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Les Pensées dans l'œuvre de Montesquieu | Le manuscrit | Citer les Introductions

Recueils et extraits

L’extrait de lecture

De la citation au jugement personnel

La pratique des recueils

De la compilation à la création

Réflexions ou pensées ?

Du fragment à la maxime

Démonstration et conversation

Projets, ébauches, matériaux de l’œuvre

L’enseignement des titres dans les Pensées

Des projets aux œuvres

Histoire de la constitution du recueil

Dater les premiers articles du recueil

Avant et pendant les voyages (1726/1727-mai 1731)

Du retour des voyages aux Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence (1731-1734)

Entre la parution des Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence (1734) et celle de L’Esprit des lois (1748)

Après L’Esprit des lois (1749-1754/1755)

Les traces de l’expérience viatique

Bibliographie des études concernant les Pensées

Traductions

Les Pensées dans l’œuvre de Montesquieu

Recueils et extraits

un chercheur érudit

Source : Octave Uzanne, Le Livre, Paris, A. Quantin, 1880 – Auteur : A. Canella (?)

L’érudition de Montesquieu et son accumulation d’une ample documentation s’inscrivent dans une tradition parlementaire. Comme juriste, Montesquieu est porté à consulter et à interpréter les documents qui constituaient le droit d’Ancien Régime, très hétérogène (droit romain, coutumes), et ceux qui justifiaient le rôle des parlementaires par un renvoi aux sources des institutions de la monarchie. L’alliance du droit et de l’érudition historique avait donné lieu au XVIIe siècle à la constitution, dans le milieu robin, de dépôts privés de manuscrits et à de véritables ateliers de copistes à des fins de reproduction, d’inventaire et d’analyse1. Plus généralement, comme tous ceux qui, à son époque, clercs ou laïcs, veulent traiter la documentation dont ils nourrissent leurs écrits, Montesquieu lit la plume à la main et a recours au travail de secrétaires. L’accès au livre, même pour des élites cultivées, est loin d’être aussi facile qu’aujourd’hui. Aussi faut-il conserver dans des notes et des recueils ce qu’on aura tiré de ses lectures et se constituer ainsi des sortes de bibliothèques portables2.

L’extrait de lecture

Héritier d’un art de l’extrait qui existe depuis l’Antiquité, Montesquieu accumule les notes de lecture. Certains de ces extraits et recueils d’extraits nous sont parvenus, comme le deuxième tome des Geographica3, qui contient les notes recueillies à la lecture de relations de voyage. D’autres se devinent par les titres dont le manuscrit des Pensées a conservé la trace : extraits d’ouvrages particuliers ou d’ensembles d’ouvrages d’un même domaine du savoir : Mythologica et antiquitates, Politica4. Catherine Volpilhac-Auger a dressé la liste des extraits mentionnés dans les Pensées et a étudié les traces de la méthode de travail de Montesquieu utilisée ailleurs et reprise dans le recueil5. Si les Pensées se distinguent des extraits, la place de cette pratique de lecture doit être prise en compte dans l’interprétation des fragments qui composent les trois volumes du recueil. En particulier, il convient de distinguer les énoncés empruntés et plus ou moins reformulés des assertions produites par Montesquieu lui-même.

De la citation au jugement personnel

Montesquieu distingue, comme il le signale dans le Spicilège (no 1), les énoncés qu’il compile à partir de ses lectures et les « refflections de [sa] façon », qu’il signale par un astérisque6.

folio 1v

Pensées, vol. II, f. 1v, nos 863, 864, 865.

Au f. 1v du deuxième volume des Pensées (nos 863, 864, 865), par exemple, il commente des éléments de son extrait de Lilius Giraldus (l’Italien Lilio Gregorio Giraldi).
Derrière l’astérisque, Montesquieu se détache de sa source :

L’astérisque introduit donc les « refflections » à partir de l’extrait (voir « De la compilation à la création ») :

Voyes au 2d vol Juridica dans mon extrait de Vitriarius mon asterisque qui contient mes refflections sur la question si le dictateur a Rome avoit la puissance souvereine ou non […] (no 2055).

La mention des extraits et les astérisques permettent de repérer ce qui relève de la documentation nourrie de la pratique de l’extrait de lecture et ce qui relève de l’orientation personnelle de la réflexion, voire de la distance critique que Montesquieu instaure avec ses sources.

Les marques d’autocitation, spécifiques du recueil des Pensées, remplissent une fonction similaire à celle de l’astérisque : le verbe déclaratif introducteur à la première personne du singulier (« je disais », « je dis », ou en anglais « I said »), procédé récurrent, permet de distinguer les propos de l’auteur de la citation d’autrui ; c’est un marquage de source et l’indice du contexte dans lequel s’est exprimée la réflexion7. Si la réflexion personnelle est marginale dans le Spicilège, le recueil des Pensées en assure au contraire la promotion8. L’insertion, dans les œuvres publiées, de nombreuses « refflections » reprises intégralement, réorientées ou reformulées en est l’évidente manifestation (voir « De la compilation à la création »).

La pratique des recueils

Parallèlement aux extraits et aux fiches de travail ou « bulletins » qui y prélèvent des éléments pour alimenter un dossier en cours9, Montesquieu a donc constitué des recueils dans lesquels il consigne librement toutes sortes d’informations provenant de ses lectures, de ses rencontres, de ses expériences, de ses conversations avec des tiers : c’est le cas du Spicilège et des Pensées. Il s’inscrit ainsi dans une tradition ancienne, celle des recueils de lieux communs, pratiquée dès l’Antiquité10. Collection de citations extraites d'ouvrages faisant autorité, destinée à conserver ce qui a été lu pour une utilisation ultérieure, le recueil de lieux communs associe étroitement lecture, discours et écriture en ce qu’il vise à nourrir l'argumentation. La constitution de compilations personnelles et la lecture de recueils imprimés à fonction rhétorique ont joué un rôle dans la formation des juristes à partir du XVIe siècle. La présence de tels ouvrages dans le Catalogue de la bibliothèque de La Brède témoigne de l’importance de cette tradition. Elle suit à la fin du XVIIe siècle une direction plus systématique et orientée vers des savoirs nouveaux. Formé chez les oratoriens de Juilly, Montesquieu était encouragé à constituer lui-même ses recueils et à dédaigner les compilations imprimées, comme le conseillait le père Lamy11. Il ne suit pas cependant la méthode systématisée de Locke, qui fait du recueil un instrument suivant l’ordre alphabétique et visant avant tout à classer l’information pour la retrouver facilement12. Dans le Spicilège et dans les Pensées, Montesquieu accumule de façon aléatoire un ensemble de remarques et d’informations marquées par l’hétérogénéité, la variété et la discontinuité. Ce caractère non systématique le conduit parfois à hésiter sur l’utilisation de l’un ou l’autre recueil (Spicilège, no 298, et Pensées, no 138 ; Spicilège, no 511, et Pensées, no 450, etc.), à répéter dans les Pensées, avec parfois des variantes, le même énoncé, à quelques pages de distance et à biffer l’un des deux (p. ex. nos 111 et 171, 77 et 280, 809 et 826, etc.). Mais cette reprise est aussi une façon de corriger la formulation, d’orienter la réflexion dans un sens différent, comme l’a souligné Louis Desgraves à propos de « l’allégorie des poissons » (nos 434, 828, 874, 943) ou de la transformation de tel passage des Pensées réutilisé dans L’Esprit des lois ou dans les Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence13. La place de l’association d’idées, du hasard, du fragmentaire et des effets induits par la réutilisation de matériaux dans des contextes différents est une des spécificités du recueil des Pensées qui constitue un espace intermédiaire entre la source et l’ouvrage destiné au public et participe au processus de création (voir « De la compilation à la création »).

De la compilation à la création

Le recueil des Pensées offre l’exemple d’une relation étroite entre la collection d’extraits et de citations, l’énonciation de formules frappantes et la production d’une écriture discontinue. Contrairement aux moralistes comme La Rochefoucauld et La Bruyère, Montesquieu ne publie pas de recueils de pensées détachées. Celles-ci sont placées dans un espace intermédiaire, dans lequel il essaie ses formules, accumule des preuves ; c’est dans l’environnement d’un ouvrage composé, que ses pensées ou réflexions, réutilisées dans un projet argumentatif d’ampleur, pourront recevoir une autorité et un auteur, qui va répondre de leur valeur de vérité.

