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Pensées 1680 à 1684

M :Montesquieu 1726/1727-1755.
D :Bottereau-Duval 1718-1731.
E :1734-1739.
U :1739.
H :1741-1742.
J :1742.
K :1742-1743.
F :1743.
I :1743.
L :1743-1744.
O :1745-1747.
P :Damours 1748-1750.
Q :1750-1751.
R :Saint-Marc 1751-1754.
S :1754-1755.
V :1754.
JB :Jean-Baptiste Secondat ?-1795.
T :écriture des manchettes 1828-1835

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M : Montesquieu.
D : Bottereau-Duval_1721-1731.
H : 1741-1742.
P : Damours_1748-1750.
E : 1734-1739.
L : 1742-1744.
O : 1745-1747.
T : écriture des manchettes
JB : Jean-Baptiste_Secondat.
J : 1742.
K : 1742-1743.
F : 1743.
E2 :
I : 1743.
R : Saint-Marc_1751-1754.
Q : 1750-1751.
S : 1754-1755.
V : 1754.

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Pensées, volume III

1680

{f.30r} Ovide

Ovide

Ovide

dans les Fastes fait raconter par Lucrece a ces[1] parents l’attentat de Tarquin, lorsqu’elle vient a son crime, le poëte dit

Infr. p 367

.

Cætera restabant voluit, cum dicere flevit,

Et matronales erubuere genæ[2].

J’ay ouy critiquer ces deux vers de deux manieres, les uns veulent que ce dernier vers soit inutile et ne fasse qui qu’affoiblir, les autres disent que l’ordre des choses est troublée et qu’il falloit mettre la rougeur avant les pleures, et moy je dis que ces deux vers sont admirables et peut etre les plus baux qu’Ovide ait faits, et que de quelque maniere qu’il les tournat ils auroint eté moins beaux, si le poete avoit prevenu l’une ou l’autre de ces critiques, quandt a la premiere je diray qu’il y à plusieurs sources de beauté par raport aux ouvrages d’esprit, qu’il faut bien distinguer, et qu’il ne faut {f.30v} point faire dependre une pensée d’un genre de beauté, lorsqu’elle depend d’un autre. Il est vray qu’il y à des occasions ou la beauté de la pensée consiste dans la brievetê, le qu’il mourut du viel Horace[3], le mo moy de Medée[4], ont une beauté qui depend de la brieveté par la raison qu’il s’y agit d’une action forte et d’un moment ou l’ame est dans une espece de transport, et ou elle exprime tout en un moment parce que l’ame semble n’avoir qu’un moment a elle parce qu’elle est hors d’elle meme, le discours doit etre impetueux, parce que l’ame est impetueuse, mais mais icy il s’agit de la douleur de Lucrece d’une passion lente et sourde, et d’une passion que l’on decrit, et d’un etat de l’ame qu’en que l’on peint, et la il n’a pas sufi de faire pleurer Lucrece, il a falu la {f.31r} la faire rougir, on est trop frapé de ce genre de beauté qui fait qu’on desire que tout finisse en epigrame, tout ne doit pas finir en epigrame icy l’epigramme n’est point dans les derniers [un début de mot biffé non déchiffré] mots, si on veut une epigrame elle est dans le tout.
A l’egard de ceux qui disent que l’ordre est troublé, il ne l’est point du tout parce qu’il ne pouvoit etre autrement. Le pöete à à peindre l’etat de Lucrece, il est admirable en ce que dez qu’elle arrive au detail qui luy parait le plus affreux elle ne peut plus parler, elle pleure le poëte avoit donc deux choses a faire de peindre l’etat de Lucrece et toutes les impressions que la douleur faisoit sur elle, Lucrece s’arrete {f.31v} lorsqu’elle est venue a l’idée la plus affreuse, et elle se met à pleurer c’est ce que le poëte a du d’abord exprimer soit que la rougeur ait precedé les pleures, soit que les pleures aient suivi la rougeur, soit, ce qui est beaucoup plus dans la nature que la rougeur et les pl[e]ures aient eté excitées en meme tems, or icy le poete n’a point du suivre l’ordre qui fairoit commancer par l’expression la plus foible qui pou pour aller a l’expression la plus forte, il faut suivre non pas l’ordre de la la chose mais l’ordre de la pensée, Ovide aiant a faire taire Lucrece à du commancer par la faire pleurer, parce que ce sont les pleurs et non pas la rougeur qui l’ont empeschée de parler, l’ordre des choses {f.32r} doit etre pris de la, Lucrece devoit necesairement rougir et le poëte devoit le dire, mais il ne devoit ny ne pouvoit le dire qu’apres ; ces deux emotions du meme instant ont, dans ce cas particulier cy, un ordre particulier. Me Changez l’ordre et metez, « il falloit dire le reste, mais lorsqu’elle voulut parler elle rougit et pleura », toute la pensée est gatée, lorsqu’elle voulut parler elle rougit l’effet de la rougeur n’est pas d’empescher de parler, ce sont les pleures qui ont cet effet, il faut donc necesairement commancer par arreter ses discours par ses sanglots ; mais la pinture demande que le poëte décrive la rougeur de Lucrece, et il le fait par le plus beau vers du monde.
e Et matronales erubuere genæ.

