L’édition électronique
Pourquoi les Pensées ?
Montesquieu, soucieux de réunir par des voies très diverses, une somme d’informations qui alimentent sa réflexion, a constitué, une trentaine d’années durant, un recueil manuscrit en trois volumes dans lequel il a consigné librement des notes provenant de ses lectures, de ses rencontres, de ses expériences, de ses conversations avec des tiers : les Pensées, cahiers qui accompagnent la rédaction de ses œuvres. L’une des fonctions du recueil est de placer en attente des remarques diverses qui ont été ensuite utilisées dans des œuvres imprimées ou qui, au contraire, n’ont pas trouvé d’utilisation. Les écritures des secrétaires de Montesquieu permettent de déterminer les périodes de consignation des divers fragments dans ce recueil et apportent des informations essentielles sur la chronologie de sa documentation et l’élaboration de ses ouvrages.
Cette édition électronique des Pensées de Montesquieu place en vis-à-vis l’image du manuscrit et une nouvelle transcription offrant un déchiffrement plus complet des parties biffées ou abîmées grâce à un travail sur les images numériques, enrichie d’informations sur les écritures. Elle constitue donc un instrument irremplaçable pour comprendre la chronologie du recueil, véritable « laboratoire de l’œuvre ».
Les enjeux du numérique
Le projet d’une édition électronique des Pensées de Montesquieu est né des possibilités offertes par :
- la numérisation de documents fragiles, parfois difficilement lisibles, dont la digitalisation en haute définition facilite l’exploration qui n’est plus contrainte par le souci de préservation,
- le caractère dynamique et évolutif de l’édition savante en ligne plus adaptée que l’édition papier aux caractéristiques du corpus à traiter.
L’accès du public au document manuscrit n’est pas une fin en soi et requiert un travail de présentation, d’explication et de valorisation. Les images numérisées de manuscrits demeurent difficiles à exploiter pour des non-spécialistes. Le statut des diverses inscriptions qui figurent sur l’espace de la page nécessite une interprétation qui est l’objet d’un travail éditorial scientifique.
Cette édition en ligne met en relation le texte et l’image pour donner accès aux spécificités du manuscrit.
Les caractéristiques du manuscrit rendent la consultation de l’original particulièrement nécessaire à la compréhension de tout ce que ce recueil peut nous apprendre sur la genèse des œuvres publiées, sur les projets et les ébauches non abouties qu’il est possible d’inventorier et de dater.
L’édition en ligne permet ainsi l’étude du manuscrit par la mise à disposition à l’écran des informations nécessaires à l’interprétation.
L’identification des écritures est un moyen de préciser les étapes de l’information, de la culture, de la pensée de Montesquieu.
L’examen attentif et renouvelé du manuscrit est donc le point de départ indispensable d’une réflexion rigoureuse, en rupture avec une utilisation abusive de fragments non datés.
L’édition électronique des Pensées a été conçue à partir du choix d’une DTD (Définition de Type de Document) préexistante, la TEI (Text Encoding Initiative) :
Cette DTD est particulièrement adaptée à un type de manuscrit qui n’est ni l’avant-texte d’auteur, objet de la génétique proprement dite des textes modernes, ni la source diplomatique éditée par les chartistes. La nature même du document implique un travail d’édition critique qui vise à fournir un texte intelligible directement utilisable par le lecteur, tout en y associant une série d’informations éclairant le texte et son contexte.
Le caractère hétérogène et fragmentaire du texte requiert des notes explicatives en nombre et en volume suffisant pour éclairer le lecteur. Ce recueil a été constitué sur une période de trente ans, enregistrant les événements divers de l’actualité contemporaine, les expériences et les lectures variées de l’auteur. Pour des ouvrages unifiés sur le plan thématique et argumentatif, une introduction peut fournir un ensemble de connaissances aidant à la compréhension des enjeux du texte édité. Mais un recueil hétérogène comme celui des Pensées exige une annotation donnant accès à la compréhension de chaque développement, si nécessaire.