Réflexions ou pensées ?

Si la citation et l’apport exogène de formules écrites et orales jouent un rôle certain dans les Pensées, on ne peut réduire le recueil à un instrument de documentation. Montesquieu désigne son recueil tantôt par le titre « Mes pensées » qui figure dans les renvois internes des trois volumes (nos 690, 1003, 1816) et sur le dos de la reliure du tome II, tantôt par celui de « Refflections », selon ce qui suit la copie de morceaux des Lettres persanes (no 1620) et l’introduction à son troisième volume (no 1631bis)14.

Le fragment qui ouvre le recueil et en exprime l’intention première suggère que Montesquieu emploie indifféremment les deux termes :

Quelques refflections ou pensées detachées que je n’ay pas mises dans mes ouvrages (no 1).

La réflexion signale un discours personnel. Le terme est utilisé dans le Spicilège (no 1) par opposition aux énoncés compilés. C’est aussi le sens que lui donne l’auteur au début des Pensées, à propos des fables orientales :

[…] un Locman un Pilpay un Esope les ont compilles [les fables], ils peuvent meme y avoir ajouté des refflections car je ne scay chose au monde sur laquelle un home mediocrement moral ne puisse faire des speculations (nº 18).

La réflexion est le travail personnel de la pensée à partir d’une information, source livresque, expérience, conversation, observation, etc., dont l’état définitif sera éventuellement inséré dans un ouvrage, comme les « refflections » à partir de l’ouvrage de Louis Legendre, Mœurs et coutumes des François dans les differens tems de la monarchie françoise (Paris, 1712), mentionné dans le deuxième volume des Pensées (no 1540), dont une partie passera dans L’Esprit des lois.

Les pensées détachées renvoient à des énoncés qui ne sont pas insérés dans un ensemble marqué par l’unité sémantique et argumentative, mais se succèdent dans une relation de discontinuité. Synonyme de réflexion (Académie, 1718, art. « Reflexion »), la pensée peut aussi désigner « quelque belle parole […], dit notable d’un homme d’autorité » (Furetière, 1690, art. « Pensée »). Les deux mots réfèrent à des opérations de l’esprit et aux productions écrites issues de ces opérations. C’est pourquoi les Réflexions ou Pensées sont, à l’époque de Montesquieu, des titres possibles d’ouvrages, par référence en particulier aux Réflexions morales de La Rochefoucauld et aux Pensées de Pascal (voir ibid., art. « Reflexion » et « Pensée »).

Le choix de ces termes pour désigner le recueil, éclaire les intentions de l’auteur :
Il s’agit de développer, à partir d’une documentation hétérogène, mais en s’en distanciant, un espace de méditation personnelle et d’expression stylistique dont le résultat pourra être inséré éventuellement dans des ouvrages destinés à la publication.

Cette fonction d’espace intermédiaire du recueil15, entre la documentation, la réflexion personnelle et l’écrit diffusé auprès d’un public, apparaît au début du premier volume, après le premier énoncé cité plus haut :

Ce sont des idées que je n’ay point aprofondies et que je garde pour y penser dans l’occasion.
Je me garderay bien de repondre de toutes [les] pensées qui sont icy je n'ay mis la la plus part que parce que je n'ay pas eu le temps de les refflechir et j'i penseray quand j'en feray usage (nos 2-3).

Le mot pensée répond bien à ce statut provisoire. Il est en effet employé dans le domaine des Beaux-Arts à l’époque, pour renvoyer à « la première idée, l’esquisse, le dessein qui n’est pas encore arresté, qui n’est pas fini » (Académie, 1718, art. « Pensée »).

Si Montesquieu constitue un cahier de travail accumulant des matériaux pour ses œuvres, la forme de nombre d’articles qui constituent le recueil, surtout dans les deux premiers volumes, révèle une recherche stylistique qui distingue les Pensées d’un simple amas de notes. Montesquieu s’y inscrit fréquemment dans la tradition d’écriture des formes brèves.

Du fragment à la maxime

Le recueil des Pensées révèle le goût de Montesquieu pour les fragments, morceaux arrachés à l’oubli, dont il rêve de faire des collections. Il mentionne Nonius, Athénée, Plutarque, Photius, qui ont gardé la trace d’ouvrages disparus (nos 101, 773). Le fragment éveille la curiosité et il a souvent été conservé pour sa forme condensée, pleine de sens, qui justifiait la citation, raison de sa survie. À ce goût pour l’exhumation de sources rares et de traces d’autant plus suggestives qu’elles sont presque effacées, s’ajoute une pratique de l’extrait de lecture (voir « Recueils et extraits ») qui, conformément à la tradition des excerpta et florilèges de citations, ne procède pas par résumés d’ouvrage et notes synthétiques de lecture, mais par prélèvements d’énoncés.

Les florilèges et recueils de citations, d’abord conçus comme instruments pour orner le discours ou nourrir une argumentation, orientent la lecture vers la pensée détachée qui conduit d’une lecture discontinue à une écriture discontinue16. La présence dans les Pensées, d’un nombre important de formules originales apparentées à la maxime17, telle qu’elle a été pratiquée par La Rochefoucauld18, relève d’une écriture différente de la sentence et du lieu commun, dont elle tire pourtant son origine :

Dans une nation qui est dans la servitude, on travaille plus à conserver qu’à acquérir ; dans une nation libre, on travaille plus à acquérir qu’à conserver (no 792).
Les nations libres sont des nations policées. Celles qui vivent dans la servitude sont des nations polies (no 784).

Les effets de parallélismes, le jeu sur les antonymes ou sur les paronymes, sur les inversions, relèvent d’un goût de la condensation et d’un art de la pointe, d’une esthétique de la surprise, qui seront théorisés dans l’Essai sur le goût19. Les Pensées, distinctes du répertoire de citations, constituent un espace d’essai de ces formules originales brillantes, isolées et susceptibles d’être utilisées dans un contexte discursif déterminé.

La formulation frappante, l’absence de liaisons attendues, la composition par juxtaposition effaçant les liens logiques, relèvent non seulement de la recherche d’un plaisir par curiosité, mais aussi d’une façon de créer les conditions de la poursuite de la réflexion dans des directions d’abord non perçues. Cette recherche intellectuelle stimulée par une esthétique de la suggestion est allusivement définie dans les Pensées :

Pour bien ecrire, il faut sauter les idées intermedieres, assez pour n’etre pas ennuieux pas trop de peur de n’etre pas entendu ce sont ces supressions heureuses qui ont fait dire a Mr Nicole que tous les bons livres etoient doubles (no 1970).

La remarque est un raccourci inspiré par un passage du Traité de la grâce générale, qui souligne que c’est dans la part d’implicite et de suggestion que réside la beauté des ouvrages. Ce qui suppose aussi la fécondité intellectuelle de ces « pensées indistinctes »20 excitées par une expression allusive et condensée.

Bacon usait déjà de la suppression de la liaison et de la mise en ordre, pour faire jouer la valeur heuristique de la suggestion21. La parenté de la « pensée » avec l’aphorisme manifeste une méthode de réflexion et de composition : Montesquieu ne s’astreint pas à un raisonnement construit méthodiquement à partir d’un projet préalable.

Démonstration et conversation

Si certains fragments des Pensées s’apparentent nettement à la maxime classique issue d’une pratique mondaine, qui joue sur l’esthétique du genre pour escamoter le raisonnement, la pensée et l’écriture de Montesquieu s’inscrivent néanmoins dans une tradition rhétorique de l’administration de la preuve, comme le soulignent les marques de renvois à des lectures, à des faits connus. Les Pensées s’éloignent aussi du caractère impersonnel et général de la maxime par l’importance de la subjectivité et de l’intersubjectivité.

La dimension subjective se signale par les verbes d’attitude propositionnelle (je suis persuadé que…, je crois que…, je dis que…, il me semble que…) qui expriment une prétention à la validité en soumettant la proposition à l’examen22.

