, de l’imprimerie une certaine police generale ont facilité les communications et etabli par parmi nous un art qu’on appelle la politique chacun voit d’un coup d’oeil tout ce qui remue dans l’univers et pour peu qu’un peuple montre d’ambition il effraye d’abord tous les autres[3].
Il y avoit une maladie  que l’on apelloit la maladie des camps[4]*

Maladie des camps

 ; elle venoit de ce que les Romains n’ayant point de forteresses il falloit que leur camp leur en tint lieu. Ils y etoient enfermés et pressés, pour prevenir cette maladie ils changoient {f.236v} souvent de camp et cela meme les rendoit plus robustes en multipliant leurs travaux
Note* voyez Vegece nous ne la connoissons plus nos camps aujourd’hui ont une autre etendüe que ceux des Romains[5].
P. 68 la Macedoine etoit entourée de montagnes inaccessibles, le senat la partagea en 4 parties les declara libres, deffendit toute sorte de liaisons entre elles, memes par mariage, fit transporter les nobles en Italie et par lâ reduisit a rien cette puissance[6].
P. 70 note quand Claudius Glycias eut donné la paix aux peuples de Corse le senat ordonna qu’on leur feroit encore la guerre et fit livrer Glycias aux habitans de l’isle qui ne voulurent pas le recevoir, on sçait ce qui arriva aux Fourches Caudines[7].
P. 72
Divitiarum tanta fama erat, dit Florus, ut victor gentium populus, et donare regna consuetus, socii vivitque regis confiscationem mandaverit I. 3 c. 9[8].
{f.237r} P. 87
Le cens en luy méme ou le denombrement des citoyens etoit une chose tres sage. C’etoit une reconnoissance de l’etat de ses affaires et un examen de sa puissance. Il fut etabli par Servius Tullius ; avant luy dit Eutrop. l. 1. le cens etoit inconnu dans le monde[9].
Les citoyens pouvoient être distingués de trois manieres, par l’origine comme les patriciens l’etoient des plebeïens, par l’ordre comme les senateurs l’etoient des chevaliers et les chevaliers du reste du peuple et enfin par le droit d’image qu’avoient ceux dont les peres avoient obtenu des magistratures curules, ce qui a quelque raport a nôtre noblesse d’aujourd’hui[10].
P. 99 :
Il y a a present dans lae Republique monde une république* que presque personne ne connoit et qui dans le secret et dans le silence augmente ses forces chaque jour. Il est certain que si elle parvient jamais à l’etat de grandeur ou sa sagesse la destine elle changera {f.237v} necessairement ses loix et ce ne sera point l’ouvrage d’un legislateur mais celui de la corruption méme
Note * le canton de Berne[11]
* P. 100.
Note. Il y a des gens qui ont regardé le gouvernement de Rome comme vicieux parce qu’il etoit un mélange de la monarchie, de l’aristocratie et de l’etat populaire ; mais la perfection d’un gouvernement ne consiste pas a se rapporter a une des especes de police qui se trouvent dans les livres des politiques mais a repondre aux vües que tout legislateur doit avoir qui sont la grandeur d’un peuple ou sa felicité le gouvernement de Lacedemone n’etoit il pas aussi composé des trois[12]
Na note otee par le censeur de l’édition de Paris[13].
† Si Charles premier, si Jacques second avoient vecu dans une religion qui leur eut permis de se tuer, ils n’auroient pas eu a soutenir, l’un une telle mort, l’autre une vie telle vie
{f.238r} P. 148. Note les grands de Rome etoient deja pauvres du tems d’Auguste, on ne voulut plus etre ediles ny tribun du peuple beaucoup meme ne se soucioient pas d’étre senateurs[14].
P. 158. Quoyque les gladiateurs eussent la plus infame origine et la plus infame profession qu’il y ait jamais eu car c’etoient des esclaves ou des criminels qu’on obligeoit de se devoüer et de combattre jusqu’a la mort aux funerailles des grands.
La passion pour leurs ces exercices qui avoient tant de raport a ceux de la guerre devint telle qu’on ne sçacouroit la regarder que comme une fureur, les empereurs, les senateurs, les grands, les femmes méme parurent sur l’arene, nec virorum modô pugnas sed et fœminarum[15] Suet. in Domit. les Romains n’avoient pas moins de goùt pour les athletes[16].
{f.238v} P. 162

Prince qui succede a une Republique

Il n’y a point d’autorite plus absolue que celle du prince qui succede a la republique, car il se trouve avoir toute la puissance du peuple qui n’avoit pu se limiter lui méme, aussi voyons aujourd’huy les rois de Dannemarck exercer le pouvoir le plus arbitraire qu’il y ait en Europe[17].

- - - - -

Main principale I


1528

n1.

Cf. nº 1496 et 1527.

1529

n1.

Durant la guerre de Succession d’Espagne qui se déroulait sur les fronts d’Espagne, de Flandre, d’Alsace et de Lombardie, alors que Philippe d’Orléans souhaitait poursuivre la campagne en Italie après l’échec du siège de Turin (1706), le duc de la Feuillade et les officiers généraux imposèrent une retraite vers le fort de Pignerol en Savoie (Saint-Simon, t. II, p. 779-783).