Main principale P

1681

{f.32v} J’ay lu une traduction de l’Odyssé d’Homere

Homere

par Mr de la Valterie[1], je ne l’ay point comparée a celle de Me Dacier, il me semble que cette traduction est faite avec plus de feu, et j’avoue qu’en la lisant j’ay senti un charme infini, et tel que je ne me souviens pas que la traduction de Me Dacier m’ait fait sentir le même[2], mais je les compareray, on m’a dit que la traduction de Mr de la Valterie n’etoit pas exacte[3], on ne dit rien par la contre Homere car si en ottant la gesne litteralle, et en donnant a Homere du geni et de l’expression francaise, on l’a rendu plus agreable, on l’a rendu plus semblable a luy même, puisque personne n’a jamais dit qu’Homere n’ait emploié dans son poëme tous les agremens {f.33r} de la langue grecque, lesquels [deux débuts de mots biffés non déchiffrés] ne sçauroient etre transportés dans une autre langue, reste donc que le fond du pöeme est admirable, on auroit beau mettre de pareils agremens dans un mauvais poeme le pöeme sera toujours mauvais

- - - - -

Main principale P

1682

L’esprit de conversation

Conversation

est ce qu’on appelle de l’esprit[1] parmi les Français il consiste à un dialogue ordinairement gay dans lequel chacun sans s’ecouter beaucoup parle et répond, et ou tout se traite d’une maniere coupée prompte et vive, le stile de la con et le ton de la conversation s’aprennent c’est a dire le stile de dialogue, il y a des nations ou l’esprit de conversation est entierement inconnu telles sont celles ou l’on ne vit point ensemble, et celles dont la gravité fait le fondement {f.33v} des moeurs, ce qu’on appelle esprit chez les Francais n’est donc pas de l’esprit mais un genre particulier d’esprit l’esprit en luy même est le bon sens joint à la lumiere, le bon sens est la juste comparaison des choses, et la coun distinction des mêmes choses dans leur etat positif et dans leur etat relatif

- - - - -

Main principale P

1683

[Passage à la main M] Je mettray toujours au nombre de mes comendemens de ne parler jamais de soy en vain :

- - - - -

Passage de la main P à la main M

1684

[Passage à la main P] Un homme qui entendoit un vieux plaideur raconter ses faits et gestes luy dit, je comprend de tout cecy Monsieur que si vous me demandez la moitié de mon bien, je vous le laisseray ; si vous me le demandez tout je vous turay * cet homme etoit un grand philosope[1] et raisonnoit parfaitement bien.

- - - - -

Passage de la main M à la main P


1680

n1.

Lire : ses.

1680

n2.

Cf. nº 1474 et 2180.

1680

n3.

Corneille, Horace, III, 6, v. 1021.

1680

n4.

Corneille, Médée, I, 5.

1681

n1.

L’« Odyssée » d’Homère. Nouvelle traduction par le sieur de La Valterie, Paris, C. Barbin, 1681. Montesquieu possède une édition de 1709 (Paris, M. Brunet – Catalogue, nº 2060).

1681

n2.

Voir Pensées, nº 116 et nº 2252. L’admiration de Montesquieu pour la traduction de La Valterie semble n’avoir guère été partagée : selon Noémi Hepp, cette traduction « ne fit jamais l’objet d’aucune critique élogieuse et semble avoir été ignorée de tous les esprits cultivés de son temps » (Homère en France au XVIIe siècle, Paris, Klincksieck, 1968, p. 463). L’engouement de Montesquieu est toutefois durable : c’est de cette traduction qu’il se servira pour ses extraits et notes de lecture de l’Iliade et de l’Odyssée, après 1751 ; voir BM Bordeaux, ms 2526/2a et ms 2526/2b, dans OC, t. 17, à paraître, et Salvatore Rotta, « L’Homère de Montesquieu », dans Homère en France après la Querelle, 1715-1900, F. Létoublon et C. Volpilhac-Auger (éd.), Paris, H. Champion, 1999, p. 144.

1681

n3.

Dans la préface de sa traduction de l’Iliade, La Valterie l’annonçait sans ambages : « pour prévenir […] le dégoût que la délicatesse du temps aurait peut-être donné de ma traduction j’ai rapproché les mœurs des Anciens autant qu’il m’a été permis » (Paris, C. Barbin, 1681, [p. VII]). Selon Françoise Berlan, cette traduction est « peut-être la plus conforme à un certain goût d’époque, non contrarié par le souci d’exactitude » (« Fénelon traducteur et styliste : réécritures du chant V de l’Odyssée », Littératures classiques, nº 13, 1990, p. 34).

1682

n1.

Avant les voyages, Montesquieu semblait partager le point de vue des moralistes et romanciers de son temps à l’égard de la conversation à la française, jugée futile et décousue (nº 107). Dans l’Essai sur les causes qui peuvent affecter les esprits et les caractères [env. 1734-1736], il souligne que la fausseté et la singularité sont nécessaires à l’esprit qui convient à la conversation enjouée (OC, t. 9, p. 253, l. 604-609). La réflexion sur l’esprit général de la nation française met en valeur un jeu de rapports (légèreté, gaieté, luxe et commerce, galanterie, etc.) qui intègre esprit et conversation dans un système de mœurs cohérent neutralisant la critique (EL, XIX, 5). Sur l’esprit, voir nº 685-686 ; sur la conversation, nº 1274, 1277.

1684

n1.

Lire : philosophe.