Montesquieu s’adresse parfois à un lecteur virtuel, qu’il invite à accumuler et à vérifier des informations puis à les rapprocher, ou à juger de la validité d’un argument, d’une preuve. L’injonction « voyes » ou « remarqués » à la deuxième personne du pluriel introduit un lecteur impliqué, que l’on cherche à convaincre d’une opinion par le renvoi à un exemple contenu dans un ouvrage mentionné ou par l’évocation d’un fait connu :

Voyés comme le P. Alexandre revoque en doute les faits les plus constans de l’histoire françoise […] (no 190).
Voyés le même journal ou on paroit porté a croire que c’etoit une fourberie et voyés les raisons historiques qu’on en dit. […] Voyés l’histoire de Jacques Cœur […] (no 191).
Dans mon extrait des Ouvrages des scavans nov. 1690 p. 114 vous verres les horribles persecutions en Suede et decouvrires le génie de ces temps la et du regne de Charles magne (no 198).

Les formules déontiques il faut voir, il faudra voir, servent à dessiner un programme de travail :

Il faudra voir les eclaircissemens que l’on pourra tirer du traité de Borelli De motu animalium. Il y a un livre sur le vol des oiseaux in fol. il faut le voir (no 79).
L’eau pese moins que la terre a ce que je croy il faudra voir la dessus Hist. des ouvrag. des scav. fevri. 1692 […] (no 81).

Ces marques d’énonciation se mêlent à celles de fragments de textes qui ont été effectivement adressés, comme ce passage d’une réponse à une lettre de Jean-Jacques Bel sur les vrais inventeurs, recopié dans le premier volume des Pensées :

Vous me demandés pourquoi les Anglois qui ont beaucoup d’imagination inventent peu, et les Allemans qui ont peu d’imagination inventent beaucoup. […] Vous entendés bien que mille chimistes allemans qui manipuleront sans cesse […] (no 196).

Ces expressions engagent, au sein du recueil, un débat, selon le modèle de la conversation. Les Pensées ont pour fonction de garder la trace de tels échanges conversationnels, auxquels, en France et à l’étranger, Montesquieu a pris part, comme un entretien entre Fontenelle, Yorke et lui-même, au sujet de l’origine de l’idée de la pureté et de l’impureté des corps (no 1677). L’espace du recueil fait apparaître une forme d’échange régi par l’argumentation et les formes du débat rationnel. L’interlocuteur virtuel est une représentation convoquée comme point d’appui à l’administration de la preuve des opinions de l’énonciateur, mais aussi comme espace imaginaire commun, sinon public, dans lequel se construit le discours de l’auteur qui sera communiqué dans les ouvrages destinés à la publication.

Dans le recueil des Pensées, Montesquieu témoigne du souci de se ménager une zone de retrait pour se préparer à parler en auteur, essayer des formulations, accumuler des arguments, passer de la citation à la réflexion et de la pensée détachée à son insertion dans un ouvrage composé.

Projets, ébauches, matériaux de l’œuvre

L’enseignement des titres dans les Pensées

Montesquieu, dans son recueil, renvoie fréquemment à ses propres ouvrages. Il indique souvent en marge, le titre de l’écrit dans lequel a été repris le fragment en vis-à-vis :

J’ay mis cela dans mes Romains […]

(c’est-à-dire dans les Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence).

Mis dans les loix

(c’est-à-dire dans L’Esprit des lois).

Il signale aussi ce qui n’a finalement pas été utilisé dans ses œuvres :

Morceaux qui n’ont pü entrér dans mes Romains

(c’est-à-dire qui n’ont pas été utilisés dans les Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence).

L’étude de ces titres permet de reconstituer :

Ne sont pris ici en compte que les titres qui renvoient explicitement à des ouvrages achevés ou projetés, distingués de ceux qui figurent en tête de certains fragments pour en indiquer le thème. On peut distinguer par exemple :

Voir le tableau présentant les liens entre les œuvres de Montesquieu dont l’existence est attestée et les titres figurant dans les Pensées, avec leur localisation (numérotation Desgraves, utilisée dans notre transcription).

Des projets aux œuvres

Recueillir, mettre en attente, archiver

Montesquieu a assigné au recueil des Pensées deux fonctions principales :

Les deux premiers volumes remplissent ces deux fonctions :

Le troisième volume, écrit dans les dernières années de la vie de l’auteur, joue surtout un rôle de conservation :

Premier volume : Romains, Princes, Monarchie universelle, Loix et Goût

Dans le premier volume, entre 1726-1727 et 1734, Montesquieu accumule des matériaux pour différents ouvrages composés durant cette période, qui concernent en particulier les conditions de la puissance des États :
les Considérations sur les richesses de l’Espagne (env. 1727-1728),
les Réflexions sur la monarchie universelle en Europe (1734),
les Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence (1734)23.

Il rassemble déjà des éléments qui seront utilisés dans L’Esprit des lois.

Il poursuit des réflexions, parfois issues d’écrits antérieurs, qu’il envisage d’enrichir ou de transformer :
Le dossier sur les princes et la politique est un chantier ouvert avec l’opuscule De la politique et le fragment Des Princes (1725), dont Montesquieu consigne certaines formules dans ce premier volume. Ce dossier donne lieu à des projets d’ouvrage ou de recueil, Journal ou Journal espagnol, Bibliotheque ou Bibliotheque espagnole, Les Princes ou Le Prince ou Traité du Prince et Lettres de Kanti. Cette réflexion se concrétisera dans le manuscrit intitulé Réflexions sur le caractère de quelques princes et sur quelques événements de leur vie (env. 1731-1733), sans que ce dernier écrit rassemble toutes les pistes ouvertes par ces projets. Les Lettres de Xénocrate à Phèrés, sur le régent (apr. 1724), devaient trouver leur place dans la Bibliotheque (no 173). Si beaucoup de ces fragments concernent la figure du prince, l’intérêt pour l’Espagne, ses ambitions et ses faiblesses, rejoint ce qui s’exprime dans les Considérations sur les richesses de l’Espagne (env. 1727-1728) et les Réflexions sur la monarchie universelle en Europe (1734).

Le Traité sur les devoirs, lu en 1725 devant l’académie de Bordeaux, semble devoir se prolonger dans les Pensées morales ou sur la moralle, mais restera inachevé et ne donnera pas lieu à un texte différent de ce qui existe dans les Pensées et dans le compte rendu analytique paru dans la Bibliothèque françoise (mars 1726).

Dès la période d’écriture du premier volume, Montesquieu envisage plusieurs titres et contenus d’ouvrages pour une réflexion sur l’esthétique, qu’il s’agisse du beau et du plaisir, du goût, des ouvrages d’esprit et de la critique. Ce n’est que tardivement que ces matériaux accumulés avant les voyages et enrichis au retour par l’expérience italienne seront en partie utilisés dans l’Essai sur le goût publié dans l’Encyclopédie après la mort de son auteur mais rédigé probablement vers 1753-175524.

Les fragments du projet intitulé De la différence des génies ou des esprits (nos 113, 307, 348, 423), sur la causalité des comportements humains, initié avec une dissertation présentée à l’académie de Bordeaux le 25 août 1717, sont mis en attente, fondus ensuite dans l’Essai sur les causes qui peuvent affecter les esprits et les caractères (env. 1734-1736), lui aussi abandonné25. Des éléments seront archivés dans le troisième volume (nos 2034, 2035).

D’autres titres attestent du caractère précoce de réflexions qui aboutiront à des publications tardives : une première version du Dialogue de Xantippe et de Xénocrate, dans une séquence de 1727-1728 (no 356), sera en partie insérée dans le Lysimaque, lu en 1751 lors d’une séance de l’académie de Nancy et édité en 1754.

Certains projets restent inaboutis :
les Dialogues (no 330), d’inspiration mythologique, à la façon du Temple de Gnide, l’Histoire de la jalousie (nos 483, 1622, 1726), qui développait une réflexion présente dans les Lettres persanes, Le Temple de Gnide et l'Histoire véritable.

Le premier volume atteste donc de la profusion des intérêts et des projets de Montesquieu dans les années qui précèdent et suivent immédiatement ses voyages.

