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Pensées 37 à 41

M :Montesquieu 1726/1727-1755.
D :Bottereau-Duval 1718-1731.
E :1734-1739.
U :1739.
H :1741-1742.
J :1742.
K :1742-1743.
F :1743.
I :1743.
L :1743-1744.
O :1745-1747.
P :Damours 1748-1750.
Q :1750-1751.
R :Saint-Marc 1751-1754.
S :1754-1755.
V :1754.
JB :Jean-Baptiste Secondat ?-1795.
T :écriture des manchettes 1828-1835

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M : Montesquieu.
D : Bottereau-Duval_1721-1731.
H : 1741-1742.
P : Damours_1748-1750.
E : 1734-1739.
L : 1742-1744.
O : 1745-1747.
T : écriture des manchettes
JB : Jean-Baptiste_Secondat.
J : 1742.
K : 1742-1743.
F : 1743.
E2 :
I : 1743.
R : Saint-Marc_1751-1754.

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Pensées, volume I

37

[Passage à la main D] 32

{p.41} Les Grecs avoient un grand talent pour se faire valoir ; il n’y avoit rien de bien merveilleux dans la guerre contre Xerxes, ce prince fait bâtir un pont de battaux sur l’Hellespont chose peu difficile, il y fait passer son armée, les Lacedemoniens se saisissent du passage des Thermopiles ou le nombre ne pouvoit donner de l’avantage qu’a la longue, les Lacedémoniens sont exterminés, le reste des troupes grecques est battu et se retire, Xerxes passe, conquiert presque toute la Grece, tous ses avantages la[lettre biffée non déchiffrée] s’evanoüissent par la bataille qu’il perd sur mer ou il y avoit peu d’inegalité, il falut mourir de faim n’etant plus maitre de la mer, il se retire avec la plus grande partie de son armée et laisse Mardonius pour conserver ses conquêtes, le combat se donne, il est disputé, les Perses sont defaits et sont chassés de la Grece.
{p.42} Voila aux declamations prés ce qui resulte des histoires grecques[1], ce qui fait une guerre semblable a mille autres de laquelle on peut seulement conclure qu’une puissance maritime ne se detruit guere que par une autre puissance maritime superieure et que c’est une grande temerité d’exposer contre elle une armée de terre si l’on n’est pas maitre absolu de la mer.
Quant a l’histoire d’Alexandre quoique la conquête soit vraye, il n’y a point d’homme de bon sens qui ne la voye dans presque toutes les circonstances grossierement fausse. Des gens qui avoient la fureur de faire imiter a leur prince Hercule et Bacchus imaginoient des avantures qui y quadrassent. Mais le monde du tems d’Alexandre n’etoit pas fait comme du tems d’Hercule[2].

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Passage de la main M à la main D

38

33

{p.43} Les peuples de ce continent de l’Amerique qui est entre le pays espagnol et anglois[1] nous donne l’idée de ce qu’etoient les premiers hommes avant l’etablissement des grandes societés et la culture des terres.
Les peuples chasseurs sont ordinairement antropophages ils sont souvent exposés a la faim, d’ailleurs comme ils ne se nourrissent que de viande ils n’ont pas plus d’horreur pour un homme qu’ils ont pris que pour une bête qu’ils ont tuée[2].

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Main principale D

39

34

Noms grecs

Qui diroit que le stiloseratohioidien[1] soit un petit muscle qui ne sert lui dixieme[2] qu’a remuer un tres petit os, un nom si grand et si grec ne semble t’il pas {p.44} promettre un agent qui remueroit toute notre machine et je suis persuadé que quant aux vaisseaux omphalomesenteriques[3] un simple petit monosyllabe auroit pu remplir avec honneur toutes les fonctions de ce magnifique terme

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Main principale D

40

35

Ceux qui par les vertus et les connoissances qu’ils acquierent perfectionnent leur ame ressemblent a ces hommes de la fable qui perdoient tout ce qu’ils avoient de mortel en se nourrissant d’ambroisie ; mais ceux qui ne fondent l’excellence de leur etre que sur les qualités exterieures sont comme ces Titans qui croyoient etre des dieux parce qu’ils avoient de grands corps.

