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Pensées 1745 à 1749

M :Montesquieu 1726/1727-1755.
D :Bottereau-Duval 1718-1731.
E :1734-1739.
U :1739.
H :1741-1742.
J :1742.
K :1742-1743.
F :1743.
I :1743.
L :1743-1744.
O :1745-1747.
P :Damours 1748-1750.
Q :1750-1751.
R :Saint-Marc 1751-1754.
S :1754-1755.
V :1754.
JB :Jean-Baptiste Secondat ?-1795.
T :écriture des manchettes 1828-1835

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M : Montesquieu.
D : Bottereau-Duval_1721-1731.
H : 1741-1742.
P : Damours_1748-1750.
E : 1734-1739.
L : 1742-1744.
O : 1745-1747.
T : écriture des manchettes
JB : Jean-Baptiste_Secondat.
J : 1742.
K : 1742-1743.
F : 1743.
E2 :
I : 1743.
R : Saint-Marc_1751-1754.
Q : 1750-1751.
S : 1754-1755.
V : 1754.

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Pensées, volume III

1745

Il y à une chose singuliere, on avoit fait autre fois le tour de l’Affrique, cependant cette navigation fut oubliée au point que du tems de Ptholoemée

Liv 4 chap 7. et liv 8. tab. 4. de l’Afrique[1]

le geographe qui vivoit en Egipte, on ne connoissoit qu’une petite partie de l’ocean aupres de la mer Rouge  jusqu’au promontoire Prassum ; et on en connut encore moins du tems d’Arien

Periple de la mer Eritrée, il vivoit sous Adrien

qui bornoit cette mer au promontoire Raptum[2]. Herodote

Livre 4.

sçavoit {f.58r} que l’ Affrique ne tenoit a la terre que par l’isme que l’on appelle aujourd’huy l’isme de Suese[3].
Voir en quel tems, et ou vivoit Ptholemée.
Voir aussi Arien. Periplese de la mer Eritehrée[4].
Il sçavoit qu’en partant de l’Egipte par la mer Rouge on etoit revenu par l’ocean et la Mediteranée en Egipte, il le sçavoit di-je[5]. Et Ptholemée le geographe qui vivoit à Alexandrie ne le sçavoit pas. Il est certain que sous les roys grecs il passoit pour constant que la mer d’Afrique apres un certain terme n’etoit pas navigable. Juba est le seul de tous les auteurs de ce tems la qui ait soubconné qu’on pouvoit aller du bord oriental de l’Afrique jusqu’a l’occidental[6]

À Cerné[7].

Enfin on voit que les Grecs d’Egipte {f.58v} se contentoient de la navigation des Indes, et de faire le commerce de l’Afrique par terre
Quand on dit que les anciens connoissoient une chose, il faut sçavoir de quel peuple ancien on veut parler. Ce que les Perses sçavoient, les Grecs ne le sçavoient pas. Ce que les Grecs sçavoient dans un tems, ils l’ignoroient dans un autre. L’ecriture à porté d’un peuple à un autre les decouvertes des hommes, mais l’art de l’imprimerie en à scelé pour ainsi dire la connoissance. Les anciens faisoient des pas de geant, et ils reculoient tout de même, ils ecrivoient sur le sable, et nous ecrivons sur l’airin.
Mr Huet dans son Histoire du commerce pose des faitess que je ne {f.59r} trouve nulement prouvés, il dit que les Idumeens deffendirent à toutes les nations de naviger sur la mer Rouge avec plus d’un vaiseau[8], (voir ce fait.) il dit qu’une flote partie d’Alexandrie est arrivée dans la mer Rouge[9], ce fait parait etre faux elle partoit bien d’Ale d’Alexanderie mais n’arrivoit qu’à Coptos[10] ; enfin il cite Arien Periple de la mer Erithrée comme decrivant avec exactitude et la mer Rouge, et le commerce qui se faisoit aux Indes, et qu’un certain pilote azarda le premier d’abandonner les cotes[11].

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Main principale P

1746

{f.59v} Pour la force offensive 

On à vu ci dessus que la grandeur de l’etat le determinoit au despotisme, les conquêtes qui forment cet agrandissement mennent donc par une voye naturelle à cette forme de gouvernement[1].
Il faut icy nous rapeller toutes les horreurs du despotisme qui verse incessament ses calamitées sur le prince et sur les sujets, qui comme le dragon se devore luy même ; qui tiranise le prince avant l’etat, l’etat avant les esclaves, qui sur la ruine de tous f fonde la ruine d’un seul, et sur la ruine d’un seul fonde la ruine {f.60r} de tous. Il faut voir la paleur et la fraieur sur le trosne du despote, toujours prest à donner la mort ou à la recevoir, rendu stupide par la crainte avant de l’etre devenu par les plaisirs. Or si cet etat est affreux que dirons nous de l’aveuglement de ceux qui travaillent sans cesse a se le procurer, et qui prennent tant de peine pour sortir d’une scituation dans laquelle ils sont les plus heureux de tous les princes pour devenir les plus miserables.

