| M : | Montesquieu 1726/1727-1755. |
| D : | Bottereau-Duval 1718-1731. |
| E : | 1734-1739. |
| U : | 1739. |
| H : | 1741-1742. |
| J : | 1742. |
| K : | 1742-1743. |
| F : | 1743. |
| I : | 1743. |
| L : | 1743-1744. |
| O : | 1745-1747. |
| P : | Damours 1748-1750. |
| Q : | 1750-1751. |
| R : | Saint-Marc 1751-1754. |
| S : | 1754-1755. |
| V : | 1754. |
| JB : | Jean-Baptiste Secondat ?-1795. |
| T : | écriture des manchettes 1828-1835 |
| M : | Montesquieu. |
| D : | Bottereau-Duval_1721-1731. |
| H : | 1741-1742. |
| P : | Damours_1748-1750. |
| E : | 1734-1739. |
| L : | 1742-1744. |
| O : | 1745-1747. |
| T : |
écriture des manchettes |
| JB : | Jean-Baptiste_Secondat. |
| J : | 1742. |
| K : | 1742-1743. |
| F : | 1743. |
| E2 : | |
| I : | 1743. |
| R : | Saint-Marc_1751-1754. |
Pensées, volume II
1059
{f.62r} Il y avoit dans Paris un casuiste
Portrait d’un casuiste
Car Il se regardoit come un home public il estoit d’un acces facile et tout le monde estoit content de lui
Il se tenoit dans un grand cabinet il avoit au devant de lui un bureau et aux deux cotés en ligne parallelle deux grandes rangées de livres, d’un coté estoint plasses en un bel ordre touts les casuistes doux et benins et de l’autre les casuistes qui affligent le coeur et sont en perpetuele contradiction avec les pecheurs.
La porte estoit vis a vis de son bureau et il voyoit venir de loin ceux qui venoint le consulter et on remarqua et il examinoint leur air et leur contenance et etudioït la situation de leur cœur {f.62v} car ayant a leur servir des mets differents il vouloit en trouver qui fussent de leur gout, quand un home venoit avec un air posé des regarts fixes et un peu tristes, et une grande regularite dans les habits il se tournoit a droit du coté des theologiens severes et les servoit a son plaisir mais si un home du monde un abé une femme coquete venoint a lui il se tournoit du coté des theologiens relaches et les servoit encor a leur fantaisie il faisoit pleuvoir la mane du desert :
Ce metier n’estoit pas sans inconvenients {f.63r} il tomba un jour dans un embarras epouventable un home si equivoque vint a lui qu’il lui fut impossible de le demêsler en le saluant et lui faisant des complimens son embarras parut si bien qu’il se et lors qu’on exposa la question il se tourna vingt fois tantost a droit tantost a gauche ; prit un autheur et son antagoniste, enfin il estoit si troublé qu’il remit un Escobar[2] dans la loge de sainte Beuve[3] et une morale de Grenoble[4]entre deux thomes tout près de Sanches[5]. Votre question est difficile dit pour lors le casuiste tout hors de lui, coment difficile mon pere dit le consultant ; est ce que l’on peut se dispenser de me payer les intérêts ? ah vous {f.63v} avés raison dit il, je n’estois pas faché de voir ce que vous pensiés vous meme mais vous avés le discernement juste et si vous en doutiés pour lors il fit descendre une foule de casuistes l’un apres l’autre et accabla le consultant de passages et d’authorités :
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Main principale M |
1060 Je te proteste par la divinité que j’adore, tu conois mon idolatrie :
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Main principale M |
1061 Il est bien sur que l’amour a un caractere different de l’amitié celle cy n’a jamais envoyé un home aux petites maisons[1] :
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Main principale M |
1062
{f.64r} On me demendoit pourquoy on n’avoit plus de gout pour les ouvrages de Corneille Racine &c. je repondis c’est que l’on n’en a guere pour ne peut plus souffrir les choses pour lesquelles il faut de l’esprit cela est devenu ridicule et on s’y s’est tellement livré a cette façon de penser qu’on n’a plus de gout pour rien il est averé que l’on toutes les choses pour lesquelles il faut de l’esprit sont devenues ridicules et l’on le mal est plus general on ne peut plus souffrir les choses aucune des choses qui ont un object determiné, les gens de guerre ne peuvent souffrir la guerre les gens de cabinet le cabinet [trois mots biffés non déchiffrés] ainsi des autres choses on ne conoit que les objets generaux ce qui et dans la pratique cela se reduit a rien c’est le comerce des femmes qui nous a menés la car c’est leur l’esprit et leur caractere de n’estre attachées a rien de fixe aussi nous somes nous devenus come elles il n’y a plus qu’un sexe et et si une nous somes touts femmes par l’esprit et si une nuit nous changions de visage on ne s’apercevroit pas que du reste il y eut de changement quoy que les femmes eussent a passer dans touts les emplois que la societe donne et que les homes dans fussent privés de touts ceux que la societe peut otter a un autre sexe que le leur : aucun sexe ne seroit embarrassé
Voyez la p 34 |
Main principale M |
1063
{f.64v} Il n’est pas estonant que Pompée et Caesar fussent jaloux l’un de l’autre chacun de ces premiers homes du monde ne pouvoint avoir de superieur que l’autre : mais nous pourquoy serions nous jaloux de quelqu’un que nous importe qu’il soit au dessus de nous ou non, puis que tant d’autres y sont déjà ?
Jalousie - - - - - |
Main principale M |
1059 |
n1. |
Sur la satire des casuistes, voir LP, 55 (57). |
1059 |
n2. |
Le père Antonio de Escobar y Mendoza (1589-1669), casuiste espagnol, auteur de la Summa theologiæ moralis dont Montesquieu possédait l’édition lyonnaise de 1659 (Liber theologiae moralis viginti et quatuor Societatis Jesu doctoribus reseratus, Lyon, P. Borde, L. Arnaud et C. Rigaud, 1659 – Catalogue, nº 404). Voir LP, 137 (143), p. 525. |
1059 |
n3. |
Jacques de Sainte-Beuve (1613-1677), théologien français influencé par le jansénisme, auteur des Résolutions de plusieurs cas de conscience touchant la morale et la discipline de l’Église (Paris, G. Desprez, 1689-1704, 3 vol.). |
1059 |
n4. |
La Théologie morale, ou Résolutions des cas de conscience selon l’Écriture sainte, les canons et les saints Pères de François Genet (Paris, A. Pralard, 1676) fut composée à la demande de l’archevêque de Grenoble, Le Camus, en 1670. Son succès dans les séminaires manifeste une réaction rigoriste contre un enseignement clérical trop indulgent ; voir J. R. Pollock, François Genet, the Man and his Methodology, Rome, Università Gregoriana Editrice, 1984. |
1059 |
n5. |
Thomas Sanchez, casuiste espagnol (1550-1610), auteur du Disputationum de sancto matrimonii sacramento (Madrid, L. Sanchez, 1605). Voir LP, 137 (143), p. 526. |
1061 |
n1. |
Voir nº 872, note 2. |