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Main principale D

41

36

{p.45} Voici comme il me paroit comment lqu’on a accourci les tems et comment la difference du calcul des Septante d’avec celui du texte hebreu s’est introduite[1]. Lors de la venuë de J. C. et longtems aprés il y avoit une tradition que le monde ne devoit durer que six mille ans, lorsque J. C. vint au monde on comptoit que la fin du monde etoit proche c’est a dire que les six mille ans etoient fort avancés c’est ce qui a fait parler a st Paul de l’accompli la consommation des siecles des derniers tems[2], st Barnabé suit la même idée dans l’epitre qu’on lui attribuë[3] selon Tertullien, on faisoit des premieres[4] publiques pour reculer cette fin du monde oremus etiam pro imperatoribus, pro statu sæculi, pro rerum quiete, pro morâ finis[5].
{p.46} Dans le 3e siecle comme cette fin n’arrivoit pas et que personne ne vouloit qu’elle arrivât si tôt on ne compta que cinq mille cinq cens ans et c’est la chronique de Jules africain[6].
Dans le 5e siecle il falut reculer encore personne ne voulant voir cette fin du monde, de manière qu’on ne mit plus que de cinq mille deux cens ans.
Lactance suivant le calcul de Jules africain et sur la pensée que le monde ne devoit durer que six mille ans ecrivant l’an 320. dit que le monde ne devoit durer encore que 200 ans[7]. Enfin comme le tems ne venoit pas prescrit se passoit il fallut reculer encore et ne mettre jusqu’à la venuë de J. C. que 4000 ans, et vers la fin du 7e siecle on trouve dans le {p.47} Talmud la tradition de la maison d’Helie qui porte que le monde doit durer 6000 ans, 2000 ans d’inanité[8], 2000 ans sous la loi, 2000 ans sous le messie, ce qui donne bien du tems avant que les 6000 ans ne soient finis.
On voit donc qu’a mesure que le tems depuis J. C. augmentoit il falloit que le tems avant J. C. diminuât. Remarqués que les retranchemens ont eté faits fort a l’aise parce qu’ils ont eté faits sur des tems vuides. Remarqués aussi combien cette division de la durée du monde de 2000 ans en 2000 ans est bien ajustée.
Na que c’est la lecture de l’extrait de la Deffense de l’antiquité des tems de la Bibliotheque universelle p. 104. tom. 24. fevrier an 1693 qui m’a donné occasion de produire cette idée voyes ma remarque avec une asterisque sur le racourcissement des temps elle est je croy je croy a l’ocasion de la chronologie perse ou arabe qui ou l’on met je croy Abraham et ensuite David voyes donc la dessus ou l’extrait de l’Alcoran ou de Chardin ou de Hide[9] j’ay même une remarque la dessus quelque part voyes aussi mon extrait de Justin l 36 p 65[10]. L’histoire de Joseph y est raportée avec asses d’exactitude il dit que Moise fut son fils preuve que l’ignorance de l’histoire fait plutost l’effect d’abreger les temps que de les allonger. Voyes p 209[11]

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Main principale D


37

n1.

Cf. la citation de Juvénal (« Tous les récits impudents de ces menteurs de Grecs ») dans le Catalogue, en tête d’une rubrique contenant les références des historiens grecs de l’Antiquité (p. 341) ; voir les références à Hérodote, Ctésias et Théopompe dans le Spicilège (nº 392) et ci-après les allusions aux sources de l’histoire d’Alexandre.

37

n2.

Alexandre, Hercule et Bacchus ont été comparés par Quinte-Curce (VIII) et Arrien (Anabase, IV, 3) ; voir Catalogue, nº 2772-2775 et 2767-2770 ; sur le caractère légendaire des histoires d’Alexandre, voir Pensées, nº 2178 et EL, X, 13.

38

n1.

La relation de Cavelier de La Salle sur cette région (Dernières découvertes dans l’Amérique septentrionale de M. de La Salle, Paris, J. Guignard, 1697) est mentionnée dans les Geographica (p. 374) et dans le Spicilège (nº 544 : « la relation du chr de Tonty »). Voir aussi l’article « America Septentrionalis » du dictionnaire de Baudrand (Geographia Ordine litterarum disposita, Paris, S. Michalet, 1682 – Catalogue, nº 2452).

38

n2.

Cette explication se distingue de celle des humanistes et des voyageurs de l’âge classique, pour qui la vengeance motivait l’anthropophagie (Franck Lestringant, Le Cannibale. Grandeur et décadence, Paris, Perrin, 1994). Dans son Discours sur les motifs qui doivent nous encourager aux sciences [1725], Montesquieu associait cette pratique à l’ignorance et à la négligence des sciences et des arts chez les peuples sauvages (OC, t. 8, p. 495).

39

n1.

Le muscle stylohyoïdien « prend son origine de l’extremité de l’apophise stiloïde, & va s’inserer à la corne de l’os hyoïde ; ce qui a fait que quelques-uns l’ont appellé stiloceratohyoïdien » (Pierre Dionis, L’Anatomie de l’homme, Paris, L. d’Houry, 1690, p. 464 – Catalogue, nº 1240-1241, éd. de 1708 et 1706). Rica se moquait déjà des « noms barbares » que les anatomistes donnent aux parties du corps humain (LP, 129 [135], p. 489-490).

39

n2.