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Main principale P

1747

{f.60v} Nombre des habitans[1]

Cinquante millions d’habitans pouroient vivre sans peine dans le royaume de France (Il n’y en à que quatorze millions)
La terre donne toujours a proportion de ce qu’on en exige. La fecondité des lieux qui sont dans le voisinage des villes nous doit faire juger de ce qu’on pouroit esperer des autres. Les troupeaux s’augmantent avec le peuple qui en prend soin.
Le bled de l’Afrique n’est point aux Afriq Afriquains, celuy du Nord n’est point aux peuples du Septentrion. Il est a tous ceux qui veulent le changer avec le produit de leurs arts[2].
{f.61r} Plus vous aurez d’ouvriers en France, plus vous fairez de laboureurs en Barbarie[3], mais un laboureur nourira dix ouvriers.
La mer est inepuisable en poissons, on ne manque que de pesĉheurs, que de flotes que de negotians.
Si les forests s’epuisent ouvrez la terre et vous aurez des matieres combustibles.
Que de philosophes et de voiageurs ont fait des decouvertes devenues inutilles parce que dans la scituation presente l’industrie ordinaire sufit pour les besoins
Les philosophes n’ont pas trouvé ces choses pour nous, elles ne seront bonnes que lorsqu’il y aura sur la terre un grand peuple.
{f.61v} Pourquoy envoiez vous dans le nouveau monde tuer des bœufs seulement pour avoir la peau
Pourquoy laissez vous aller a la mer tant d’eaux qui auroient pu aroser vos terres.
Pourquoy laissez vous dans vos terres des eaux qui auroient pu aller a la mer.
Les bêtes qui ont toutes des interests separés s’entrenuisent toujours. Les hommes seuls faits pour vivre en societé ne perdent rien de ce qu’ils partagent.
J’ay mille avantages à vivre non pas dans un grand etat, mais dans une grande societé.
La famine ne se fait pas moins sentir {f.62r} dans les pays peu peuplés que dans les autres ; souvent même elle fait plus de ravages, parce que d’un cote le commerce ne leur procure pas promptement les secours etrangers, et que d’un autre la pauverté[4] les empesche d’en jouir.

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Main principale P

1748

Nombre des habitans[1]

Romulus et Licurgue donnerent une certaine quantité de terres d’arpens à chaque chef de famille[2]. Je supose que cela fut cinq arpens, (je verray cela) a ce compte en suposant la lieüe de trois mille pas

3000
3000
3000.

geometriques[3], une lieue quarrée[4] auroit neuf millions de pas {f.62v} geometriques qucarrés, metez les pas geometriques de cinq cent pieds en lates[5] de sept pieds cela faira 6428572 lates qucarrés qui divisés en 512 fairont 12556 arpens dans une lieüe qucarrée, et a cinq arpens par famille fairont 2511 familles dans une lieüe qucarée qui viveront[6] du sol de la terre. Or la Catalogne aiant environ vingt quatre lieües de 3000 pas geometriques en reduisant sa figure en qucarés et longueur et hauteur elle a 576 lieües carées, c’est à dire dans le plan des Romains et Grecs à cinq arpens par famille pouroit contenir 576 fois 2511 familles 1446336 fam {f.63r} familles, c’est à dire plus qu’on n’en n’a trouvé dans ces jours ci dans toute l’Espagne. A quoy vous pouvez ajouter tout le peuple qui vit d’industrie qui dans une nation aussi ainsi policée iroit au tiers pour le moins, soit esclaves, soit libres. Il est vray que les terres incultes sont possedées par le clergé qui les a rendües incultes par la proprieté qu’il en à acquise ce qui empesche de les cultiver par la possession qu’il en à, n’y aiant guêres de droit que par l’empeschement qu’il met que d’autres ne les cultivent[7]. Mais dans ce cas il fauderoit[8] mettre le reglement de Platon que personne ne peut succeder à d’autres maisons, et que dez qu’un paisan auroit une succession {f.63v} d’un autre partage, on le donnat au plus proche parent[9] outre que cinq arpens sont sufisans pour nourir le maitre et qu’ils sont sufisans pour l’occuper, et en recevoir toute la culture possible. Les loix des Romains ne furent pas si sages que celles de Platon, et elles permirent, ou l’on soufrit que des cyitoyens sous des noms empruntés acquisent les heritages propres des citoyens ce qui etoit eluder la loy, mais si cette loy n’avoit pas eté eludée, Rome n’auroit pas tombé dans la corruption[10]
Nota que ce que j’apele arpent est notre journal[11].