Deuxième volume : Liberté politique, Histoire de France et toujours les Loix

Dans le deuxième volume, dont la majeure partie des fragments a été écrite dans une période comprise entre 1734 et 1744 (voir « Histoire de la constitution du recueil »), le no 934 atteste d’un ouvrage en chantier sur la Liberté politique, dont les matériaux seront finalement insérés dans L’Esprit des lois (voir notes marginales des nos 884, 935, 940 et matériaux rejetés de L’Esprit des lois, nos 1785, 1906). Le même volume contient l’ébauche assez développée d’une Histoire de France, dont seuls demeurent les fragments contenus dans les Pensées (nos 1302, 1306). Montesquieu avait d’abord envisagé une « Histoire de Louis XIV » (no 1111 ; voir aussi no 1183). Le projet voit le jour entre 1735 et 1738 et les fragments en sont consignés par le secrétaire E dans les Pensées entre 1738 (après le no 1226) et 1739, dernière année d’intervention de ce secrétaire.

Le no 1532, transcrit en 1743, rassemble des matériaux pour une nouvelle édition des Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence.

On constate la place grandissante des remarques qui nourrissent L’Esprit des lois, ouvrage qui semble absorber toute l’énergie de son auteur.

Ce volume amorce, dans sa dernière partie, à partir de 1748, une tendance qui se confirmera dans le troisième : l’archivage de matériaux rejetés ou de matériaux pour des projets abandonnés prend le pas sur la consignation de remarques, d’échos de conversations ou encore de citations, qui avaient jusqu’alors alimenté les écrits en gestation. Les derniers articles sont les « Refflections sur les premier[e]s histoires » (nos 1601-1608), les « Fragmens de vieux materiaux des Lettres Persanes » (nos 1609-1619), les « Nouveaux fragmens d’une histoire de la jalousie » (no 1622), un fragment intitulé « Le prince » et destiné au roman Arsace et Isménie (no 1631).

Troisième volume : une fonction d’archivage

Après la publication de son œuvre maîtresse, Montesquieu, déjà âgé, ne semble plus concevoir de nouveaux projets, si l’on excepte sa Défense de l’Esprit des lois. Le troisième volume répond à un souci de conserver des matériaux accumulés qui n’ont pas trouvé place dans des ouvrages publiés. La table des matières placée au début du volume (no 1631bis), complétée en 1754-1755 par le secrétaire S, Fitz-Patrick, souligne bien cette fonction. L’auteur recueille des morceaux non utilisés du Lysimaque, des Romains, de L’Esprit des lois, de la Défense de l’Esprit des lois, d’Arsace et Isménie, des Lettres persanes et des matériaux de dissertations pour l’académie de Bordeaux. Il archive également des fragments de projets abandonnés depuis longtemps : Sur les prêtres dans le paganisme, De la différence des génies (ou des esprits), Histoire de la jalousie. Cette fonction de conservation des passages rejetés explique également la fréquence des renvois à ses extraits de lecture. Il place aussi dans le troisième volume des réflexions assez longues sur des sujets parfois abordés précédemment mais qui n’ont pas donné lieu à des dissertations ou ouvrages : sur le bonheur (nos 1662, 1675, 2010), sur la prédestination (no 1945), sur le paradoxe de Bayle (no 1946). Il continue à alimenter sa réflexion à partir de l’actualité, comme dans son appréciation de l’authenticité du Testament politique de Richelieu, question relancée par la parution d’une brochure de Voltaire fin 1749 (no 1962), ou à propos de l’initiative du ministre espagnol, le marquis de la Ensenada, concernant la circulation des piastres venues d’Amérique (no 1965). Mais on trouve aussi recopiés des éléments anciens : une lettre au baron de Stein de 1729 (no 2023), des propos entendus dans la période des voyages (nos 2123, 2134, 2135).

Ce troisième volume comporte, comme les précédents, des notes prises sur le vif mais, pour des raisons évidentes, la fonction de conservation s’y affirme beaucoup plus nettement.

Histoire de la constitution du recueil

Volume Numéros d’articles Période de transcription
I Nos 1-859 1726/1727-1734
II Nos 860-1631 1734-1750
III Nos 1631bis-2151 1749-1754/1755

Dater les premiers articles du recueil

Si, dès la fin de 1715, Montesquieu a commencé à consigner et à faire transcrire des informations et réflexions dans son Spicilège, à partir d’un ensemble de notes fournies par le père Desmolets, bibliothécaire de l’Oratoire à Paris26, la constitution du recueil des Pensées qui comprendra trois volumes, paraît initiée plus tardivement. Le premier éditeur du texte intégral, Henri Barckhausen, avançait prudemment que le premier volume des Pensées aurait été commencé après l’impression des Lettres Persanes, qui a eu lieu en 172127. Louis Desgraves proposait 172028 ; un élément important de cette datation est, à partir de l’article no 20 du recueil, l’écriture du secrétaire D (Bottereau-Duval), au service de Montesquieu à partir de 1721. D’autres repères chronologiques sont contenus dans des numéros écrits sur des pages suivantes : l’allusion à la mort d’Anne Dacier en 1720 (no 116) ; l’annonce, datée du 22 décembre 1722 (no 141), de la parution de la Fagonnade, satire concernant une taxe établie par Fagon ; la mention de la représentation de la tragédie d’Houdar de La Motte, Inès de Castro, à laquelle Montesquieu avait assisté, le 6 avril 1723 (no 143) ; un renvoi aux Lettres persanes parues en 1721 (no 207).

Le 7 mai 1727

Pensées, vol. I, p. 10, no 17.

Cependant, comme l’avait signalé Rolando Minuti dans son introduction au Spicilège, on a de sérieuses raisons de douter que le premier volume des Pensées ait vu le jour en 1720 et même en 172129. En effet, au no 17 du tome I des Pensées, figure une date, de la main de Montesquieu : « le 7 mai 1727 ».

Or, cet article no 17 précède les fragments contenant des allusions aux événements antérieurs à 1727. Entre la première page des Pensées et le no 17 portant cette date du 7 mai 1727 (p. 10), on trouve l’écriture de Montesquieu jusqu’au no 19 (p. 14). L’examen matériel du manuscrit ne plaide pas pour une intercalation postérieure du no 17 mais bien pour une remarque écrite dans la continuité des précédentes. Il est peu vraisemblable que Montesquieu ait rempli en six ou sept ans les dix premières pages du premier volume, entre 1720 ou 1721 et 1727, alors que les trois volumes du recueil contiennent 989 feuillets écrits, l’équivalent de 1977 pages30, et plus de 2000 fragments écrits ou recopiés, le tout au moins jusqu’en 1754. Parmi les premiers articles figurent, en outre, des remarques (no 7, 8, 9, 10 et 20) dans le prolongement de l’opuscule De la politique et du fragment Des princes (1725), rattachés initialement au Traité sur les devoirs, lu en 1725 devant l’académie de Bordeaux. Un terminus a quo fixé dans la période 1726-1727 qui suit le Traité sur les devoirs et qui correspond à la crise entre l’Espagne et l’Angleterre autour de la Compagnie d’Ostende (1726-1727), est donc plausible. C’est cette hypothèse que nous retenons pour cette édition.

Avant et pendant les voyages (1726/1727-mai 1731)

Du no 20 jusqu’au no 323 (p. 14-334), l’écriture de Bottereau-Duval, le secrétaire D, alterne avec celle de Montesquieu. Celui-ci n’a pas emporté le recueil des Pensées dans ses bagages lors de ses voyages en Europe (5 avril 1728-mai 1731), comme il l’a fait pour le Spicilège31. Jusqu’au no 323 des Pensées, dernier fragment écrit par Bottereau-Duval, les remarques autographes sont dans l’ensemble antérieures au départ de l’auteur, le 5 avril 1728, et celles de l’écriture D (Bottereau-Duval), qui peuvent avoir été recopiées en l’absence de Montesquieu, sont antérieures à son retour en 1731, date au-delà de laquelle le secrétaire a quitté son service. Cependant, Montesquieu a pu ajouter ou faire ajouter, après son périple européen, dans des espaces restés libres, certains développements. Le secrétaire E, qui travaille avec Montesquieu de 1734 à 1739, a écrit le no 103 et des corrections, additions et notes (nos 177, 211, 216, 224, 270). La mention, autographe, d’une mesure de l’Espagne contre le transport des piastres de Potosi à Buenos-Aires et valable jusqu’en 1730 (no 269), est postérieure au retour des voyages.