1530

n1.

Cf. nº 685. Le terme humour est rendu par humeur dans les premières traductions françaises de William Temple qui définit ce genre de comique (Œuvres mêlées [1693], Utrecht, A. Schouten, 1694, 1re partie, « De la poësie », p. 429-430 – Catalogue, nº 2355 bis ; 2355 ter pour l’éd. de 1708), comme Béat de Muralt dans ses Lettres sur les Français, les Anglais et les voyages parues en 1725 (C. Gould et C. Oldham (éd.), Paris, H. Champion, 1933, texte de 1728, p. 32, 33, etc.) ; Laurent Versini a consacré une étude à « L’humour de Montesquieu », dans Les Styles de l’esprit : mélanges offerts à Michel Lioure, S. Bernard-Griffiths et al. (éd.), Clermont-Ferrand, Association des publications de la faculté des lettres et sciences humaines, 1997, p. 105-111.

1530

n2.

Cf. nº 1149.

1530

n3.

Jean-Baptiste Rousseau, Épigrammes, LXXXI. Sont uniquement reproduits les soulignements d’une encre identique à celle de l’écriture d’origine, qui marquent les citations.

1530

n4.

Jean-Baptiste Rousseau, Épigrammes, LII.

1530

n5.

Jean-Baptiste Rousseau, Épigrammes, LXVII.

1530

n6.

Jean-Baptiste Rousseau, Épigrammes, X.

1530

n7.

Lire : conte.

1530

n8.

Chanson sur l’air de Joconde, d’après les Nouvelles littéraires, dans Friedrich Melchior Grimm, Correspondance littéraire, philosophique et critique : revue sur les textes […], M. Tourneux (éd.), Paris, Garnier frères, 1877-1882, t. I, p. 308-309. Les académiciens, « pour être payés de leurs jetons », offraient une place dans leur compagnie au Contrôleur général des Finances. Michel Chamillart aurait suggéré le nom de son frère Jean-François (« Jean »), l’évêque de Senlis, élu en 1702.

1532

n1.

Il s’agit de l’édition de 1748 (Paris, Huart et Moreau). Voir nº 1478.

1532

n2.

Le paragraphe qui précède et cette note sont ajoutés dans l’édition de 1748 (Romains, I, p. 89, l. 9-10, apparat critique).

1532

n3.

La pagination indiquée est celle de l’édition de 1734 (Amsterdam, J. Desbordes). Le texte des paragraphes qui précèdent est supprimé dans l’édition de 1748 (Romains, p. 94, note (c) ; p. 95, I, l. 101-113 : voir apparat critique).

1532

n4.

Cf. nº 1468.

1532

n5.

Le paragraphe qui précède et la note n’ont pas été utilisés dans l’édition de 1748 et ne figurent pas dans celle de 1734.

1532

n6.

Paragraphe supprimé dans l’édition de 1748 (Romains, VI, p. 136, l. 129-132 : voir apparat critique).

1532

n7.

Note supprimée dans l’édition de 1748 (Romains, VI, p. 138, note (l)).

1532

n8.

« [Cette ville] passait pour posséder une telle opulence que le peuple vainqueur des nations et dispensateur des royaumes prononça […] la confiscation des biens d’un roi allié, encore vivant » (Florus, Abrégé de l’Histoire romaine, III, 10 (et non 9), D. Nisard (trad.), Paris, Didot, 1865). Note réduite à un renvoi à Florus dans l’édition de 1748 (Romains, VI, p. 139, note (o)).

1532

n9.

Note supprimée dans l’édition de 1748 (Romains, VIII, p. 149, note (i)).

1532

n10.

Ce nouveau paragraphe n’a pas été inséré dans l’édition de 1748.

1532

n11.

Cf. Romains, IX, p. 158, l. 90-94 et note (f).

1532

n12.

Note supprimée dans l’édition de 1748 (Romains, IX, p. 158, note (g)).

1532

n13.

La note qui suit se trouvait à la page 130 de l’édition non cartonnée d’Amsterdam (J. Desbordes, 1734 ; voir Romains, XII, p. 181, note (i)). Le débit de l’ouvrage en France exigeait de satisfaire la censure. Les suppressions et modifications demandées furent d’abord effectuées par des cartons puis intégrées aux nouvelles éditions : voir Romains, introduction, p. 37-40 ; 52-53.

1532

n14.

Note supprimée dans l’édition de 1748 (Romains, XIV, p. 195, note (b)).

1532

n15.

« Et l’on y faisait lutter non seulement des hommes, mais encore des femmes » (Suétone, Vie de Domitien, 4, 2 ; trad. La Harpe refondue par M. Cabaret-Dupaty, Paris, Garnier frères, 1893).

1532

n16.

Note supprimée dans l’édition de 1748 (Romains, XV, p. 202, note (d)) : voir apparat critique, l. 60-77.

1532

n17.

Ce passage a été maintenu dans l’édition de 1748 (Romains, XV, p. 205, l. 102-105).