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Pensées 45 à 49

M :Montesquieu 1726/1727-1755.
D :Bottereau-Duval 1718-1731.
E :1734-1739.
U :1739.
H :1741-1742.
J :1742.
K :1742-1743.
F :1743.
I :1743.
L :1743-1744.
O :1745-1747.
P :Damours 1748-1750.
Q :1750-1751.
R :Saint-Marc 1751-1754.
S :1754-1755.
V :1754.
JB :Jean-Baptiste Secondat ?-1795.
T :écriture des manchettes 1828-1835

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M : Montesquieu.
D : Bottereau-Duval_1721-1731.
H : 1741-1742.
P : Damours_1748-1750.
E : 1734-1739.
L : 1742-1744.
O : 1745-1747.
T : écriture des manchettes
JB : Jean-Baptiste_Secondat.
J : 1742.
K : 1742-1743.
F : 1743.
E2 :
I : 1743.
R : Saint-Marc_1751-1754.

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Pensées, volume I

45

40

{p.50} Les richesses consistent en fonds

Mis dans les loix

de terre ou en effets mobiliers[1] ; les fonds de terre sont ordinairement possedés par les regnicoles[2], chaque etat ayant des loix qui degoutent les etrangers de l’acquisition de ses terres, ainsi ces sortes de richesses appartiennent a chaque etat en particulier : pour les effets mobiliers tels que sont l’argent, les billets lettres de change ou actions sur les compagnies toutes les ces marchandises ils sont en commun au monde entier qui par ce raport ne compose qu’un etat dont les autres etats sont les membres ; l’etat qui possede le plus de ces effets mobiliers du monde est le plus riche ; la Hollande et l’Angleterre en ont une immense quantité ; chaque {p.51} etat en acquiert par ses denrées, par le travail de ses ouvriers, par son industrie, par ces ses decouvertes, par le hazard même, et l’avarice des nations se dispute les meubles[3] de l’univers ; il se peut trouver un etat si malheureux que non seulement il sera privé de tous les effets des tou autres etats, mais aussi de presque tous les siens mêmes, de maniere que les proprietaires des fonds de terre ne seront que les colomnes[4] des etrangers. Cet etat sera miserable manquant de tout et etant privé de tous les moyens pour acquerir : il peut arriver quelquefois que des etats ou le commerce fleurit voyent pour quelque tems leur argent s’evanoüir ; mais il revient aussi tôt, parce que les pays qui par quelque raison d’interêt l’ont pris le doivent et sont obligés de le rendre. {p.52} Mais dans les pays dont nous parlons l’argent ne revient jamais parce que ceux qui le prennent ne leur doivent rien.

- - - - -

Main principale D

46

[Passage à la main M] 41

Il ne faut pas s’estoner que touttes les relligions fausses ayent toujours eu quelque chose de bas et d’a puerille ou d’absurde il y a cette difference entre les relligions et les sciences humeines que les relligions viennent du peuple de la premiere main et passent de la aux gens eclairés qui les redigent en sistheme au lieu que les sciences naissent chez les gens eclaires d’ou elles se peuvent rependre dans le peuple.

- - - - -

Passage de la main D à la main M

47

42

Annuyeux il y en a de bien des especes les uns sont si uniformes dans leurs {p.53} conversations qui[1] rien n’en sort jamais d’autres sont si paresseux qu’ils laissent tomber tout. En vain on se fatigue a faire revivre la conversation on leur jette des propos, ils les abandonent touts.
D’autres nous font aller dans le vide trahunt per inania[2].

- - - - -

Main principale M

48

43

Il estoit permis a Rome

J’ay mis cela dans ce que j’ay fait sur la rep. romaine

a tout le monde d’accuser ceux qui estoint soubconnés de vouloir opprimer la liberté de la republique mais come toutes ces accusations ne produisoint que des debats elles ne faisoint qu’augmenter la division armer les principales familles les unes contre les autres et les remedes {p.54} contre les factions naissantes estoint bien longs puis qu’on n’avoit recours qu’aux harangues[1]. A Venise au contraire le Conseil des dix etouffe non pas seulement les factions mais les inquietudes.
C’est une grande prudence que celle des Venitiens de ne reunir jamais dans une meme persone les honneurs et la puissance.[2]

- - - - -

Main principale M

49

Annibal par une trop longue guerre aguerrit les Romains il se pressa trop d’attaquer Sagonte il falloit auparavant confirmer sa puissance en Espagne : Rome qui avoit seule une guerre continuele veinquit toutses les peuples les uns apres republiques les unes apres les autres[1] elle elle elle veinquit ensuitte les roix par le secours des roix Philipe avec le secours d’Attale et Anthiochus avec le secours d’Attale et de Philipe.

- - - - -

Main principale M


45

n1.

Ce passage constitue le noyau central du chapitre 23 du livre XX de L’Esprit des lois.

45

n2.

« […] Se dit de tous les habitants naturels d’un Royaume, par rapport aux privilèges dont ils sont en droit de jouir […] » (Académie, 1718, art. « Regnicoles »), terme remplacé dans L’Esprit des lois par celui d’« habitans » (EL, XX, 23).

45

n3.

Au sens de : biens meubles.

45

n4.

Le mot sera corrigé en « colons » par le secrétaire L dans le manuscrit de L’Esprit des lois (OC, t. 4, p. 515, l. 26). Le terme, au sens de « celui qui cultive une terre » n’est pas attesté dans les dictionnaires avant 1762 (Académie), sinon dans l’article « Métayer » de celui de Ménage (Dictionnaire étymologique, Paris, J. Anisson, 1694). Dans l’Empire romain et au Moyen Âge, le colon est esclave, non du maître, mais de la terre qu’il doit cultiver à perpétuité, lui et sa descendance (Derathé, t. I, p. 489-490, note 4).

47

n1.

Lire : que.

47

n2.

Traduction latine de « font aller dans le vide ».

48

n1.

Article prolongeant la réflexion sur la liberté politique et les factions (nº 32). Selon un passage biffé du manuscrit de L’Esprit des lois, la possibilité, à propos de la Constitution anglaise, que les représentants du peuple accusent devant ceux des nobles, évite de recourir à une institution rigoureuse comme le Conseil des Dix de Venise pour révéler et punir les atteintes aux droits du peuple (OC, t. 3, p. 236, l. 260-261).

48

n2.

Le Conseil des Dix, créé au XVIe siècle pour réprimer les complots et la corruption, enquêtait grâce à des informateurs et à des dénonciations secrètes qui étaient suivies de procès dont les sentences étaient en principe rapidement exécutées. Amelot de La Houssaye, source essentielle de Montesquieu sur Venise (Pensées, nº 751), évoque son extrême rigueur mais n’en fait pas moins un ressort essentiel de la liberté commune dans le gouvernement de la Sérénissime, sans lequel la division et le désordre conduiraient l’État à sa ruine (Histoire du gouvernement de Venise, Paris, F. Léonard, 1677, 2nde partie, « Du Conseil des Dix », p. 304 et suiv. – Catalogue, nº 3084).

49

n1.

Cf. Romains, chapitre VI. Puissance conquérante unie, Rome utilise les divisions de ses ennemis pour mieux les soumettre (ibid., p. 130-136). Machiavel remarquait que « Rome n’eut jamais deux puissantes guerres à soutenir en même temps » (Discours politiques sur les décades de Tite-Live, N. Amelot de La Houssaye (trad.), Amsterdam, H. Desbordes, 1692, II, 1 – Catalogue, nº 2400) ; cf. nº 440.