Du retour des voyages aux Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de
leur décadence (1731-1734)

L’article no 327 (p. 335), autographe, signale le retour de Montesquieu qui retrouve le volume des Pensées pour y noter :

Dans mon sejour en Italie je me suis extremement converti sur la musique italiene.

Cette remarque est la première d’une longue séquence autographe écrite au retour d’Angleterre, du no 327 au no 760 (p. 499), qui peut être située entre 1731 et 1734, avant l’intervention du secrétaire E. Parlant des Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence, Jean-Baptiste de Secondat signale que son père, de retour en France, « se retira pendant deux ans entiers dans la solitude de La Brède pour achever ce grand ouvrage »32, c’est-à-dire de 1731 à 1733, ce qui correspond à la période de transcription par l’auteur lui-même de cette séquence.

Le secrétaire E, qui écrit en alternance avec l’auteur dans la séquence nos 761-1341 (p. 499-f. 192v), est au service de Montesquieu de 1734 à 1739. Le no 782, autographe, fait mention du numéro de la Gazette d’Amsterdam du 12 février 1734.

Le volume I prend fin avec le no 859. Il a été pour l’essentiel écrit entre 1726-1727 et 1734. Les nos 1 à 323 ont été consignés dans leur majorité entre 1726-1727 et 1731 ; les nos 354 à 760 entre 1731 et 1734 ; la séquence nos 761-859 en 1734.

Entre la parution des Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur
décadence (1734) et celle de L’Esprit des lois (1748)

En effet, au début du volume suivant, le secrétaire E transcrit un article sur la création d’une compagnie portugaise : « cette année mars 1734 » (no 873). C’est donc 1734 qu’il faut retenir pour dater les premiers articles du deuxième volume. La mention de la pièce de Marivaux, La Mère confidente, représentée pour la première fois le 9 mai 1735, constitue un autre repère (no 950).

Janvier 1738

Pensées, vol. II, f. 96r, no 1225.

1er janvier 1738

Pensées, vol. II, f. 97r-99r, no 1226.

La date de janvier 1738 mentionnée au no 1225, qui concerne un projet de suppression des « appels comme d’abus », nous apporte peu d’informations car elle est écrite dans un article isolé, autographe, qui a pu être ajouté dans une séquence transcrite antérieurement.

Mais le long développement autographe (cinq pages) qui suit (no 1226 ; f. 97r-99r), dont les premières lignes sont écrites par le secrétaire E, qui fait allusion au même événement et à la même date, constitue un jalon dans la datation du volume.

Au no 1455, le secrétaire H (1741-1742) a écrit la date du 18 février 1742. Les articles nos 1462 à 1572 sont pour la plupart consignés de 1742 à 1744, car le dernier de cette séquence est transcrit par le secrétaire L (voir « Chronologie des articles »). Les nos 1573 à 1600 sont autographes, avant les derniers articles copiés par P et R, qui sont des chutes d’ouvrages achevés ou abandonnés (voir « Projets, ébauches, matériaux »). Montesquieu écrit donc sept articles en quatre ans, ce qui permet de conclure qu’à partir de 1744, dans les années qui précèdent la parution de L’Esprit des lois en 1748, il utilise très peu son recueil. Le secrétaire P (Damours) intervient massivement à la fin de ce deuxième volume à partir du no 1601 (il copie les « Fragmens de vieux matériaux des Lettres persanes », nos 1609-1619) et dans le troisième volume. C’est donc dans la période au cours de laquelle il travaille pour Montesquieu (1748-1750) qu’on situera le passage du deuxième au troisième volume. Le deuxième volume se termine sur l’intervention du secrétaire R (Saint-Marc), au service de Montesquieu entre 1751 et 1754 et qui y a transcrit trois articles (no 1541 ; no 1630-1631). Le premier de ces articles a manifestement été ajouté dans un espace resté libre avant un développement sur la critique transcrit par le secrétaire P qui signale par un appel (f. 244r) cette addition placée sur une page précédente (f. 243r). Le nombre de folios non utilisés à la fin du volume rend parfaitement vraisemblable également un ajout tardif des articles concernés sur des pages restées blanches (nos 1630-1631), alors que ce secrétaire n’intervient dans le troisième volume qu’à partir du no 1942. On peut donc faire l’hypothèse que la séquence des nos 860-1226 a été transcrite majoritairement entre 1734 et 1738 ; celle des nos 1227-1572, entre 1738 et 1744 (date de la fin des interventions du secrétaire L), celle des nos 1601-1629 entre 1748 et 1750 (intervention du secrétaire P). De là il ressort que Montesquieu a laissé le deuxième volume des Pensées en sommeil entre 1744 et 1748 et que, comme le suggérait déjà Louis Desgraves33, il a pu utiliser simultanément la fin du deuxième volume et le troisième. L’essentiel du deuxième volume est donc constitué entre 1734 et 1744.

Après L’Esprit des lois (1749-1754/1755)

Le troisième volume qui conserve des fragments non utilisés de L’Esprit des lois et d’autres ouvrages parus ou abandonnés n’a pas dû être initié avant 1749, après la parution de l’œuvre maîtresse de l’auteur, comme le montre le millésime transcrit à l’article no 1636, qui apparaît également aux nos 1645, 1649, 1962, 1965, 1967 (écriture P, 1748-1750). La date de 1750 se trouve dans des articles copiés par le secrétaire Q (no 1885 ; no 2090). Les nos 2005 à 2008 sont postérieurs aux premiers jours de février 1750 qui voient paraître la Défense de l’Esprit des lois34. Montesquieu mentionne l’année 1753 au no 2158 (autographe) et se prépare à la réception de Buffon à l’Académie française (no 2165), qui aura lieu le 25 août de la même année.

Comme le soulignent la table des matières (no 1631bis), le titre ou les premiers mots, souvent autographes, d’un développement transcrit ensuite par un secrétaire, et le nombre de folios non utilisés (41 %)35, Montesquieu semble établir un programme de travail pour celui qui recopie ses notes. Il lui confie un ou des ensembles déterminés, à placer dans des sections qui ne se succèdent pas nécessairement par ordre chronologique dans le recueil. Ce troisième volume est donc constitué entre 1749 et 1754 (au plus tard janvier 1755, date de la maladie qui emportera Montesquieu le mois suivant), sans qu’on puisse apporter d’autres précisions que celles données par certaines dates et par les périodes d’intervention des secrétaires (P, Q, R, S et V) qui ont été au service de l’auteur de 1748 à 1755.

Les traces de l’expérience viatique

La constitution du recueil des Pensées qui comprendra trois volumes est initiée vers 1726-1727 selon notre hypothèse (voir : « Histoire de la constitution du recueil »). Lorsque Montesquieu quitte la France le 5 avril 1728 pour Vienne36, il n’emporte pas dans ses bagages, comme il l’a fait pour le Spicilège37, le premier volume des Pensées. Pendant son périple en Europe (5 avril 1728-mai 1731), le cahier peut avoir été augmenté de notes recopiées par son secrétaire et conçues avant son départ, mais pas d’impressions transcrites sur le vif, au contact de l’expérience à l’étranger.

Jusqu’au no 323 des Pensées, dernier fragment écrit par Bottereau-Duval, les remarques autographes sont donc antérieures à la période des voyages, si l’on excepte les nos 103, 269 et des corrections, additions et notes ajoutées de la main E, c’est-à-dire du secrétaire qui travaille avec Montesquieu de 1734 à 1739. Les remarques de l’écriture D (Bottereau-Duval), qui peuvent avoir été recopiées en l’absence de Montesquieu, sont également antérieures à son départ, sinon pour la transcription, au moins pour l’énonciation et la décision de consigner dans le recueil. La reprise de l’écriture autographe au no 327, associée au contenu du fragment, signale le retour de Montesquieu qui retrouve le volume des Pensées pour y noter :

Dans mon sejour en Italie je me suis extremement converti sur la musique italiene.