Dans les ouvrages d’anatomie du temps, on dénombre dix muscles qui retiennent l’os hyoïde.

39

n3.

Artères qui permettent les échanges entre l’embryon et le cordon ombilical. Montesquieu a pu rencontrer ce terme dans des ouvrages ou leurs comptes rendus, consacrés à la génération, comme celui de Tauvry (Traité de la génération et de la nourriture du fœtus, Paris, B. Girin, 1700) ; voir nº 16.

41

n1.

Montesquieu démarque ici en partie le compte rendu de la Défense de l’antiquité des temps du père Pezron (Paris, J. Boudot, 1691) paru dans la Bibliothèque universelle et historique de Jean Le Clerc (vol. 24, février 1693, p. 103-151 – Catalogue, nº 2569). La chronologie « rétablie » du père Pezron consistait à suivre la version des Septante contre celle du texte hébreu et de la Vulgate, pour calculer le temps avant Jésus-Christ. Selon Pezron, les juifs modernes avaient raccourci ce temps d’environ quinze cents ans pour prétendre que le Messie n’avait point paru parce que son temps n’était pas arrivé. Pour défendre le christianisme et pour établir la religion chez les Orientaux, en particulier chez les Chinois, par une chronologie qui puisse cadrer avec les antiquités de ces nations, Pezron jugeait ce rétablissement indispensable (L’Antiquité des temps rétablie et défendue contre les juifs et les nouveaux chronologistes, Paris, A. Lambin, 1687, avertissement non paginé – Catalogue, nº 2654). La crainte de la fin du monde chez les premiers chrétiens prouve, selon Pezron, que ceux-ci et les anciens juifs ont compté six mille ans ou cinq mille cinq cents ans jusqu’à la venue du Messie, comme les Septante. Cette crainte, dont il donne plusieurs témoignages, accrédite donc sa chronologie. Montesquieu y voit la raison pour laquelle on a cherché par la suite à raccourcir le temps compté depuis Jésus-Christ de six mille à quatre mille ans. À la mauvaise foi des juifs, alléguée par Pezron pour expliquer le « raccourcissement des temps », il substitue la nécessité où étaient les premiers chrétiens d’expliquer le maintien du monde après six mille ans.

41

n2.

Hébreux, IX, 26. Montesquieu reprend les termes de la Bibliothèque universelle et historique de Jean Leclerc (vol. 24, février 1693, p. 107), résumant le commentaire du verset par Pezron (Défense de l’antiquité des temps, Paris, J. Boudot, 1691, p. 7).

41

n3.

Barnabé, Épître, 15, 4b-c. Sur ces lignes et celles qui suivent, cf. Bibliothèque universelle et historique, vol. 24, février 1693, p. 107-115.

41

n4.

Lire : prières.

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n5.

« Nous prions aussi pour les empereurs, pour l’état présent du siècle, pour la paix du monde, pour l’ajournement de la fin » (Tertullien, Apologétique, J.-P. Waltzing (éd. et trad.), Paris, Les Belles Lettres, 1929, p. 82). Le texte original de Tertullien, comme la citation du compte rendu de la Bibliothèque universelle et historique (vol. 24, février 1693, p. 108), donne oramus (XXXIX, 2 – Catalogue, nº 382-384).

41

n6.

Jules Africain est l’auteur d’une Chronographie mentionnée par Eusèbe de Césarée dans son Histoire ecclésiastique (VI, 31, 2 – Catalogue, nº 204-206 et 208).

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n7.

Lactance, Institutions divines, VII, 25 – Catalogue, nº 357.

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n8.

Le temps d’inanité désigne dans la Tradition juive les années du monde écoulées depuis la création jusqu’à la loi de Moïse (Paul Pezron, Défense de l’antiquité des temps, Paris, J. Boudot, 1691, chap. II, § IV).

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n9.

L’Alcoran de Mahomet dans la version de Du Ryer (1re éd. 1647 – Catalogue, nº 585) ; Jean Chardin, Journal du voyage du chevalier Chardin en Perse et aux Indes orientales (Lyon, T. Amaulry, 1687 – Catalogue, nº 2738 et nº 2739 pour l’édition d’Amsterdam, [J.-L. de Lorme], 1711) ; Thomas Hyde, Historia religionis veterum Persarum eorumque majorum (Londres, 1700). Montesquieu a fait des extraits, aujourd’hui perdus, des trois ouvrages qui pouvaient le renseigner sur les chronologies perse et arabe (voir CM, nº 7, 2001, p. 283 ; Spicilège, nº 402 ; Geographica, p. 415).

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n10.

Justin, Histoire universelle, 36, 2 (Catalogue, nº 2845-2846) ; extrait perdu (Pensées, nº 102 et 139).

41

n11.

Nº 206 (p. 208 du manuscrit).