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Main principale P

1749

Je dis cecy sçachant tres bien que les hommes sont toujours fort embarassé lorsqu’il {f.64r} s’agit de gouverner les hommes.
Je parle aux magistrats comme un honeste homme parle à un honeste homme
Si l’on est obligé de sortir de la loy, il faut du moins y rentrer le plutot qu’il est possible. Si l’on est obligé de faire des choses qui par leur nature ne sont pas bonnes, il faut les faire le moins mal qu’il est possible.

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Main principale P


1745

n1.

Il s’agit des chapitres 7 et 8 du livre IV de la géographie de Ptolémée (Claudii Ptolemæi Geographiæ libri octo, Nuremberg, 1524 – Catalogue, nº 2642).

1745

n2.

Cf. EL, XXI, 10. L’idée « Que les Anciens ont fait le tour de l’Afrique, & qu’ils en connoissoient les Côtes Méridionales », infirmant que les Portugais fussent les premiers à doubler le cap de Bonne-Espérance, est soutenue par Marmol, Dapper, Huet, et avait fait l’objet d’un mémoire de l’abbé Paris à l’Académie des inscriptions et belles-lettres (Histoire de l’Académie royale des inscriptions et belles-lettres, Paris, Imprimerie royale, 1733, t. VII, p. 79). Le cap Raptum est situé par Ptolémée (« Ptholemée ») et Delisle au 10e degré de latitude sud et le cap Prassum, au 15e degré (ibid., p. 84 ; Claudii Ptolemæi Geographiæ libri octo, F. G. W. Wilberg (éd.), s. l., G. D. Bædeker, 1838, IV, 7-8, p. 299, l. 12-14, p. 301, l. 14 et p. 306-307 – Catalogue, nº 2642, éd. de Nuremberg, 1524).

1745

n3.

Hérodote, IV, 41-42.

1745

n4.

Le Périple de la mer Érythrée est un guide de navigation et de commerce anonyme, connu par un manuscrit du Xe siècle, parfois attribué à Arrien, publié pour la première fois en 1533 par Sigismundus Gelenius. Montesquieu possédait le texte latin, Maris Erythræi periplus, dans une édition de textes attribués à Arrien avec commentaires de J. G. Stuckius (Genève, E. Vignon, 1577 – Catalogue, nº 2770). Le Périple est dédié à Adrien, ce qui explique la note en marge. Montesquieu mentionne ses doutes à l’égard de l’attribution à Arrien dans les morceaux « Pour mes livres sur la géographie ancienne », retranchés de L’Esprit des lois (BM Bordeaux, ms 2506/15, dans CM, nº 7, 2001, L’Atelier de Montesquieu. Manuscrits inédits de La Brède, C. Volpilhac-Auger (éd.), p. 212).

1745

n5.

Le « Il » désigne Hérodote qui écrit : « Les Phéniciens, s’étant donc embarqués sur la mer Érythrée, naviguèrent dans la mer Australe. […] la troisième année ils doublèrent les colonnes d’Hercule, et revinrent en Égypte » (Histoire d’Hérodote, IV, 42, P.-H. Larcher (trad.), Paris, Lefèvre et Charpentier, 1842).

1745

n6.

On attribuait divers ouvrages à Juba II, roi des deux Maurétanies, fils de Juba I. Ses découvertes géographiques sont mentionnées par Pline (Histoire naturelle, V, 1, 16 ; VI, 36, 3) ; voir les Recherches sur la vie et sur les ouvrages de Juba le Jeune, roi de Mauritanie par l’abbé Sevin, dans Mémoires de littérature, tirés des registres de l’Académie royale des inscriptions et belles-lettres, Paris, Imprimerie royale, 1746, t. IV, années 1711-1717, p. 457-466.

1745

n7.

L’île Cerné est connue par le périple d’Hannon (EL, XXI, 11 : Derathé, t. II, p. 42), édité à l’époque de Montesquieu par John Hudson (Geographiae veteris scriptores Graeci minores, Oxford, Theatro Sheldoniano, 1698, t. I, avec une dissertation de Dodwell sur ce périple ; voir EL, XXI, 11, note (f) : Derathé, t. II, p. 43), et elle est mentionnée par Pline (Histoire naturelle, VI, 36) ; l’abbé Paris la situe à Madagascar (Histoire de l’Académie royale des inscriptions et belles-lettres, Paris, Imprimerie royale, 1733, t. VII, p. 84).