Cette remarque est la première d’une longue séquence autographe écrite au retour d’Angleterre, du no 327 au no 760. Cette séquence peut être située entre 1731 et 173438, car l’écriture autographe précède l’intervention du secrétaire E, au service de Montesquieu à partir de 1734. Sur 433 numéros, 33 mentionnent de façon plus ou moins directe les voyages. Ces remarques concernent :

Au même moment, Montesquieu consigne des remarques sur les princes qui font écho aux Réflexions sur le caractère de quelques princes et sur quelques événements de leur vie39, et qui semblent rentrer dans un projet de recueil de notes ou d’ouvrage, désigné par plusieurs titres : Princes (nos 540, 610, 640) ou Prince (no 628), Bibliothèque espagnole (no 524), Bibliothèque (no 173), Journal (nos 140, 162, 194, 318, 478), Journal espagnol (no 472). On trouve aussi, dans cette séquence, des fragments qui sont des étapes dans la constitution d’une dissertation et d’un ouvrage, ensuite abandonnés : Réflexions sur les habitants de Rome, ouvrage sur l’air de la campagne de Rome40. Il rassemble aussi les rejets d’une Histoire de la jalousie, ou Réflexions sur la jalousie (nos 483-509, 719, 757), qui est une ébauche d’étude comparative des mœurs et des lois relatives au mariage et aux relations entre les sexes. Si une réflexion sur les questions esthétiques précède les voyages, avec un projet d’« ouvrage sur le goût et les ouvrages d’Esprit » (nos 108, 111-116, sur les Anciens, le sublime, Homère et la Querelle), Montesquieu paraît avoir réorienté sa perspective. Comme l’a signalé Annie Becq dans son introduction à l’Essai sur le goût41, il a entreposé, à son retour, dans les Pensées, des notes probablement prises au cours des voyages (nos 398-407), qui traduisent un élargissement du point de vue, du domaine littéraire à celui des arts en général. Le Spicilège enregistrait les conversations de Montesquieu avec Jacob42, comme le rappellent les Pensées (no 397). Celles-ci contiennent les « observations que [Montesquieu a] faites depuis » (ibid.). La fonction qu’il assigne à ces remarques sur la peinture, la sculpture, l’architecture, est fluctuante. Il affirme d’abord qu’elles « n’ont pu entrer dans [s]es divers ouvrages » (ibid.). Puis il notera postérieurement, en marge du no 399 :

J’ay employe ceci dans mon ouvrage sur les plaisirs le beau43.

Les voyages ont élargi la réflexion esthétique, tandis que Montesquieu hésite sur la forme à lui donner, comme le soulignent ces titres modifiés, abandonnés : « sur le goût… les plaisirs… le beau ».

À partir de 1734, sans doute parce qu’il est absorbé par plusieurs projets, celui de l’Essai sur les causes qui peuvent affecter les esprits et les caractères, où figurent précisément nombre de remarques inspirées par les voyages44, celui sur la « Liberté politique »45, sur une « Histoire de France »46, par la préparation d’une nouvelle édition des Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence47, et surtout par le recueil de matériaux qui serviront à son ouvrage sur les lois, le nombre de mentions des voyages diminue : une vingtaine environ jusqu’en 174448, c’est-à-dire avant L’Esprit des lois.

Montesquieu, comme on l’a déjà souligné, note les propos et bons mots de ses interlocuteurs, comme les siens, tenus au cours de conversations49. Cet enregistrement écrit de formules orales semble être devenu une habitude, peut-être acquise pendant les voyages, si l’on en juge par ce qu’il recueille dans les Pensées. Entre 1734 et 1739, il rapporte au début du deuxième volume, une conversation à Milan, chez le prince Trivulce, à propos de l’architecture française (no 882) ; plus loin, un propos du vieux Law, rencontré à Venise (no 1017) ; une formule latine d’Hildebrand Jacob désignant les castrats (no 1141). Il a noté ses propres paroles, et il mentionne le lieu de leur énonciation : à Florence, à propos de la simplicité des principaux de la Ville (no 997), à Rome, à propos du fait qu’il n’achète ni pucelages, ni tableaux de Raphaël (no 1138) ; de façon moins précise, « en Italie », concernant l’avarice et la prodigalité des Français (no 1164), en Angleterre, à propos des écrits de Townsend, Walpole et Bolingbroke, qui lui inspirèrent une réflexion sur la faiblesse des rois qui disputent (no 1132). Il rassemble au no 1003, des preuves de son esprit en rapportant des propos spirituels tenus à Vienne, à Turin, en Angleterre.

Sur l’ensemble du recueil qui totalise 81 remarques comportant les propos rapportés d’un tiers, on n’en trouve aucune antérieure aux voyages. Sur 197 fragments rapportant les propos de Montesquieu lui-même50, on en trouve un seul consigné avant son départ en 1728 (no 275). Ce déséquilibre vient renforcer l’hypothèse selon laquelle le recueil a été commencé plus tardivement qu’on ne l’affirmait jusque-là. Il suggère aussi que les voyages ont pu contribuer à renforcer le poids de la source orale transcrite, caractéristique de l’ensemble des Pensées.

Montesquieu s’appuie, par ailleurs, sur des observations faites lors de ses voyages pour illustrer, confirmer ou infirmer des hypothèses examinées précédemment. C’est le cas de l’expérience de Van Helmont (no 820), mentionnée dans la partie du Spicilège remise à Montesquieu par le père Desmolets (no 40), et dont la validité est examinée par Montesquieu à la lumière de ce qu’il a vu à l’étranger : une petite montagne dans le Tyrol, qui forme deux rivières, une machine faite par Bonneval, examinée à Venise, qui fait baisser le lit des rivières ; des ruisseaux vus en Romagne qui s’enflent avec les pluies, des neiges éternelles contemplées dans un village bavarois. En comparant ce développement contenu dans les Pensées, avec les passages des voyages qui concernent les faits observés, on perçoit les fonctions respectives que Montesquieu assigne à ses différents écrits qui ne sont pas destinés à la publication : les notes de voyages enregistrent les faits observés ; le recueil des Pensées les utilise comme matériaux pour nourrir une réflexion, confirmer ou infirmer une hypothèse, et les conserver dans l’éventualité d’une utilisation ultérieure. Ainsi, la fin du développement sur l’expérience de Van Helmont affirme nettement cette dimension réflexive et argumentative des Pensées. Les faits y sont rapportés pour trouver une vérité sur un phénomène naturel :

Je ne dirois rien pour deffendre cet ecrit : je ne suis point passionné pour les opinions exceptés celles qui sont dans les livres d’Euclide je ne suis pas plus porté a me battre pour mon ouvrage que pour celui de toute autre : si ce que je dis est vray il apartient a tout le monde, car la verité est le bien de tous : s’il est faux je ne veux pas le deffendre […] (no 820bis).

On pourrait faire la même remarque à propos du miracle de Saint-Janvier, évoqué dans les notes consacrées au séjour à Naples. Montesquieu y revient dans les Pensées (no 836), mais les observations faites en Italie à ce propos, insérées dans son recueil, acquièrent un statut d’exemple dans un développement théorique qui reprend une réflexion bien antérieure. C’est en effet pour discuter les thèses de Van Dale, l’auteur du De Oraculis Ethnicorum51, sur l’imposture des prêtres, et de façon plus générale pour réfuter un argument classique utilisé par les déistes pour discréditer les miracles, que Montesquieu invoque l’exemple napolitain comme phénomène rationnellement explicable mais interprété de bonne foi comme miracle par les prêtres. Montesquieu s’est intéressé à cette question beaucoup plus tôt en particulier au contact de Fréret. Un fragment du Spicilège consacré à la pythonisse de Saül (no 421) en témoigne, passage commenté par Lorenzo Bianchi à propos des relations entre Montesquieu et Fréret52. Ce passage du Spicilège affirmait la « friponnerie » de la pythonisse et l’existence d’une mise en scène faisant croire à l’apparition de l’ombre de Samuel. L’observation faite à Naples apporte au débat théorique une inflexion notable, tout en s’inscrivant dans une réflexion bien antérieure et d’abord initiée dans un contexte érudit.