L’édition électronique a permis de concevoir cette annotation, réalisée par une équipe interdisciplinaire et internationale, sur des critères visant à fournir des informations indispensables. Compte tenu des spécificités de ce recueil, une édition papier, limitant drastiquement le volume de l’annotation, ne permettait pas de répondre à l’un des enjeux de l’édition savante qui est de faciliter la compréhension du texte édité par une meilleure connaissance du contexte.
L’exploration du corpus des Pensées est facilitée par plusieurs index.
Enfin, l’édition électronique permet de concilier la production et la diffusion d’un texte stable avec la facilité d’éditer une nouvelle version intégrant des errata.
La TEI et les choix d’encodage
L’enrichissement de la transcription a été conçu en utilisant le format XML (eXtensible Markup Language), une DTD (Définition de Type de Document) et un balisage suivant les directives du consortium TEI (Text Encoding Initiative), selon la version P5.
http://www.tei-c.org/Guidelines/P5/get_p5.xml
Les choix de l’encodage ont été guidés par la recherche de la simplicité, l’économie de moyens et la meilleure adaptation aux spécificités de ce manuscrit qui est un état unique corrigé, avec suppressions et additions, ce qui ne correspond pas aux dossiers plus complexes traités dans le cadre de la génétique textuelle appliquée aux œuvres des XIXe et XXe siècles.
Les principaux éléments utilisés sont : <div>, <pb>, <p>, <add>, <del>, <sic>, <corr>, <note>, <handNotes>, <handNote>, <handShift>, <ref>, <bibl>, <title>, <author>, <index>.
Divisions du document
Les divisions originales du support matériel (volume, page ou folio, paragraphe) sont encodées pour la mise en relation texte / image, ainsi que la numérotation Desgraves des fragments, utilisée par commodité. L’élément <div> est alors utilisé avec un attribut xml:id dont la valeur est définie à partir du numéro conventionnel :
Ex :
<div xml:id="pn125">.
Marquage des corrections
Le balisage des corrections est conçu comme une aide à la lecture du manuscrit en mode image, grâce au repérage des parties biffées (<del>) et des parties ajoutées (<add>), et à la possibilité, dans la version diffusée sur le web, de masquer les portions de texte supprimées et de lire ainsi la version finale voulue par l’auteur.
Identification des scripteurs
L’identification des mains est encodée par les attributs xml:id et scribe des éléments <handNote> (correspondant aux différentes mains) compris dans l’élément <handNotes>. Cet encodage permet de dater un élément de texte, parfois très postérieur au fragment dans lequel il s’insère. On utilise alors l'attribut hand de l'élément <add>. Un changement de main est signalé par l'élément <handShift> complété par l'attribut new.
Ex :
<handShift new="#D" />
Notes marginales
Pour les portions de texte en marge, qui remplissent des fonctions diverses (commentaires, explications, additions, renvois, directives ou notes de régie), les éléments utilisés sont <note> et <add> auquel on associe l’attribut place (<add place="en marge">).
Ex :
<note><add hand="#M" place="en marge">Mis cela</add></note>
Renvois internes
L’élément <ref> marque un renvoi interne et l’attribut target précise le numéro visé.
Ex :
<ref target="pn469">p 397</ref>
Index et encodage des références bibliographiques
Les index (noms de personnages, noms de lieux) sont générés par l’élément <index> auquel on associe l’attribut indexName et les types « Lieu » ou « Personnage ».
Ex :
<index indexName="Lieu"><term>Espagne</term></index>
<index indexName="Personnage"><term>Mazarin, Hortense Mancini, duchesse de</term></index>
Les références bibliographiques sont encodées avec l’élément <bibl> qui peut inclure les éléments <author> et <title>.
Ex :
<bibl><author>Athenée</author></bibl>
<bibl><title>De iis quæ falso creduntur</title></bibl>