1745

n8.

Pierre-Daniel Huet, Histoire du commerce et de la navigation des Anciens, Paris – Bruxelles, A.-U. Coustelier – J. Leonard, 1716, p. 22 ; extrait de Montesquieu, BM Bordeaux, ms 2526/22, OC, t. 17, à paraître.

1745

n9.

Pierre-Daniel Huet, Histoire du commerce et de la navigation des Anciens, Paris – Bruxelles, A.-U. Coustelier – J. Leonard, 1716, p. 346.

1745

n10.

Ville sur le Nil reliée à Alexandrie par des canaux et « entrepôt général » pour le commerce des Égyptiens (Pierre-Daniel Huet, Histoire du commerce et de la navigation des Anciens, Paris – Bruxelles, A.-U. Coustelier – J. Leonard, 1716, p. 348).

1745

n11.

Pierre-Daniel Huet, Histoire du commerce et de la navigation des Anciens, Paris – Bruxelles, A.-U. Coustelier – J. Leonard, 1716, p. 377.

1746

n1.

Cf. EL, X, 16.

1747

n1.

Milord Bath estimait la population française à vingt millions d’habitants (nº 1640). Sur la crainte de la dépopulation et sur la « propagation » chez Montesquieu, voir nº 234. Le sujet, traité dans les Lettres persanes (LP, 108-118 [112-122]), est l’objet du livre XXIII de L’Esprit des lois. Dans ce passage rejeté, la prospérité et la « propagation » sont liées à la division internationale du travail et à une dynamique de croissance et d’échange : voir Céline Spector, Montesquieu et l’émergence de l’économie politique, Paris, H. Champion, 2006, p. 329-331.

1747

n2.

Cf. EL, XXIII, 15.

1747

n3.

Sur la localisation de la Barbarie, voir nº 177, note 3.

1747

n4.

Lire : pauvreté.

1748

n1.

Cf. EL, XXIII, 15 : Montesquieu y affirme que l’égal partage des terres permet de faire vivre une population nombreuse.

1748

n2.

Sur le partage des terres et la mesure des lots attribués par Romulus et Lycurgue, voir Romains, III, p. 106 ; nº 639 ; EL, V, 5 et XXVII, 1 : Derathé, t. II, p. 195 ; voir Varron, De l’agriculture, I, 10 ; Plutarque, Vie de Lycurgue, VIII.

1748

n3.

Le pas géométrique est une unité de longueur équivalente, dans la région de Bordeaux (Médoc), à 5 pieds 5 pouces et 1,784 m ; la lieue, composée de 3 000 pas géométriques, équivaut à Bordeaux à 5 847 m ; voir Les Anciennes Mesures locales du Sud-Ouest d’après les tables de conversion, A. Poitrineau (dir.), Clermont-Ferrand, Publications de l’Institut d’études du Massif central, 1996, p. 81-82.

1748

n4.

Mesure de superficie d’une lieue de côté.

1748

n5.

La latte ou late était une mesure de longueur et de surface utilisée en Aquitaine, division du journal (voir nº 1748, note 11). Elle correspondait, à Bordeaux, à 7 pieds bordelais (2,497 m) ; voir Les Anciennes Mesures locales du Sud-Ouest d’après les tables de conversion, A. Poitrineau (dir.), Clermont-Ferrand, Publications de l’Institut d’études du Massif central, 1996, p. 72.

1748

n6.

Lire : vivront.

1748

n7.

Voir nº 793, note 1.

1748

n8.

Lire : faudrait.

1748

n9.

Platon, Lois, V, 10, 740b-d.

1748

n10.

Le rapport entre partage des terres et droit de succession à Rome est l’objet du livre XXVII de L’Esprit des lois, dans lequel Montesquieu étudie les différentes façons dont on tenta de contourner les lois établies pour maintenir ce partage.

1748

n11.

Le journal de Bordeaux était l’unité de mesure agraire la plus utilisée en Aquitaine ; il correspondait à la surface cultivée par un homme en une journée, soit un rectangle de 32 lattes sur 16, qui équivalait à 31,928 4 ares (Les Anciennes Mesures locales du Sud-Ouest d’après les tables de conversion, A. Poitrineau (dir.), Clermont-Ferrand, Publications de l’Institut d’études du Massif central, 1996, p. 72).