La trace de l’expérience viatique se laisse aussi percevoir dans des annotations que Montesquieu a ajoutées aux remarques consignées avant son départ. Il revient sur certaines réflexions, les étaye ou les nuance à la lumière de ce qu’il a constaté ou appris pendant ses voyages :

En marge du no 16 consacré à la « génération », Montesquieu note un exemple qui infirme l’idée formulée avant les voyages, selon laquelle les mulets n'engendrent point, en s’appuyant sur ce qu’il a appris de Clélia del Grillo rencontrée en septembre 1728 :

La contesse Borromée a eu une mule qui a engendré.

Il ajoute à une remarque sur le bonheur, rédigée avant son départ, cette observation :

J'ay vu les galeres de Livourne et de Venise je n'y ay pas vu un seul home triste (no 31).

Il s’était intéressé au phénomène géologique des fontaines de Modène à la suite de la lecture d’un article du Journal des Savants et suggérait alors des explications au phénomène. Il ajoute ensuite, après son retour, en renvoyant à ses notes de voyages :

Non le terrain s'est affaisse voyez mon itineraire sur Viterbe ou aupr[ès] (no 44) 53
.

Dans un célèbre fragment autobiographique (no 213), il évoque son caractère, ses goûts, son attachement à la patrie et au bien commun. Il ajoutera en marge :

Quand j’ay voyage dans les pais etrangers je m’y suis attaché come au mien propre j’ay pris part a leur fortune et j’aurois souhaité qu’ils fussent dans un estat florissant.

Les mentions des voyages disparaissent presque entièrement du deuxième volume à partir de la longue séquence sur l’histoire de France (nos 1302-1306). Elles se limitent à une allusion aux ambitions diplomatiques de Montesquieu à son retour (no 1466), à une réflexion sur les mœurs des Anglais (no 1531). On trouve là une preuve supplémentaire de la mise en sommeil de certaines préoccupations de Montesquieu, dans la période de rédaction de L’Esprit des lois, entre 1739 et 1747.

De 1748 à 1754, période pendant laquelle se succèdent les secrétaires qui interviennent dans le troisième volume (P, Q, R, S et V), seize fragments évoquent les voyages. Dans ce troisième volume reviennent des mentions précises du séjour à l’étranger, mais qui ne nous disent plus rien concernant l’influence de cette expérience sur l’élaboration de la pensée et de l’œuvre de Montesquieu. Ce volume confirme en effet une pratique qui s’est amorcée lors de la constitution du deuxième : Montesquieu semble établir, par le titre ou les premiers mots d’un développement qu’il écrit lui-même, un programme de travail pour son secrétaire qui recopie des notes antérieurement écrites. La notation de l’auteur, réflexion prise sur le vif, disparaît au profit d’un stockage de matériaux, notes et chutes d’œuvres ou de développements divers, comme le souligne la table des matières contenue au début de ce dernier volume (no 1631bis). Les échos de conversations, en particulier, sont le fruit d’un recopiage de fragments anciens : propos de Montesquieu, du comte Kinski et du prince Eugène à Vienne (nos 2123, 2134, 2135), du cardinal Polignac, probablement à Rome (no 2149).

On y trouve aussi : une lettre écrite pendant les voyages et recopiée ici : au baron de Stein, écrite d’Amsterdam, le 20 octobre 1729 (no 2023) ; des reprises de remarques contenues dans les notes de voyage : sur 50 000 hommes misérables qui vivent dans la ville de Naples (no 1816) ; la formulation différente de la pensée no 381 sur la mesure des distances à propos des lieues de Bohême (no 1163). Les allusions à cette période de sa vie sont insérées dans des écrits postérieurs qui signalent eux-mêmes les voyages comme des épisodes passés : deux projets de préfaces d’ouvrages, l’une adressée à un personnage rencontré à Vienne (no 1820), l’autre au roi d’Angleterre (no 2015) ; une lettre de 1749 adressée au duc de Nivernais, dans laquelle Montesquieu évoque des œuvres et monuments contemplés en Italie, à l’occasion d’un compliment qu’il fait à son correspondant sur une « petite relation des beautés de Rome » (no 2037). L’auteur fait recopier des observations faites sans doute bien antérieurement : sur la froideur des Anglais qui reçoivent chez eux ceux qu’ils ont connus en France (no 2121), sur le caractère insociable des Vénitiens (no 2141), sur la facilité des femmes de certains lieues d’Italie (no 2145). Au crépuscule de sa vie, il se souvient d’une tragédie « détestable » entendue à Rome (no 2153), du caractère d’un disparu, son protecteur en Angleterre, le duc de Montaigu (no 2206).

Le bilan des traces de l’expérience viatique dans les trois volumes du recueil des Pensées nous éclaire à la fois sur le rôle joué par les voyages mais aussi sur celui de ce recueil dans la pensée et l’œuvre de Montesquieu. Initiées en complément au Spicilège, qui glane des informations, les Pensées sont un support à la réflexion et un réservoir d’idées pour des ouvrages en cours. Après les voyages, on constate l’ouverture de grands chantiers intellectuels qui, au milieu de projets avortés et d’ouvrages fantômes, aboutiront à la rédaction de l’Essai sur les causes qui peuvent affecter les esprits et les caractères, des Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence, et plus tard de L’Esprit des lois et de l’Essai sur le goût. Le recueil des Pensées témoigne des étapes de ce long travail de maturation : Montesquieu nourrit la réflexion de ces nouveaux apports vivants et concrets que sont les souvenirs de voyage. Suivra ensuite une mise en sommeil relative de l’expérience viatique pendant la rédaction de L’Esprit des lois. Ensuite, dans ses dernières années, Montesquieu semble avoir assigné à son recueil une fonction de conservation d’ébauches et de notes.

L’expérience du voyage semble plutôt avoir servi d’appui à des intérêts déjà perceptibles avant le départ de Montesquieu qu’elle n’a suscité des directions d’investigation entièrement nouvelles. Avant et après le voyage, l’auteur s’intéresse aux sciences de la vie et de la terre, aux débats théologiques et métaphysiques agités dans les milieux intellectuels du temps, à la littérature et à la critique, à l’économie, à la politique, aux mœurs comparées, à l’histoire. C’est sans doute dans le domaine de la réflexion esthétique, avec la découverte de l’art italien, que le voyage a eu le plus d’influence sur ses idées. Sur les autres sujets, sa formation érudite et une approche livresque de la réflexion, à partir des ouvrages et des périodiques consultés, qui marquent les remarques précédant son départ, sont enrichies par les observations faites à l’étranger. Les références et les citations savantes laisseront alors volontiers la place aux propos d’interlocuteurs, aux échos de conversations, à l’évocation de rencontres marquantes, à des phénomènes naturels ou des traits de mœurs remarqués dans les pays traversés. Pour autant, l’examen des traces de l’expérience viatique dans les Pensées nous amène à estimer que Montesquieu semble plutôt avoir utilisé les voyages comme matériaux dans l’élaboration de sa réflexion, que comme une expérience décisive qui aurait changé le cours de ses idées.

Bibliographie des études concernant les Pensées

Traductions


1.Voir Philippe Ariès, Le Temps de l’Histoire, Paris, Seuil, 1986, p. 174-177.
2.Voir les travaux d’Ann Blair sur Bodin et les recueils de lieux communs : « Bibliothèques portables : les recueils de lieux communs dans la Renaissance tardive », dans Le Pouvoir des bibliothèques : la mémoire des livres en Occident, M. Baratin et C. Jacob (dir.), Paris, A. Michel, 1996 ; Ann Moss, Les Recueils de lieux communs : méthode pour apprendre à penser à la Renaissance, P. Eichel-Lojkine et al. (trad. fr.), Genève, Droz, 2002 [1re éd. : Printed Commonplace-Books and the Structuring of Renaissance Thought, Oxford, Clarendon Press, 1996] ; Lire, copier, écrire : les bibliothèques manuscrites et leurs usages au XVIIIe siècle, É. Décultot (dir.), Paris, CNRS Éditions, 2003.
3.OC, t. 16.
4.Voir Louis Desgraves, « Les extraits de lecture de Montesquieu », Dix-huitième siècle, no 25, 1993, p. 483-491 ; Catherine Volpilhac-Auger, « L’ombre d’une bibliothèque : les cahiers d’extraits de Montesquieu », dans Lire, copier, écrire…, p. 79-90 ; Catherine Volpilhac-Auger, « Extraits et notes de lecture », Dictionnaire électronique Montesquieu.
[En ligne à l’adresse suivante : http://dictionnaire-montesquieu.ens-lyon.fr/index.php?id=198].
5.Catherine Volpilhac-Auger, « L’étoile et le papillon ou des notes de lecture aux Pensées de Montesquieu », RM, no 7, 2003-2004, p. 9-23.
[en ligne à l’adresse suivante : http://montesquieu.ens-lyon.fr/spip.php?article412].
6.Catherine Volpilhac-Auger, « L’atelier de Montesquieu. Manuscrits inédits de La Brède », CM, no 7, 2001, p. 17.
7.Sur une étude détaillée de ces marqueurs, voir Carole Dornier, « La mise en archives de la réflexion dans les Pensées », RM, no 7, 2003-2004, p. 33-34.
[en ligne à l’adresse suivante : http://montesquieu.ens-lsh.fr/spip.php?article413].
8.Ibid., p. 27-36.
9.Catherine Volpilhac-Auger, « L’atelier de Montesquieu. Manuscrits inédits de La Brède », CM, no 7, 2001, p. 17-19.
10.Voir Carole Dornier, « Montesquieu et la tradition des recueils de lieux communs », Revue d’histoire littéraire de la France, no 4, 2008, p. 809-820.
[en ligne à l’adresse suivante : http://www.cairn.info/revue-d-histoire-litteraire-de-la-france-2008-4-p-809.htm].
11.Bernard Lamy, Entretiens sur les sciences, F. Girbal et P. Clair (éd.), Paris, PUF, 1966 [1re éd. Grenoble, 1684 ; Catalogue no 1449].
12.Carole Dornier, « Montesquieu et la tradition des recueils de lieux communs », Revue d’histoire littéraire de la France, no 4, 2008, p. 809-820 [en ligne à l’adresse suivante : http://www.cairn.info/revue-d-histoire-litteraire-de-la-france-2008-4-p-809.htm], p. 818.
13.Introduction à : Montesquieu, Pensées, Le Spicilège, Paris, Robert Laffont, 1991, p. 77-80.
14.Compte tenu de la fonction d’archivage du troisième volume, les Réflexions dans lesquelles devaient s’insérer des matériaux de L’Esprit des lois, d’après le catalogue des manuscrits envoyés en Angleterre, sont vraisemblablement le recueil des Pensées (Masson, t. III, p. 1577-1578).
15.Sur cet aspect du recueil, voir Carole Dornier, « Les Pensées de Montesquieu comme espace de constitution de l’auteur », Studi francesi, no 161, 2010, p. 304-314.
16.Jean Lafond, « Des formes brèves de la littérature morale aux XVIe et XVIIe siècles », dans Les Formes brèves de la prose et le discours discontinu (XVIe-XVIIe siècles), J. Lafond (éd.), Paris, Vrin, 1984, p. 104-105.
17.Voir Carole Dornier, « Les Pensées de Montesquieu et la tradition des formes brèves », dans Poétique de la pensée, mélanges offerts à Jean Dagen et réunis par B. Guion et al., Paris, Champion, 2006, p. 363-377.
18.Sur Montesquieu et l’art de la maxime, voir Corrado Rosso, Montesquieu moraliste : des lois au bonheur, M. Regaldo (trad. fr.), Bordeaux, Ducros, 1971, p. 66 ; voir aussi p. 33-43, sur la suggestion [1re éd. : Montesquieu moralista : dalle leggi al « bonheur », Pise, Libreria Goliardica, 1965].
19.Voir Carole Dornier, « Esthétique de l’écriture et économie de la pensée chez Montesquieu », dans Du goût à l’esthétique : Montesquieu, J. Ehrard et C. Volpilhac-Auger (dir.), Pessac, Presses universitaires de Bordeaux, 2007, p. 107-123.
20.Voir Pierre Nicole, Traité de la grâce générale, s. l., 1715, t. I, p. 96.
21.Voir Bertrand Binoche, Introduction à L’Esprit des lois de Montesquieu, Paris, PUF, 1998, p. 17-22.
22.Voir Carole Dornier, « La mise en archives de la réflexion dans les Pensées », RM, no 7, 2003-2004, p. 25-39.
23.Selon son fils, Montesquieu, de retour en France, « se retira pendant deux ans entiers dans la solitude de La Brède pour achever ce grand ouvrage », c’est-à-dire de 1731 à 1733 (ibid., p. 253).
24.Voir l’introduction d’Annie Becq à son édition de l’Essai sur le goût, OC, t. 9, p. 465-471.
25.Voir Catherine Volpilhac-Auger, « La dissertation Sur la différence des génies, essai de reconstitution », RM, no 4, 2000, p. 226-237 [en ligne à l’adresse suivante : http://montesquieu.ens-lyon.fr/IMG/pdf/RM04_Volpilhac_226-237.pdf] ; introduction de Guillaume Barrera à l’Essai sur les causes qui peuvent affecter les esprits et les caractères, OC, t. 9, p. 207-208.
26.Rolando Minuti, « Spicilège », Dictionnaire électronique Montesquieu.
[En ligne à l’adresse suivante : http://dictionnaire-montesquieu.ens-lyon.fr/index.php?id=422].
27.Montesquieu, Pensées et fragments inédits de Montesquieu, Bordeaux, G. Gounouilhou, 1899, t. I, préface, p. XIII.
28.Masson, t. II, p. XLVIII ; Montesquieu, Pensées, Spicilège, Paris, R. Laffont, 1991, introduction de L. Desgraves, p. 69.
29.Spicilège, p. 35-36.
30.Voir « Description » du manuscrit.
31.Rolando Minuti, « Spicilège », Dictionnaire électronique Montesquieu.
[En ligne à l’adresse suivante : http://dictionnaire-montesquieu.ens-lyon.fr/index.php?id=422].
32.Jean-Baptiste de Secondat de Montesquieu, « Mémoire pour servir à l’histoire de M. de Montesquieu par M. de Secondat, son fils » (1755), dans Montesquieu. Mémoire de la critique, C. Volpilhac-Auger (éd.), Paris, Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 2003, p. 253.
33.Masson, t. II, p. L.
34.DEL, p. 121.
35.Voir « Description » du manuscrit.
36.Cette date et les circonstances du départ ont été données par le fils de l’auteur, Jean-Baptiste de Secondat de Montesquieu (« Mémoire pour servir à l’histoire de M. de Montesquieu par M. de Secondat, son fils » (1755), dans Montesquieu. Mémoire de la critique, C. Volpilhac-Auger (éd.), Paris, Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 2003, p. 251-252).
37.Rolando Minuti, « Spicilège », Dictionnaire électronique Montesquieu.
[En ligne à l’adresse suivante : http://dictionnaire-montesquieu.ens-lyon.fr/index.php?id=422].
38.Cette période correspond aux deux années de retraite à La Brède, passées à la préparation des Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence : voir ci-dessus, note 23.
39.OC, t. 9, p. 43-65.
40.Ibid., p. 77-82.
41.Ibid., p. 467-468.
42.Spicilège, no 461.
43.Les additions apparaissent en bleu dans cette édition (voir « La transcription et les choix éditoriaux »).
44.OC, t. 9, p. 208-209.
45.Nos 751, 884, 907-908, 918, 934-935.
46.Nos 1302-1306.
47.Nos 1478-1480, 1532.
48.Nos 762, 763, 820, 882, 836, 891, 940, 997, 1003, 1017, 1132, 1138, 1141, 1161, 1163, 1164, 1183, 1466, 1531, 1546.
49.Carole Dornier, « La mise en archives de la réflexion dans les Pensées », RM, no 7, 2003-2004, p. 32-34.
50.Voir ibid., p. 33.
51.Antoine Van Dale, De Oraculis Ethnicorum, Amsterdam, H. et T. Boom, 1683 ; Catalogue, no 2333. L’ouvrage a inspiré l’Histoire des oracles de Fontenelle.
52.Lorenzo Bianchi, « Montesquieu et Fréret : quelques notes », Corpus, no 29, 1995, p. 114-124.
53.Cf. Voyages, p. 240-241.